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MOLÉRI, HippolyteJules Demolière, pseud. (1802-1877) : LeMaire de village (1841).
Saisie du texte : O. Bogrospour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux deLisieux (19.VI.2018)
[Ce texte n'ayant pas fait l'objet d'uneseconde lecture contient immanquablement des fautes non corrigées].
Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux, B.P. 27216, 14107Lisieux cedex
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Diffusion libre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire(BM Lisieux : 4866 ) du tome 9 des Francaispeints pareux-mêmes : encyclopédie morale du XIXesiècle publiée par L.Curmer de 1840 à 1842 en 422 livraisons et 9vol. 
 
Le Mairede village

par


MOLÉRI


                      
D'APRÈS une dernière statistique, la France n'a pasmoins de trente-cinq mille communes : elle possède donc autant demaires, c'est-à-dire trente - cinq mille citoyens, respectables aupremier chef, puisqu'ils payent, en général, d'assez gros impôts, maisd'ailleurs, éclairés, impartiaux, exempts de faiblesses humaines,dignes enfin : de votre vénération, qui que vous soyez, le tout envertu d'une ordonnance royale contre-signée de M. le ministre del'intérieur. C'est un heureux pays que la France !

Il n'est pas possible de rapporter à un type commun tous les membres decette intéressante famille, si variable qu'elle se recrute dans toutesles classes de la société, si mobile qu'elle dépend toujours du capriced'un homme, et que la loi la soumet à un renouvellement périodique.D'ailleurs, si les positions modifient le caractère, ce n'est jamaisaux dépens des préjugés et des mœurs : le maire d'une ville maritimedifférera toujours de celui d'une ville de l'intérieur ; la populationmanufacturière et la population lettrée ne chercheront ni la mêmemanière de voir, ni les mêmes qualités, chez l'homme chargé dereprésenter leurs intérêts ; il faut encore reconnaître une partd'influence à l'importance des localités, et le maire ne saurait offrirla même physionomie dans la grande ville, dans la petite ville, et dansle village. Ce serait donc un travail immense que d'étudier et depeindre le maire sous toutes ses faces et dans toutes ses variétés ; latâche que nous nous sommes imposée est moins ambitieuse et plus facile,quoique pourtant elle concerne l'espèce la plus nombreuse : nous nousbornerons à tracer, aussi fidèlement que nous le permettent nosobservations, le portrait du maire de village.

Pour se faire une idée bien exacte de celui-ci, ce qu'il importe deconnaître avant tout, c'est le village dont il est l'administrateur ;car les différences qui existent du village à la ville se représententencore de village à village. Pour ne pas nous engager dans dessubdivisions qui pourraient se multiplier à l'infini, nousdistinguerons seulement trois variétés bien marquées, que nous allonspasser successivement en revue.

Dans quelques départements reculés, surtout aux extrémités méridionalesde la France, et de préférence dans les pays montagneux, vousrencontrez de loin en loin un groupe de maisons assez mal bâties,basses, couvertes de chaume, irrégulièrement placées sur une petite ruesale et demi-pavée. Les habitants y vivent dans une ignorance complètedes événements : les changements de dynasties, les renversements destrônes, les révolutions, ne s'y manifestent que par la couleur dudrapeau. C'est un village, et il y a là un maire. Mais ce maire est unpersonnage si inoffensif et si oublié ; il a fallu si longtemps pourdécouvrir, au sein de cette population ignorante, un homme qui pûtreprésenter le pouvoir civil, qu'il en est résulté pour lui une espèced'inviolabilité que tous les pouvoirs respectent. L'Empire l'a trouvélà, la restauration l'y a laissé, la révolution de juillet l'y conserve; il n'a fait que changer d'écharpe à chaque bouleversement nouveau, etc'est en cela que se résument les vicissitudes de sa vie politique.

Quant à sa vie administrative, elle ne brille pas, il faut l'avouer,d'un bien vif éclat. Plus expert à tracer un sillon qu'à déchiffrer lesinstructions qui lui sont transmises par l'autorité supérieure, il luiarrive souvent de laisser sans exécution les ordres qu'on lui donne,ou, si parfois il s'y conforme, c'est qu'il a préalablement appelé àson aide les lumières du curé. Celui-ci est alors le véritableadministrateur ; le maire n'est que son mannequin ; ce qui n'empêchepas le digne magistrat de porter haut sa tête coiffée du bonnet decoton, d'imprimer à ses énormes sabots un lent et majestueux mouvementde progression, de se rengorger le dimanche dans l'œuvre, et detrancher du despote quand les jeunes gens viennent lui demander lapermission de danser sur la place de l'église.

Cette première espèce de village est heureusement la plus rare.

La seconde m'a toujours offert, en petit, l'image d'un État bienorganisé. Tout respire le calme, le travail, le bonheur, et, s'il y adivision, ce n'est que dans les hautes sphères qu'elle s'agite ; carles trois classes de la société y ont chacune leur représentant. Auxdeux extrémités du village, vous remarquerez deux maisons : l'unepetite, riante, modeste : c'est le presbytère ; l'autre, de belleapparence, visant au quatrième étage, placée d'ordinaire sur unehauteur, flanquée de deux corps de logis en forme de tourelles, ayantun faux air de féodalité : c'est la résidence de l'ex-seigneur. Celledu maire est au milieu ; elle est blanche, riante, parée d'un drapeautricolore. Il y a toute une longue histoire politique dans la positionrespective de ces trois hommes : le seigneur, le maire et le curé. Lesdeux premiers se rencontrent : ils passent la tête haute, le regardfixe et assuré; ils se voient sans se regarder. Il y a d'un côtél'orgueil qui survit à la défaite, de l'autre la vanité du triomphe. Lecuré et le maire vivent forcément dans des rapports journaliers ; lesintérêts de l'église ont trop de connexion avec ceux de la mairie pourqu'il en puisse être autrement. Ils ne s'aiment pas intérieurement, etse tiennent même quelquefois rigueur. Le curé ne parait pas dans lesfêtes patriotiques ; à l'église le maire brille par son absence. Maisils sont entre eux dans les termes de la politesse la plus parfaite, etils diront même assez volontiers à un étranger, l'un : C'est un honnêtehomme que notre maire ; l'autre : C'est un digne pasteur que notre curé.

Le maire de village touche d'ordinaire à la cinquantaine ; s'il n'a pasune taille élevée, il y supplée, autant que cela est dans ses moyens,par une démarche majestueuse et digne. Il n'est pas élégant dans samise, mais il n'oublie jamais qu'il est homme public, et il y a quelquechose d'étudié jusque dans sa simplicité. Dans les salons dusous-préfet, vous le distinguerez à sa cravate d'une blancheuréblouissante, et à son habit noir, dont les basques tombent ens'arrondissant bien au-dessous des jarrets, et dont les revers croisentdepuis le haut de la poitrine jusqu'à l'abdomen. Jadis il vivaitsimplement, petitement même ; mais le lendemain de sa nomination, ilavait déjà mis le train de sa maison en harmonie avec sa dignité.

Il y a dans le maire de village, comme dans la Trinité, trois personnesbien distinctes : l'homme privé, le fonctionnaire, et le politique.

Sa vie d'intérieur est calme et sereine. Sa maison est ouverte à toutle monde ; il est accessible au plus humble de ses administrés ; ilécoute toutes les réclamations avec une patience angélique ; il prêchele bon accord, et distribue force conseils, tout cela sans intérêt.Seulement si, dans le courant de la conversation, on le nomme M. lemaire, alors il se redresse, et le contentement intérieur setrahitsur son visage radieux. A part le petit air protecteur qui perce àtravers le sourire dont il accompagne ses poignées de main, il vit surun pied d'égalité parfaite avec tous les habitants de sa commune.

Comme fonctionnaire, il est soumis à l'inconvénient des royautéstempérées par des institutions républicaines. Il rencontre de sourdesoppositions au sein du conseil municipal, et sa vie se passe à résoudrele problème de l'équilibre et de la pondération des pouvoirs.L'adjoint, le juge de paix, le greffier de la commune, le gardechampêtre, l'instituteur, sont autant de dignitaires dont il doit fairerespecter les privilèges. Simple conseiller municipal sous larestauration, qui ne lui permettait pas d'atteindre plus haut, il a,pendant quinze ans, lutté avec courage ; l'administration trouvait enlui un censeur inflexible, et le maire d'alors un adversaire opiniâtre: il n'a pas fallu moins qu'une révolution pour accomplir son triomphe.Mais, après la victoire, il ne s'est pas endormi dans les délices deCapoue. Tous les abus qu'il avait poursuivis, il travaille sans relâcheà les réformer. Après avoir calculé minutieusement sur combien demètres carrés un réverbère peut projeter ses rayons, il arrête unsystème d'éclairage au moyen duquel on voit un peu moins clairqu'auparavant, mais qui a l'avantage de s'étendre sur toute la commune; le puits artésien qu'il fait creuser ne rend pas d'eau à douze centsmètres de perforation : il n'en continue pas moins de perforer.Pourrait-il faire autrement, lui qui a si longtemps blâmé sonprédécesseur de ce qu'il ne prenait pas en considération les fatiguesdes habitants obligés de faire un trajet de dix minutes pour seprocurer de l'eau ? C'est au printemps, surtout, qu'il faut le voirexciter du geste et de la voix les destructeurs de hannetons, leurrappeler avec emphase la prime promise par le conseil général pourchaque litre de ces insectes nuisibles, et calculer ce qu'un litre peutcontenir, afin d'écrire dans son rapport : « Tant de millions de cesennemis jurés de notre culture ont succombé cette année, grâce auxsoins que j'ai mis à éveiller, à maintenir et à réchauffer le zèle demes administrés. »

Au milieu de tant de soucis et de peines, notre digne fonctionnaire abien aussi ses moments de jouissance. La commune a-t-elle obtenu laconstruction d'un abreuvoir ou d'un corps de garde, il ceint sonécharpe, s'entoure des adjoints, des conseillers municipaux, de tousles personnages éminents de la localité, et va solennellement poser lapremière pierre du nouveau monument, en présence d'une milice citoyennede vingt-cinq hommes, et au roulement de l'unique tambour qui laprécède. Cette cérémonie, où il se montre dans toute sa gloire, estordinairement terminée par une allocution dans laquelle brille sonéloquence, et suivie d'un banquet pendant lequel il s'inclinemodestement à chacun des nombreux toasts que l'on porte en son honneur.Mais le plus beau de ses privilèges, celui qu'il chérit par-dessus tousles autres, et qu'il ne manque jamais d'exercer, même dans les pluspetites occasions, c'est le droit de haranguer. Il harangue à la fêtedu roi, à la fête de la commune; il harangue le sous-préfet en tournée; il harangue les jeunes garçons et les jeunes filles aux distributionsde prix de l'école primaire ; et si dans sa commune s'est conservée latradition des rosières, c'est encore lui qui les harangue et lescouronne.

Le maire de village aurait à jouer, comme homme politique, un rôleassez borné, s'il ne prenait soin de l'étendre lui-même, dans le but dese donner aux yeux du pouvoir une certaine importance. Considéré sousce point de vue, il n'a plus dans sa manière d'être une allure aussifranche. Deux forces le poussent en sens opposé : la commune qui l'adésigné comme candidat à l'autorité, et l'autorité qui, en le nommant,a sanctionné le choix de la commune. Chacune d'elles lui a, pour ainsidire, imposé l'obligation de lutter à son profit contre l'autre, et illui faut faire preuve à la fois d'indépendance et de soumission. Saposition est souvent critique ; elle l'est surtout au moment desélections. Mais comme, en cette circonstance, le nombre de voix dont ildispose le rend un auxiliaire très-respectable, il est rare qu'il netrouve pas moyen de faire ses conditions avec l'administrationsupérieure  et si de l'urne électorale doit sortir un nom quelquepeu compromis, soyez certain que la promesse d'un pont, d'un marché oud'une route départementale a d'avance étouffé les murmures et ralliéles suffrages.

Pendant qu'il veille avec soin à la sûreté de la commune, comme chef dela police municipale, il ne néglige rien pour se donner en plus hautlieu les airs d'un homme indispensable à la sûreté de l'État. Que, dansl'entraînement de l'ivresse, il arrive à quelque mécontent de laisseréchapper au cabaret une de ces paroles que n'admet point le vocabulairelégal, voilà soudain notre magistrat sur pied, rassemblant, pourinstruire cette grave affaire, toute l'énergie de son caractère, ainsique toutes les ressources de son esprit. Il fait saisir le coupable,procède lui-même à son interrogatoire, essaye, en lui tendant millepièges, d'obtenir le nom de ses complices et la révélation de sesabominables projets ; puis il rédige un long rapport, biencirconstancié, qu'il adresse au préfet, et dans lequel sont adroitementinsinuées quelques phrases apologétiques de sa vigilance et de sondévouement. Le lendemain, il arrive presque toujours que le terriblefactieux, après avoir cuvé son vin, va faire d'humbles excuses à M. lemaire, qui lui répond par cette paternelle admonition : « Jean, prenonsgarde à nos discours, et buvons moins ; nous avons le vin mauvais. »

Ainsi se dénoue le drame ; mais le rapport n'en est pas moins parti :il fera sensation à la préfecture ; le nom du maire circulera cejour-là parmi les convives et les danseurs, et le résultat désiré seraobtenu.

Si, au lieu d'un mécontent, sa bonne fortune voulait qu'il s'en trouvâttrois ou quatre, ce serait bien autre chose encore : il irait jusqu'àrisquer la proclamation. Rien alors ne manquerait à sa gloire ; ilpermettrait volontiers qu'on lui donnât le titre de sauveur de lapatrie ; il se le donnerait lui-même, au besoin, et ne rêverait plusqu'ambassade et ministère.

A part ces petits travers (chacun de nous n'a-t-il pas les siens ?), lemaire de village est ordinairement un homme estimable, doué d'uneactivité précieuse, dont les intentions sont pures, qui travailleconsciencieusement à mettre de l'ordre dans les finances, à favoriserle progrès, à réaliser des améliorations. Son mérite est d'autant plusgrand que, si le zèle qu'il apporte dans l'exercice de ses fonctionsn'est pas tout à fait méconnu, il est en général assez faiblementrécompensé. Quand il aura soixante-dix ans, on lui octroiera peut-êtrel'autorisation d'orner sa boutonnière d'un ruban rouge. A sa mort,quelques uniformes renouvelés de la gardeurbaine, quelques fusilsrouillés, l'accompagneront à son dernier asile, et le curé, oubliantdevant la tombe sa vieille inimitié, laissera tomber quelques phrasessur son cercueil. Enfin, le Moniteur,huit jours après, fera ainsison oraison funèbre : « M. *** est nommé maire de *** à la place de M.***, décédé. » Quant à moi, voici la mienne : « Pour le mal que jedésire à certains hommes d'État, je leur souhaiterais tout ce qu'onrencontrait souvent, dans cette tête, de rectitude d'idées et de grosbon sens campagnard. »

Il y a autour de Paris environ cent communes, réunies sous le nomgénéral de banlieue, dont les maires composent la troisième descatégories que j'ai signalées, et méritent à plus d'un titre unemention particulière.

Le maire de la banlieue est un personnage dont l'importance s'expliquepar le voisinage du centre gouvernemental. Son nom patronymiquedisparaît devant sa dignité, et, depuis le membre du conseil généraljusqu'à l'enfant qui le salue respectueusement dans la rue, tout lemonde dira, non pas M. un tel, mais bien M. le maire. Il est impossiblede séparer en lui l'individu du dignitaire. A la mairie, deux scribesau moins sont à ses ordres dans une pièce d'attente, tandis qu'ilmédite dans la solitude de son cabinet ; c'est à peine si vous pouvezarriver jusqu'à lui après une heure d'antichambre. Chez lui, vouschercheriez vainement à le surprendre au sortir du lit, à table, dansun de ces intervalles de la journée où l'homme libre donne quelquesminutes au travail de la digestion ; il est enterré derrière une pilecolossale de registres, et jusque dans l'ampleur commode de la robe dechambre, sous la prosaïque couronne du bonnet de nuit, il se roidit etpose. En province, au moins, le maire, dans les relations de la vieprivée, consent parfois à se montrer un homme comme vous et moi ; ildescend jusqu'à causer de la pluie et du beau temps ; rentré dans sonintérieur,

Le masque tombe : l'homme reste,
Et le maire s'évanouit.

Mais, dans la banlieue de Paris, cet éminent fonctionnaire n'a jamaisle temps d'être un simple particulier ; il est d'ailleurs pour celatrop pénétré de ce qu'il vaut et de ce qu'il peut ; sa gravité ne sedément en aucune circonstance, pas même dans les épanchements de lafamille, et il croirait déroger s'il disait un mot affable à sa femmeou s'il embrassait ses enfants sans plus de cérémonie que le ferait,dans son ménage, un de ses administrés.

Le maire de la banlieue a deux marottes, l'une générale, l'autre delocalité. L'influence absorbante de Paris l'inquiète et le désespère;les intérêts communaux sont méconnus et en souffrance ; il a horreur dela centralisation ; il faut rendre à la banlieue son individualité :voilà pour la première. Il prend un thême, n'importe lequel, leschemins vicinaux, les carrières, le privilége des théâtres, les cheminsde fer, que sais je ? les fortifications sans doute, et il entasseprojets sur projets, rapports sur rapports, volumes sur volumes; lepréfet de la Seine, le conseil général, n'y peuvent suffire : voilàpour la seconde. Grâce à cela, des gens qui se piquent de perspicaciténe manquent pas de dire : C'est une capacité administrative.

Le maire de la banlieue (le croiriez-vous ?) est un hommeessentiellement politique. Il est chevalier de la Légion d'honneur,électeur, éligible ; il a des prétentions à la députation ; il a sesentrées à la cour, est exposé à haranguer le roi, et traite lesministres sur un pied d'égalité. Ne croyez pas, d'ailleurs, qu'unemairie de la banlieue se donne comme une autre ; que dis - je ? elle nese donne pas, elle se conquiert, pour ainsi dire, à la pointe del'épée. Jamais lutte de ministre éconduit à ministre titulairen'engendre plus de mines et de contre-mines ; le conseil municipaldevient, comme la Chambre des députés, le champ clos de deux rivalitéspersonnelles. L'avènement d'un ministère décide ordinairement lavictoire, et je ne serais pas étonné qu'un ministre fît un jour de lanomination d'un maire, comme de la présidence de la Chambre, unequestion de cabinet.

Je n'ai parlé, du reste, que de la portion intelligente des maires dela banlieue ; car, si l'on descend le dernier degré de l'échelle (chosetriste à dire), on y trouve plus d'ignorance que dans le village leplus reculé. Mais il est une autre classe singulière et originale, quine se retrouve nulle part en France.

Vous habitez Paris ; vous êtes riche, capitaliste ou banquier ; vouschoisissez un point quelconque de la banlieue, et vous y achetez unegracieuse villa. Vous l'habitez l'été, non point pour y jouir de lanature que vous ne comprenez pas, mais parce qu'il serait de mauvaisgoût de rester à Paris. Vous devenez bientôt membre du conseilmunicipal ; il n'y a qu'un pas de là à la mairie, et, pour peu que voushantiez les salons ministériels, le pas est fait, vous voilà improvisémaire. Vous pouvez tout à votre aise, si tel est votre bon plaisir,faire annoncer partout : Monsieur le maire de ***. Vous n'entendez rienen administration ; mais qu'importe ? l'adjoint est là. L'hiver venu,vous regagnez Paris : mais quoi de plus simple ? Un jour de la semaine,vous montez en voiture ; vous présidez le conseil municipal avecl'ignorance et le déshabillé du grand seigneur, ne fussiez-vous qu'unfinancier, et tout se borne là.

Si l'on m'eût donné en mille à qualifier cette classe de quasi-maires,je n'aurais pas trouvé le mot : les habitants de la banlieue l'ontspirituellement nommée les hirondelles.

MOLÉRI.