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BRISSET,Mathurin-Joseph(1792-1856): La ménagère parisienne(1841).

Saisie dutexte : S. Pestel pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (02.IV.2010)
Relecture : A. Guézou.
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros]obogros@cclisieuxpaysdauge.fr
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Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire(BM Lisieux : 4866 ) du tome 3 des Francaispeints pareux-mêmes : encyclopédie morale du XIXesiècle publiée par L. Curmer de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9 vol. 
 
La ménagèreparisienne
par
M.-J Brisset

~ * ~

LES femmes de province ont pendant longtemps paru posséder des droitsexclusifs au titre glorieusement bourgeois de bonne ménagère. Et, eneffet, la régularité des habitudes intérieures, la rareté dedistractions extérieures, les traditions léguées de mère en fille, lebesoin d’une occupation, d’une activité journalière, la nécessitéd’entretenir et de consolider par les minutieux efforts de chaque jourune fortune à laquelle le temps ne semble devoir apporter aucunaccroissement soudain, par-dessus tout le désir ardent qu’elles ont desurpasser ou d’égaler, à force d’économies intérieures, le luxe desfemmes plus riches qu’elles, et de pouvoir soutenir sans crainte lasurveillance inquisitoriale qu’elles exercent sans cesse les unes surles autres, tout contribue à faire des femmes de province les ménagères par excellence, ménagères corps et âme, esprit et coeur,dans toutes les circonstances de la vie, et à toutes les heures de lanuit et du jour.

Mais, après avoir ratifié les droits incontestables de nos Françaisesde province, qu’il nous soit permis de retracer ici le type modeste etjusqu’à présent ignoré de la ménagère parisienne.

Si Paris est l’Eldorado des femmes frivoles, s’il est le paradis desfemmes riches, belles et coquettes, s’il est plein d’entraînements,d’enivrements, d’hommages et de séductions pour les femmes faibles etvaines, il est aussi le lieu des souffrances, des privations, del’isolement et des angoisses intérieures, le lieu des épreuves et destravaux amers pour les femmes pauvres, honnêtes et fières. Les soins duménage de la jolie Parisienne s’engourdissent au contact de l’eaufroide qui doit purifier les légumes, ou se gercent et se crispent àl’action contraire de l’eau bouillante si nécessaire pour entretenirautour d’elle une rigoureuse et appétissante propreté. Mais il lui fautallumer le feu, préparer la viande saignante ; il lui faut apprêterl’éclairage du soir ; tout cela se fait promptement, proprement, avecactivité, courage... et la jeune femme achève allégrement sa tâche, ensongeant au retour de son époux aimé.

Après avoir, non sans un gros soupir, déjeuné seule à la hâte, elleprocède maintenant à l’arrangement de son intérieur élégant. Le balai,le plumeau en main, elle range, remue, nettoie ; elle époussette etfrotte avec amour chacun de ces meubles dans lesquels elle se mire ;elle les soigne avec un sentiment de reconnaissance, car tous fontpartie de son bonheur. Quelques-uns ont été apportés dans la communautépar le mari. C’était son ménage de garçon. Voici le petit bureau surlequel il écrivait ces lettres d’amour si tendres, voici la toilette àglace mouvante qu’il interrogeait avec crainte, se demandant si safigure d’austère et laborieux étudiant pourrait plaire à une jeunefille ; voilà sa pipe, ses pistolets, armes de vaurien, placées à toutjamais dans ce coin, où il a juré de les oublier, trophées conquis parl’amour, et auxquels la jeune femme adresse un sourire de triomphe etde défi.

D’autres meubles plus riches ont été donnés à la pauvre fille sans dotpar quelque bonne parente morte depuis : leur vue attire souvent dansses yeux quelques pieuses larmes de regret et de reconnaissance ;d’autres ont été achetés depuis son mariage du fruit de ses économies,et ceux-là, on le pense bien, ne sont pas les moins aimés.

Tout est en ordre maintenant ; les croisées, ouvertes un instant pourlaisser entrer l’air libre qui doit renouveler l’atmosphère, sontrefermées avec soin ; les blancs rideaux se drapent devant elles,élégamment relevés ; le lit, propret et rebondi, est recouvert d’unecoquette enveloppe ; les fauteuils sont rangés, le feu est reconstruit,et voici que la jeune femme se met gaiement à sa toilette.

Alors s’opère une transformation prompte et complète, qu’étudieraitavec intérêt le spectateur le plus indifférent. Le bonnet du matin,jeté avec mépris, laisse flotter les trésors d’une riche chevelure, et,de son habile main, l’adroite parisienne la dispose avec art entresses, en bandeaux. Bientôt sa tête lisse, bouclée, élégante, semblesortir des mains du plus renommé des coiffeurs ; sa taille souple,qu’on devinait à peine sous l’ample manteau du marché, ou sous lepeignoir de la balayeuse, enlacée à présent par un corset magique quila maintient sans la gêner, et révèle ses formes sans les exagérer niles comprimer, paraît dans toute la grâce de ses élégantes proportions; une robe d’une étoffe peu coûteuse, mais bien faite et faite par elle; un fichu frais, clair et léger, le tablier de soie à pochettesgarnies, les fines mitaines recouvrant des mains auxquelles le citronet la pâte d’amande ont rendu toute leur blancheur primitive ; et voilànotre ménagère aussi coquette, aussi pimpante que pas une femme deParis. Aussi digne qu’une duchesse, aussi gracieuse qu’une grisette ;vienne maintenant qui voudra la visiter !

Après un dernier coup d’oeil jeté à son miroir, elle dispose avecpromptitude son établissement de travail. Une petite table est devantla fenêtre, une chaise de paille est auprès ; elle s’y installe, untabouret sous ses pieds. A l’oeuvre, ma jolie couseuse, faites paraîtreles merveilles que savent créer vos doigts délicats ! A la foiscouturière, lingère, modiste, brodeuse, ravaudeuse et quelquefoistailleur, la ménagère parisienne, entourée d’étoffes achetées aurabais, déploie ses multiples talents, ses industries innées. Voyezéclore sous ses doigts ce ravissant bonnet qui doit, le soir, parer sajolie tête, et rivaliser de goût et de fraîcheur avec les coiffures desSimon, des Tulasne ! Plus de vingt fois essayé, le gracieux chiffons’harmonise enfin avec la douce physionomie qu’il doit embellir encore; ces fleurs légères se mêleront heureusement aux boucles soyeuses dela chevelure, les plis de ce tulle nuageux entoureront d’une auréoletransparente ces jolis traits dont ils feront ressortir les lignesfermes et pures, et ce noeud de satin, jeté négligemment sur le côté,caressera, de ses bouts flottants, une blanche épaule découverte.

Comme pour calmer ensuite son imagination vivement surexcitée par cetravail d’inspiration, ou peut-être pour secouer l’enivrement de lacoquetterie et ramener son esprit à de plus solides idées, la jeunefemme se livre maintenant à un travail plus sévère. Avec une patiencelaborieuse, avec une agilité presque mécanique, elle conduit et ramèned’un mouvement uniforme l’aiguille qui traverse le lin. Il y a danscette occupation des idées d’ordre, d’avenir, de durée : ce sont lespremiers fondements matériels d’une bonne maison, ce sont là les oeuvressimples et graves de la femme forte de l’Écriture.

C’est maintenant au tour du mari. Il s’agit de déployer à son profitles talents si divers des industries parisiennes. Par où commencera lajeune femme, qui voudrait faire pour lui tant de choses à la fois ?Travaillera-t-elle au bonnet qu’elle lui brode en secret pour sa fête ?ou plutôt, s’occupant d’une nécessité plus pressante, sacrifiera-t-elleson chapeau de velours noir de l’année dernière, dont la forme est unpeu passée de mode, pour renouveler le collet de l’habit qui, rajeunipar ce changement, les dispensera quelque temps encore d’une visitedispendieuse au tailleur.

Un coup de sonnette la tire de son hésitation. Elle va ouvrir. Ce sontdeux jeunes femmes de son âge, deux compagnes de pension.

« C’est toi, Lise ! c’est toi, Hortense ! Que je suis aise de vous voir!

- Bonjour, ma bonne Maria ! Combien il faut monter pour arriver cheztoi ! nous en sommes tout essoufflées.

- Entrez, venez, asseyez-vous ! »

Les jeunes femmes s’installent au coin du feu, ravivé par la ménagère.Elles jettent un regard d’inspection curieuse sur cet intérieurirréprochable pour le bon ordre, mais qui semble bien mesquin et bientriste à des filles de riches négociants, à des femmes de banquiers oud’agents de change. On parle d’abord des anciennes compagnes qu’on arencontrées dans le monde : ces deux dames en ont revu beaucoup, car,n’ayant rien à faire et s’ennuyant chez elles, elles sont à l’affût detoutes les occasions qui leur procurent l’emploi de quelques heuresdans la journée.

Satisfaite de la comparaison intérieure qu’elle vient d’établir entreson riche hôtel et la modeste mansarde de celle qu’elle vient visiter,Hortense parle complaisamment de ses chevaux, de ses équipages, de sestableaux, des riches tentures de ses appartements et du grand monde quiles assiége dans ses jours de réunion. La maîtresse de logis, avec unefierté douce, empreinte d’un sentiment vrai, lui répond par l’éloge deson mari qui, dit-elle, sera un jour, est déjà un homme de mérite, deson mari dont l’amour et les tendres soins l’empêchent de songer àdésirer jamais une autre position que la sienne ! Puis, à chaquequestion, à chaque remarque faite par la curieuse Lise, ou par ladédaigneuse Hortense, et tendant à faire ressortir la pauvreté de leurcompagne, elle répond par de malicieuses questions sur la beauté, lecaractère, l’élégance, la tendresse ou l’esprit de ceux dont ellesportent le nom. L’une est obligée de convenir que son marie est gros etlourd : il s’endort chaque soir près d’elle, il abhorre la musique,exècre la littérature, fait fi de la conversation !...

L’autre a épousé un avoué qui est aussi sur le chemin de la fortune.Petit, mince, actif et remuant, il a le génie des procès, et son grandart consiste à en inventer sans cesse pour le compte de ses clients. Ilest vrai que, quand le procès ne donne pas, toute son activité, tantsoit peu tracassière, se reporte sur son ménage où il contrôle tout cequ’on fait.

A ces aveux, la ménagère sourit et répand un regard d’amour surl’heureux asile de sa douce pauvreté.

Les jeunes femmes se retirent, non sans avoir fait promettre à l’humblemaîtresse du lieu d’aller à son tour revoir ses jeunes amies : elleaccepte l’expectative d’une visite pénible peut-être pour sonamour-propre, mais son mari l’accompagnera ; une fois au bras de celuique son amour a choisi, elle sent qu’elle n’enviera rien à personne.C’est que son époux tant chéri, c’est là toute sa richesse, c’est làson luxe, son orgueil... orgueil sublime de la femme pauvre, dont toutela gloire est dans celui qu’elle aime !

Cependant l’heure du dîner s’approche, et la visite un peu longue descamarades de pension a peut-être nui au pot-au-feu abandonné depuis lematin à lui-même. Vite un coup d’oeil et un coup de main pour lesderniers travaux de la cuisine ! Le maître va bientôt rentrer, il fautqu’il trouve tout en ordre, et que sa femme, libre de tout soin duménage, soit alors entièrement à lui. Il faut qu’à peine il se douteque sa gracieuse compagne est aussi sa servante, triste idée quigâterait pour lui les joies du retour et troublerait le bonheur de laréunion. Sa femme lui épargnera autant qu’elle le pourra l’aspect destravaux grossiers, des privations nombreuses qu’une position modesteimpose à celle qu’il voudrait environner des prestiges de la gloire etdes jouissances de la richesse. Cette pénible vérité glacerait ses inspirations, empoisonnerait ses travaux et finirait tropbrusquement ce rêve d’avenir, où, d’avance, il acquitte toutes lesdettes que son coeur a contractées envers l’ange de son propre foyer.

Toujours est-il que, patiente et résignée, elle a interrompu plus d’unefois ses travaux de la journée pour aller ouvrir avec préoccupation lemeuble qui contient toute la fortune du ménage. Elle a souvent tournémachinalement entre ses doigts quelques pièces restées au fond d’untiroir, en se chicanant elle-même avec une sorte de remords sur lesdépenses faites, et en se demandant avec crainte qui pourvoira auxexigences de l’avenir ! Elle a bien cherché dans son esprit quelleéconomie nouvelle elle pourrait encore inventer, quelle privationnouvelle elle pourrait encore supporter. N’a-t-elle pas supprimé àl’insu de son mari la femme de ménage qui, le mois dernier encore,venait la soulager des travaux les plus pénibles ? N’a-t-elle pasrenoncé à nombre d’habitudes prises, à nombre de petites douceurs dontle bien-être lui était personnel ?... N’a-t-elle pas abandonné et lalecture, et le dessin, et la musique, doux passe-temps de sa vie dejeune fille, pour ne rien dérober aux travaux utiles de ces heures dontelle leur a fait l’abandon ? Que peut-elle faire de plus, elle pauvrefemme, dont l’inépuisable industrie, dont l’imagination infatigable netrouvent à s’exercer que sur l’emploi de rares et chétives finances,que sur les infimes économies de chaque jour ?

Pour ceux que la terre nourrit, le temps, en épuisant les provisionsamassées par une sage prévoyance, ramène de nouveaux produits, ettandis que le laboureur, retenu chez lui par le froid, par la neige,qui contristent la campagne, voit baisser avec peine le blé qu’enserresa grange, il se ranime à l’idée que, cachée sous la terre durcie, unenouvelle moisson se prépare pour lui.

Mais pour l’habitant des grandes villes qui voit s’épuiser lesressources du passé, sans que l’avenir lui offre aucune promesse, pourle malheureux citadin qui n’a devant lui que quelques pièces de monnaieau fond d’une bourse légère, qui n’a pour tout domaine que les mursinféconds d’un quatrième étage dont on viendra bientôt réclamer lelourd loyer, il y a des moments d’angoisse inexprimable, et chaque jourqui s’enfuit, en enlevant une parcelle de l’irretrouvable métal, sembleun pas de fait vers l’horrible abîme de la misère et de la faim.

Personne ne comprend, ne ressent mieux ce supplice que la femmeparisienne. Élevée dans une atmosphère d’élégance et de délicatesse,loin de l’air libre des champs et des travaux vivifiants de lacampagne, elle a acquis en finesse de perceptions, en vivacitéd’émotions, en délicatesse d’organes, tout ce qui lui manque enrichesse de santé et en énergie musculaire. Sur cette organisationirritable et nerveuse, les chagrins ont plus de prise ; pour cet êtrefaible et impressionnable les inquiétudes sont plus poignantes et lestravaux plus accablants.

Pourtant une énergie sublime vient tout à coup en aide à la femmehonnête et pure, qui souffre ainsi sous les yeux de Dieu seul, etlorsque le coup de sonnette attendu lui annonce le retour de son mari,elle court lui présenter un visage joyeux, plein de confiance etd’espoir.

Ce sont là ses moments de bonheur. Voici enfin celui au bien-êtreduquel elle a travaillé tout le jour, celui pour lequel elle trouvetous les sacrifices doux et faciles à remplir, celui sur la tête duquelreposent tant de rêves de gloire et d’avenir. Il y a bien encore aumilieu des joies de la réunion quelques moments pénibles et quiréveillent dans le coeur de la pauvre femme tout un monde de chagrinsoubliés ; soit que le mari se plaigne doucement de l’exiguité de sonrepas, soit qu’il trouve moins gai que de coutume le feu dans lequelune main prévoyante a ménagé le bois qui se fait rare au logis ! Maisil y a tant de foi dans l’avenir chez cet homme sûr de lui-même, il y atant de nobles intentions, tant d’idées créatrices, tant d’amourstimulant au coeur, que sa douce et faible compagne se retrempe à ce feusacré et puise de nouveau, près de celui qu’elle aime, la force et laconfiance qui doivent alimenter son dévouement de chaque jour.

Aussi, combien la soirée sera douce ! Ira-t-on dans le monde où, déjàle mérite du mari et les grâces de la femme leur assurent un accueilflatteur ? Affrontera-t-on, à l’aide du manteau, des socques et detoutes les précautions bourgeoises employées en pareille circonstance,le froid, l’humidité d’une soirée d’hiver, si hostile pour la femmelégèrement vêtue qui se rend à pied dans ces fêtes parfumées où lesautres n’arrivent qu’en voiture ?.... ou, sans quitter les vêtementschauds de la saison, profitera-t-on de ces deux billets de spectacledonnés au mari, et qu’il a rapportés tout triomphant ?

Eh bien, non ! Il fait bon dans la chambre échauffée, le vent souffleau dehors froid et aigre, et il y a du bruit et de la boue dans rues...Ils sont si bien là tous les deux ! Ils ont tant de moyens d’employeragréablement cette soirée !... Et ce piano, sur lequel les doigts de lajeune femme s’exerçaient autrefois avec tant de succès, et ces livresnouveaux qu’ils veulent lire ensemble, et ce travail important qu’il a,lui, entrepris et d’où dépend peut-être tout son sort à venir, etl’ouvrage qu’elle n’a pas pu, elle, achever dans la journée !...

Ainsi se passe la soirée du ménage parisien. Assis au coin du feudevant la table qu’ils ont approchée, l’un écrivant, et s’interrompantplus d’une fois de son grand travail pour contempler à ses côtés cettechaste et suave figure qui resplendit aux reflets de la lampe,s’interrompant aussi pour lire ou pour communiquer à celle qu’il aimela pensée éclose sous l’inspiration qu’elle a fait naître ; l’autrecousant, simple ménagère, et laissant tomber, à l’appel de son époux,avec un doux regard, un bon conseil, une parole encourageante, unjugement judicieux et sain.

Et après ces travaux si doux, faits qu’ils sont en commun, la table estéloignée, les siéges se rapprochent, une main cherche une autre main.En regardant luire les derniers tisons qui achèvent de se consumer, onparle de l’avenir, on parle de ses espérances, de ses projets, on seconsole, on s’encourage, on rêve à deux les honneurs, la gloire et lafortune. On a des protecteurs, des amis, du talent !

Mais plus rien ne brûle dans l’âtre. Les charbons qui, tout à l’heure,faisaient briller leurs formes capricieuses, sont maintenant réduits enpoussière ; les bruits lointains de la rue sont assoupis, et minuitsonne à la petite pendule en palissandre placée sur la cheminée.

« Il est tard ! dit le jeune homme.

- Il est tard ! » répète faiblement la jeune femme.

Au bout de quelques instants, les conversations ont cessé, la lampen’éclaire plus la petite chambre bien close, et l’enivrement dubonheur, des illusions, des espérances règne seul dans ce modesteréduit.

Bientôt l’ange qui veille sur les amours bénis du ciel salue le douxsommeil des époux, en leur répétant ces bonnes et saintes paroles de laBible : « La femme forte est la joie de son mari, elle lui fera passeren paix toutes les années de sa vie... Comme le soleil se levant dansle ciel, qui est le trône de Dieu, orne le monde, ainsi le visage d’unefemme vertueuse est l’ornement de sa maison. »

M.- J. BRISSET.