Ordonnance du Roy portant déclaration de guerre contre le Roy dAngleterre. Du 9 Juin 1756.- A Rouen, de limprimerie de Richard Lallemant, Imprimeur ordinaire du Roy, près la Rougemare, 1756.- 7 p. ; 26 cm. Saisie du texte et relecture: O. Bogros pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux deLisieux (10.II.2004) Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (BmLx : Doc Of 3). ORDONNANCE DU ROY, Portant déclaration de guerre contre le Roy dAngleterre. Du 9 Juin 1756. DE PAR LE ROY. TOUTE lEurope sçait que le Roi dAngleterre a été en 1754 lagresseur des possessions du Roi dans lAmérique septentrionale, & quau mois de Juin de lannée dernière, la Marine angloise, au mépris du droit des gens & de la foi des Traités, a commencé à exercer contre les Vaisseaux de Sa Majesté, & contre la navigation & le commerce de ses sujets, les hostilités les plus violentes. Le Roi justement offensé de cette infidélité, & de linsulte faite à son Pavillon, na suspendu pendant huit mois les effets de son ressentiment, & ce quil devoit à la dignité de sa Couronne, que par crainte dexposer lEurope aux malheurs dune nouvelle guerre. Cest dans une vûe si salutaire que la France na dabord opposé aux procédés injurieux de lAngleterre, que la conduite la plus modérée. Tandis que la Marine Angloise enlevoit par les violences les plus odieuses, & quelquefois par les plus lâches artifices, les Vaisseaux françois qui navigeoient avec confiance sous la sauvegarde de la foi publique, Sa Majesté renvoyoit en Angleterre une frégate dont la Marine françoise sétoit emparée, & les Bâtimens anglois continuoient tranquillement leur commerce dans les Ports de France. Tandis quon traitoit avec la plus grande dureté dans les Isles Britanniques les Soldats & les Matelots françois, & quon franchissoit à leur égard les bornes que la loi naturelle & lhumanité ont prescrites aux droits mêmes les plus rigoureux de la guerre, les Anglois voyageoient & habitoient librement en France sous la protection des égards que les Peuples civilisés se doivent réciproquement. Tandis que les Ministres Anglois, sous lapparence de la bonne foi, en imposoient à lAmbassadeur du Roi par des fausses protestations, on exécutoit déjà dans toutes les parties de lAmérique septentrionale, des ordres directement contraires aux assurances trompeuses quils donnoient dune prochaine conciliation. Tandis que la Cour de Londres épuisoit lart de lintrigue & les subsides de lAngleterre pour soûlever les autres Puissances contre la Cour de France, le Roi ne leur demandoit pas même les secours que des Garanties ou des Traités défensifs, lautorisoient à exiger, & ne leur conseilloit que des mesures convenables à leur repos & à leur sûreté. Telle a été la conduite des deux Nations. Le contraste frappant de leurs procédés doit convaincre toute lEurope des vûes de jalousie, dambition & de cupidité qui animent lune, & des principes dhonneur, de justice & de modération sur lesquels lautre se conduit. Le Roi avoit espéré que le Roi dAngleterre ne consultant enfin que les règles de léquité, & les intérêts de sa propre gloire, desavoueroit les excès scandaleux ausquels ses Officiers de mer ne cessoient de se porter. Sa Majesté lui en avoit même fourni un moyen aussi juste que décent, en lui demandant la restitution prompte & entière des Vaisseaux françois pris par la Marine angloise, & lui avoit offert sous cette condition préliminaire dentrer en négociation sur les autres satisfactions quElle avoit droit dattendre, & de se prêter à une conciliation amiable sur les différends qui concernent lAmérique. Le Roi dAngleterre ayant rejetté cette proposition, le Roy ne vit dans ce refus que la Déclaration de guerre la plus authentique, ainsi que sa Majesté lavoit annoncé dans sa Réquisition. La Cour Britannique pouvoit donc se dispenser de remplir une formalité devenue inutile ; un motif plus essentiel auroit dû lengager à ne pas soûmettre au jugement de lEurope les prétendus griefs que le Roi dAngleterre a allégués contre la France, dans la Déclaration de guerre quil a fait publier à Londres. Les imputations vagues que cet écrit renferme, nont en effet aucune réalité dans le fond, & la manière dont elle sont exposées, en prouveroit seule la foiblesse, si leur fausseté navoit déjà été solidement démontrée dans le Mémoire que le Roi a fait remettre à toutes les Cours, & qui contient le précis des Faits avec les preuves justificatives qui ont rapport à la présente guerre & aux négociations qui lont précédée. Il y a cependant un fait important dont il na point été parlé dans ce Mémoire, parce quil nétoit pas possible de prévoir que lAngleterre porteroit aussi loin quElle vient de le faire, son peu de délicatesse sur le choix des moyens de faire illusion. Il sagit des ouvrages construits à Dunkerque, & des troupes que le Roi a fait assembler sur ses côtes de lOcéan. Qui ne croiroit, à entendre le Roi dAngleterre dans sa Déclaration de guerre, que ces deux objets ont déterminé lordre quil a donné de se saisir en mer des Vaisseaux appartenans au Roi et à ses sujets ? Cependant personne nignore quon a commencé de travailler à Dunkerque, quaprès la prise de deux Vaisseaux de Sa Majesté, attaqués en pleine paix par une escadre de treize Vaisseaux anglois. Il est également connu de tout le monde que la Marine angloise semparoit, depuis plus de six mois, des Bâtimens françois, lorsquà la fin février dernier, les premiers bataillons que le Roi a fait passer sur ses côtes maritimes, se sont mis en marche. Si le Roi dAngleterre réfléchit jamais sur linfidélité des rapports qui lui ont été faits à ces deux égards, pardonnera-t-il à ceux qui lont engagé à avancer des faits dont la supposition ne peut pas même être colorées par les apparences les moins spécieuses ? Ce que le Roi se doit à lui-même, & ce quil doit à ses sujets, la enfin obligé de repousser la force par la force : mais constamment fidèle à ses sentimens naturels de justice & de modération, Sa Majesté na dirigé ses opérations militaires que contre le Roi dAngleterre son agresseur ; & toutes ses négociations politiques nont eu pour objet que de justifier la confiance que les autres Nations de lEurope ont dans son amitié & dans la droiture de ses intentions. Il seroit inutile dentrer dans un détail plus étendu des motifs qui ont forcé le Roi à envoyer un corps de ses troupes dans lIsle Minorque, & qui obligent aujourdhui Sa Majesté à déclarer la guerre au Roi dAngleterre, comme Elle la lui déclare, par mer & par terre. En agissant par des principes si dignes de déterminer ses résolutions, Elle est assurée de trouver dans la justice de sa cause, dans la valeur de ses troupes, dans lamour de ses sujets les ressources quElle a toujours éprouvées de leur part, & Elle compte principalement sur la protection du Dieu des Armées. ORDONNE & enjoint Sa Majesté à tous ses sujets, vassaux & serviteurs, de courre sus aux sujets du Roi dAngleterre ; leur fait très-expresses inhibitions & défenses davoir ci-après avec eux aucune communication, commerce ni intelligence, à peine de la vie : Et, en conséquence, Sa Majesté a dès à-présent révoqué & révoque toutes permissions, passeports, sauvegardes & sauf-conduits contraires à la présente, qui pourroient avoir été accordés par Elle ou par ses Lieutenans généraux & autres ses Officiers, & les a déclarés nuls & de nul effet & valeur ; défendant à qui que ce soit, dy avoir aucun égard. Veut Sa Majesté que ceux de ses sujets qui désireront faire des armemens par mer, à leurs dépens, pour courre sur les sujets dudit Roi dAngleterre, aient une pleine & entière liberté demployer les Vaisseaux quil feront ainsi armer, à prendre ceux desdits sujets du Roi dAngleterre, & leurs effets, dans quelques mers quils puissent les rencontrer, & pour cet effet, Elle a annullé & annulle toutes déclarations, ordonnances & arrêts à ce contraires. MANDE & ordonne Sa Majesté à Mons. le duc de Penthièvre Amiral de France, aux Vice-Amiraux, Lieutenans généraux, Chefs descadre, Capitaines, & autres Officiers de ses armées navales, Intendans & Commissaires généraux de la Marine, & à tous ses Officiers quil appartiendra, de faire exécuter le contenu en la présente, dans toutes les mers & côtes maritimes de son Royaume ; voulant quà la diligence de son Procureur en chacun des Sièges de lAmirauté, elle soit publiée & enregistrée aux greffes desdits Sièges, & affichée sur tous les ports, havres & lieux maritimes, à ce quaucun nen prétende cause dignorance. FAIT à Versailles le neuf Juin mil sept cent cinquante-six. Signé, LOUIS. Et plus bas, MACHAULT. LE DUC DE PENTHIEVRE Amiral de France. VU la déclaration du Roi, des autres parts, à nous adressée, avec ordre de tenir la main à son exécution : MANDONS aux Vice-Amiraux, Lieutenans généraux, Chefs descadre, Capitaines, Intendans, Commissaires généraux, & à tous les Officiers de Marine quil appartiendra, de la faire exécuter suivant sa forme & teneur ; et ordonnons au Officiers des Sièges dAmirauté, de la faire enregistrer à leur greffe, publier et afficher par-tout où besoin sera, & en la manière accoûtumée. FAIT au Château de la Rivière le dix Juin mil sept cent cinquante-six. Signé L. J. M. DE BOURBON. Et plus bas, par Son Altesse Sérénissime. Signé, Romieu. A ROUEN, de lImprimerie de RICHARD LALLEMANT, Imprimeur ordinaire du Roy, près la Rougemare, 1756. |