Aller au contenu principal
Corps
[BULLETINDE CENSURE]: Almanachs (1844).

Saisie dutexte : O. Bogros pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndré Malraux de Lisieux (02.V.2015)
[Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire (Bm Lisieux: 2770) du Bulletin decensure :Index français. Tables mensuelles et raisonnées de tous les produits dela librairie française. Deuxième année, n°7-8 - Nov-Déc.1844.
 
ALMANACHS

~ * ~

L'Almanach est un livre auquel s'estattachée depuis quelques années une effrayante popularité ; effrayanteest le mot, car toutes les mauvaises passions, passions anarchiques,passions irreligieuses, passions immorales, se sont emparées de cetteforme circulante et de ce titre populaire, pour se glissersubrepticement dans les familles sans défiance, et y distiller leurdangereux poison.

Autrefois nous n'avions que deux ou troisalmanachs qui renfermaient des notions utiles, simples et claires surles choses de la vie usuelle, des conseils pratiques aux agriculteurs,aux éleveurs, aux horticulteurs, etc., le tout mêlé à de sagesmaximes, à de nobles exemples de piété et de vertus ; ces almanachsformaient toute la bibliothèque du peuple ; et franchement, en était-il plus mauvais ?

Mais,combien les temps sont changés ! aujourd'hui, ce ne sont plus desalmanachs que l'on donne au peuple ; le vieil almanach classique adisparu, et qu'avons-nous à sa place ? des romans, moins encore, desfeuilletons, oui, des feuilletons empruntés aux journaux, et quelsjournaux ? le Siècle, le Constitutionnel, et autres de la même espèce !

C'estainsi que tout se dénature peu à peu parmi nous ; le roman, pour avoirdes lecteurs, s'est fait feuilleton ; et le feuilleton, pour arriverau peuple, s'est fait almanach.

Or, il y a bien au moins trentevariétés de ces almanachs, et veut-on juger de leur influence ? un deceux dont, nous parlons ci-dessous, un seul, et ce c'est pas lemeilleur, a été tiré l'année dernière à près de trois millions defeuilles !

On voit par ce seul exemple ce que doit être la masse detous ces almanachs réunis, dont le tirage général s'est élevé pour lamême année à QUINZE MILLIONS !

L'esprit s'effraie à bon droitquand il s'arrête à ce formidable déploiement de forces dissolvantesdont la société est de toutes parts et incessamment pénétrée ! Quefaire donc contre un tel torrent ? faut-il se résigner, se croiser lesbras, et laisser faire ? Hélas ! nous savons que c'est le penchant duplus grand nombre parmi nous ; impuissant pour empêcher le mal, oncroit logique de s'en tenir à des voeux stériles et d'ailleurs peudispendieux, puis on s'arrange une vie commode et tranquille au milieude la tempête qui bat le vaisseau qui nous porte, au risque de se réveiller dans les ruines faites par la foudre.

C'est ainsi que les bonnes causes se perdent et que les mauvaises triomphent.

Nouscomprenons autrement notre devoir, et nous espérons que les hommes defoi et les hommes de coeur qui nous ont soutenus jusqu'ici de leurssympathies, nous les continueront pour nous aider dansl'accomplissement de plus en plus efficace de notre tâche difficile.Leur union fera notre force, et nous comptons sur eux, comme ilspeuvent compter sur nous. Entre frères qui se com prennent ets'estiment, ces simples mots doivent suffire.

Nousaurions voulu pouvoir faire connaître à nos amis tous les almanachs decette année, mais il nous a été impossible de nous en procurer unplus grand nombre. Voici ceux que nous avons pu trouver :

306. ALMANACH CATHOLIQUE, contenant, outre les détails du calendrier,l'état du clergé romain et français, les associations catholiques, lesinstitutions et oeuvres de charité, les progrès de la religion enEurope et en Amérique, etc., etc. Paris, chez Waille, éditeur, rueCassette, 6 et 8. Prix :1 fr.

S'il y a de mauvais almanachs, il y ena aussi, grâce à Dieu, d'excellents, et ici encore le génie catholiquepoursuit et serre de près son éternel ennemi, le génie du mal. Cen'est pas sans raison que nous donnons dans tout son développement letitre de cet almanach, car il réalise tout ce qu'il promet, etrenferme les détails qui peuvent le plus intéresser la classereligieuse à laquelle il s'adresse. Nous le recommandons vivement à tous nos lecteurs.

307. ALMANACH DU BON CATHOLIQUE pour l'année 1845, chez Mame, éditeur, à Tours. Prix : 50 c.

Voiciun des meilleurs almanachs que nous connaissions ; il y a de tout : lestravaux ruraux à faire dans chaque mois ; des articles intéressantssur la religion catholique, sur les protestants, sur la morale, surle journalisme, sur l'éducation, sur la liberté de l'enseignement, surl'exposition de 1844 ; puis des conseils aux jeunes personnes, destraits et anecdotes instructifs et amusants, un catalogue de bonslivres, etc., etc. Nous ne saurions trop encourager la propagation decet excellent almanach.

308. ALMANACH COMIQUE pour 1845.

Cetalmanach ne justifie qu'à demi son titre, et renferme des facétiesassez triviales, et divers articles empruntés au Siècle et autresjournaux de cette couleur ; il est du reste plus insignifiant quedangereux, et nous n'y avons rien trouvé qui puisse en faire défendrela lecture.


309. ALMANACH de France publié par la Societé Nationale.

Nousne connaissons pas de plus pitoyable et de plus sot almanach quecelui-ci. Supprimez les quelques pages consacrées à l'hygiènedomestique et aux premières notions agronomiques que l'on trouve danstous les almanachs, et que celui-ci a eu le talent de rendreinintelligibles, toutle reste est un galimathias dont une bonne partieest destinée à apitoyer le lecteur sur la pauvretéde la Liste civile, à glorifier d'un bout à l'autre le règne deLouis-Philippe, enfin à chanter sur tous les tons les bienfaits de lapaix à tout prix.

Vous croyez peut-être que c'est nous qui ajoutons ces mots à tout prix? point du tout, voici la phrase que nous lisons dans ce spirituelalmanach : « La philosophie doit considérer la paix comme une loisociale, acceptable et imposable en toute occasion , et A TOUT PRIX.

Est-ceclair ? et vous rappelez-vous ce beau discours récité par LouisPhilippe devant ses bons amis de Windsor, en faveur de la paix à toutprix ? Cette phrase n'en est-elle pas une belle variante ?

Plusloin, chantant toujours les ineffables trésors de la paix, le mêmealmanach imprime en toutes lettres la grosse plaisanterie que vousallez lire ; attention !

« C'est à l'aide de la paix que la révolution de 1830 est parvenue à établir, au lieu d'un budget de neuf cent millions, en grande partie improductif, et payé laborieusement par les contribuables, un budget de quatorze cent millions, largement productif, et dès-lors plus léger, plus acceptable pour toutes les familles. »

Ainsi, honnêtes contribuables, réjouissez-vous ; vous étiez pauvres en 1830,car alors vous ne donniez au Trésor que neuf cent millions par an, quel'on avait grand' peine à vous arracher, et vous êtes très riches ettrès heureux maintenant, que sous le règne à bon marché, vous payez joyeusementquatorze cent millions d'impôts. On croit rêver en lisant de pareillesimpudences ; mais c'est ainsi qu'on trompe le peuple, et qu'ons'affermit sur sa stupide crédulité. Nousdevons dire toute notre pensée : la partie politique de cet almanach aété écrite par la livrée de Louis-Philippe, et cette livrée n'est pastoute où l'on pense.

310. ALMANACH de la France Démocratique, première année.

Nousn'avions pas assez d'almanachs, il a fallu que celui-ci vint enaugmenter le nombre. Si, encore, c'était pour combattre les mauvaisestendances de ses aînés, nous lui dirions : soyez le bien venu ! niais iln'en est rien. Cependant il faut dire que l'Almanach de la FranceDémocratique nous paraît conçu dans un esprit plus élevé que sesdevanciers, et moins asservi qu'eux aux sottes passionsanti-religieuses qui les font ridiculement aboyer à tout propos contrela robe noire. — Après cela, il y est beaucoup question, comme dans lesautres, des souffrances du peuple, des intérêts du peuple, etc. Touten partageant au fond de notre coeur ces généreuses sollicitudes, nousne croyons pas qu'il soit sans danger de traiter des matières sidélicates dans un livre destiné au peuple.

Jamais on n'a tant parlé des misères du peuple, et jamais on n'a tant fait pour les aggraver, en éteignanten lui toute foi, tout sentiment chrétien et par conséquent, toutsentiment de morale et d'ordre. C'est là, là seulement qu'il faut luimontrer le remède à ses maux, et non dans le spectacle exagéré de sesmisères placées en regard de l'opulence du riche. Rien n'empêchequ'on ne s'occupe de l'amélioration matérielle que ses souffrancesréclament, niais c'est une question qui regarde nos faiseurs de lois,et qu'il est dangereux de poser devant le peuple, parce que le peuplene délibère pas, il décide..... et l'on sait de quelle manière !

311. ALMANACH de l'Industrie Nationale.

Voiciun petit almanach qui a plus de prétentions que de fond, et quisoutient d'ailleurs assez mal son titre. Vous vous attendez, en effet,à y trouver des détails curieux sur les branches les plus importantesde l'industrie nationale, et vous vous apprêtez à en admirer lesmerveilles, mais cette admiration s'évanouit bien vite devant leprosaïsme des cafetières, des chapeaux Gibus, des chemises, descorsets, des souliers et des cosmétiques que vous ytrouvez sous forme de réclames, en compagnie d'une multitude d'autresindustries non moins respectables, le tout suivi de l'adresse deshonorables fabricants y mentionnés. Si bien qu'après avoir lu toutesces annonces, vous vous dites : parbleu ! je n'ai pas besoin dedépenser cinquante centimes pour voir dans un in-18 ce que je voistous les jours gratis, moyennant 48 francs par an, à la quatrième pagede mon journal. On comprend, après cela, que cet almanach estparfaitement inoffensif, et que nous n'avons aucune raison pour endéconseiller la lecture ; au contraire, il sera dans certains cas, unexcellent remède contre l'insomnie.

312. ALMANACH ICARIEN, par M. Cabet, ex-député, ex-procureur-général, avocat à la Cour royale de Paris.

Cetalmanach est, auprès du peuple, l'organe des idées communistes. On ydit à chaque page, et sur tous les tons, que le sort du peuple estmisérable, est déplorable ; et cela, après avoir fait l'addition dequelques énormes fortunes particulières qu'on lui présente comme pointsde comparaison, et sans doute, pour l'exciter à réclamer, non lepartage, dit l'auteur, mais la communauté des biens.

Le communismeveut bien, contrairement à quelques sectes rivales, admettre le mariageet la famille PURIFIÉS ET PERFECTIONNÉS ; il veut bien aussi nousaccorder le divorce en échange, nous lui accordons nos remerciements et notre estime.

Les communistes actuels sont les disciples, les imitateurs et les continuateurs de J.- C. (p. 170). L'établissement du communisme n'est pas plus impossible que l'établissement du christianisme. (Page 180.)

Ilest vrai que le communisme montre la plus touchante sollicitude pournotre santé, car il nous conseille, si nous habitons des chambrescarrelées, de chercher à nous tenir les pieds chauds, et à défaut detapis d'avoir des paillassons. (Textuel, page 33.) Il nous apprendaussi que le trajet de la terre à la lune et au soleil, fait en cheminde fer, ne durerait, pour la lune que seize mois, et pour le soleil que500 ans. (Page 102.)

Malgré ces citations et bien d'autres pourlesquelles la place nous manque, cet almanach nous parait supérieur àplusieurs de ses confrères, mais nous n'en conseillons pas d'avantagepour cela la lecture, car il n'en est peut-être que plus dangereux.

313. ALMANACH DU JUIF-ERRANT.

C'estle vrai Juif-Errant, Ahasvérus, qui raconte assez lourdement lalourde histoire d'un sien voyage de par le monde, voyage qui l'aconduit à Paris, juste au moment où le Constitutionnel publie sonhistoire. Malgré son titre, cet almanach nous a paru assezinoffensif, mais, par compensation, d'un interêt nul, et, d'uneinutilité complète.

314.    ALMANACH NATIONAL des Villes et des Campagnes.

La partie religieuse et morale de cet almanach est écrite dans le plus mauvais esprit ; en voici quelques échantillons :

« Les prélats catholiques n'ont jamais rêvé que l'asservissement moral el matériel des peuples. »

« Le clergé ne cesse de crier contre le monopole universitaire ; iloublie, lui, qu'il exerce un monopole autrement absolu, celui de lachaire, celui des discours en grandes assemblées. »
« Qu'il renonce à ce privilége exorbitant, et l'on sera bien près de s'entendre. »

« L'homme est né pour le plaisir ; il le sent, il n'en faut pas d'autres preuves. »

« Un pauvre qui vole est aussi coupable qu'un riche qui ne vole pas est vertueux. »

« On rosse les nègres esclaves, mais leur âme est libre, voilà tout ceque peut faire pour eux le christianime. »

Voilà les beaux livres que l'on donne à lire au peuple, sans doute pour le former à la soumission et à la morale ! Maisque voulez-vous ? les gouvernements font les peuples à leur image, etun jour vient aussi où les gouvernements recueillent ce qu'un jour ilsont semé. Nous disons les gouvernements, car ces belles maximes sontcelles du Constitutionnel, rédigé par M. Thiers qui était ministre hier, et qui sera ministre demain.

315. ALMANACH PROPHÉTIQUE, pittoresque et utile, pour 1845.

Celuici justifie assez bien son titre, il commence par donner les heures dulever et du coucher du soleil, pendant toute l'année, jour par jour,mois par mois. Puis, viennent les éclipses et les marées de 1845 ; descalculs assez curieux sur certains nombres, notamment sur les nombres4, 5 et 7 ; puis certains faits, certaines anecdotes relatives à desprophéties peu connues. On trouve ensuite les horoscopes illustréspour chaque mois, les hivers rigoureux de la France, untableau de l'horticulture française ; enfin, la description grotesquede l'exposition de 1844, avec des caricatures reproduites duCharivari. Le livre finit par des prophéties caricaturales sur chaquemois.

316. ALMANACH Populaire de la France.

Cetalmanach, édité par un libraire républicain, est en tous points dignede son origine. L'esprit qui y domine peut à peu près se résumer ainsi: guerre aux riches et gloire à la révolution. Ony trouve la signature des écrivains du National, du Constitutionnel,etc. C'est plus qu'il n'en faut pour en caractériser le détestableesprit.

317. L'ASTROLOGUE UNIVERSEL, ou le véritable triple Liégeois, Almanach journalier pour 1845.
318. LE VÉRIDIQUE, Almanach sans pareil pour 1895.
319. LE VÉRITABLE NOSTRADAMUS , Almanach journalier pour 1845.
320. SOUVENIRS D'UN GRAND HOMME, Almanach journalier pour 1845.
321. LE TRIPLE-LIÉGEOIS, ou le nouveau Mathieu Leensberg.

Vouscroyez peut-être que ces cinq almanachs sont cinq ouvrages différents,et que les matières de chacun d'eux répondent au titre qui les couvre ?Détrompez-vous ; c'est là une de ces innombrables friponneriesparisiennes qui se commettent chaque jour impunément sous les yeux del'autorité. Il n'y a de changé dans ces cinq almanachs que lestitres d'abord, et les couvertures ensuite qui, pour achever de tromperl'acheteur, lui montrent le même livre cinq nuances différentes. Avant d'arrêter et de formuler notre jugementà cet égard, nous avons voulu vérifier par nous-mêmes le soupçon quecette circonstance unique dans la librairie a fait naître dans notreesprit, et nous avons été demander chez l'éditeur Pagnère les cinqalmanachs en question, en paraissant ignorer qu'ils fussent une seuleet même chose.

Or, on nous les a très bien vendus pour cinq chosesdifférentes, de manière que si nous avions été un simple acheteur, nousaurions été fort surpris de nous trouver, sous cinq titres différents,le même ouvrage, quand nous aurions cru avoir acheté cinq ouvragesdistincts. C'est tout simplement le crime du stellionnat que leslois punissent, dans certains cas, des galères, mais que les loislaissent ici impuni, comme bien d'autres faits de cette nature. Nousappelons l'attention du public sur ce fait scandaleux, afin qu'il setienne en garde contre cette fraude indigne qui mériterait à l'éditeurune leçon sévère.

Quantaux almanachs, ou plutôt, quant à l'almanach en lui-même, nous n'endirons qu'un mot, c'est que c'est un livre informe, aussi lourd àl'esprit qu'à l'oeil et qui est gros, dans son petit volume, devulgaires bannalités.

322. LA SCIENCE DU DIABLE.

Nousn'avons pas grand chose à dire de cette Science du Diable, si ce n'estque le diable que l'on y fait parler nous parait être bien ignorantpour un diable ; il faut dire aussi à sa louange qu'il pourrait êtreplus méchant ; non pas, toutefois, que nous le jugions un diableinoffensif, un bon diable, en un mot, car nous serions très fâché devoir certaines de ses histoires entre les mains d'une jeune personne ;mais enfin, comme tout est relatif, et que nous nous sommes fait depuislongtemps une idée peu flatteuse de la bonté de Lucifer, nous trouvonscelui-ci, le Lucifer de la Science da Diable, presque anodin auprès dunôtre, c'est-à-dire, auprès du Lucifer classique.