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BODIN, Félix (1795-1837) : Une scène de magnétisme (1832). Saisie du texte : S. Pestel pour lacollectionélectronique de la Médiathèque AndréMalraux de Lisieux (12.II.2009) Texte relu par : A. Guézou. Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur un exemplaire (BM Lisieux:nc) de Paris ou le livre descent-et-un. Tome septième.- A Paris: Chez Ladvocat, libraire de S.A.R. le Duc d'Orléans,MDCCCXXXII.- 396 p.; 22 cm. Unescène de magnétisme par Félix Bodin ~ * ~This only is the witch craft I have us’d. SHAK[E]SPEARE. Monsieur l’éditeur du livre des Cent-et-Un veut bien me demander unnouvel article ; c’est fort obligeant, sans doute : mais il exigeabsolument que j’y parle du magnétisme ; c’est fort embarrassant. D’abord, il n’est pas du tout agréable de passer dans le monde pours’occuper de magnétisme. Beaucoup de vos meilleurs amis vousconsidèrent alors avec une sorte d’inquiétude compatissante, commecelle que nous inspirent les gens dont la tête n’est pas bien rassise.Je trouve cela tout naturel ; il y a quelques années que j’en usaisainsi avec les autres, et aujourd’hui, par la même raison, je suispresque honteux d’être signalé comme un adepte de Mesmer, de Puységur,et du bon M. Deleuze. Ne voyez-vous pas tout de suite les inconvénients d’une réputation dece genre ? En politique, cela vous classe infailliblement parmi lesesprits faibles ; en philosophie, parmi les cerveaux creux ; enlittérature, parmi les niais. Ainsi, par exemple, si jamais je trouveassez de confiance en moi-même pour ramasser dans mes paperasses dequoi remplir un ou deux in-octavo, et puis après cela que je m’avise,tout comme un autre, de me mettre sur les rangs pour l’Académiefrançaise, pensez-vous qu’une pareille note sur mon compte soit unebien bonne recommandation auprès de MM. les trente-neuf ? Supposezencore un député à nommer, et un candidat véhémentement suspect demagnétisme ; comment l’accueilleront les électeurs avec un antécédent,ou, si vous voulez, un précédent semblable ? Je vois déjà venir toutesles railleries : Il veut magnétiser la chambre, endormir l’Europe ;enfin, une nuée de traits qui tuent un candidat dans un chef-lieud’arrondissement. Parbleu ! c’est une chose bien singulière ! dans un temps où lemagnétisme n’était pas encore publiquement constaté, alors que lecharlatanisme se chargeait de l’exploiter en grande partie et que lemystère ajoutait à son merveilleux, il était du bon ton de s’en mêler,et chacun, sans risquer sa réputation, pouvait y croire tout à sonaise. On croyait à cela et à bien d’autres choses. Je me souviens d’unvieux brave homme, ancien capitaine de dragons, qui, au retour del’émigration, avait conservé, comme une sorte de bagage de l’ancienrégime, le magnétisme, la baguette divinatoire, nombre d’anecdotes surM. le comte de Cagliostro, le tout entremêlé de citations de M. deVoltaire, et d’une quantité de remèdes de bonne femme empruntés aujournal de Verdun. Le digne oncle ! il n’avait pas de plus grandbonheur que de donner ses recettes et d’administrer ses simples, et ilcroyait à leur efficacité aussi fermement qu’il était convaincu que,sans M. Necker, la révolution française n’aurait pas eu lieu ! Pardonde la digression. Je disais donc qu’avant la révolution, il n’y avait nul inconvénient àcroire au magnétisme, qui pourtant n’était rien moins que démontré ; etaujourd’hui que nombre d’expériences ont été faites solennellement enprésence des plus célèbres facultés d’Europe, que de nombreuses curesont été opérées publiquement dans un hôpital de Paris à la face de tousles médecins, étudiants, et curieux, qui ont voulu en être témoins ;aujourd’hui qu’une commission nommée ad hoc a conclu à l’existencedes phénomènes du magnétisme animal et du somnambulisme ; aujourd’huique vous rencontrez partout des gens qui ont vu, ou qui ont été guéris,ou dont les amis l’ont été, ou qui conviennent d’avoir éprouvé un effetquelconque de cet agent physique singulier, comment se fait-il qu’il yait un peu de ridicule à passer pour étudier le magnétisme et pour ycroire ? Voilà pourtant où en est maintenant la question. C’est une des bizarresinconséquences de l’humaine nature. Les uns croyent parce qu’ils ont vuou éprouvé ; les autres ne croient pas, parce qu’ils n’ont pas eu depreuves ; et tous s’en tiennent là. Ceux qui n’ont pas été convaincus,aiment mieux ne pas y croire que d’y aller voir ; et il leur estégalement commode de se moquer de ceux qui ont jugé que la chose valaitla peine d’être vérifiée. Tâchons de savoir pourquoi cela. Quand il se fait une découverte dans les sciences physiques, et qu’elleest suffisamment constatée par les témoignages du monde savant,personne ne prend la peine de la révoquer en doute ; on a plus tôt faitd’y croire sur la foi d’hommes spéciaux et capables, qui ont comme laprocuration de l’humanité civilisée pour admettre les nouvelles véritéset leur donner cours. Quand j’entendis parler pour la première fois del’action extraordinaire du galvanisme sur le système nerveux même aprèsla mort, je fus sans doute fort émerveillé ; mais le fait n’étantcontesté de personne, je n’hésitai pas un moment à l’admettre. S’il eûtété contesté, j’eusse pensé qu’il méritait bien qu’on s’en assurât, etje n’eusse rien négligé pour savoir parfaitement à quoi m’en tenir.Ainsi ai-je fait pour le magnétisme ; ainsi, ce me semble, devraitfaire tout le monde, ou bien je ne sais plus ce qui est digne decuriosité, dans un temps surtout où tant de gens s’évertuent à chercherde la poésie. Mais, voyez-vous, il y a quelque chose qui nuit au magnétisme ; c’estqu’il dévoile un côté du monde physique qui nous était entièrementinconnu ; c’est que la science, suivant son habitude, a irrévocablementfixé les lois du monde connu ; c’est qu’elle est fondée à regardercomme impossible ce qui semble déroger à ces lois, et ce que levulgaire, moins scrupuleux qu’elle, admet tout bonnement commemerveilleux. Cette manière de raisonner est en effet fort plausible ;ce qui a une apparence de merveilleux étant jugé impossible, on décidequ’il ne vaut pas la peine de s’en occuper. Mais combien d’autres faitsmaintenant admis, ont passé autrefois pour merveilleux, parce qu’ilssemblaient choquer les idées reçues, et sortir de l’ordre naturel ? Lesphénomènes de l’électricité, du galvanisme, du magnétisme minéral,etc., ne parurent-ils pas merveilleux d’abord, et les explique-t-onbien aujourd’hui ? Eh bien, ceux du magnétisme animal doivent entrerdans le domaine physique, quoiqu’on ne les explique pas, et ils doiventavoir aussi leur loi, qui peut-être un jour sera connue et lesexpliquera. Oh ! pardon, voilà que je me laisser aller à traiter la questionscientifique, et pourtant je me suis bien promis de n’en rien faire. Jene veux que me placer au point de vue moral, poétique, philosophique,pittoresque, si vous voulez. Je ne dois vous donner ni un procès-verbalde clinique, signé de trois médecins, ni une théorie sur le magnétisme,ni une discussion pour ou contre. Tout cela serait ici hors de propos. Cependant, il faut bien que je prenne mes précautions avec le lecteursérieux. Ainsi, de grâce, laissez-moi ajouter quelques mots à cepréambule. Je vous assure donc que je crois au magnétisme, et même ausomnambulisme, qu’il serait mieux d’appeler autrement (1). J’y crois,parce que j’ai examiné nombre de somnambules avec la prévention la plusdéfavorable d’abord, et ensuite avec la plus impartiale attention. Jevous dirai encore que l’appareil nerveux est principalement en jeu dansl’action magnétique, et qu’ainsi, moins il y a de sensibilité nerveuse,moins le magnétisme agit. On conçoit dès-lors pourquoi les femmes sontplus aisées à magnétiser que les hommes. Je crois aussi que le charlatanisme s’est souvent emparé de cettedécouverte, sans doute renouvelée des anciens, et quel’enthousiasme l’a exagérée ; mais, dites-moi un peu, quelledécouverte en médecine n’a pas eu ses enthousiastes, ses fripons et sesdupes ? La panacée physique et morale, le moyen d’arriver à l’absolu, à lavérité universelle : il y a des gens qui voient cela et bien d’autreschoses dans le magnétisme. Quant à ceux qui ne sont ni dogmatiques, niilluminés, mais qui observent les faits à l’aide de l’expérience et dela raison, qu’ils se bornent à étudier le plus possible de faitsmagnétiques, avec toute la prudence du doute. Mais qu’ils se gardentbien de faire aussi leur théorie, que d’autres faits viendraientbientôt renverser. De tout temps on a pensé que l’époque de la synthèseétait venue ; aussi combien de systèmes ont passé sur cette planète,comme les générations, les monuments, les empires ! Dans deux mille anson en fera d’autres qui seront supplantés plus tard. Pour moi, j’aimeassez les systèmes, mais seulement comme méthodes. En voilà bien assezlà-dessus. Pour en finir, voici une lettre dans laquelle se trouvent rassemblés,comme dans un cadre, les phénomènes les plus intéressants, mais non pasles plus merveilleux du magnétisme. Elle m’a été adressée par un amidans lequel j’ai autant de confiance qu’en moi-même, et je la publietoutefois sans en prendre la responsabilité. ......................................................................................................................................................... « .... Décidément, mon très-cher, nous n’allons point aux eaux. Lasaison commence à être avancée. Les bains de mer n’ont rien fait, et,qui pis est, ils ne sont pas en vogue cette année ; on n’y va pas nonplus. Le voyage d’Écosse est remis à l’année prochaine, et voilà toutl’été passé à Châteauverger. Ne serait-ce pas à périr d’ennui sans lesressources de ton ami ? Mais qu’il est difficile d’amuser une joliefemme accoutumée à faire effet partout et gâtée par les succès du monde! « La charmante cousine se plaint donc toujours de ses nerfs. Elle gémitde ce que son mari soit obligé d’être maintenant à la tête de sonrégiment. Sa première ferveur de romantisme est passée ; les romans deWalter Scott et à la Walter Scott ne l’intéressent plus. Nous lisonsencore parfois quelques vers de Wordsworth et de Byron, mais avec uneattention languissante. Elle s’est dégoûtée de la peinture, parce queles talents sont devenus trop communs, et que, dans les couvents, lespetites filles composent des tableaux du genre ou peignent d’après lemodèle. Rossini ? elle a tant chanté ce qu’on chante de lui dans lessalons ! Elle ne conçoit plus qu’on fasse de la musique d’amateur sansexécuter un acte entier avec choeurs et orchestre. Quoi donc faire ? « J’ai trouvé les circonstances plus favorables que jamais pourreproduire mes offres de magnétisme. On a ri, on a rejeté cela bienloin comme folies, comme chimères. Le lendemain, migraineinsupportable. C’était un excellent motif. J’ai ramené la question,j’ai exposé ma théorie, j’ai cité mes cures merveilleuses, j’ai vantémes somnambules. La curiosité a paru excitée. « Mais est-il possible ?n’est-ce pas une illusion ? – Essayons, vous verrez. – On va se moquerde nous. – Qu’importe ? – Cela me rendra plus malade. – Au contraire,je réponds de vous guérir. – Eh bien, cela m’ennuiera. – Vous n’enaurez pas le temps. – Sera-ce long ? – Au plus dix minutes. – Et puis,n’êtes-vous pas un peu jeune, ou bien moi ? – Oh ! je suis votrecousin. – Au fait, c’est vrai. Allons..... au moins Alberte peutrester, n’est-ce pas ? – Comment donc ? sans doute. » « Franchement elle en mourait d’envie, et la belle Alberte n’en étaitpas moins curieuse qu’elle. Te le dirai-je ? c’était surtout à cause decelle-ci que je souhaitais si ardemment cette expérience. Avec sesbeaux yeux si noirs, si brillants, ses grands cheveux lisses quiceignent son front comme un bandeau de jais ; cette expression dephysionomie si touchante, cette pâleur que relève un teint légèrementespagnol, enfin tout ce charme répandu sur sa personne, quellesomnambule ce serait qu’Alberte ! mais je n’osais y songer ; etpourtant, me disais-je, c’est alors que je saurais son secret..... « Madame de B... a plus d’esprit que la jeune pupille de son mari, etd’ailleurs l’usage du monde, sept à huit ans de plus, cela se conçoit.Mais quelle âme que celle d’Alberte ! et puis dans sa dix-huitièmeannée, à l’âge des pâles couleurs... il lui faut un mari. Or dans cesiècle et dans le monde où elle se trouve placée, quel maritrouverait-elle ? La pauvre enfant, elle n’a rien ! cinquante milleécus tout au plus ! Il est vrai que c’est tout venu ; mais au point oùen est le luxe, surtout au Gymnase ! « Tu t’impatientes : j’arrive. Je voudrais bien pourtant m’arrêter surla charmante composition de chevalet que j’avais sous les yeux. J’aitoujours regardé comme l’un des plus délicieux contrastes que nousoffre la nature, un groupe formé d’une brune et d’une blonde, appuyantleurs deux jolies têtes l’une contre l’autre, et joignant leurschevelures aussi dissemblables que leur teint, leurs yeux, leur port,et l’expression de leur physionomie. « Ici, comme il arrive souvent malgré le préjugé contraire, c’est labrune qui est tendre, sérieuse, mélancolique ; c’est la blonde qui estvive, enjouée, piquante. Madame de B... est au fond beaucoup plussensible qu’elle ne veut le paraître. Elle a l’air de ne s’intéresser àrien et de traiter les choses en pirouettant. Mais, en dépit de soncerveau d’homme qui comprend tout, elle a une âme de femme qui sentvivement, un coeur qui a besoin de quelque idole... pour long-temps ?j’en doute. « Pour Alberte, sa tête souvent penchée sur sa poitrine, ses yeux unpeu battus et sur lesquels s’abaissent de longs cils noirs, son regardsouvent fixe, humide et pourtant brûlant, tout en elle annonce uneprédestination à quelque passion profonde, c’est-à-dire aux plusgrandes ivresses de bonheur et aux douleurs les plus poignantes.Passion à toujours ? je le crois. « Enfin, madame de B... est sur un divan, moi devant elle sur unechaise, pressant légèrement ses genoux entre les miens. Je lui dis des’appuyer la tête sur un coussin, de se laisser aller au sommeil sansessayer de résister à mon influence ; car, à quoi bon rendrel’expérience plus longue et plus pénible pour tous deux ? Qu’est-ce quecela prouverait ? Je prends une de ses mains (fort belles comme tusais, mais je n’y songe pas alors, comme de raison) ; je laisseAlberte, qui est aussi sur le canapé, tenir l’autre dans les siennes.C’est pourtant contre les principes qui prescrivent l’isolement ; maispenses-tu que je veuille m’isoler d’Alberte ? « Après trois minutes de recueillement ou de concentration, pendantlesquelles je dirige très-faiblement mon action magnétique pour laménager, je projette doucement ma main vers le front, puis je l’abaissele long de la figure avec beaucoup de lenteur ; et, descendant ainsi,je m’arrête successivement devant la clavicule, le sternum, les plexussolaires et l’épigastre, que je presse un peu. Bienheureuse langueanatomique ! elle n’effarouche point la pruderie ; aussi je ne manquepas de m’en servir. « Tout cela n’a été en tout que l’affaire de cinq minutes, et déjà larespiration devient plus fréquente, les mains plus chaudes et un peumoites, le sein légèrement agité, les regards incertains et lespaupières demi-closes. Je continue avec assurance du succès. Mais j’enobtenais bien un autre pendant ce temps-là ! Je tourne la tête du côtéd’Alberte ; elle était profondément endormie. Cette organisation sidélicate et si impressionnable avait absorbé le fluide, comme nousdisons nous autres magnétiseurs. « Madame de B... s’aperçoit de mon étonnement, et en voit aussi lacause. Encore entre la veille et le sommeil, elle n’était pastout-à-fait sous ma puissance. « Je ne veux plus être magnétisée, » me dit-elle en se levant tout àcoup. - « Eh bien ! qu’est-ce ? qu’y a-t-il ? – Mais « vraiment, c’estsérieux ; voyez donc cette enfant. – Elle dort profondément, voilàtout. – Il me semblait tout-à-l’heure que je ne m’appartenais plus àmoi-même. Je sentais comme si le moi s’en allait. – Cela se passetoujours ainsi. – Mais je vous dis (en souriant un peu) que cela estfort dangereux. – Idée que cela ! avec moi du danger ! – Je vousdéclare que je ne voudrais être magnétisée que par l’homme que j’aimele mieux au monde, et ce n’est pas vous. – Imaginez donc que dansl’état de veille les affections habituelles reprennent tous leursdroits, et l’influence du magnétiseur n’est presque plus rien. – Je leveux croire ; mais convenez alors du moins que, dans l’état magnétique,ces affections peuvent être remplacées un moment par d’autres. –Quelquefois, il est vrai. Eh bien ! le grand mal ! C’est comme uneinfidélité en songe, comme une passion pour un être imaginairerencontré dans un roman. Bien fou qui serait jaloux de ces choses-là ! » « Alberte dans ce moment paraissait agitée, sans doute parce quej’étais moi-même un peu ému, tant le rapport magnétique existait dèslors intimement entre nous deux. Je calme aisément, par quelques passesà distance, de légères crispations nerveuses, et me tournant versmadame de B... : « Tenez, c’est vous qui êtes cause qu’elle souffre. Les nerfs sont siirritables dans cet état, que notre petite contestation suffit pourl’inquiéter. Il vaudrait mieux finir tout uniment par vous laisserendormir. – A quoi bon ? ma migraine est passée. – Cela ne se peut pas.Au contraire, je vois que vous avez la tête pesante. – Oui, je suistoute maussade. – Il faut que vous dormiez un peu pour vous calmeravant que je vous dégage du fluide ; sans cela vous seriez indisposéetout le jour. – Est-ce que vous allez laisser encore dormir cette jeunefille ? – Un peu de temps, par la même raison. – Comme çà, vous allezdonc être seul avec deux femmes endormies ? Savez-vous que ce sera unpeu singulier ? Et mes devoirs de tutrice ? – Allons donc ; laissonsces enfantillages. Et puis, ne disiez-vous pas que vous êtes curieusede voir ce que fait à présent votre mari ? – Oh ! j’oubliais cela. Sansdoute, si j’étais sûre de voir ! Allons. » « Elle se rassied, et je l’endors, mais sans m’occuper d’elle avec tropd’intérêt, car je craignais de renouveler les crispations de nerfsd’Alberte. Je savais que la jalousie se développe à un point étonnantchez les somnambules. Je n’étais pas sûr qu’Alberte le fût, car je nelui avais pas parlé ; mais je m’en doutais bien. Malgré toute monattention, la charmante pupille donnait des signes d’agitation aumoment où madame de B... faisait les derniers bâillements, et, selaissant aller à un sommeil invincible, étendait ses membres, et posaitsa tête en arrière avec cette grâce qui n’abandonne jamais les femmes,lors même qu’elles ne songent plus qu’on les regarde. « Figure-toi, si tu peux, ce ravissant tableau et les émotionsineffables qui faisaient vibrer mon âme après cette petite victoiremagnétique si facilement obtenue. « Je l’ai dit vingt fois : on ne connaît pas encore tout ce qu’il y ade poétique, de sublime, d’aérien dans la femme, quand on n’en a pas vudans l’état de somnambulisme. Telle même qui attire à peine les regardsdans l’état ordinaire, possède alors un charme à part. La carnationdevient plus transparente, plus fraîche ; la peau mieux tendue, laphysionomie a une expression plus gracieuse ou, suivant l’occasion,plus énergique, quoique les traits semblent reposés comme dans lesommeil ; les poses sont toujours heureuses, et les gestes aussi ;enfin la voix est plus douce, plus pénétrante. Une fois je fis chanterune somnambule, et on versait des larmes à l’entendre : réveillée, jelui demande le même air qu’elle ne se doutait pas d’avoir chanté unmoment auparavant ; ce n’était plus ni la voix ni l’âme detout-à-l’heure. « J’aurais voulu d’abord parler à la charmante Alberte ; mais jen’osais en vérité. Je tremblais qu’elle ne fût pas tout-à-fait ensomnambulisme, et qu’elle ne se réveillât en m’entendant. Je lui prendsdonc seulement la main bien doucement ; elle est complètementinsensible, comme il arrive dans cette sorte de catalepsie. Mais jeveux qu’elle sente la mienne et me donne un signe de connaissance ;alors il me semble que je trouve cette main un peu responsive, commeon dit si joliment en anglais. « Alberte dormait toujours, et avait entendu ma pensée ; le rapportétait complet. « Après un long regard d’amour, de désir et d’espoir, épandu avecdélices sur toute sa personne, je me tourne vers madame de B... etj’essaie de lui dire tout bas quelques mots, comme : « Voustrouvez-vous bien ? » Elle répond faiblement : « Oui, » sans cesser dedormir. Évidemment elle était en somnambulisme. Ce succès m’enchante,m’encourage et m’intéresse plus vivement à elle. Je lui porte une maindevant le front, une autre vers le coeur en la magnétisant avec un peuplus d’intensité ; en moins d’une minute, elle donne des marques del’influence de cette action, et commence à parler spontanément pourchercher à me rendre compte de l’état singulier où elle se trouve. « Je ne sais plus où je suis, » me disait-elle, mais je sens que jesuis avec vous, avec Alberte aussi ; cependant c’est par vous que je lavois. C’est un monde nouveau qui se développe en moi ; mais c’estencore le chaos, tout est dans le vague. Plus tard je verrais bienmieux. Oh ! mon Dieu, que c’est extraordinaire ! » « Mais l’attention trop exclusive que je lui portais dans ce moment-làparaissait faire mal à Alberte : elle sentait que je ne m’occupais plusd’elle ; les battements de son coeur étaient violents, pressés ;j’entendais comme des soupirs douloureux ; ses membres se roidissaientdéjà ; aussitôt je me mets à la calmer. « Vous magnétisez Alberte, » dit madame de B... « Oh ! comme vous aimezcette enfant ; vous ne pouvez plus me cacher cela ; je lis maintenantdans votre coeur. » - « Je ne prétends rien vous cacher non plus. « Mais elle ? » - « Je ne sais... Allons, il faut nous réveiller. Vraiment, c’est trèsdangereux ; vous auriez bientôt tous nos secrets. » « Le visage d’Alberte s’était un peu coloré pendant ce temps ; unelégère transpiration avait rafraîchi tout son corps ; un sourired’innocence et de bonheur parcourait ses lèvres ; sa physionomieannonçait une douce sécurité, une sorte de béatitude. J’ose alors luiadresser mentalement, et sans ouvrir la bouche, cette question : «M’entendez-vous ? – Oui, » répond-elle d’une voix embarrassée. « (Toujours mentalement.) – « Connaissez-vous à présent ce qui est dansmon coeur ? » « Elle paraît avoir peine à répondre : – « Peut-être. » « J’ajoute encore mentalement : « – M’aimez-vous aussi ? » « Son visage se couvre de rougeur ; elle ne répond rien, mais je sensqu’elle m’a pressé la main à peine sensiblement. Je n’ai pas besoin dete dire si cette réponse me plaît mille fois plus. - « Vous croyez donc que je ne vous entends pas ? » dit madame de B...avec humeur ; « c’est comme si vous parliez tout haut ; ne vous gênezpoint. » « Alberte ne l’avait peut-être pas entendue ; toutefois elle paraissaitsouffrir dans ce moment. - « J’étouffe, » me dit-elle, en portant la main à son coeur. « Je la magnétise dans cet endroit : j’en approche ma bouche, et,connaissant les heureux effets de l’insufflation, j’y exhale toute monhaleine, ce qui semble aussitôt la soulager, et même lui faire éprouverun vif sentiment de plaisir. - « Oh ! comme cela me fait de bien ! Le sang se portait trop au coeur. » « Je lui dis tout haut : - « Pourquoi cela ? que voyez-vous envous-même ? » - « Je vois que j’ai une tendance à l’anévrisme. » - « Cela vous semble inquiétant ? – Oh ! mon Dieu ! j’en mourrai, sij’éprouve quelque chagrin cuisant. – Ne vous mettez point detelles idées dans l’esprit. – Je n’y peux rien. – Vous vous guérirez ;j’en ai l’espoir, j’en suis certain ; je veux que vous ayez la mêmeconfiance... Croyez-vous qu’en vous magnétisant je vous guérirais ? » - « (Vivement.) Sans doute !... (Lentement.) Peut-être, veux-je dire...Mais je ne veux plus ; non, plus ; c’est trop... » - « Quoi ! vous ne voudriez pas me devoir la santé, ma chère Alberte ? » « Elle ne répond que par quelques sanglots apaisés bientôt pard’abondantes larmes, qui s’échappent de ses paupières fermées. - « Ne pleurez pas, ma tendre amie ; non, ne craignez aucun chagrin, demoi surtout. Je vous guérirai ; vous serez heureuse, s’il dépend devotre meilleur ami... Mais voici madame de B... qui souffre ; il fautque je m’occupe d’elle. Essuyez vos larmes, pour qu’il n’y paraisse pasquand vous vous réveillerez. Je veux à présent que vous dormiez d’unprofond sommeil. » « Elle me dit qu’elle a grand’soif. Je remplis un verre d’eau que jemagnétise avec la volonté qu’elle ait le goût de limonade. Elle boitavidement, et dit : « Qu’est-ce ?... c’est, je crois, de la limonade...Oh ! que cela me paraît bon maintenant ! » En même temps, je pose unemain devant l’épigastre, l’autre sur le front, avec l’intentiondéterminée de la faire dormir jusqu’à ce qu’elle se réveilled’elle-même. Je veux même qu’elle se trouve plus calme, plus heureuse ;qu’elle conserve de son sommeil un souvenir agréable sans pouvoir s’enrendre compte. Tout cela ferait hausser les épaules à beaucoup de gens; mais toi, qui connais ces expériences, tu n’as pas besoin decommentaires. « Après deux minutes, Alberte est déjà profondément assoupie.J’approche une chaise de madame de B..., et je la soulage avec despasses à grand courant ; elle se calme un peu, et me dit : – « Vraiment, je crois que vous m’auriez laissé mourir sans daignersonger à moi, tant vous étiez tout entier à cette petite. » - « Vous jugez sévèrement votre cousin. Est-ce que vous étiez bien mal? » - « Oui ; la migraine était revenue ; mes nerfs étaient agacés ; jesouffrais à l’estomac. – C’était peu de chose, et à présent ? – Je suismieux ; mais ne faudrait-il pas qu’on fût à la mort pour vous émouvoir? – Allons, belle cousine, plus de courroux ; je suis à vos pieds...Que dites-vous de la modération d’un puissant magicien qui demandepardon à la beauté enchantée, et qui s’humilie quand il pourraitcommander ? – C’est pourtant vrai ce que vous me dites-là!... Il me semble que mon âme est soumise à la vôtre, existe en elle,et ne voit plus que par elle ; vous dirigez jusqu’à ma pensée. » « En même temps, je lui baisais la main ; il est vrai, par puregalanterie, mais avec la volonté qu’elle le sentît. – « Oh ! ce n’estpas sincère ; je sens que vous ne pensez pas à moi dans ce moment-ci. –Et vous ? je vous crois aussi un peu préoccupée. Vous froncez lesourcil ; à quoi songez-vous ? – Mais, je ne sais ; je songe à mon mari; je me demande s’il serait bien aise que... – Bon Dieu ! que luiimporte ? quel mal y a-t-il à cela ? – Ce n’est pas tout ; je voudraisbien le voir, savoir ce qu’il fait, ce qu’il pense à présent ; s’ils’occupe de moi. – Essayons un peu. – Eh bien ! oui, je tâche... Ah !je commence à l’entrevoir confusément ; mais c’est encore si entouré debrouillard... je pense qu’avec de l’application, et si votre volonté mesoutenait, j’en viendrais à bout avec le temps. – Je dirige de ce côtétoute ma pensée. – Je le sens bien. » « En même temps, j’approche mon front du sien, et je les mets encontact. - « Bien, » dit-elle, « je vois mieux. Oh ! que cela donne de force àmon cerveau ! Mais j’en viendrais à bout tout de suite, si je tenaisquelque objet qui me mît directement en rapport avec lui, quelque chosequ’il eût touché récemment. – C’est juste : qu’allons-nous prendre ? –Ah ! tenez ; c’est bien ce qu’il nous faut ; donnez-moi sa dernièrelettre, qui est là, sur la chiffonnière. » « Je la lui donne ; elle la palpe avec soin, la pose sur soncoeur, sur sa poitrine, sur son front, où elle la tient plus long-temps; puis s’écrie avec transport : – « Oui, je le vois bien, bienclairement ; pas à présent, du moins, mais au moment où il écrivait lalettre. Oh ! il songeait bien à moi ! Comme il m’aime, ce cher Gustave!... Eh ! mais, quelqu’un entre dans sa chambre... Qui est-ce ? Dieu !c’est une femme. Il se lève. Ah ! » « C’était un grand cri qui sortait du fond de sa poitrine. Elle seraittombée évanouie, si elle n’eût été dans l’état somnambulique, où mavolonté la soutenait et l’empêchait de défaillir sans se réveiller.Elle se lève brusquement, et se précipite vers la fenêtre comme pouraccomplir un acte de désespoir. Je la retiens ; et, en même temps, ilfaut que je dirige mon attention vers Alberte, qui semblait seressentir de la commotion que j’éprouvais. Imagine un peu mon embarrasdurant une telle scène. « Enfin, en le voulant fortement, je fais asseoir madame de B... dansl’attitude de la résignation ; puis je la calme par les passes, lesouffle à distance, et surtout par ma ferme intention de lui ôter toutsouvenir de sa fâcheuse vision. - « Faut-il que je vous réveille bientôt ? » - « Oh ! je suis encore bien agitée. Était-ce réalité ou illusion ?Pourtant j’ai bien vu, comme si j’y eusse été. (Je pose ma main sur sonfront.) Non, non, j’ai cru voir. Oui, c’était pure illusion. Justice duciel ! serait-ce possible, lui qui en me quittant... Cependant, j’ai...Oh ! ce n’est pas vrai ; sinon... je me... vengerais peut-être. Gustaveinfidèle à ce point ! Oh ! malheureuse que je suis ! Non, non, cela nepeut être, cela n’est pas. » - « Dormez, je vous en conjure. En ma qualité d’enchanteur, je l’exige.» - « Oh ! ne plaisantez plus. Il n’est pas en votre pouvoir de me fairedormir à présent. Je voudrais me réveiller et me souvenir... » - « Pour cela, non, » lui dis-je avec force, je veux que tout celas’efface de votre esprit, comme tant de vains songes ; et puisque vousle désirez, réveillez-vous. » « En disant cela, je fais le geste d’usage, c’est-à-dire que je séparevivement mes deux mains devant le visage de la somnambule, et que jelève plusieurs fois mes doigts sur ses yeux, comme pour lui ordonner deles ouvrir ; ce qu’elle fait bientôt en les frottant, car elle yéprouve une légère cuisson. Je la fais disparaître en passantlégèrement sur ses paupières mes pouces que je sépare aussi. Le nerfoptique est encore comme paralysé. « Eh bien ! Madame, comment cela va-t-il ? – Sommes-nous, dans lesténèbres ? Ah ! je commence à voir. Je suis comme si l’on m’avaitgrisée. Je sens des vertiges. Vraiment, je ne pourrais marcher... Oh !mon Dieu, quelle faiblesse j’ai dans les jambes ! Concevez-vous cela ? » - « Rien de plus naturel, c’est toujours ainsi. Vous êtes saturée demon fluide ; il faut je vous en débarrasse. » - « Oh ! » dit-elle en riant, « débarrassez-moi de votre fluide ; caril me met fort mal à l’aise. Remettez-moi comme auparavant, et que jesois tout-à-fait moi-même. » - « C’est bien facile : tenez-vous debout. » « Alors je fais avec mes deux mains, de la tête aux pieds, plusieurspasses sur les côtés, puis devant elle, et sur la colonne vertébrale.Elle est parfaitement dégagée. - « Comment vous trouvez-vous maintenant ? – « Bien. – Rien que cela ?– J’ai peur de vous donner trop de vanité, mais il faut l’avouer : enhonneur, je me trouve mieux qu’auparavant. Pourtant, il me semble quej’ai fait un rêve désagréable ; je croirais avoir eu le cauchemar. –Cela produit parfois cet effet-là ; et la migraine ? – Disparue ; maisje me sens la tête un peu exaltée, je ne sais pourquoi. Est-ce que j’aidormi long-temps ? – Voyez la pendule : trois quarts d’heure. – Je n’airien dit au moins ? – Vous avez dormi, vous dis-je. – Pourquoi cettelettre sur le canapé ? (J’avais oublié de la remettre où elle était, etje m’en repentais cruellement ; je tremblais déjà.) – « C’est que jevous l’ai mise entre les mains pour voir... – Ah ! vraiment ? Et monmari, qu’avez-vous appris de lui ? – Mais autant que j’ai pu entrevoir,il se porte fort bien. – Vous riez, n’est-ce pas ? Vous n’avez rien vu,serait-ce possible ? – Au fait, à une telle distance, il faudrait unrapport bien mieux établi. – Eh ! mais (se regardant à une glace),comme me voilà en désordre ! que m’avez-vous donc fait ? – Vous avez euun peu d’agitation, que j’ai calmée. Voilà tout. – Je crois tout ce quevous me dites. Il le faut bien. Mais voyez donc : et moi qui devaislire dans votre pensée, je ne me souviens de rien. A quoi celam’avance-t-il ? Au surplus, c’est une chose bien étrange. Je merappelle encore le moment où je m’endormis et celui de mon réveil. Etcette jeune fille, comme elle dort de bon coeur ! La laisserez-vous seréveiller toute seule ? le pourra-t-elle ? Je crois que le magnétismelui est bon. – Oui, sans doute ; et à vous ? – Oh ! à moi ? non... jene sais. » « Alberte s’est réveillée deux grandes heures après, avec des couleurscharmantes, n’ayant pas l’ombre du souvenir de son sommeil, et pourtantme regardant avec des yeux plus timides ou plus éloquents, car c’est lamême chose. Je l’ai laissée aussi, et d’après les prescriptions de laprudence magnétique, dans l’ignorance de son somnambulisme. En effet,les indiscrétions en pareil cas sont presque toujours dangereuses.Elles donnent de l’inquiétude aux somnambules sur ce qu’elles peuventavoir dit, troublent leur cerveau, nuisent à leur isolement, en mêlantl’existence de l’état de veille à l’existence tout-à-fait à part dusommeil magnétique ; enfin, elles affaiblissent leur lucidité, et ladétruisent quelquefois. « Alberte ignore qu’elle a laissé échapper son secret dans mon coeur, etmoi j’ai tout cela encore présent ; je sais tout. Quel avantage j’aisur elle ! Ne crains rien, charmante fille ! je n’en abuserai pas ; etsi ton bonheur dépend de moi, tu seras heureuse. « Ah ! ça, mon cher, que dis-tu de moi à présent ? N’est-ce pas là dela vertu, modestie à part ? car il faut bien appeler les choses parleur nom. Combien connais-tu de gens qui ayant surpris le secret d’unejolie fille, et entendu une jolie femme proférer le mot de vengeance,en useraient comme moi ? Et puis, dis-moi si je ne t’ai pas fait là, enstyle naïf, mais par fois prétentieux, une manière de petit contephysiologique, dramatique et moral ? Oui, moral ; et tout autant pourle moins que ceux dont M. de Marmontel édifiait le dix-huitième siècle.» Je répète que je ne donne pas toute cette lettre sous ma garantie. Ils’y trouve certaines allégations qui soulèveront l’incrédulité. Eh bien! que les incrédules expérimentent aussi. Ce n’est pas mon affaire deles convaincre. En affirmant tout, je ne serais cru sur rien. Je veuxune issue pour une honorable retraite. Voilà, du moins, le côté poétique du magnétisme. Si de là vousdescendez à certaines somnambules de profession, qui dorment pour toutle monde, et moyennant un prix fait, qui chaque jour délivrent nombrede consultations, et souvent toujours la même pour toutes les maladies,qui ont enfin acquis une telle habitude du sommeil magnétique, qu’on ledirait attaché à leur canapé, alors vous pourrez bien être arrivéquelque peu sur la limite du charlatanisme. FÉLIX BODIN. (1) Lesomnambulisme magnétique, c’est le développement d’un sixième sens, cesens qui se révèle quelquefois dans les pressentiments, les sympathies,et tant d’autres phénomènes de la vie ordinaire ; c’est, si l’on veut,l’instinct naturel stimulé à tel point qu’il a des perceptions que nousrefusent nos sens dans l’état de veille. Nous ne savons ni pourquoi nicomment cette faculté se développe ainsi ; les somnambules ne peuventnous rendre compte du genre de leur perception, de leur vision. Mais,du moins, les gens qui se donnent la peine d’observer le fait nepeuvent le nier. J’en ai vu bien d’autres chez le docteur Chapelain,cet ardent expérimentateur magnétique, qui a sacrifié toute sa carrièremédicale aux progrès de la science, et qui, chemin faisant, opère descures étonnantes. retour |