Deux belles choses, deux choses curieuses à voir et à étudier dansnotre vieille Europe : un palais de rois, une maison de fous.
De ces deux demeures, laquelle préféreriez-vous habiter ? Les insensésqui vivent auprès des monarques sont trop méthodiques, trop monotones ;ceux qu’on relègue à Charenton ou chez le docteur Blanche, me semblentmoins à plaindre. On a pitié de leur état ; ils mangent, à leur gré,assis ou debout ; ils saluent sans se courber jusqu’à terre ; il leurest permis quelquefois d’avoir une volonté, de la manifester, de lasoutenir. Ils parlent haut ; ils contrôlent les actions du chef ; ilsrésistent aux menaces, ils ne cèdent qu’à la force... Ce sont presquedes hommes.
Dites-moi la vie des fous qui naissent et meurent dans les palais desrois ; moi, je vous dirai celle des êtres qui s’agitent dans descabanons. Il y aura peut-être de la morale dans mon récit. Je les aivus d’abord avec effroi, puis avec intérêt, plus tard avec un sentimentde commisération qui n’était pas sans douceur. La raison nous estsouvent funeste, en ce qu’elle nous éclaire sur nos maux, sans avoir lapuissance de nous en guérir... Ces gens ne sont donc pas tant àplaindre, puisqu’ils n’ont pas toujours le sentiment de leur infortune.
Qui n’a point d’égal n’a point d’ami ; c’est un axiome, vrai seulementpour ceux qui voient loin dans le coeur humain. Un ami me souriant d’unsourire de protection, me serrerait le coeur ; je ne l’aimerais plus.Tant pis pour moi si je suis ainsi organisé. De l’amour, de l’amitié,voilà ma vie.
L’historique d’une maison de fous, tracé par un fou, est une choseassez bizarre. J’étais fou quand j’ai écrit ces pages... Ma raisonrevenue, j’ai voulu les lire... Tout y est vrai, précis ; il m’a semblésage de n’y rien retrancher ; c’est un portrait que je gâterais en lecorrigeant ; je vous le livre.
M. Blanche a trente-cinq ans. Sa taille est moyenne, son embonpointatteste un corps robuste. Il a le verbe bref, rapide, acerbe. Un hommeen parfaite santé serait toujours prêt à lui demander raison de lacrudité de certaines expressions dont il a l’habitude de se servir ; unfou les redoute et se tait devant les menaces. Une blessure grave reçueà l’oeil droit donne à son regard un caractère équivoque, de sorte qu’ondirait qu’il médite, qu’il étudie, quand il en fait que voir. Ilproduisit sur moi une fâcheuse impression ; cela devait être : je mesentis sous sa verge de fer, moi qui n’ai jamais su obéir qu’à unevolonté de femme...
Elle est grande, svelte, blonde, un peu pâle. Son regard est plein debienveillance, il rassure. Le son de sa voix console ; il y a de lapoésie dans son langage. Elle a vu tant de misères, elle a entendu tantde gémissements ! Elle sait plaindre. Ce n’est point une mère tendre ;son âge vous défend cette douce illusion ; ce n’est pas simplement uneamie ; vous éprouvez pour elle plus que de l’amitié, moins que del’amour... Parlons peu de l’amour. J’ai habité plus de deux mois lamaison du docteur Blanche ; fou et raisonnable, j’ai pu apprécier lesqualités de la femme modeste et généreuse dont je vous parle. Cettefemme est l’épouse du docteur. Vous voyez qu’on peut garder quelquesouvenir aimable d’une maison de fous.
Je fus arrêté à six heures du soir, dans la rue de Grammont, par quatrerobustes estafiers, qui s’emparèrent de moi par derrière, me serrant deleurs bras vigoureux. Je voulus essayer de me défendre... Vains efforts! J’étais malade, très-souffrant, à l’agonie.
Au nom du Roi ! Faut-ilavoir le délire pour résister à cet ordre ? Je n’avais point le délire,et pourtant je résistai ; mais, en deux secousses, je me trouvai jetédans une voiture, prête à me recevoir. Tout était bien calculé, prévud’avance.
Le trajet fut long. Les estafiers causaient de la beauté de la ville,de la fraîcheur de la nuit ; et si je soupirais, ils m’invitaient àmontrer du courage, à être homme. Leçons de courage données par unmouchard ! qui peut y croire ? Un mouchard sait-il ce que c’est qu’unhomme, si ce n’est pour l’arrêter par derrière ? Je crois me rappelerpourtant que je leur dis que je n’avais pour eux aucune espèce demépris... On fit bien de m’arrêter comme un fou.
Nous cheminions lentement, car nous avions des rues rapides à gravir ;et déjà, dans ce coeur horriblement torturé par une passion violente,avait pénétré un autre sentiment, l’indignation. Être colleté par unmouchard ! quel outrage ! Aux jours des émeutes j’avais éprouvé unsemblable affront. Sans existence morale, le mouchard est l’homme dupouvoir ; lâche, il est l’homme de la force. Je me trompe, le mouchardest l’homme le plus courageux du monde, puisqu’il brave ce que lesautres redoutent le plus, le mépris public.
Cependant nous arrivâmes à la porte de la maison de santé ; et je merappelle les plus petites circonstances de ces lentes heures qui metorturaient si cruellement. Nous avons tant de fibres pour la douleur !Je croyais entrer chez un juge d’instruction, chez un procureur du roi.On me l’avait vingt fois répété en route, en me parlant de poignards,d’incendie, de meurtres. J’écoutais mes gardiens en homme qui regrettede n’avoir pas fait assez pour justifier les rigueurs dont il estl’objet ; et quand j’interrogeais mes souvenirs confus, j’étais presquefurieux d’avoir eu assez de raison pour ne pas briser tous les liensqui m’attachaient à la société. Le désespoir, comme la douleur, a sesdegrés.
Après avoir traversé une petite cour ombragée par quelques arbres aufeuillage triste et sombre, je pénétrai dans une vaste salle, occupéepresque en entier par une table en fer-à-cheval. Je supposai, aupremier coup d’oeil, que c’était la salle de la question, et jecherchais déjà, d’un regard curieux et ferme, les instruments destortures... On me pria poliment d’avancer.
Quel tableau !... Des figures souffrantes, des figures hébétées, desfigures riant sans gaîté, pleurant sans larmes, une seule figure depitié, celle de madame Blanche ; et tout cela aggloméré pour ainsi diredans un espace de dix pieds carrés... Ma tête n’y était plus, je crusrêver ; je voulais savoir, je craignais d’apprendre ; vous voyez quej’avais un peu de raison.
J’eus le temps d’observer. La faiblesse de mon corps donnait, je crois,de l’énergie à mon âme. Un petit homme, rond, rouge, bourgeonné, étendusur un fauteuil, me regardait avec des yeux stupides, et riait de monteint cadavéreux. De quoi riait-il ? Déjà deux fois j’avais détourné mavue de cette figure bêtement moqueuse, ignoblement sardonique, tandisque mon homme me lorgnait toujours en souriant. Je crus à une lâcheprovocation, et déjà ma main de fer planait sur sa joue, quand une voixdouce et compatissante me pria de m’asseoir. Une voix de femme pouvaitseule avoir de l’empire sur moi ; j’obéis, mon courroux s’éteignit, etj’écoutai, assez calme, la fin d’une sonate qu’exécutait sur un pianoune pensionnaire d’une vingtaine d’années. Madame Bel... était follequand elle ne jouait pas du clavecin. Je l’appris plus tard.
Mais où étais-je donc ?... Le procureur du roi ne venait point, et unprofond silence régnait dans la chambre voisine, où je devais, d’aprèsmes idées, être soumis à de rudes épreuves.
Conduisez monsieur dans son appartement, dit la fée bienveillante à undomestique qui ne m’avait pas quitté un instant. Je suivis en automate; et, après avoir traversé deux ou trois corridors, monté deux ou troisescaliers, on me poussa vigoureusement dans une chambre à croiséebardée de grillages et de lourds barreaux. Un lit de fort minceapparence, deux chaises, une camisole de force, voilà toutl’ameublement.
Le domestique s’était adjoint un de ses camarades ; et tous deux,froids, impassibles, me regardaient en hommes habitués à voir deshommes comme moi. – Que faites-vous ? que voulez-vous ? – Nous sommesici pour servir monsieur. – Je n’ai besoin de rien, laissez-moi. –L’ordre nous a été donné de ne point quitter monsieur. – Le procureurdu roi viendra-t-il bientôt ? – Il ne peut tarder. – Il fera bien s’ilveut que je lui réponde, car je perds mes forces ; et pourtant jecherchais un aliment à ma rage.
Je me couchai à demi habillé. – Si monsieur veut bien, nous avons dansce vase de l’eau d’orge ? – Pourquoi de l’eau d’orge ? – M. Blanche l’aordonné. – Où suis-je donc ? – Chez M. Blanche....
Le bandeau tomba : je me croyais conspirateur ; je me reconnus fou !...
J’eus honte, je pleurai... Non, ce n’était pas de honte, c’était encored’amour ; et, quand je me vis là, là, seul, en face de cette croisée àbarreaux, en face de ces deux figures sans amitié comme sans haine, enface de tous mes souvenirs de bonheur et de regrets ; quand j’eusreconnu la puissance de ceux qui m’enchaînaient et la faiblesse de lavictime ; lorsque, calculant la longueur des heures, l’éternité desminutes, et que ces murs froids, insensibles, m’eurent répondu :
Voicita place ! je me vis fou, fou à tout jamais, fou par elle, foud’amour, la plus épouvantable, la plus poignante, la plus hideuse desfolies....
Je me rappelai alors tout ce qui m’avait attiré là, et je fus étonné dene pas me sentir les bras liés, les pieds liés, la gorge dans uncollier de force. J’étais fou furieux.
Oh ! qu’il n’avoue point sa folie, celui à qui l’ambition bouleverseles idées ! qu’il cache avec soin son délire frénétique, celui quel’avarice, la haine, la soif de la vengeance conduisent à Charenton, àBicêtre, ou chez le docteur Blanche !... Mais moi, fou d’amour, je puisle dire, je puis l’avouer sans rougir. Voyez aujourd’hui ; je suiscalme, je raconte mes maux passés ; et il faut que la violence de monmal ait été bien grande, pour que les plus légères impressions y aientlaissé des traces si profondes. C’est un cauchemar qui brûle même aprèsle sommeil ; c’est une balle qui vous brise un membre, et dont vous neressentez l’atteinte que long-temps après la blessure... Aux jours dela raison, les instants de la folie se retracent comme dans unmiroir.... Ne dites point que cela ne peut être ; je l’ai senti,éprouvé.
M. Blanche entra.... Je me préparai courageusement aux douches ; carson langage, loin de me rassurer, glaça le peu de sang qui me restait.Il me parla de meurtre, d’assassinat, d’incendie ; c’étaient les motsdonnés.... Je le crus fou lui-même ; et, toujours fidèle à mon naturelcompatissant, je le plaignis, moi, moi que personne ne semblaitplaindre.
Toute la nuit un homme cria à mes côtés ; c’était un fou qui demandaitsa liberté... Moi, je regardais les murs, les barreaux, et j’avaismille vies pour souffrir, pas une main pour briser.
Cette nuit dura je ne sais combien de siècles ; le plus léger mouvementde mes gardiens me faisait tressaillir dans mon lit.... Je me levai.L’on me mit dans un bain ; et, pour la première fois depuis long-temps,mes yeux s’arrêtèrent sur une glace. Ma figure, entièrementbouleversée, me causa une émotion indéfinissable. Je pleurai ; jesentis des larmes de feu sillonner mes joues ; et quand je pensai qu’onétait sans pitié pour de pareilles souffrances, la rage me saisit aucoeur.... Je ne me rappelle plus rien, sinon que je revis encore madameBlanche, que ma rage s’éteignit, que mes larmes coulèrent moins amères,moins brûlantes, et que je demandai des livres. J’aurai eu du plaisir àparcourir un dictionnaire, les chiffres d’une table de logarithmes, desmots sans suite, des phrases privées de sens, comme celles des êtresqui m’entouraient, qui m’entourent encore aujourd’hui, et pour lesquelsj’éprouve une pitié si vraie, hélas ! et si stérile.
M. Blanche revint auprès de moi. Ses paroles de raison calmèrent un peul’effervescence de mes idées : je ne pensai plus au suicide ; etpourtant, à mes côtés, réfléchissait tristement, enveloppé dans unmanteau brun, un homme de vingt-cinq à trente ans, que le feu de deuxpistolets n’avait pu tuer. Les balles avaient traversé la mâchoiresupérieure et étaient sorties entre les deux yeux.... Il y a des êtrescruellement poursuivis par le destin ! Cet homme vit encore.
Un autre homme, à la figure riante, à la mise soignée, au souriregracieux, vint s’asseoir près de moi, en me demandant des nouvelles dema santé. Je ne sais pas trop ce que je répondis ; mais lui, prenant unviolon, joua des variations sur un thème connu, avec une grande vigueuret une précision remarquable. Je crois que je lui adressai quelquescompliments. – Oh, oh ! me répondit-il, j’ai bien d’autres talents ! Jesuis le fils de Joséphine et de Jésus-Christ, et je me rappelleparfaitement avoir été Gengis-Kan, Mahomet et Napoléon... Et vous,monsieur, vous souvenez-vous de ce que vous avez été ?... Votrecervelle, en passant dans le crâne d’un autre... Madame Blanche luiimposa le silence, et il se tut en riant.
Encore un sentiment de pitié pour un malheureux ! car ici il fautplaindre tout le monde.
J’eus la permission de me promener dans la cour, puis dans lejardin.... Je vis, je reconnus, j’étudiai presque ; je puis décrire,car j’ai toute ma raison.
Au haut de la butte Montmartre, sur un tertre dominé par les brasgigantesques de plusieurs moulins à vent, est un édifice irrégulier dequelque apparence, dont la façade blanche, assez élégante, appelle lesregards des curieux. Un rez-de-chaussée, un premier et un second étage,quatorze croisées, dont plusieurs à barreaux, d’autres à grillages,voilà l’aspect de
l’hôtel. Deux petites ailes latérales, dont cellede gauche est habitée par le docteur et sa famille, semblent ajoutéesau principal corps de logis ; un peu de verdure à côté de la grille,voilà la cour.
Le derrière de la maison a également deux étages, et donne sur unjardin à l’anglaise, petit, mais agréable. Les malades, les idiots, lesfous, s’y promènent à volonté ; ceux dont la folie est dangereuse sontséparés des autres par une haute palissade de planches, qu’ils nepeuvent ni franchir, ni abattre. D’un côté la douleur, de l’autre ledésespoir ; ici, les souffrances morales dans ce qu’elles ont de pluspoignant ; là, les douleurs physiques et les affections de l’âme dansce qu’elles ont de plus triste. On répand des larmes amères dans lapremière enceinte ; l’autre a des crises plus sombres, pluscorrosives.... J’aime mieux le mal qui ôte la raison.
Presque chacune des chambres du local que je visite rappelle des dramesà déchirer le coeur. Ici a gémi pendant long-temps, et gémit encore, unPortugais de naissance, dont le frère, âge de douze ans, fut pendu àCoïmbre,
complice d’un projet tendant à renverser la forme dugouvernement. – Que ferons-nous de cet enfant ? dit le grand-juge àune femme ; il n’a que douze ans. – Douze ans ! répondit-elle ; tantmieux ! qu’on le pende vite, il ira souper avec les anges.... mais sonfrère, un peu plus âgé que lui, assiste au supplice, au pied del’échafaud.... La femme qui commandait cet assassinat était la mère dedon Miguel. L’enfant fut pendu ; et le frère, témoin de cet horriblespectacle, en perdit la raison. Les soins et l’habileté de M. Blanchelui rendirent la santé, qu’il reperdit plus tard, sans cesse poursuivipar le cadavre de son frère cadet balancé dans les airs.
Voici encore une chambre historique.... Elle a gémi, pendant de longsjours et d’éternelles nuits, entre ces quatre murs sans ornements, unefemme héroïque, qui devint folle à force de bonheur... MadameLavallette a pleuré là, sur cette couche de misère. Sir Robert Wilson,Bruce et Hutchinson arrachèrent le mari au plomb royal.... Gloire à eux! le comte est mort aujourd’hui, et madame de Lavallette doit à M.Blanche une guérison presque miraculeuse.
Voyez-vous cette jolie cellule, au rez-de-chaussée, donnant sur lejardin ? regardez cet homme qui la parcourt d’un pas égal et précipité,c’est le général Travot. Condamné à mort au retour des Bourbons, il dutà leur
clémence* une commutation de peine, une prison à perpétuité. Saraison s’alinéa ; il prit en haine le genre humain, et le voilàmaintenant rudoyant qui le touche, heurtant qui lui parle, se fâchantaussi contre le docteur, et sifflant sans cesse les airs patriotiquesde la révolution de 93... C’est tout ce qui lui reste de sessouvenirs... Ne présentez pas la main au général Travot ; il vousfrappera.
Ce jeune homme à la figure mélancolique, et pourtant spirituelle, estun idiot. Maître d’une fortune considérable, il se précipite avecbienveillance vers toutes les personnes qui l’entourent :
Comment vousportez-vous ?... Très-bien... Moi aussi ; j’en suis enchanté*... et ilvous quitte. Un peu de raison et moins de fortune, voilà un homme ;aujourd’hui c’est un idiot.
Quant à son voisin, c’est le recueillement du chartreux accroupi à côtéde sa fosse ; c’est le dernier adieu de la vierge amoureuse, qui quittele monde pour le cloître ; c’est la stupidité de la brebis qu’on porteà l’abattoir, c’est la dernière réflexion du misanthrope qui va sesuicider.... Il regarde ses pieds, et le voilà, toute la journée, lefront baissé et l’oeil fixe. Il lève la tête, et pendant des heuresentières sa tête et son corps sont immobiles.... S’il marche, on diraitun automate mû par des ressorts cachés ; quand il s’assied, c’est quel’horloge n’est plus montée.... Ce jeune homme s’appelle Adolphe ; ilest riche aussi. Selon toutes les apparences, il vivra long-temps, etil mourra comme il a vécu, sans regret, sans soucis, sans amour.Qu’a-t-il fait pour être ainsi favorisé du ciel ?
Pauvre femme ! quelle sombre mélancolie répandue sur ses traits ! Ellen’aspire qu’à se tuer ; et pourtant elle joue avec des couteaux, avecdes rasoirs, avec des fourchettes aiguës. Pourquoi ? Ce n’est pas ainsiqu’elle doit disparaître ! Elle s’est déjà deux fois précipitée dans unpuits ; elle ne veut mourir qu’ainsi ; toutes les autres mortsl’épouvantent ; celle-là seule la rassure, la console. Si vous luiparlez d’un puits, elle vous sourit, elle vous caresse, elle est votreamie. Ne lui parlez pas d’autre chose, elle ne vous comprendra pas, ouelle vous fuira. Mais un puits !... Je lui parlais souvent de puits,moi ; aussi j’étais son chéri, son intime. Quelle bizarrerie ! J’aimejusqu’à l’affection des fous.
Je ne vous dirai que quelques mots de la soeur d’un de nos comédiens, àqui les Jocrisse ont fait une si belle réputation, et dont la probitéégale le mérite. Sa folie n’est point dangereuse, mais fort originale ;elle craint de mourir de faim, et seulement après ses repas. Il estrare de voir un si petit corps engloutir tant d’aliments ; et, dèsqu’elle est sortie de table, ses larmes coulent en abondance, sesplaintes accusent l’avarice du genre humain, et ses cris assourdissenttoute la maison.
Eh bien ! je suis moins ému de ces cris et de ces larmes que des éclatsbruyants de cette jeune mère qui, nu-tête, parcourt sans cesse lejardin, en sautant, poursuivie par une idée heureuse. Le rire sur leslèvres d’un agonisant ne me déchirerait pas autrement le coeur.
Voilà pourtant ; tous ces êtres dont je vous entretiens, et vingtautres encore se parlent tous les jours, se croisent dans tous lessens, se donnent la main, se caressent parfois... La voix de M. Blancheles arrête au milieu de leur désordre, celle de madame Blanche lescalme comme par enchantement ; et c’est un spectacle consolant quecelui de tant de créatures réunies dans un salon, obéissant, timides etcraintives, à des ordres donnés sans rudesse, à des invitations faitesd’un ton paternel. On dirait de la magie.
On déjeune à dix heures, on dîne à cinq. Des mets sains et choisis sontservis par M. ou madame Blanche. C’est un pensionnat, moins le brouhahade nos colléges. Le maître seul a la parole ; le reste se tait. Lessourds-muets n’observent pas un silence plus religieux ; les frères dela Trappe ne devaient pas manger autrement. Il y a des exceptions ;mais alors les gardiens font leur devoir, et les camisoles et lesdouches ramènent l’ordre.
Après le repas, on se réunit ordinairement dans un vaste salon, où lefils de Jésus-Christ et de Joséphine fait de la musique. Là encore vousretrouvez, étendu sur un fauteuil, et riant d’un rire malin, comme s’ilvenait de gagner un prix à une course de New-Market, cet Anglaisblafard et bourgeonné que j’eus tant envie de souffleter le jour de monarrivée. On dirait un pacha qui attend sa favorite ; on jurerait unauteur après un premier succès au Gymnase ou au Vaudeville : maispoint. Cet homme croit qu’on lui parle sans cesse à voix basse, et ritdes propos qu’il entend.... Heureuse folie qui ne se nourrit qued’idées gracieuses !...
Que de douleurs corrosives ont hurlé dans ces chambres à barreaux defer ! que de misère humaine s’est dessinée avec sa hideuse nudité dansce jardin aujourd’hui sans verdure ! Il y a plus de dix ans que cethomme le parcourt chaque matin et chaque soir, à certaines heuresindiquées, et de longues années encore sont promises à ses forcesphysiques. Son oeil est vif, ses mouvements rapides, son corps robusteégalement insensible aux chaleurs de l’été et aux vents glacés del’hiver. Pour lui il n’y a qu’une saison, celle de la souffrance. Uneâme ardente a dévoré sa raison. Il voulait soulager le genre humain,l’arracher à ses calamités ; c’était son rêve de toutes les minutes ;il devait devenir fou. Le voilà aujourd’hui ; il ne caresse plus sachimère ; au contraire, il a les hommes en horreur, il les fuit, il lesrepousse, il les croit tous ses ennemis. Celui qui le regarde l’outrage; celui qui l’interroge irrite ses muscles, fait battre violemment sesartères. Le malheur des autres a fait son malheur... Cette folie estrare, n’est-ce pas ?... Une vie séculaire attend ce misanthrope : centans de souffrances, quand on peut tant souffrir en une minute !!! Oh !quelle éternité de joies pourra jamais le payer !
Je voulais consigner dans cette rapide analyse une foule d’anecdotesintéressantes dont chaque mur et, pour ainsi dire, chaque pierre de lamaison que j’ai habitée gardent le souvenir. Je voulais vous parleraussi de cette madame de Cal......, dont le talent sur le piano estégal à celui de nos plus habiles professeurs, et qui dépense enimprécations, sous des barreaux, depuis bien des années, une vie forteet courageuse. Elle donnait un bal ; en reconduisant une de ses amies,elle fit un faux pas et roula le long de son escalier. Le lendemain,elle cessa de sourire, de donner des fêtes... Ne pourrais-je pas aussijeter quelques larmes sur cette bonne madame***, mère d’un bravegénéral, aide-de-camp du ministre de la guerre ? Sa folie estpériodique : pendant six mois, c’est la douceur, la bonté et lareligion dans ce qu’elles ont de plus touchant et de plus suave ; uneheure suffit pour porter le désordre le plus épouvantable dans une têteet dans un coeur auprès desquels vous étiez à l’instant si bien àl’aise. Misère humaine !
Écoutez cependant une anecdote dont tous les personnages vous sontconnus, à vous qui hantez les grandes maisons et assistez à debrillantes fêtes. Je tais les noms de mes héros ; c’est tout ce qu’ilsont droit d’exiger de ma discrétion.
Rosalie (elle ne s’appelait point Rosalie) fut conduite ici, il y aquelque temps, par un homme d’une trentaine d’années et confiée auxsoins spéciaux de M. Blanche. Il n’y avait point de délire dans satête, et la fréquence de son pouls n’était pas assez grande pour fairesupposer au docteur que l’indisposition annoncée par le battement desartères, fût la cause première de l’arrivée de la jeune femme... Lelendemain, la raison de Rosalie disparut, et M***, qui l’avait conduitela veille, pria M. Blanche d’essayer quelques remèdes. Celui-ci, étonnéde la recommandation, engagea le protecteur à s’en rapporter à sessoins, et commença un traitement.
Trois mois s’étaient écoulés, et Rosalie était toujours folle. M***revint avec son frère. Certains, dirent-ils, de l’inefficacité desefforts du docteur, ils étaient d’avis d’envoyer Rosalie à Charenton,attendu qu’ils n’avaient point assez de fortune pour payer pluslong-temps une pension trop forte. – Je vous réponds de sa guérison,leur répondit M. Blanche, si vous me la confiez pendant deuxou trois mois ; et, pour partager avec vous une bonne action, jeconsens à ne recevoir de vous que mes déboursés. Mais, sur quelquesreprésentations des deux frères, qui tendaient à enlever de cettemaison celle à laquelle ils avaient paru d’abord prendre un si grandintérêt, le docteur leur déclara qu’il ne voulait point la leur livrer,et qu’il la garderait à ses frais.
Après avoir vraiment combattu cette généreuse résolution, MM*** seretirèrent, et M. Blanche redoubla de soins pour obtenir un heureuxrésultat. Ce résultat eut lieu au bout d’un mois ; Rosalie vécut etpensa.
L’oeuvre charitable du docteur étant commencée, il prit à coeur de lamener à bon port. Ses attentions délicates, ses prévenances, lespolitesses affectueuses de madame Blanche, arrachèrent enfin à la jeunefille le secret de ses tourments. Séduite par M*** cadet, et persécutéepar les assiduités du frère aîné, le premier par faiblesse, le secondpar vengeance, ils résolurent de cacher aux yeux du monde une grossesseque Rosalie ne pouvait guère plus déguiser. Aidés dans leurs projetspar un troisième complice, c’est chez ce dernier qu’ils conduisirentl’infortunée, le jour où elle mit au monde son enfant... Elle avait étéportée dans cette maison, la nuit, dans un fiacre ; et là aussinaquirent dans son âme les premiers soupçons d’une perfidie. C’était lefrère du séducteur qui l’avait accouchée ; et lorsqu’elle demanda àembrasser son enfant, on lui répondit qu’il était mort... La voilàfolle.
Dès que M. Blanche l’eut rappelée à la raison, Rosalie, toujours sousl’influence de sa première tendresse, demanda à embrasser son amant...– Hélas ! madame, lui dit le docteur, voilà près d’un mois qu’il n’estvenu ici. – Lui ! – Oui, madame ; et je ne dois pas vous cacher que jesuis révolté de sa conduite à votre égard. – Expliquez-vous, je suiscalme. – Non seulement je ne crois pas que M*** vous aime encore, maisje suis convaincu de sa résolution de vous fuir à jamais. Vous êtes icimalgré lui, malgré son frère ; et si vous me promettez d’entendre, sansque votre délicatesse en soit blessée, un aveu pénible à vous faire,j’ajouterai qu’ils ont refusé de payer votre pension. – Docteur, monenfant n’est pas mort, s’écria cette mère au désespoir. Permettez-moide sortir, docteur ; dans une heure, je saurai toute la vérité. Oh !laissez-moi sortir !
Rosalie, suivie par une personne de confiance, et guidée sans doute parce puissant instinct qui ne trompe jamais une mère, descend rapidementla butte Montmartre, parcourt diverses rues dont elle ignorait le nom,et s’arrête un instant devant une porte cochère qu’elle franchit d’unpas sûr... Elle monte trois étages, elle s’attache au cordon d’unesonnette ; un homme paraît ; c’est l’ami chez lequel elle estaccouchée. – Monsieur, mon enfant ! – Mais, madame... – Mon enfant,vous dis-je... et toute une âme maternelle est dans sa voix et dans sonregard. – Madame, votre enfant est mort. – Vous mentez ; mon enfantn’est pas mort ; et si, sur-le-champ, sans ajouter une parole, sansfaire un geste, sans exprimer un regret, vous ne me dites où est monenfant, vous êtes arrêté, perdu, déshonoré. – Calmez-vous, madame,calmez-vous, je vous prie ; et puisque vous savez qu’il n’est pas mort,je ne vois pas d’inconvénient à vous avouer que, d’après les ordres deM*** aîné, il a été porté, tel jour, aux Enfants-Trouvés, où il estinscrit sous tel numéro. – Mentez-vous ? – Je dis vrai.
Rosalie est déjà aux Enfants-Trouvés... Oui, voilà bien le numéro deson fils ; la bienheureuse mère n’a pas tout perdu, son enfant luireste... On ouvre un second registre... – L’enfant est mort peu dejours après son entrée à l’hôpital !...
L’infortunée est ramenée mourante chez M. Blanche, qui apprend alorsles détails de cette hideuse persécution. L’honneur et la délicatessede celui-ci ne balancent pas une minute. – Rassurez-vous, dit-il à saprotégée ; et si vous voulez me charger de la direction de cetteaffaire, j’ose me flatter qu’elle aura pour vous une heureuse issue.M’autorisez-vous à agir ?... Rosalie lui confia le soin de son avenir,et M. Blanche se prépara au rôle qu’il allait jouer.
Dès le lendemain matin il écrit aux deux frères ***, une lettre d’unegrande sévérité, et finit en leur déclarant que si, dans deux heures,ils ne sont pas chez lui, c’est au procureur du roi qu’ils auront àrendre compte de leur conduite.
Ils furent exacts. M. Blanche leur reprocha la cruauté de leursprocédés envers une infortunée qu’ils avaient voulu perdre aprèsl’avoir déshonorée ; il accusa le plus jeune des deux frères d’unecoupable condescendance à de funestes conseils, reprocha à l’aîné sespersécutions amoureuses auprès de Rosalie, même après avoir apprisqu’elle était déjà victime du lâche amour de son frère, et leur déclaraque si le lendemain, à la même heure, ils ne lui apportaient pas 40,000francs, comme un bien faible dédommagement des malheurs de Rosalie, ilprendrait, lui, une détermination qu’il avait d’abord repoussée, pourne pas vouer au mépris général un nom jusque-là recommandable. Dureste, ajouta M. Blanche, vous avez à opter entre cette proposition etvotre mariage avec la jeune femme que vous avez séduite. Vous laconnaissez, vous savez si elle fera céder son indignation à sesdevoirs, ou peut-être encore à son amour, et je ne doute point qu’enprenant ce dernier parti vous ne me remerciiez un jour de vous l’avoirgénéreusement proposé.
Les conseils du frère aîné l’emportèrent sur les exhortations de M.Blanche, et le lendemain, en effet, celui-ci reçut quarante billets debanque de mille francs qu’il se hâta de présenter à Rosalie.
Non, monsieur, lui dit la jeune délaissée ; je sais être pauvre etmalheureuse ; je ne veux point d’argent, je n’en accepterai pas. SiM*** me refuse sa main, mon parti est pris irrévocablement, je metuerai.
Cette réponse fut sur-le-champ rapportée à M***. M. Blanche y ajoutaquelques nouveaux conseils qui déterminèrent enfin une résolutionéquitable. Le séducteur de Rosalie épousa sa victime ; et tous deuxaujourd’hui, heureux du présent, tranquilles sur l’avenir,n’interrogent le passé que pour en effacer les heures d’alarmes.Rosalie se souvient toujours qu’elle a été folle d’amour ; elle le dità ses amies, elle leur raconte ses émotions, ses minutes d’espérance,ses journées d’angoisses, et je lui ai entendu souvent répéter qu’unepareille vie n’était pas sans quelque douceur... Ne la croyez pas ;elle ment pour épargner des remords à son mari.
Maintenant votre coeur ne se serrerait-il pas à la vue de cette salletriste, silencieuse, où arrivent, agités par de brûlantes convulsions,ou inaccessibles aux plus violentes secousses, une douzaine d’hommes(sont-ce des hommes ?) qui se retrouvent chaque jour sans joie, sanssourire, sans pitié les uns pour les autres ?... Voyez ce corps maigreet élancé, c’est celui de monsieur Four..., docteur habile et studieux,que l’amour de la science et des voyages entraîna dans les forêts etles savanes de l’Amérique, et qui, riche de ses souvenirs et de sesprécieuses collections, fut arrêté par des sauvages, pillé, maltraité,laissé pour mort sur le sable. Plus tard, il arriva à New-York, privéde sa raison. L’effroi, et le regret d’avoir perdu le fruit de tant depeines, tuèrent les brillantes facultés de Four... ; il fut enfermédans les cabanons de New-York, où le général Lafayette, dans sondernier voyage aux Etats-Unis, le reconnut pour le fils d’un de sesamis, et d’où il le ramena en France. Le voilà aujourd’hui, l’oeil fixévers le ciel, le sourcil menaçant, les bras croisés sur la poitrine,immobile, et dans l’attitude d’un homme de coeur qui attend le coup dela mort. Ses accès de rage sont fréquents, et la vigueur de plusieursgardiens est nécessaire pour l’assujettir à la camisole de force... Jevoyais Four... presque tous les jours ; et, presque toutes les nuits,lorsque je me trouvais seul dans ma chambre, c’était lui sur qui jereportais le plus de pitié.
Un mulâtre, jeune et vigoureux, est également renfermé dans ce salon demisère et d’abrutissement ; son amour désordonné pour l’architecturel’a conduit à la
maison Blanche, d’où il ne sortira que pour êtreporté dans le champ voisin, semé de dalles de marbre et de petitescroix noires, qu’il peut voir à toute heure de sa croisée à barreaux.La folie de cet homme est extraordinaire ; il ne se plaît que deboutsur une chaise, ou hissé sur l’âtre de la cheminée. L’en fairedescendre, c’est exciter sa colère et vous exposer à sa fureur ;laissez là cet infortuné ; son sourire est l’indice d’une douleuraiguë, ses caresses, le prélude de violences extrêmes ; ne le voyezpoint sourire, empêchez qu’il vous tende la main.
Voici encore un jeune homme, qu’un second mariage de sa mère a arrachéà la société. Il était amoureux et jaloux de celle qui lui avait donnéle jour ; il a mérité sa place ici. C’est un rusé adolescent sur quil’oeil des gardiens doit être constamment ouvert. Hier en passant dansla cour, il aperçut la porte de la grille entr’ouverte ; aussitôt, sedébarrassant de ses satellites sans défiance, il s’élance vers la rue,et se sauve dans la campagne. Mais les domestiques de la maison sontlestes aussi, et peu de temps après, le fugitif se trouva sous unedouche rapide et glacée qui lui fit doublement regretter le peu desuccès de son escapade. – Où alliez-vous ? lui dis-je. – J’allais menoyer. – Où donc ? – Oh ! je vois le canal tous les jours. – Etpourquoi vous noyer ? – Parce que je suis malheureux. – Vous sentezdonc votre malheur ? – Que trop ! – Qui le cause ? – Des souvenirs. –Lesquels ? – Vous êtes un scélérat, si je vous tenais sous ma main, jevous étranglerais. – Vous êtes bien honnête. – Laissez-moi, je vousprie. – Je ne veux rien faire qui puisse vous affliger ; adieu. – Audiable ! – Merci...
Il y a dans le salon de Four... un vieillard qui ne sourit quelorsqu’on lui gratte la tête. Il cesse d’être fou pendant l’opération,hors de là c’est un idiot, et parfois un furieux. Presque toujours j’aitrouvé à ses côtés un original fort paisible, sans cesse armée d’unepoignée de petites verges qu’il regarde avec amour. Vous croyezpeut-être que c’est un vieux maître d’école veuf de ses jeunes élèves ;point. Sa folie est cela ; sans but, sans souvenir, sans suite dans sessensations, il demande en se levant une poignée de baguettes, et il yaurait de la cruauté à les lui refuser, puisque sans elles il estbruyant, brutal et quelquefois même dangereux.
D’autres fous sont là, sur des chaises, sur des canapés. Le fils deJésus-Christ, qui se dit depuis quelques jours le père de Dieu, vientles voir souvent, et les égayer par les accords de son violon. J’airemarqué que les fous sont sensibles à la musique ; à moi elle medéchirait le coeur.
Curieux, détournez vite vos regards de l’appartement des femmes ! maplume se refuse à retracer tant de misère, tant de douleurs. Si vousallez visiter la
maison Blanche, fuyez d’un pied rapide cette sallehideuse, où la faiblesse se trouve aux prises avec ce que les passionsont de plus corrosif...
Croyez-vous aussi que je veuille vous conduire dans tous les sentiersde cette maison de deuil pour quelques-uns, d’espérance pour beaucoupd’autres ? Non ; la
maison Blanche a ses secrets que tout le monde nedoit pas connaître, et je ne peux pas trahir des secrets confiés à maraison, car ma raison revint tout entière un beau jour. Un seul remèdeavait la puissance d’opérer le miracle : ce remède, c’est
elle qui mel’apporta ; et depuis lors, sans honte, sans regrets, j’ai dit tout ceque j’avais éprouvé.
JACQUESARAGO.