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LACHAUVELAYS, Jules de (1839-18..): Le combat à pied dela cavalerie au moyen âge.-Paris : E. Plon-Nourrit & Cie, 1885.- 59 p. ; 22,5 cm.
Saisie dutexte : S. Pestel pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (27.X.2011)
Texte relu par : A. Guézou
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Texte établi sur l'exemplaire de laMédiathèque(Bm Lx : 3088).
 
Le combat à pied de la cavalerie
au moyen âge
par
M. de La Chauvelays
Membre de l'Académie de Dijon, Officier d'Académie

~ * ~

Il ne sera pas sans intérêt d’examiner sommairement quelle fut latactique des chevaliers français, anglais, écossais, etc., depuis leonzième jusqu’au quinzième siècle (1).

On a considéré à tort, selon nous, chevalerie comme en tout tempssynonyme de cavalerie, et c’est une erreur de représenter les militesdu moyen âge montés toujours sur leurs destriers. A la vérité, lanoblesse de Charlemagne, abandonnant l’usage des milices qui conquirentla Gaule, tint à honneur de combattre à cheval. Le guerrier frankdevint cavalier ainsi que le noble gallo-romain. Les Allemands aucontraire en revinrent souvent au combat à pied ; cependant leurcavalerie fut célèbre de tout temps, les auxiliaires germains à chevalcontribuèrent au triomphe de César à Alésia, et enfoncèrent partout lescavaliers gaulois. Les chevaliers allemands et les reîtres maintinrentà cet égard la haute réputation de leurs ancêtres.

La cavalerie obtint une bien moindre faveur chez les Scandinaves et lesAnglo-Saxons ; elle se composait de soldats combattant à pied aussibien qu’à cheval, et ordinairement placés aux ailes de l’armée. Dansleurs invasions dévastatrices, les légers vaisseaux des Northmen neleur permettent point d’amener de nombreux chevaux. Cependant cesguerriers intrépides, aptes à tous les genres de combat, se saisissentsouvent des chevaux qu’ils rencontrent en pays ennemi, s’enfoncent aveceux dans les terres, et combattent en cavaliers. Quelquefois lesAnglo-Saxons agissent de même pour surprendre à leur tour lesenvahisseurs. Mais le plus souvent le cheval n’est pour les uns et pourles autres qu’un moyen de locomotion.

Aussi peut-on remarquer une grande différence entre la tactique despeuples du Nord et celle des habitants des régions centrales ouméridionales de l’Europe ; alors que ces derniers, plaçant leurconfiance dans leur chevalerie bardée de fer, cherchent avant tout pourchamps de bataille des plaines étendues et unies où elle puisse sedéployer et charger en haie, nous voyons Saxons et Danois utiliser avecsoin les accidents de terrain qui peuvent fournir un point d’appui àleur infanterie.

Au combat de la Dyle, les Danois surent forcer l’empereur Arnolfe etses cavaliers à mettre pied à terre. Dans les guerres que soutinrentles uns contre les autres, en Angleterre, Saxons et Danois, presquetoujours l’une des armées prit position sur une éminence, sur unecolline, qui lui permit de soutenir avec plus d’avantage les attaquesde l’ennemi.

Les Northmen de Rollon établis en France, et mêlés au sang neustrien,adoptent l’usage des Français. Conquérants de l’Angleterre, ils vontchanger de système.

Nous allons passer en revue les diverses batailles au moyen âge, nous yverrons se généraliser le combat à pied, et, au seizième sièclesurtout, l’infanterie reprendre dans les batailles un rang prédominant.

Commençons par la bataille de Stanford-Bridge (25 septembre 1066).Surpris dans sa marche sur York par l’armée anglo-saxonne de Harold,Harald Hardrada, roi de Norwége, envoya en toute hâte vers sa flottepour appeler à lui les troupes demeurées sur les vaisseaux, puis sereculant vers Stanford-Bridge, sur le Derwent, il rangea rapidement enbataille son armée dont la presque totalité se composait de fantassins ; il les disposa en cercle, sur plusieurs rangsserrés. Les soldats, pourvus d’armes longues, occupaient lacirconférence, et le milieu demeurait creux. Autour de ses troupesHardrada fit planter en terre un rempart de javelots inclinésobliquement. Harold, au contraire, pour joindre rapidement son ennemi,avait réuni le plus grand nombre de cavaliers qu’il avait pu. C’étaitsur leurs chevaux que les thanes anglo-saxons avaient répondu à l’appelde leur roi, et se préparaient à combattre. La cavalerie saxonneengagea le combat ; cette cavalerie avait pour habitude de charger partroupes irrégulières. Quand ces attaques ne réussissaient pas, elle sedispersait et se ralliait au galop sur un point désigné. Plusieurscharges se brisèrent contre les Norwégiens ; mais ces derniers ayantcommis l’imprudence de rompre leurs rangs et de poursuivre l’adversairerepoussé, les cavaliers saxons se rallient suivant leur coutume,pénètrent au milieu des ennemis en désordre, et, suivis par leursfantassins, ils écrasent les soldats de Hardrada.

A la bataille de Hastings (14 octobre 1066), Harold fit mettre pied àterre à tous ses cavaliers, et lui-même descendit de cheval. Le roisaxon occupa la colline de Senlac, dont les pentes s’abaissaient ducôté de l’ennemi.

C’est donc à Senlac que les deux peuples qui devaient être si longtempsrivaux se rencontrèrent pour la première fois, et qu’on put apprécierla diversité de leurs qualités guerrières. Ainsi que le dit Guillaumede Poitiers, les Anglais combattirent à pieds, favorisés par l’avantaged’un lieu élevé qu’ils occupaient serrés, et de plus par leurs armes(les haches d’armes) qui trouvaient facilement chemin à travers lesboucliers et les autres armes défensives. Ils tâchaient de ne pointouvrir de passage à ceux qui voulaient fondre sur eux pour les entourer; l’énorme épaisseur de leurs rangs empêchait presque les morts detomber. Plus tard, lors de l’assaut définitif de leurs retranchements,le même chroniqueur nous peint les Anglais comme fixés sur la terre, etne faisant que supporter les coups. Les soldats de Guillaume firentvoir de leur côté la plus brillante et la plus impétueuse bravoure.Repoussés plusieurs fois, ils se rallient toujours et montrent dansl’offensive une constance égale à celle que leurs impassibles ennemisdéploient dans la défensive. Les Français attaquent les Anglais par descourses et divers mouvements rapides, et grâce au stratagème deGuillaume qui, par une fuite simulée d’une partie de sa cavalerie,entraîne un grand nombre d’ennemis hors de leurs retranchements, ilstriomphent enfin de leur ténacité.

A la première croisade, aux batailles de Nicée (16 mai 1097) et deDorylée (1er juillet 1097), ce fut sous les charges de la pesantecavalerie féodale que succombèrent les Turcs.

A la bataille que les croisés livrèrent auprès d’Antioche, le 28 juin1098, à Kerbogha, sultan de Mossoul, qui était venu les attaquer danscette ville, la nécessité imposa le combat à pied à une partie deschevaliers chrétiens démontés par les fatigues de la campagne. Soutenuspar leurs archers et leurs frondeurs, ces fantassins improvisésreçurent vaillamment le choc des cavaliers de l’Asie. Déjà les troupesde Kerbogha pliaient de toutes parts, lorsque Kilidge-Arslan, qui avaitréuni ses forces à celles de Kerbogha, vint par un mouvement tournantprendre à dos le corps de Bohémond formant la réserve de l’armée. Iciles chevaliers à pied furent surpris par cette brusque attaque desTurcs, les plus braves de leurs ennemis. Hugues le Grand, qui vint ausecours de Bohémond, fut battu également et perdit son étendard. Maisalors Tancrède et Godefroy de Bouillon, vainqueurs de Kerbogha, seretournèrent contre Kilidge-Arslan, et les Turcs, repoussés par lescavaliers de ces deux seigneurs, abandonnèrent le champ de bataille.

Les chevaliers restèrent toujours la principale force du royaume deJérusalem. Dans les combats, leurs rangs serrés, leur haute stature,leurs chevaux de bataille couverts, comme eux, de fer, renversaient,dispersaient les bataillons des Sarrasins.

Les Templiers étaient certainement beaucoup plus disciplinés, mais quoiqu’en ait dit Michelet, ils n’étaient pas plus légèrement armés etmontés que les autres chevaliers ; ils avaient, dit le paragraphe 67 deleur règle : haubert, chausses de fer, heaume et chapel de fer, épée,écu, lance, masse turquoise, jupon d’armes, épaulières, souliersd’armes, trois couteaux d’armes. A leurs armes offensives ils avaientajouté le djerrid ou lance à jecter. Grosse cavalerie, les Templiersfaisaient venir d’Europe leurs chevaux de combat. Les Turcoples seuls,qui formaient la cavalerie légère de l’ordre et lui servaientd’éclaireurs, étaient montés sur des chevaux arabes.

Revenons à la France et à l’Angleterre. Au combat que se livrèrent àBrémule, en Normandie, Louis le Gros et Henri Ier, le roi de Franceavait sous ses ordres quatre cents et le roi d’Angleterre cinq centschevaliers. Ce dernier, dit Orderic Vital, rangea habilement sesbataillons couverts de fer. Henri laisse, sous les ordres de son filsRichard, cent chevaliers montés, et fait, dit Suger, mettre pied àterre aux quatre cents autres, afin qu’ils combattent plus fortement.Le succès justifie les dispositions du roi d’Angleterre ; leschevaliers français attaquant en désordre ont, il est vrai, un légersuccès sur les cent chevaliers du prince Richard, mais ils viennent sebriser contre les gens d’armes à pied du roi Henri soutenusprobablement par les archers, quoique les deux chroniqueurs n’enparlent pas.

Vers cette époque, Orderic Vital nous rapporte un combat livré enNormandie, et il met dans la bouche du principal personnage un petitdiscours dans lequel ce dernier expose la tactique qu’il recommande.Nous retrouvons la théorie complète de la méthode qu’employèrent lesAnglais dans la plupart des batailles qu’ils livrèrent jusqu’à la findu quinzième siècle.

Galeran, comte de Meulan, et plusieurs seigneurs français ou normandsses alliés guerroyaient en Normandie contre le roi d’Angleterre. Raoulde Bayeux, gouverneur d’Évreux, Henri de Pommeret, Odon ou EudesBorleng, Guillaume de Tancarville, fidèles vassaux de Henri, avaientréuni trois cents chevaliers et environ quarante archers, etattendaient les ennemis, comme ils débouchaient de la forêt de Brotonepour regagner Beaumont. Quand Galeran et les chevaliers quil’accompagnaient parurent en vue des soldats du Roi, Odon Borlengharangua ceux-ci en ces termes :

« Voici les ennemis du Roi qui exercent leurs fureurs sur ses terres ;ils marchent avec sécurité, emmènent prisonnier un des seigneursauxquels il a confié la défense de son royaume. Que ferons-nous ?Est-ce que nous leur permettrons de ravager tout le pays ? Il fautqu’une partie des nôtres descende pour livrer bataille et s’efforce decombattre à pied, tandis qu’une partie gardera ses chevaux pourmarcher au combat. Que la troupe des archers occupe la première ligneet tâche d’arrêter le corps ennemi en tirant sur ses chevaux. »

Les conseils d’Odon Borleng furent suivis par les chevaliers de Henri,et toute la troupe, les archers en tête, attendit bravement l’ennemi.

Dès que Galeran vint à portée des Anglo-Normands, il chargea au galopsur eux, suivi de quarante cavaliers ; mais, avant qu’il pût lesjoindre, les archers à coups de flèche abattirent son cheval et ceux deplusieurs de ses compagnons. Le reste de la troupe franco-normande nefut pas plus heureuse ; bon nombre de cavaliers furent démontés par lesarchers, sans avoir pu se servir de leurs armes ; les autres, trop peunombreux et en désordre, vinrent échouer sur les lances des gensd’armes à pied de Borleng. Galeran, ses deux beaux-frères et plus dequatre-vingts chevaliers furent faits prisonniers.

Nous venons de voir ici, en théorie et en pratique, le système decombat des Anglais. Odon Borleng nous en a exposé les principes, et cechevalier est aussitôt passé de la parole à l’action. Ajoutons auxdispositions d’Odon Borleng quelques variations dans l’arrangement etle nombre des batailles (divisions d’une armée), un choix plus étudié,par la suite, du terrain favorable à la défensive, et nousreconnaîtrons ici la tactique des Anglais dans les guerres d’Écosse etdans la guerre de Cent ans. Ce minime combat est le précurseur deHalidon-Hill, de Crécy, de Poitiers et autres batailles. Rien n’ymanque. Nous y voyons sur le front de bataille ces habiles archers,plus tard la terreur de l’Écosse et de la France, et qui apparaissenten ce jour pour la première fois.

Bientôt après, les chevaliers anglo-normands eurent l’occasiond’appliquer dans une grande bataille les nouveaux principes qu’ilsavaient adoptés.

David, roi d’Écosse, avait envahi le Yorkshire ; Étienne, retenu dansle sud, ne pouvait secourir ses sujets du nord ; mais les bravesNorthumbriens ne s’abandonnèrent pas eux-mêmes. A la voix de Thurstan,archevêque d’York, les barons se levèrent avec leurs vassaux. Lesgentilshommes anglo-normands arrivèrent couverts du haubert de mailles,armés de la lance et de l’épée, et les Anglo-Danois, les ancienssoldats d’Edwin et de Morcar, accoururent portant avec eux le grand arcde cinq pieds et la flèche longue d’une aune. Toutes ces troupes serassemblèrent à York. Le baron Walter ou Gauthier de l’Espec fut choisipour généralissime. A deux milles de Northallerton, l’armée reçutl’avis de l’approche des Écossais. Walter de l’Espec fit dresser aumilieu de son camp l’étendard qui devait donner son nom à cettebataille. C’était un mât de navire, fortement fixé à la caisse d’unchariot à quatre roues ; une croix s’élevait au sommet, au centre decette croix était placée une boîte renfermant une hostie consacrée.Tout autour flottaient les bannières de Saint-Pierre d’York, Saint-Jeande Beverley et Saint-Wilfred de Rippon, les saints saxons, protecteursdu Northumberland.

Walter de l’Espec fait mettre pied à terre aux chevaliersanglo-normands, il les groupe autour de l’étendard, et en forme unephalange de lanciers entremêlés avec les archers saxons. Il harangueensuite ses soldats, et présentant sa main à Guillaume d’Albemarle : «Je t’engage ma foi, s’écrie-t-il ; vaincre ou mourir ! » Chevaliers etarchers répètent le même cri et attendent, en une masse compacte, lechoc des ennemis. Sur l’ordre de David les Galvégiens s’avancent lespremiers et chargent les phalanges anglaises dont ils repoussent lespremiers rangs, mais une pluie de flèches arrête le succès de cesguerriers à demi nus. Le prince Henri d’Écosse accourt avec sadivision, et bientôt toute l’armée écossaise est engagée. Les flancsdes Anglais sont dépassés et rompus, mais le centre forme un épaisbataillon que rien ne peut ébranler. En vain les guerriers du Lothian,accourus à l’aide des Galvégiens, se précipitent-ils avec fureur sur lachevalerie anglaise, la cotte de mailles résiste à leurs piques, et lesÉcossais ne peuvent rompre cette forêt de lances qui se hérisse contreeux. Abrités par les longues armes et les boucliers des chevaliers, lesarchers criblent les assaillants d’une grêle de traits. Après une lutteinutile de deux heures, les Écossais reculent, la chevalerie anglaisereprend ses chevaux et poursuit les fuyards.

Cette bataille fut livrée le 22 août 1138.

Peu de temps après (le 2 février 1141), le roi Étienne combattit de lamême manière. Étienne assiégeait Lincoln que défendait Ranulf, comte deChester, lorsque le comte Robert de Glocester s’avança contre lui. Al’approche des ennemis, le Roi mit pied à terre avec ses plus braves etses plus fidèles chevaliers, et prit place auprès de son étendardautour duquel il rangea ses hommes d’armes démontés. Sur les flancs deson corps d’armée Étienne disposa de petites troupes de cavalerie ;mais au premier choc, ces cavaliers, dont la fidélité était douteuse,s’enfuirent sans combattre. Les hommes d’armes à pied soutinrentcourageusement les efforts de l’ennemi qui les entourait. Le Roi fit desa main des prodiges de valeur ; armé d’une hache d’armes à doubletranchant, il renversait tout devant lui. Enfin le nombre l’emporta ;la bataille royale fut écrasée. Étienne, après avoir brisé sa hache etson épée, fut jeté à terre par une pierre et demeura prisonnier.

A la deuxième croisade, Guillaume de Tyr cite le fait suivant,intéressant en ce qu’il fait connaître la tactique de la chevalerieallemande. Lors des combats que livrèrent, auprès de Damas, Louis VII,roi de France, le roi de Jérusalem et l’empereur Conrad, ce dernier, audire du célèbre chroniqueur, mit pied à terre, ainsi que ceux quiétaient avec lui. Car, ajoute Guillaume de Tyr, c’est ainsi que fontles Teutons, lorsqu’ils se trouvent à la guerre, réduits à quelquegrande extrémité (2). Tous ensemble, portant leur bouclier en avant etle glaive en main, s’élancèrent sur les ennemis pour combattre corps àcorps. Ceux-ci ne purent résister au choc des nouveaux assaillants, etprenant la fuite se retirèrent en toute hâte dans la ville.

Quant au vaillant roi Richard, il combattait aussi bien d’une manièreque de l’autre, et le continuateur de Guillaume de Tyr nous cite lefait suivant : « Sitôt, dit-il, que le roi Richard, qui s’étaitembarqué pour secourir Jaffa, sut à son arrivée devant cette ville quele château était pris, il descendit à terre, mit l’écu et la hached’armes au poing, reprit le château, occit les Sarrasins, poursuivitceux qui étaient dehors jusqu’à leur camp, auprès duquel il s’arrêtasur un tertre avec les siens. Saladin demanda à ses soldats pourquoiils fuyaient ; ils répondirent que le roi d’Angleterre était là : – Où? reprit Saladin. – Sur ce tertre avec ses guerriers. – Comment, ajoutale Soudan, le Roi à pied entre ses hommes ! cela ne convient pas. Et illui envoya un cheval. »

Au combat de Gisors, où il vainquit Philippe-Auguste, il résulte desrécits de Rigord et de Guillaume le Breton, que le roi d’Angleterre etses chevaliers combattirent à cheval, ainsi que la chevalerie française.

A Bouvines, gens d’armes de France et gens d’armes d’Allemagnedemeurèrent sur leurs chevaux. C’est ainsi que s’engagea, entre lescavaliers qui entouraient Philippe-Auguste et Othon, la terrible mêléede laquelle les Français sortirent vainqueurs et où brillèrent lechevalier des Barres, Mauvoisin et autres. Dans le récit de cettebataille, Guillaume le Breton vante la bravoure de 700 fantassinsbrabançons, appartenant à l’armée ennemie, qui tinrent longtemps contreles Français.

Dans la guerre des Albigeois, les chevaliers de Simon de Montfort etles chevaliers méridionaux s’abordaient à cheval. A Castelnaudary,Montfort vainquit ainsi le comte de Foix et autres seigneurs desPyrénées. A Muret, où périt le roi don Pedro d’Aragon, la victoire futdécidée par la fougue et la discipline supérieure des cavaliers de lalangue d’oil.

A Taillebourg et à Saintes, saint Louis battit à cheval l’arméeaquitaine à qui la présence du roi Henri et d’un petit nombre de seschevaliers d’outre-mer a fait donner le nom d’armée anglaise. En cesdeux journées, les cavaliers de Henri III et de Lusignan imitèrent leschevaliers français.

A la bataille de Tarente, les chevaliers de Charles d’Anjouremportèrent avec leurs chevaux la victoire contre les sarrasins etautres soldats du prince Manfred. Enfin, au Tagliacozzo, les mêmes gensd’armes étaient également montés quand ils taillèrent en pièces lestroupes de Conradin et de Frédéric d’Autriche.

Lors de l’expédition de saint Louis en Égypte, au département, àDamiette, les hommes d’armes de Joinville, de Baudouin de Rheims et ducomte de Jaffa se rangèrent en bataille, à pied, sur le rivage, et,couverts de leurs boucliers, les rangs serrés, ils arrêtèrent sur leurslances la cavalerie musulmane. Derrière cette phalange, l’armée entièrevint se placer, et le débarquement s’opéra.

A la bataille de Mansourah, c’est à cheval que Robert d’Artois, lefrère du Roi, les Templiers et les autres gens d’armes del’avant-garde, chargèrent si imprudemment les mameluks, et s’engagèrentdans la ville où ils périrent pour la plupart. C’est sur leurs chevauxque Joinville et le comte d’Anjou combattirent avant l’arrivée du Roi.Le sénéchal eut même plusieurs chevaux renversés sous lui. C’est surson destrier et à la tête de sa chevalerie montée, que saint Louis vintau secours des siens, alors qu’il parut à Joinville un si bel hommearmé, passant tous ses cavaliers de la tête. C’est du haut de soncheval qu’il donna de si merveilleux coups de masse et d’épée.Joinville le constate. Le sire de Courtenay, ajoute-t-il, lui a racontéque le Roi, entouré par six Infidèles, qui saisissaient les rênes deson cheval, se délivra tout seul par sa vaillance.

Sur le soir, seulement, alors que des arbalétriers à pied du Roivinrent, sous la conduite du sire Humbert de Beaujeu, les aider àgarder sur le canal de l’Aschamoun un pont que jusqu’alors cesseigneurs avaient défendu à cheval, le sire de Joinville, le comte deSoissons et leurs chevaliers se mirent à pied, comme troupe de soutienpour les arbalétriers.

Lors de l’attaque du camp français, qui suivit de près cette bataille,les choses se passèrent différemment. Les gens d’armes de saint Louis,assaillis par les Sarrasins à pied et à cheval, combattirent en partieà pied. Ainsi agirent le comte d’Anjou, les chevaliers de sa divisionet le grand maître des Templiers, qui se retrancha avec les débris deson ordre, et vit ses palissades, embrasées par le feu grégeois, tomberau pouvoir des musulmans. Jocerant de Brancion et ses chevalierssoutinrent également à pied le choc des mameluks. Une partie au moinsdes gens d’armes du comte de Flandre combattirent montés en cettejournée. Le Roi, selon son usage, chargea à cheval les ennemis. Aprèss’être élancé au plus fort de la bataille, et avoir vaillamment échangédes coups avec les musulmans, il eut la croupière de son destrierbrûlée par le feu grégeois. Joinville ne dit rien de la bataille de Guiet de Baudoin d’Ibelin, composée des croisés de Chypre et de laPalestine, ni de celle de Gauthier de Châtillon, qui toutes deuxrésistèrent victorieusement aux Sarrasins. Mais comme il assure que cesbatailles tinrent vigoureusement contre les infidèles, sans se laisserébranler, il semble par là indiquer une action défensive de pied ferme,où les chevaliers combattirent en fantassins, d’autant plus qu’il placeces deux batailles entre celles du comte d’Anjou et des Templiers, quitoutes deux étaient à pied.

Jusqu’ici nous avons vu la chevalerie jouer le rôle principal dans lesguerres. Au saint Étendard et ailleurs les archers anglais ont jeté, ilest vrai, les fondements de leur réputation ; mais on ne les croit pasencore capables des grandes choses qu’ils accompliront. Ils ne formentd’ailleurs qu’une excellente infanterie légère, et ils ont besoind’être soutenus par une infanterie plus solide. A la fin du treizièmesiècle, nous voyons la chevalerie anglaise aux prises en Écosse avecune véritable infanterie pourvue d’armes de main très-longues, habituéeà combattre en masse et rappelant par sa profondeur et ses piques laphalange macédonienne. C’est à Falkirk, le 22 juillet 1298, qu’ÉdouardIer rencontra l’armée qui, sous les ordres de William Wallace, s’étaitlevée pour recouvrer l’indépendance de son pays. Les troupes du hérosécossais étaient rangées sur une lande, un marais couvrait leur front.La plus grande partie de l’armée se composait de fantassins armés delongues piques et de haches.

Wallace disposa ses piquiers en quatre phalanges circulaires, dont lesrangs inclinèrent obliquement leurs piques les unes par-dessus lesautres. Une ligne d’archers de la forêt de Selkirk, commandés par sirJohn Stewart, lia entre elles ces quatre phalanges.

Une forte palissade était établie sur le devant de cette infanterie. Lacavalerie, qui ne s’élevait qu’à 1,000 hommes d’armes, fut placée commeréserve en arrière.

A cette bataille la gendarmerie anglaise demeura à cheval et futpartagée en deux divisions. Le comte Maréchal commanda la première ; laseconde eut pour chef l’évêque de Durham. L’infanterie se composaitd’archers anglais et de Gallois armés de lances et de coustilles.

La cavalerie commence l’action. Le comte Maréchal, n’ayant aucuneconnaissance du terrain, charge de front la ligne écossaise et engageses gens d’armes dans le marais. La deuxième division, mieux conduite,tourne à l’est la position des Écossais, et arrive derrière leurinfanterie.

L’évêque de Durham, intimidé par l’échec du comte Maréchal, donnel’ordre à ses cavaliers d’attendre l’arrivée des autres corps anglais :« A la messe, l’évêque ! » s’écrie Ralph Basset de Drayton, et,entraînant la colonne, il charge la gendarmerie écossaise. Celle-cis’enfuit sans combattre ; les archers écossais sont dispersés ; maisles quatre phalanges tiennent bon, et repoussent la cavalerie anglaise.Sur l’ordre d’Édouard, les archers entrent en ligne, leurs longuesflèches déciment les piquiers de Wallace, que ne garantissent point desérieuses armures. La gendarmerie anglaise profite du désordre, charge,pénètre dans les rangs écossais, tue et disperse les piquiers. Lesarchers avaient évité une défaite à la chevalerie d’Édouard.

Nous voici arrivés au quatorzième siècle ; d’éclatantes défaites vonthumilier les chevaleries française, anglaise, autrichienne, et mettreau jour la valeur des piquiers flamands, écossais et suisses. Lescommunes de Flandre, aussi bien que les Écossais, possédaient depuisquelque temps de solides et vaillants fantassins, maniant la pique d’unbras vigoureux, et exercés à combattre en masse, lorsque la révolte desFlandres contre Philippe le Bel amena le choc de cette infanterie et dela chevalerie française à Courtrai, le 11 juillet 1302. La bataille quis’ensuivit offre quelque analogie avec celle de Falkirk.

Ici nous trouvons encore un terrain coupé d’eau, des canaux derrièrelesquels s’abritent les rangs serrés des Brugeois armés de piques et degodendards. Les gens de trait de l’armée française, Génois ou autres,avaient vigoureusement attaqué les Flamands, mais un des chevaliers deRobert d’Artois fit observer au comte que les piétons allaient avoirtout l’honneur de la journée. Alors Robert donna à la gendarmerie lesignal de l’attaque. En vain le chancelier Guillaume Flotte luiconseilla-t-il de laisser agir l’infanterie. Robert d’Artois luirépondit par des paroles injurieuses, et imita en tout l’exemple deRalph Basset de Drayton à Falkirk. Sur l’ordre du comte, l’infanteriese retira. La chevalerie française se précipita lances baissées sur lesFlamands, mais les difficultés du terrain brisèrent son choc, et lesfantassins brugeois reçurent vigoureusement la charge. En vain Robertse rue sur les ennemis, à la tête des plus braves des siens ; il nepeut enfoncer leurs rangs. Il est renversé et tué avec bon nombre deses chevaliers, le reste prend la fuite.

Douze ans plus tard, le 24 juin 1314, la chevalerie anglaise succombaitdevant les piquiers écossais, dans la plaine de Bannockburn. Cettebataille, qui assura l’indépendance de l’Écosse, mérite d’être encoreplus célébrée que les autres. Là, rien ne fut laissé au hasard. Lavictoire fut le résultat des combinaisons d’un grand capitaine, deRobert Bruce, le héros et le grand homme du quatorzième siècle.

Le roi d’Écosse, dans l’attente des Anglais qui s’avançaient au secoursde Stirling, réunit ses troupes à environ quatre milles de cette place.Il étendit son armée depuis le village de Bannockburn jusqu’au châteaude Stirling. L’aile droite s’appuyait sur le ruisseau de Bannockburnqui coule vers l’est entre des bords escarpés et rocailleux. Pourprotéger son aile gauche, Bruce fit creuser devant elle de petitsfossés profonds de trois pieds, dans lesquels furent enfoncés des pieuxapointés. Des claies recouvertes de gazon cachèrent à l’ennemi la vuede ces obstacles. Un marécage appelé le bourbier du Moulin-Neufempêchait à peu près qu’on pût attaquer directement de face l’arméeécossaise ; trois phalanges profondes ou masses oblongues d’infanteriearmées de piques et placées à quelque distance les unes des autres, surle même front, formaient la première ligne. Le frère de Robert, ÉdouardBruce, dirigea l’aile droite ; Walter, le grand sénéchal (Stewart)d’Écosse, commanda le centre, et Thomas Randolph, l’aile gauche. Lestroupes d’Argyle, de Carrick et des îles formèrent une seconde ligne.Bruce se plaça à la tête de cette réserve. Le Roi garda auprès de luiquatre cents gens d’armes d’élite à cheval, sous les ordres de RobertKeith, maréchal d’Écosse.

Instruit par l’exemple de Falkirk et de Courtrai, Bruce était convaincuque ses piquiers ainsi retranchés n’avaient à craindre que les archersanglais, et c’est à combattre ces redoutables soldats qu’il destinaitles quatre cents cavaliers de Keith.

Bientôt apparut la nombreuse armée anglaise. Une escarmouche précédad’un jour la bataille. Thomas Randolph, avec cent piquiers, barra lepassage à lord Clifford, qui, à la tête de huit cents chevaux, essayaitde pénétrer dans Stirling. Randolph fit former en cercle ses fantassins; le premier rang mit un genou en terre, le second s’inclina, et letroisième resta droit. Devant cette troupe se brisa le choc des huitcents cavaliers de Clifford. Le lendemain eut lieu la bataille. Lesarchers anglais s’avancent, et les longues sajettes barbues commencentà tomber dans les rangs écossais. Mais au signal de Bruce, Robert Keithébranle ses quatre cents cavaliers ; il fait un circuit, et tombe surle flanc des archers. Aucun retranchement ne garanti ces fantassins,ils ne portent pas d’armes longues ; aussi sont-ils pourfendus etécrasés par les cavaliers de Keith. Les archers d’Écosse ont alors lechamp libre et frappent de leurs traits Gallois et Irlandais. Aprèsavoir repoussé diverses charges de la cavalerie anglaise, les phalangesde piquiers se portent en avant et font reculer sous leur choc lesfantassins d’Édouard. La nombreuse cavalerie anglaise manque de terrainpour se déployer, et partage le désordre de son infanterie. A la vue dela confusion des ennemis, Bruce se jette dans la mêlée avec lesinsulaires, les Higlanders et autres soldats de la seconde ligne. A cemoment, sur les hauteurs, derrière l’armée écossaise, apparaissent lesvalets et autres gens à la suite des troupes de Bruce. Les Anglaisprennent cette foule pour un renfort qui arrive à leurs ennemis, ilslâchent pied et s’enfuient de tous côtés.

Le 15 novembre 1315, le duc Léopold d’Autriche, acculé avec sacavalerie entre le lac d’Egeri et les hauteurs de Sattel et deMorgarten, perdait contre les fantassins suisses la bataille qui portece dernier nom.

Les Anglais ne tardèrent pas à montrer aux Écossais qu’ils avaientprofité de la leçon de Bannockburn. Robert Bruce était mort, ÉdouardIII avait envahi l’Écosse et assiégeait Berwick. Le régent ArchibaldDouglas résolut de tenter le sort des armes. Les Anglais occupaient lacrête d’une éminence appelée la colline de Halidon. Les Écossais seportèrent sur une chaîne de hauteurs voisines ; un marécage lesséparait des Anglais. L’armée d’Édouard était divisée en quatre grandesbatailles, défendues sur leurs flancs par de nombreux corps d’archers.En tête de chaque bataille se tenaient les hommes d’armes anglais, àpied, et la lance coupée à la longueur de cinq pieds. Derrière venaientles lanciers et coustiliers gallois et de nombreux Irlandais. Al’exemple des hommes d’armes anglais, la chevalerie écossaise met piedà terre ; l’armée de Douglas abandonne les hauteurs qu’elle occupe etentre dans le marais. Les flèches anglaises accueillent les assaillants; beaucoup de soldats périssent dans la vase. Cependant, conduits parleur brave noblesse qui les précède, les soldats d’Archibald gravissentla colline de Halidon, mais décimés par les flèches, haletants de leurfatigante ascension, les Écossais ne peuvent rompre les solidesbatailles anglaises. Il leur faut battre en retraite ; ils redescendentla colline en désordre. A ce moment, les pages et les varlets quitiennent les chevaux de la gendarmerie de Douglas s’enfuient enabandonnant leurs maîtres. Les gens d’armes anglais remontent à cheval,et secondés par les légers Gallois et Irlandais, ils font un grandcarnage des vaincus.

A partir de Halidon-Hill, la tactique anglaise est fixée. Les Anglaisexcellent dans le choix des positions défensives ; ils ont deuxinfanteries : leurs archers, infanterie légère, combattant surtout àl’arme de jet, et leur gendarmerie, infanterie de ligne, combattant àl’arme de main, à la lance coupée à la longueur de cinq pieds.Semblable aux dragons, la gendarmerie anglaise est infanterie etcavalerie selon la nécessité. A ces deux troupes se joignent les légersGallois, montagnards armés de lances et de coustilles, pourvus d’ununiforme, et enfin les Irlandais armés de javelines et de coustilles.

Nous arrivons à la guerre de Cent ans. Les Anglais à cette époqueforment donc une des quatre infanteries célèbres de l’Europe. Alorstoutefois que les Suisses, les Flamands et les Écossais sont surtoutdes fantassins combattants à l’arme de main, la principale force desAnglais va consister dans les flèches de leurs archers. Les lances deshommes d’armes à pied, les lances et coustilles des Gallois et leshaches d’armes des archers ne jouèrent presque toujours qu’un rôlesecondaire dans les grandes batailles de cette époque. A Crécy, ÉdouardIII appliqua les principes suivis à Halidon-Hill. L’armée anglaise pritposition sur une hauteur, son aile droite appuyée à Crécy en Ponthieu,sa gauche s’étendant jusqu’à Wadicourt. Elle dominait devant son frontun ravin en pente douce, nommé la vallée des Clercs. Cette position,défendue du côté de Crécy par plusieurs rideaux de terrains placés l’unsur l’autre en escalier, devient un peu plus accessible en s’éloignantde ce bourg. Afin d’obvier à cet inconvénient, le roi d’Angleterrebarricada sa gauche avec des palissades et des chariots, laissantnéanmoins une ouverture pour entrer et sortir. Édouard échelonna sonarmée sur la colline, après l’avoir disposée en trois batailles. Leprince de Galles, âgé de quinze ans, eut le commandement de lapremière. Le Roi plaça auprès de lui le comte de Warwick, le comte deHereford et beaucoup d’autres bons chevaliers et écuyers. La deuxièmebataille était à quelque distance derrière ou plutôt sur le flanc de lapremière ; elle avait pour chefs les comtes de Northampton etd’Arundel. Le Roi prit le commandement de la troisième bataille ; ill’établit sur la pente la plus élevée, et en fit sa réserve. Les gensd’armes et autres cavaliers anglais (hoblers, cavaliers légers) mirentpied à terre, et leurs chevaux furent placés en un parc derrièrel’armée. Les archers de chaque bataille se formèrent sur le front, etadoptèrent la disposition des dents d’une herse. En avant de labataille du prince de Galles étaient placées quelques pièces del’artillerie nouvelle. Le samedi 26 août 1346, l’armée française paruten vue des ennemis, et à cinq heures du soir la bataille s’engagea.

Les arbalétriers génois, qui forment l’avant-garde de Philippe,déchargent leurs carreaux, mais alors les canons anglais tonnent, etles archers lancent leurs volées de flèches sur ces Italiens. LesGénois se replient en désordre sur la gendarmerie qui les suit. AlorsPhilippe, hors de lui, crie à sa cavalerie : « Or tôt, tuez toute cetteribaudaille, car ils nous empêchent de voir sans raison. » Cet ordreimprudent s’exécute, la gendarmerie entre au milieu des Génois. Ceux-cise défendent avec fureur ; foulés aux pieds, ils s’accrochent auxchevaux, aux cavaliers, et les font trébucher et tomber parmi eux. Lesflèches anglaises augmentent le désordre et le massacre ; puis lesarchers s’arrêtent, et du fond des batailles anglaises accourt une nuéede Gallois, Cornouailliens et Irlandais (3) qui frappent de leurscoustilles gens d’armes à terre, chevaux se débattant au milieu deGénois écrasés, et massacrent ensuite les cavaliers démontés.

Cependant cette mêlée cesse, et la route s’ouvre à la cavaleriefrançaise. L’élite de la gendarmerie de Philippe monte au galop leshauteurs, et sans s’arrêter aux volées de flèches qui éclaircissent sesrangs, elle vient combattre main à main la noble infanterie du PrinceNoir. Les archers anglais sont contournés par les cavaliers queconduisent les comtes d’Alençon et de Flandre, rompus ailleurs par desgens d’armes français, savoisiens et allemands.

Malgré la bravoure de Réginald Cobham, de Jean Chandos et d’autres gensd’armes anglais à pied du prince de Galles, la première bataille est engrand danger. Alors Northampton et Arundel accoururent avec la deuxièmedivision. Même avec ce renfort le danger est tel que les seigneursplacés auprès du prince pour le conseiller, envoient un chevalierdemander secours au Roi qui se tient sur le sommet de l’éminence auprèsd’un moulin à vent.

Le Roi refuse d’engager sa réserve, il ne croit sans doute pas ledanger assez grand pour cela. Il veut, dit-il, que son fils gagne seséperons, que la journée soit sienne et que l’honneur lui en reste,ainsi qu’à ses conseillers. Les prévisions d’Édouard III furentjustifiées. Les deux premières batailles suffirent pour repousser lechoc des Français, et la place leur demeura, non sans avoir étévaillamment disputée. Thomas Senselles, porte-bannière de Jean deHainaut, perce toutes les lignes anglaises ; blessé d’une flèche, iltombe dans un fossé où il est relevé et remonté par son page qui leconduit hors de la mêlée. Mais l’héroïsme désordonné des Français nepeut triompher de l’opiniâtreté anglaise et des bonnes dispositionsd’Édouard. Après avoir subi des pertes sensibles, Philippe et lesdébris de son armée durent abandonner le champ de bataille ; à cause del’obscurité, les Anglais ne poursuivirent point les vaincus.

Le 17 octobre 1346, le roi d’Écosse David Bruce était battu àNevils’-Cross, par les milices anglaises levées à la hâte en l’absenced’Édouard alors en France. A cette bataille, où il fut fait prisonnier,David combattit à pied, ainsi que les plus braves nobles écossais, quise formèrent en cercle autour de lui.

Dix ans après Crécy, le 19 septembre 1356, le roi Jean, fils etsuccesseur de Philippe, livra aux Anglais, non loin de Poitiers, unegrande bataille dans laquelle il fut encore plus malheureux que sonpère. Les Anglais s’étaient établis sur le plateau de Maupertuis(aujourd’hui la Cardinerie). Leur droite s’appuyait sur le grand cheminde Poitiers à Noaillé, qui est encore bordé de petits chênes et defortes haies en beaucoup d’endroits ; leur gauche s’étendait jusqu’auchemin de la Minière aux Bordes. Leur front était protégé par des haieset un large fossé qu’ils avaient creusé ; leur flanc gauche par desbois, et leur flanc droit, d’abord par les haies qui bordent le cheminde Noaillé, ensuite par des chariots. Leur front se développait ainsisur une largeur d’environ douze cents mètres, occupant le bord d’unlarge plateau dont les pentes descendaient au nord vers l’arméefrançaise. Les Français ne pouvaient entrer en ce camp retranché, etles Anglais n’en pouvaient sortir que par le chemin qui va de Poitiersaux Bordes, assez large pour donner passage à quatre cavaliers defront. Il était bordé de haies très-épaisses, et les Anglais l’avaientencore fortifié de fossés qui présentaient un abri sûr à leurs archers.A environ quatre cents mètres en arrière, presque parallèlement aufront, se trouve un chemin qui conduit à la Cardinerie (Maupertuis) etqui suit l’autre crête du plateau. C’est en avant et en arrière de cechemin que se trouvaient les lignes anglaises. Au sud-ouest despositions du prince de Galles coulait la petite rivière de Miausson,sur la rive droite de laquelle était situé le plateau qu’occupaient lestroupes anglaises.

Conseillé par Jean Chandos et James Audley, le prince de Galles avaitdivisé ses troupes en trois batailles : la première ou avant-gardeétait aux ordres des deux maréchaux, les comtes de Warwick et deSuffolk ; la deuxième, ou corps de bataille, était commandée par leprince ; la troisième, ou arrière-garde, obéissait aux comtes deSalisbury et d’Oxford. Profitant de la négligence de Jean, Édouardessaya de se soustraire par la fuite aux dangers de sa situation.Destinée à protéger la retraite, son arrière-garde seule occupaitencore le sommet des pentes faisant face aux Français. Une partie desarchers de cette bataille étaient rangés le long des haies quibordaient le défilé par où devaient venir les assaillants ; les autres,sur deux rangs en forme de herse, étaient placés au front de lagendarmerie qui couronnait le plateau, et barraient avec elle l’entréedu défilé. L’avant-garde anglaise en retraite traversait déjà leMiausson, et le prince se disposait à la suivre avec le corps debataille, quand les Français attaquèrent. Le roi Jean avait divisé enquatre batailles son armée choisie avec soin et organisée d’après lesprincipes de l’ordonnance de 1351. La première bataille, aux ordres deGautier de Brienne, duc d’Athènes, connétable de France, fut partagéeelle-même en deux troupes : l’une, sous les deux maréchaux, comprittrois cents hommes d’élite, chevaliers et écuyers, les plus braves etles plus hardis de toute l’armée. Ils avaient été triés avec soin parles maréchaux Jean de Clermont et Audrehem, ils devaient demeurer àcheval. C’était à eux que revenait le périlleux honneur d’engager labataille, de disperser les archers anglais, et d’ouvrir le passage aureste de l’armée. La deuxième troupe, également à cheval, se composaitdes Allemands des comtes de Sarrebruke, de Nassau et de Nido. Aprèscette bataille de cavalerie se tenait le reste de l’armée divisé entrois batailles où tous les cavaliers avaient mis pied à terre. Lapremière bataille était aux ordres du duc de Normandie (4) conseillépar Jean de Landas, Thibault de Voudenay et Saint-Venant ; le ducd’Orléans était à la tête de la deuxième, et enfin la troisièmeobéissait au Roi en personne (5). A cette dernière bataille étaitl’élite de la chevalerie et le vaillant ordre de l’Étoile. Au signal duRoi et du connétable les maréchaux s’élancent à fond de train dans ledéfilé avec leurs trois cents hommes d’armes. Alors des bords duchemin, des hauteurs, où se tiennent les archers de l’arrière-gardeanglaise, une pluie de longues flèches tombe épaisse sur les cavaliersfrançais ; les chevaux refusent d’avancer, se cabrent, reculent, setournent l’un de travers, l’autre de côté. Atteints par les sajettes,ils se renversent en écrasant leurs cavaliers, ou bien les jettent àterre, ou bien les emportent malgré eux en brisant les rangs qui lessuivent. Les cavaliers qui rompent les haies, ceux qui arrivent ausommet du défilé sont trop peu nombreux pour enfoncer la ligne des gensd’armes de l’arrière-garde anglaise dont une partie les attend à pied,tandis que l’autre est demeurée en réserve sur ses chevaux. Pendant cetemps, le prince de Galles voit le péril de son arrière-garde ; ilaccourt avec sa bataille, et envoie l’ordre à ses maréchaux de repasserle Miausson. A mesure que les batailles anglaises reviennent sur leurspas, elles reprennent leurs dispositions de la veille. Les archers seplacent en herse devant leur front ; la plupart des gens d’armes,gardant leurs chevaux à portée, mettent pied à terre ; un petit nombredemeure monté. Le Prince Noir place sur sa droite une embuscade detrois cents hommes d’armes et de trois cents archers, les uns et lesautres à cheval. Ce corps occupe une hauteur entre Maupertuis etBeauvoir, sur la voie romaine de Limoges. Des bois, des arbres et deshaies doivent dissimuler sa marche aux Français, et lui permettre detomber à l’improviste sur le flanc gauche de la bataille du duc deNormandie (la deuxième bataille) qui se trouve au pied de la pente oùles six cents cavaliers sont établis. L’action continue dans le défilé; gens d’armes anglo-gascons et brigands pyrénéens viennent à l’aidedes archers et achèvent la déroute des Français. A l’exemple desGallois et des Cornouailliens à Crécy, les brigands ou bideaux gasconséventrent les chevaux, égorgent les cavaliers à terre. Le maréchal Jeande Clermont est tué ; son collègue Arnoul d’Audrehem est faitprisonnier. Les survivants de cette bataille se replient en désordresur la troupe des cavaliers allemands. Au signal de Chandos, les sixcents cavaliers embusqués tombent bride abattue sur le flanc gauche dela bataille du duc de Normandie dont ils chargent les derniers rangs.Cette bataille commence à s’ouvrir et à se rompre sous ce vigoureuxchoc. Chandos voit l’hésitation des Français ; sur son ordre toute lagendarmerie remonte à cheval, et les trois batailles se fondent en uneseule. Gens d’armes et archers franchissent le défilé. Les cavaliersallemands sont écrasés ; la bataille du duc d’Orléans, qui se trouvealors en première ligne, recule et se retire derrière les troupes duRoi. Le trouble s’empare de la bataille du duc de Normandie déjàébranlée par la charge des six cents cavaliers, et qui voit l’ennemidevant et derrière elle. Le Roi envoie l’ordre de mettre ses fils ensûreté, et huit cents lances abandonnent avec eux le champ de bataille.Ce départ décourage et disloque cette division. Cependant tous lesbraves hommes d’armes de ces deux batailles se réunissent à celle duRoi qui doit supporter tout l’effort des vainqueurs. Les rôles sont icirenversés, la gendarmerie française combat à pied, et les hommesd’armes anglais la chargent à cheval.

Après la plus vigoureuse résistance, les cavaliers anglais, biensecondés par leurs archers, achèvent d’ouvrir la bataille de fantassinsimprovisés, que les flèches d’une aune ont mis en désordre. LesFrançais ne présentent plus alors à leurs ennemis que de petits groupesse pelotonnant pour résister encore, et dont le courage ne peut arrêterles charges de la cavalerie du Prince Noir. Après la plus héroïquedéfense, le roi Jean, son fils Philippe le Hardi et leurs derniersdéfenseurs sont faits prisonniers.

Les Anglais, à Poitiers, emploient tour à tour la défensive etl’offensive. Dans la première période du combat, sauf certains appertschevaliers rangés à cheval entre les batailles pour les soutenir, saufles six cents cavaliers en embuscade sur l’éminence à droite, les troisbatailles anglaises se préparent à combattre à pied. Puis vient lapériode offensive, alors tous les gens d’armes montent à cheval, et lesFrançais attaqués en flanc par les six cents cavaliers, criblés deflèches par les archers, sont enfin chargés par toute la cavalerieanglaise réunie en un seul corps. A la vue du désordre qui semanifestait chez les Français, Chandos comprit qu’il fallait un chocformidable pour convertir ce désordre en défaite, et ce choc, lacavalerie seule pouvait le donner.

Quant aux Français, mal soutenus par leurs gens de trait, leurimpétueuse bravoure ne pouvait que perdre à la nouvelle tactique quiconvenait si bien à la froide valeur anglaise. Cependant à partir dePoitiers, nous allons voir pendant longtemps leur gendarmerie combattreà pied. Les flèches anglaises qui blessaient ou effrayaient leschevaux, les positions défensives choisies par les Anglais, rendaienttrès-difficile l’emploi d’une grande masse de cavalerie. Aussi auquatorzième et au quinzième siècle, le combat à cheval fut-ildiscrédité parmi les gens d’armes de France comme d’ailleurs, et ilfallut des échecs répétés pour montrer à la chevalerie française que lenouveau mode de combat lui était encore moins favorable que l’ancien.Les gens d’armes à pied étaient de bien lourds fantassins ; accabléspar le poids de leurs armures, ils s’essoufflaient vite, et ils étaientobligés de se reposer souvent dans leur marche offensive. Aussi lescapitaines d’Édouard avaient-ils admis en principe qu’il fallaitattendre l’ennemi et non aller à sa rencontre.

Ils choisissaient une position avantageuse, presque toujours unehauteur, plus ou moins accentuée, et y combattaient de pied ferme.S’agissait-il de prendre l’offensive, ils remontaient à cheval, maisinstruits par l’exemple de Falkirk et de Bannockburn, ils ne lefaisaient généralement que lorsque l’ennemi était ébranlé.

Nous allons voir maintenant les Français combattre les grandescompagnies composées de soldats licenciés des deux armées, mais surtoutde l’armée anglaise.

A Nogent-sur-Seine (23 juin 1359), l’évêque de Troyes, le comte deJoigny, le comte de Vaudemont et autres gentilshommes combattirentEustache d’Auberchicourt et ses bandes. Froissart nous montre les gensd’armes d’Auberchicourt à pied sur une éminence. Après avoir supportéles flèches des archers, les cavaliers français chargent vaillammentles gens d’armes à pied, mais ils sont accueillis fièrement etvaillamment ; ils tournoient autour des fantassins anglais ; cesderniers tournent en même temps, font face en tous sens, et reçoiventrudement sur leurs lances le choc des cavaliers. Enfin neuf centsbrigands français, armés de lances, après avoir battu les archers,prennent à dos les gens d’armes anglais et entraînent leur défaite.

A la bataille de Brignais, 6 avril 1362, hommes d’armes français ethommes d’armes des grandes compagnies combattent à pied. Une partie desennemis occupent le sommet d’une hauteur d’où elle lance une grêle depierres. L’autre partie, l’élite de la troupe, se tient en embuscadesur un des côtés de la colline, et par son attaque en flanc et en queuesur les Français, qui la gravissent, elle décide leur défaite.

A la bataille de Cocherel, 16 mai 1364, gens d’armes français, gensd’armes navarrais sont à pied. Le captal de Buch et les soldats deCharles le Mauvais sont postés sur une colline. Pour leur ôterl’avantage de cette situation, du Guesclin feint de battre en retraite; les ennemis le suivent ; du Guesclin se retourne et engage labataille. La victoire est vivement disputée. Enfin du Guesclin, ou sonlieutenant Eustache de la Houssaye, remonte à cheval avec une troupe degens d’armes, fait un circuit, charge l’ennemi par derrière et enfonceles Navarrais.

A la bataille d’Auray, 29 septembre 1364, Chandos dut surtout lavictoire au bon emploi de sa réserve commandée par Hugh Caverley. Encette bataille, les archers anglais firent admirer leur bravoure. Labonté des armures rendant leurs traits inutiles, ils jettent leursarcs, et attaquent les Franco-Bretons, la hache d’armes à la main. Lagendarmerie des deux partis combattit à pied en cette journée.

Cuvelier, dans son récit d’Auray, confirme l’opinion que nous avonsémise plusieurs fois au sujet des avantages de la défensive pour lesgens d’armes à pied en général, et pour les Anglais en particulier.

Voici les paroles qu’il place dans la bouche de Chandos s’adressant àJean de Montfort :

        Monsieur,je vous prie et requier,
    Laissiez-nous assaillir et Françoiscommencier,
    Et tenons nos conroiz sans nousadesfouquier ;
    Car on voit bien souvent, je le dis sanscuidier,
    Qu’il meschiet à celui qui assaut lepremier.

Deux lignes plus haut, Cuvelier dit encore ceci :

    Mais Jehan de Chandos qui tant fait àpriser,
    Fist commander tantost sur la teste àtranchier,
    Que nulz n’alast le pas (6) véer nechalengier.

Du Guesclin donne le même conseil à Charles de Blois : « Monseigneur,dit-il, s’il vous plaisait de demeurer en cet enclos, tenir nos gens enbon ordre et attendre l’attaque des ennemis, à mon avis, nous aurionsl’avantage sur eux. Je ne conseille pas que votre armée passe leruisseau. »

A la bataille de Navarette ou de Najara, 3 avril 1367, sauf lesgénétaires de l’armée espagnole, sauf, ajoute Cuvelier, les hommesd’armes montés sur chevaux couverts, des deux armées, les gendarmeriesfrançaise, espagnole et anglo-gasconne descendirent de cheval pourcombattre.

A l’affaire du pont de Lussac où fut surpris et tué Jean Chandos, lesFrançais étaient à pied, et le premier commandement du capitaineanglais en commençant l’action, fut : A pied ! à pied !

Au combat de Pontvallain (1370),  où ils surprirent uncantonnement anglais, la nouvelle tactique était tellement passée dansles mœurs, qu’au lieu de charger à cheval, les Français mirent pied àterre aussitôt arrivés en vue des ennemis.

A Chizé (21 mars 1373), Français et Anglais combattent à pied. LesAnglais ne forment qu’une seule bataille. Du Guesclin dispose sestroupes en un corps de bataille et deux ailes. Le connétable s’avanced’abord avec son corps de bataille, les ailes restant en arrière.Archers anglais, arbalétriers français voient leurs traits impuissantsrebondir sur les armures à l’épreuve.

Les Anglais chargent d’abord avec leurs lances, puis ils les jettent àterre, saisissent leurs haches, leurs épées à deux mains, et leursfauchards, coupent et brisent les lances des Bretons. Du Guesclinrecommande aux siens de serrer leurs rangs, de bien tenir la lance etde ne point laisser rompre leur bataille. Bertrand a vu avec bonheurl’ennemi jeter ses lances ; il espère qu’il ne les reprendra plus. Pouratteindre son but, le connétable ordonne aux siens de se porterrapidement en avant en poussant de toutes leurs forces les Anglais.Devant cette charge d’une troupe serrée, pourvue d’armes longues, lesennemis ne peuvent tenir avec leurs armes propres au combat individuel; ils veulent ressaisir leurs lances, mais il est trop tard, ils ontété rejetés loin du lieu où ils les ont posées. A ce moment les ailesaccourent ; elles enserrent à droite et à gauche les Anglais que lecorps de bataille attaque de front. Le cercle de fer étreint lesennemis, ils ne peuvent ni fuir ni se défendre. A leur tour, lesBretons saisissent leurs haches, leurs épées et leurs dagues. Aprèsavoir perdu beaucoup des siens, la troupe anglaise met bas les armes.

Le combat à pied était donc presque universellement admis depuis Crécy.C’est ainsi que Français et Anglais combattent à pied auprès de Calais,lors de la surprise tentée sur cette ville par Geoffroy de Charny, etrepoussée par Édouard en personne.

C’est ainsi encore que se passa la bataille de la Roche-Derrien, où leshaches anglaises triomphèrent de la résistance des Bretons de Charlesde Blois. Auprès de Saint-Omer, dans le combat acharné que se livrèrentl’Anglais Jean de Beauchamp et messire Édouard de Beaujeu, les gensd’armes des deux partis mirent également pied à terre. C’est à pied quefut livré le célèbre combat des Trente. Cependant un des Bretons deBeaumanoir reprit son cheval durant l’action, et en renversantplusieurs Anglais contribua à la victoire. A Montmuran, du Guesclin etAudrehem imitant l’exemple de Caverley, leur adversaire, combattirentainsi et vainquirent les Anglais. C’est également à pied que le mêmeCaverley prit sa revanche sur du Guesclin au pont de Juigné, où unmouvement tournant de leurs archers assura la victoire aux Anglais.Souvent, même dans les combats individuels, les hommes d’armes mettentpied à terre. Les Gascons semblent avoir préféré le combat à cheval. Ala même époque, l’Anglais John Hawkwood introduisit en Italie lanouvelle tactique anglaise et lui dut en partie ses succès.

Nous verrons Carmagnola appliquer ses principes à Arbedo. C’est à piedqu’eut lieu le brillant combat d’Otterbourne, où James Douglas vainquitHenry Percy, le célèbre Hotspur ; c’est à pied, la hache d’armes à lamain, que Douglas exécuta en ce jour cette furieuse charge où il trouvala victoire et le trépas, et accomplit ainsi la prophétie annonçantqu’un mort de sa famille gagnerait une bataille. Sous Charles VI, lesgens d’armes français, à pied, la lance croisée contre la pique,vengèrent à Roosebèke la défaite de Courtrai. A cette bataille, livréele 28 novembre 1382, le connétable Olivier de Clisson répète lamanœuvre de du Guesclin à Chizé. Deux divisions disposées en formed’ailes attaquent en flanc les Flamands que le corps de bataille chargede face. Les Français font alors un grand massacre des Gantois enclosdans un cercle de fer et ne pouvant plus manier leurs longues armes.

En Allemagne, Albert de Hapsbourg employant la tactique anglaisetriomphe, à Hasenbühel, de la cavalerie bavaroise.

Le 8 juin 1386, à Sempach, Léopold d’Autriche combattit à pied lesconfédérés suisses. Négligeant son infanterie qu’il rejeta à l’arrièrede son armée, l’archiduc fit mettre pied à terre à sa gendarmerie etlui donna un large front. Les lances, qui s’avançaient depuis lequatrième rang, et les boucliers de la première ligne présentaient unfront impénétrable. Les confédérés rangés en une colonne semblable àune sorte de coin, chargèrent en poussant mille cris, mais ils nepurent faire de trouée dans le solide bataillon autrichien. Léopoldmanœuvre alors pour recourber sa bataille, et enserrer les Suisses dansune demi-lune. Ici se place la légende d’Arnold de Vinkelried. Quoiqu’il en soit ; que les Autrichiens en exécutant leur manœuvrecirculaire aient laissé un vide par où pénétrèrent les Suisses, ou queces derniers, conduits par Arnold de Vinkelried, aient réussi à rompreleurs ennemis, toujours est-il que la phalange autrichienne futouverte. Dans le combat corps à corps qui s’ensuivit, les robustesmontagnards suisses triomphèrent de leurs adversaires moins vigoureuxet alourdis par leurs trop pesantes armures. Pour comble de malheur,comme à Halidon-Hill, comme au pont de Lussac, les valets s’étaientenfuis en emmenant les chevaux de leurs maîtres. Léopold et bon nombrede nobles autrichiens demeurèrent sur le terrain.

A la bataille de Nicopolis (1396), la gendarmerie française, aux ordresdu duc de Nevers, demeura sur ses chevaux, et exécuta ainsi la furieusecharge où elle trouva la gloire et la mort. Rien d’abord ne putrésister à son choc impétueux ; mais entourés par toute l’armée turque,abandonnés par les Hongrois qui s’enfuirent au lieu de les secourir,les braves gentilshommes français périrent ou furent faits prisonniers.

A Azincourt, 25 octobre 1415, Henri V avait placé au centre ses gensd’armes auxquels il fit mettre pied à terre. Il disposa en avant et surles ailes les archers beaucoup plus nombreux. Ceux-ci fixèrent chacundevant soi un long pieu aiguisé des deux bouts, et s’en formèrent ainsiune sorte de palissade.

Le connétable d’Albret divisa son armée en trois batailles :avant-garde, bataille et arrière-garde. Les gens d’armes des premièresbatailles mirent pied à terre, les cavaliers de l’arrière-gardedemeurèrent momentanément à cheval. Albret plaça aussi sur les ailesdeux corps de cavalerie destinés à rompre les archers en les chargeantsur les flancs.

A l’avant-garde était l’élite de la noblesse. Resserrées entre deuxbois, les grosses batailles françaises ne pouvaient se déployer et neprésentaient pas un front supérieur à celui des Anglais. Le terraindétrempé par la pluie était défavorable à la cavalerie féodale, etsurtout à la gendarmerie à pied gênée plus que jamais par de lourdesarmures. Les nobles français portaient sous le blanc harnois, ouarmure rigide de fer battu du quinzième siècle, la cotte de mailles, lehaubert. Henri voulait garder la défensive, mais Albret était décidé àlaisser les Anglais porter les premiers coups. Il pensait ainsi forcerles archers à marcher à découvert et les faire charger sur les ailespar ses cavaliers, tandis que ses lanciers à pied les attaqueraient defront. L’inaction des Français déconcerte d’abord Henri V, puis,prenant son parti, le Roi accepte le rôle d’assaillant.

Au signal de Thomas Expingham, les archers sortent de leurretranchement, se portent rapidement en avant, et exécutent leursterribles décharges de flèches. Les gens d’armes à pied del’avant-garde française inclinent la tête et marchent à l’ennemi,lances baissées. Mais ils sont si serrés qu’ils ne peuvent mouvoir leurbras, et ils s’embourbent si bien dans la terre molle qu’à grand’peineils en peuvent sortir. Albret donne alors le signal de la charge à sesdeux ailes de cavaliers. Les archers anglais, après leur attaque, sesont vivement repliés et ralliés derrière leur retranchement de pieux.L’amiral Clignet de Brabant part de Tramecourt avec ses cavaliers, maisau moment de charger il ne réunit pas cent soixante hommes. Guillaumede Saveuse, du côté d’Azincourt, ne trouve que trois cents cavaliersdécidés à le suivre. Les deux troupes galopent péniblement dans cetteterre labourée, imbibée d’eau, effondrée par les deux armées. Lesarchers les accablent de flèches. Bien peu de cavaliers arriventjusqu’aux pieux parmi lesquels vont trébucher et tomber leurs chevaux.Ceux-là, Saveuse est du nombre, sont facilement massacrés par lesarchers. Le reste des deux ailes de cavaliers ne joint pas l’ennemi.Plusieurs hommes d’armes roulent dans la vase, d’autres s’enfuient ; uncertain nombre est emporté par ses chevaux frappés ou effrayés par lesflèches. Ces cavaliers auxquels l’espace manque pour s’écouler,viennent se précipiter au milieu de l’avant-garde française où ilscreusent des trouées profondes, écrasant et jetant les uns sur lesautres les gens d’armes à pied trop serrés. Dès lors existent dans laplus belle des batailles du connétable ces fatales ouvertures qu’audire de Jean de Muller le dévouement d’Arnold de Vinkelried creusa dansle bataillon autrichien à Sempach. Les archers ont aperçu le désordredes Français ; ils jettent bas arcs et carquois, saisissent leurshaches et leurs massues, et s’élancent sur les gens d’armes à pied. Latroupe des Anglais dont les rangs ne sont pas trop pressés, et qui atoute la liberté de ses mouvements, attaque les Français avec le mêmeavantage que les Suisses trouvèrent autrefois à attaquer lesAutrichiens à Sempach.

La légèreté de leur armement et la supériorité de leur force corporelleassurent l’avantage aux archers dans la lutte corps à corps contreleurs adversaires entassés. Par un effort désespéré ils rompent lapremière bataille française. Henri les suit avec ses hommes d’armes àpied. Après une mêlée où le roi d’Angleterre est en danger, le corps debataille des Français est rompu comme leur avant-garde.L’arrière-garde, moins bien composée, s’enfuit sans combattre en voyantle désastre des autres batailles.

A Azincourt, les Anglais prirent donc l’offensive durant la plus grandepartie de la bataille, et cependant leurs hommes d’armes combattirent àpied. Il est vrai de dire que marchant à la suite de leurs archers, ilsn’eussent pu agir autrement. D’ailleurs, ces archers, les héros de lajournée, étaient beaucoup plus nombreux que les hommes d’armes.

Quelque temps après, le nouveau connétable de France, Bernardd’Armagnac, rencontra auprès de Cany le comte de Dorset ; il lui livraun combat dont le religieux de Saint-Denis nous a conservé le souvenir.Armagnac dont les soldats étaient en partie Gascons, c’est-à-direcavaliers renommés, résolut de combattre à cheval. Il recommanda auxsiens de fondre rapidement sur l’ennemi, dès qu’ils le verraient mettrepied à terre, afin de ne pas lui donner le temps de se ranger enbataille et de planter ses pieux. Aussitôt qu’ils arrivent en présencedes Anglais, les cavaliers français, au signal de la trompette, donnentde l’éperon à leurs chevaux, et chargent à bride abattue, la lance enarrêt. Les soldats de Dorset, quoique surpris par cette brusqueattaque, résistent néanmoins avec vaillance, blessent beaucoup dechevaux, et font tomber sous leurs armes le sire de Villequier,gouverneur de Montivilliers, ainsi que la plupart des siens ; mais lechoc impétueux des Français a renversé leurs rangs encore mal formés.Nos cavaliers foulent aux pieds les ennemis, et, quittant la lance pourla hache, frappent en tous sens à coups redoublés. Les Anglais perdentcourage et se retirent en désordre.

Le lendemain, un nouveau combat s’engagea. Armagnac avait détaché lemaréchal de Longwy, afin de poursuivre les Anglais sur la route deHarfleur, lui recommandant de ne les attaquer que s’ils étaient àcheval. Longwy oublia les instructions de son chef, et quoique lesennemis fussent à pied, il les assaillit néanmoins. Dorset et les siensle reçurent avec tant d’aplomb qu’il aurait succombé sans l’arrivée duconnétable. L’affaire devint alors générale. Le religieux deSaint-Denis attribue la victoire aux Français. Monstrelet et Lefèvrede  Saint-Remy, qui d’ailleurs se copient, la donnent aucontraire aux Anglais. En tout cas, nous voyons par le récit dureligieux que les Français redoutaient plus les Anglais combattant àpied qu’à cheval.

Le 13 mars 1421, à Baugé, soutenus par un corps auxiliaire écossais,aux ordres du comte de Buchan, les Français vainquirent Thomas duc deClarence, frère du roi Henri V. Les Anglais combattirent à cheval encette journée, et les Franco-Écossais, partie à cheval, partie à pied.

Le 1er juillet 1423, à Cravant, les Franco-Écossais d’un côté, lesAnglais et les Bourguignons de l’autre, mirent pied à terre pourengager l’action. Le 26 septembre 1423, à la Gravelle, dans le Maine,Jean, comte d’Aumale, Ambroise de Loré, le baron de Coulonces, Louis deTromargon et autres seigneurs battirent deux mille cinq cents Anglaiscommandés par le comte de Suffolk. Les gens d’armes ennemisdescendirent de cheval, selon leur usage. Les archers se placèrentdevant eux, le pieu planté en terre. Du côté des Français, les sires deLoré, de Tromargon et de Coulonces demeurèrent à cheval avec leurs gensd’armes ; le comte d’Aumale, le bâtard d’Alençon et André de Laval, quitous deux venaient de rejoindre le comte, mirent pied à terre, etréunis à des fantassins des communes, ils formèrent le corps debataille. Les cavaliers de Loré, de Tromargon et de Coulonces prirentles devants et engagèrent l’action. Ils ne purent charger de front lesAnglais abrités par leur palissade mobile, mais ils évitèrent cetobstacle, tournèrent la bataille ennemie, et tombèrent sur elle augalop par un côté où aucun pieu ne la protégeait contre les chevaux.Les Anglais, surpris, plièrent sous cette charge furieuse, lescavaliers pénétrèrent dans leurs rangs. La bataille à pied des Françaissuivit la cavalerie, et partout on combattit main à main. Les Anglaisfurent taillés en pièces.

Nous arrivons à la bataille de Verneuil. Le comte Archibald Douglasvenait de débarquer en France à la tête d’une troupe nombreuse levéedans ses domaines. C’étaient les rudes guerriers du Border qui, depuisle grand James, le meilleur lieutenant de Bruce, avaient combattu sousDouglas le Noir, et promené dans le Northumberland la bannière au cœursanglant. Aussi brave que les héros de sa race, Archibald n’avait pointtoutefois le même bonheur que la plupart d’entre eux. Il était plussemblable par sa fortune à son homonyme, l’Archibald de Halidon-Hill,qu’à James le compagnon de Robert Ier, qui forma à une si rude école lajeunesse d’Édouard III, ou à cet autre James, le héros dont lesderniers regards virent fuir l’ennemi à Otterbourne. Archibald avaitété vaincu et pris à Homildon par Henri Percy, le vaincu d’Otterbourne.Allié ensuite à ses vainqueurs Hotspur et son père, le comte avaitpartagé à Shrewsbury la défaite des Percy. Aujourd’hui il apportait àune cause malheureuse une épée malheureuse. Sa mort et celle de Buchan,le second fils du régent Albany, allaient expier à Verneuill’assassinat du duc de Rothsay, le fils aîné de leur roi. A cesvaillants auxiliaires écossais s’ajoutait un corps de Lombards,cavaliers célèbres, aux chevaux bien dressés.

Le régent anglais, le duc de Bedford, fit mettre pied à terre à sescavaliers ; il ne forma qu’une seule bataille, les gens d’armes aucentre, les archers sur les ailes, les pieux plantés devant eux. Ilconfia à deux mille archers la garde du charroi et des bagages. Cessoldats devaient veiller aussi à ce que l’armée anglaise ne pût êtreattaquée par derrière. Les Franco-Écossais ne firent aussi qu’une seulegrosse bataille à pied ; ils placèrent aux deux ailes des gens à chevalpour charger les archers anglais. Ces deux ailes étaient d’ailleursfort inégales. L’une comptait deux mille cinq cents cavaliers lombards,l’autre comprenait trois cents lances gasconnes que commandaient LaHire et Poton de Xaintrailles. Se souvenant d’Homildon, Douglas étaitd’avis d’attendre les Anglais dans une forte position, mais le comte deNarbonne se précipita en avant, et toutes les troupes alliées durent lesuivre. C’est le 17 août 1424 que l’action s’engagea. Ordre fut donnéaux deux ailes de charger l’ennemi, soit en queue, soit en flanc ; puisla bataille à pied s’ébranle, lances baissées. Après plusieursdécharges des archers des deux partis, on s’aborde à l’arme de main.Comme à Azincourt, les archers anglais quittent l’arc pour la hached’armes. Les deux batailles se poussent et s’efforcent de se rompre.

Pendant ce temps les cavaliers de l’armée française engagent aussi lecombat. Les Lombards partent au galop, et sans s’occuper de l’aileanglaise adverse qu’ils contournent, ils chargent les archers quigardent les bagages. Ces derniers résistent vigoureusement derrière lecharroi et les chevaux liés ensemble par la bride et la queue. Ilsmettent en fuite les Italiens, dont le seul exploit se borne à lacapture de quelques chevaux et de quelque partie du bagage, aveclesquels ils disparaissent du champ de bataille. A l’autre aile lescavaliers gascons rompent les archers, malgré le rempart de pieux, maisils sont arrêtés par les lances des gens d’armes, et commettentd’ailleurs la faute de s’égarer à la poursuite des archers en déroute.

Pendant ce temps la lutte continue avec fureur entre les batailles àpied. Salisbury soutient avec la plus grande vigueur les efforts desFranco-Écossais. Bedford combat bravement, la hache à la main ; maislui et les siens soutiennent à peine l’effort d’Archibald. La bannièredu duc va être conquise par les borderers ; Salisbury aussi estébranlé. Les Anglais sont perdus, quand leur arrive un renfort imprévu.Ce sont les deux mille archers de l’arrière-garde rendus disponiblespar la fuite des Lombards. Au cri de : Saint Georges ! ils tombent surles Français épuisés. Leur arrivée change la face des choses. LesAnglais reprennent courage ; la bataille franco-écossaise est ouverteet écrasée malgré sa vaillante résistance.

Vers la même époque, les Italiens durent à l’emploi de la tactiqueanglaise un succès contre les Suisses. Nous en empruntons le récit àMachiavel : A Arbedo, le comte de Carmagnola, lieutenant du duc deMilan, après avoir vainement essayé de rompre les Suisses en leschargeant avec sa cavalerie, vint aisément à bout de les battre enfaisant mettre pied à terre à ses hommes d’armes. Ceux-ci, préservéspar leurs armures, écartèrent les piques, et pénétrèrent l’ordonnance,où ils firent un terrible carnage.

C’est la bataille de Sempach renversée au profit des hommes d’armesitaliens.

Le 12 février 1429, au combat de Rouvray-Saint-Denis, John Falstolfentoura son camp d’un rempart de chariots, et n’y conserva que deuxissues. Il fit garder l’une par les archers anglais, l’autre par lesarbalétriers de Paris, abrités les uns et les autres par un rempart depieux. Les gens d’armes anglais descendirent de leurs chevaux. Dansl’armée française un différend s’éleva. Les Écossais voulaient que lesgens d’armes missent pied à terre ; les Français, dégoûtés de cettetactique, préféraient combattre à cheval. Enfin il fut convenu quechaque nation agirait à sa guise. Le combat commença par l’artilleriefrançaise, qui démolit plusieurs chariots ennemis et fit une grandetuerie des Anglais et des Parisiens.

Les Écossais descendirent alors de cheval, et coururent, la lance aupoing, du côté gardé par les archers anglais. Le bâtard d’Orléans etune partie des chevaliers sortis de cette ville les suivirent à pied,tandis que Guillaume d’Albret et ses Gascons, fidèles à leur vieillehaine d’Armagnacs, se jetaient de toute la vitesse de leurs chevaux surles arbalétriers de Paris. La double attaque échoua complétement. LesAnglais, sortant alors de leur enclos, tombèrent sur les Écossais etles Français combattant à pied, et en firent un grand carnage. Les gensd’armes du ban et de l’arrière-ban, aux ordres du comte de Clermont,s’enfuirent sans prendre part au combat. On voit dans ces dernièresbatailles la répugnance des Français pour combattre à pied. Il fautajouter qu’ici les soldats du roi de Bourges, les Armagnacs, sontrecrutés presque tous au midi de la Loire, en partie Gascons, de ceshommes d’armes que le religieux de Saint-Denis représente galopant àbride abattue, la lance en arrêt, jusqu’aux portes des places ennemies; car ils étaient, ajoute-t-il, les meilleurs cavaliers de France.

A Patay (10 juin 1429), le combat à pied ne convenait ni àl’enthousiasme de Jeanne d’Arc, ni à l’ardeur des Français. Jeannedemanda au duc d’Alençon si ses cavaliers avaient de bons éperons pourcharger les ennemis, et les poursuivre après leur défaite. Quant auxAnglais, ils tâtonnèrent. Talbot voulait combattre, Falstolf voulaitfaire retraite. Même hésitation pour le choix de la position. Malgrél’ordre reçu, une partie seulement des hommes d’armes mit pied à terreavec Talbot, le reste demeura sur ses chevaux et s’enfuit à l’aspectdes Français. Ceux qui avaient mis pied à terre, surpris par la brusqueattaque des cavaliers français, furent battus et dispersés. Talbotdemeura prisonnier.

A Formigny (15 avril 1450), la plupart des hommes d’armes de ThomasKyriel combattirent à pied. Mathieu Gough et Robert de Vère demeurèrentà cheval avec mille cavaliers environ. Les archers des ordonnances del’armée française mirent pied à terre ; une partie des hommes d’armesles imita pour les soutenir ; le reste demeura sur ses chevaux.

A Castillon (17 juillet 1453), abrités derrière leurs retranchements,protégés par leurs canons, les Français attendirent à pied l’attaquedes ennemis. Sauf Talbot demeuré à cheval sur une petite haquenée, tousles Anglais marchèrent à pied à l’assaut du camp retranché. Lors de lasortie des Français, une partie au moins de ces derniers remontacertainement à cheval.

A l’exemple de Henri Ier, d’Étienne, d’Édouard III, du Prince Noir etde Henri V, l’intrépide Édouard IV combattit à pied dans les neufbatailles rangées qu’il gagna sur ses adversaires. C’est à pied qu’à latête des Anglais du Midi, les vaillants hommes de Kent et de Wessex, ilécrasa les Anglais du Nord à la sanglante journée de Towton ; c’est àpied que cet héritier des Clarence et des York abattit à Barnet lamaison de Lancastre, et fit triompher la pâle rose sur sa rivale larose éclatante. C’est à pied que Jacques IV, d’Écosse, combattit etpérit à la journée de Flodden. Quant aux Français, après la guerre deCent ans, ils goutèrent peu cette tactique. A Montlhéry, lesBourguignons désobéirent à Charles, le comte de Charolais, etdemeurèrent sur leurs chevaux. Charles le Téméraire n’abandonna pascependant en principe le combat à pied de la gendarmerie. Dans unedépêche adressée de Salins au duc de Milan, le 13 juillet 1476, JeanPanigarola, alors envoyé de ce prince auprès du duc Charles, donne lesdétails suivants :

Le duc de Bourgogne, vaincu à Morat, espère encore, après sa défaite,réunir 2,000 lances. Il fera combattre à pied les cavaliers de 1,000d’elles, c’est-à-dire 1,000 hommes d’armes et 3,000 archers à cheval.Ces 4,000 cavaliers démontés, auxquels il faut ajouter les 3,000piquiers, les 3,000 coulevriniers et arbalétriers à pied attachés aux1,000 lances, formeront un total de 10,000 fantassins à opposer à laphalange suisse.

Un peu plus tard, Louis XI, à son camp de Pont-de-l’Arche, réunit à6,000 Suisses soudoyés, à des fantassins français enrôlés volontaires,1,500 lances de ces ordonnances, qui devaient être exercées à combattreau besoin à pied avec les Suisses et les fantassins français.

Dans les guerres d’Italie, les gens d’armes de France ne mirent pied àterre que pour monter à l’assaut, et encore connaît-on la réponse que,d’après le conseil de Bayard, le seigneur de la Palisse fit àl’empereur Maximilien au siége de Padoue.  Quant aux noblesallemands, on sait qu’en cette même occasion ils répondirent qu’ilsn’étaient point, pour eux, gens à mettre à pied, et à aller ainsi à unebrèche, que leur état était de combattre en gentilshommes, à cheval.A cette époque, les Allemands avaient d’ailleurs une excellenteinfanterie de ligne, les lansquenets. Les Français avaient tantôt lesSuisses et tantôt les lansquenets.

Nous avons montré que le cavalier grec et le cavalier germain, ainsique le chevalier romain, combattaient au moins aussi bien à pied qu’àcheval. Nous avons vu que les hommes d’armes anglo-normands, imitantl’exemple des thanes saxons à Senlac, se transformaient pour la pluparten fantassins dans la bataille, et sauf le plus petit nombre d’entreeux, quelquefois même sans exception, ne se servaient du cheval quecomme moyen de locomotion, ou pour achever la déroute de l’ennemiébranlé et le poursuivre après sa défaite. Voilà donc l’homme d’armesqui, sous Henri Ier d’Angleterre, le roi Étienne et Walter de l’Espec,devient fantassin de ligne comme l’hoplite grec, l’hastatus, leprinceps et le triarius romain, surtout comme ce dernier, car, ainsique lui, il n’a que l’arme de main ; sa lance remplace la pique dutriarius, et rien dans son armement ne rappelle le pilum des deuxautres soldats de ligne de Rome. Eudes Borleng nous a donné la théoriede la nouvelle manière de combattre des chevaliers normands, fils desconquérants de la Neustrie et de l’Angleterre. C’est donc la race deRollon, et après elle Étienne et les Plantagenets, qui remirent enhonneur le combat à pied, et firent de leur chevalerie l’infanterie deligne de leurs armées.

Sous les successeurs du grand Guillaume, l’homme d’armes, chevalier ouécuyer, est une sorte de dragon marchant à cheval et combattant à pied.Cet exemple fut suivi par la plupart des chevaliers de l’Europe. Maispendant que la gendarmerie se transformait ainsi en infanterie deligne, que devenaient les gens de trait à cheval ? Dans les batailles,aussi bien que les gens de trait à pied, ils ne furent bientôt plus quel’infanterie légère, les successeurs des vélites romains, et mêmemieux, car plus que ceux-ci, les gens de trait du moyen âge, surtoutles archers anglais, combattirent souvent corps à corps. A l’exemple dece qui se passait dans les armées anglaises, les compagnies d’Armagnacsou d’écorcheurs, les compagnies d’ordonnance de France et celles deBourgogne, séparèrent complétement dans le combat leurs archers etarbalétriers à cheval des hommes d’armes à la lance desquels ilsétaient administrativement attachés. C’est dans l’organisation si belledes armées de Bourgogne, c’est dans les ordonnances si précises dudernier grand duc d’Occident qu’il faut chercher surtout quel était lerôle des archers et arbalétriers à cheval à cette époque.

Les exercices commandés à l’armée de Bourgogne sont décrits dans lacélèbre ordonnance donnée en la cité de Trèves, en l’abbaye deSaint-Maximin, le . . . . . . . . . . 1473, et trouvée dans la tente duduc Charles, après la bataille de Morat, le 16 juin 1476. Cetteordonnance est l’ordonnance faite avec le concours des capitainesitaliens qui entouraient alors le Téméraire, et dont l’influence étaitprédominante auprès de lui. Elle substitua l’organisation italienne àl’organisation française dans les compagnies d’ordonnance de Charles,et donna aux compagnies levées dans les provinces de la maison deBourgogne la même organisation qu’aux compagnies italiennes quiformaient alors la moitié des compagnies d’ordonnance du vainqueur deMontlhéry. Un fragment de cette ordonnance a été cité par le PèreDaniel dans son Histoire de la milice française. Gollut l’a donnéeincomplète, et l’ancien ministre de la guerre de Belgique, M. legénéral Guillaume, l’a publiée in extenso et dans sa pureté. Il y estdit que les conducteurs, capitaines de la compagnie d’ordonnance (gradeéquivalent à celui de colonel de nos jours), chefs d’escadre et chefsde chambre, lorsqu’ils seront en garnison et qu’ils auront le loisir dece faire, conduiront à l’exercice les archers avec leurs chevaux, pourles accoutumer à mettre pied à terre et à tirer de l’arc. Ils leurferont apprendre la manière d’attacher et d’abrider leurs chevauxensemble, en les faisant marcher après eux de front derrière leur dos,en attachant par la bride les chevaux de trois archers aux cornes del’arçon de la selle du page aux ordres de l’homme d’armes chef de leurlance. Ils les instruiront en outre à marcher vivement de front, àtirer sans se rompre. Ils feront avancer les piquenaires (piquiers) enfront serré devant les archers. Ils habitueront les piquenaires àmettre genou en terre au signal, en tenant leurs piques baissées à lahauteur des arçons des chevaux, afin que les archers puissent tirerpar-dessus eux, comme derrière un mur.

Pendant la campagne de Suisse, un envoyé milanais qui suivait le campbourguignon, Antoine Appiano, dans une dépêche adressée de Lausanne auduc de Milan, le 10 mai 1476, rend compte d’une revue qui eut lieuauprès de cette place. Le défilé des troupes commença, dit-il, par lagendarmerie à cheval. Chaque compagnie de cent lances était divisée enquatre escadres. La gendarmerie était suivie de deux cents arbalétriersà cheval, répartis en huit escadres de vingt-cinq chevaux chacune.Après une halte assez longue, l’infanterie s’ébranle à son tour. Leduc, qui avait d’abord essayé de faire défiler l’infanterie séparément,finit par former toutes les troupes sur trois rangs, la gendarmerie surles deux ailes et les gens de pied entre deux. Les arbalétriers et lesarchers avaient mis pied à terre et attaché leurs chevaux l’un àl’autre, ainsi qu’ils avaient coutume de faire au moment du combat.

Dans une dépêche en date du 11 mai 1476, et adressée de Lausanne au ducde Milan, Jean Panigarola, autre envoyé de ce prince, écrit que le ducCharles a ordonné à tous les archers de renvoyer leurs chevaux enBourgogne ou de les vendre, voulant désormais que tous marchent à pied.Charles a donné pour raison qu’à cheval ils ne pouvaient pas se servirde leur arbalète avec autant d’avantage qu’à pied, et en second lieuque le fourrage manque souvent dans ce pays de montagnes.

On le voit, plus encore que les hommes d’armes, tour à tour cavalierset fantassins de ligne, les archers et arbalétriers à cheval du moyenâge sont de véritables dragons, les précurseurs des arbalétriers àcheval de Brissac. Dans la guerre d’Italie, ce capitaine n’a eu qu’àimiter les gens de trait à cheval de la guerre de Cent ans et lesarchers et les arbalétriers du duc Charles. Changez l’arc et l’arbalèteen arquebuse, et vous avez dans ces cavaliers de trait l’arquebusier deBrissac, le dragon.

C’est ici la place de dire quelques mots sur l’organisation del’infanterie suisse, si célèbre à cette époque. Les lansquenets avaientd’ailleurs avec elle plus d’un point de ressemblance. Les armesprincipales des Suisses, dit Jean de Muller, étaient la pique, lahallebarde, l’arquebuse et l’arbalète. Le gros de l’armée portait lapique. Les hallebardiers n’en devaient former que la huitième partie.Outre cela, on avait de grandes et fortes épées et des haches d’armes.Le corps était protégé par une cuirasse, la tête par un casque ou unfort chapeau de feutre orné d’une plume de coq ou d’autruche. L’usagede l’arquebuse fut connu des Suisses de bonne heure. Les officiers quicommandaient toute l’armée ou ses divisions s’appelaient chefs oucapitaines. Les troupes de chaque canton, quelque petit que fût leurnombre, marchaient sous un chef à part, nommé par le gouvernement,ainsi que le banneret ou porte-bannière, et même parfois le proprelieutenant.

Le chef était cependant élu quelquefois, mais rarement, par lessoldats. Dans certains cantons, à Berne et à Zurich par exemple, lechef nommait son lieutenant. Le banneret ou porte-bannière occupait lepremier rang après le chef. On laissait aux simples soldats l’électiondes chefs de peloton. Ceux-ci étaient composés de 20 à 30 hommes. Siplusieurs cohortes confédérées s’unissaient ensemble, on élisait encommun un général en chef et des commandants pour chaque arme : piques,arquebuses, artillerie. Les troupes assemblées prêtaient serment aurèglement militaire. L’ordre de bataille consistait dans des colonnesprofondes ou dans un carré ; à quelques rangs de piques succédaient deshallebardes, puis de nouveau des piques ; à la tête et sur les flancsse plaçaient les armes à feu, au centre les bannières. Ces massespuissantes se mouvaient avec facilité pour former tantôt un coin,tantôt une ligne étendue.

Un auteur du dix-septième siècle dit encore ceci au sujet del’infanterie suisse :

« Entre toute infanterie on a toujours fort estimé le bataillon desSuisses, lequel, composé de piques croisées, ressemble à un hérisson ;tellement que ceux qui s’entendent aux affaires de la guerre jugent, etl’expérience a montré que ce bataillon peut faire tête aux gens decheval. Car en la bataille de Novare, l’infanterie des Suisses, n’étantcouverte d’aucune cavalerie, défit et mit en déroute l’infanterie et lacavalerie françaises. Depuis, à la journée de Marignan, ayant eubataille contre le roi François par deux divers jours, laquelle ilsperdirent à cause de la foudre de l’artillerie et de la multitude deleurs ennemis, néanmoins quoique vaincus ils retournèrent à Milan,rangés en bataille, tellement que leur retraite n’était en riensemblable à une fuite : aussi les Français victorieux n’osèrent lespoursuivre. Il n’y a pas longtemps qu’en la journée de Dreux, auxpremiers troubles, les reistres et la cavalerie française chargèrentvivement le bataillon des Suisses, et tuèrent la plupart descapitaines. Néanmoins les Suisses se rallièrent par trois fois, etgardèrent si bien leurs rangs qu’en cette bataille leurs ennemis mêmesles estimèrent fort vaillants et belliqueux ».

Ce sont donc des piquiers, des soldats organisés à peu près comme laphalange macédonienne, qui, au quatorzième et au quinzième siècle,triomphèrent en Écosse, en Flandre et en Suisse de la cavalerieféodale. Mais avec la Renaissance, la valeur de cette organisation futdiscutée. Dans le livre second de son Art de la guerre, Machiavel,faisant parler le célèbre capitaine Fabrizio Colonna, critique lesdéfauts des armes allemandes, autrement dit de la phalange de piquiers.Il met en parallèle la phalange macédonienne, type des bataillonsallemands, avec la légion romaine, et s’appuyant sur les batailles deCynoscéphales et de Pydna, il donne la préférence à la légion. Selonlui, les soldats, armés d’une solide épée et d’un bouclier, doivent, àun moment donné, écarter les longues piques allemandes et, après avoirrompu la phalange, triompher facilement dans la lutte corps à corps. Ilcite à l’appui de sa théorie les succès remportés en Italie parl’infanterie espagnole sur l’infanterie allemande.

Dans son projet d’organisation, il propose toutefois de combiner lesdeux systèmes. Sur sa brigade de 6,000 hommes, il en arme 3,000 à laromaine, c’est-à-dire de l’épée et du bouclier ; 2,000 doivent porterla pique, et 1,000 l’arquebuse (7).


NOTES :
(1) Nous avons consulté pour ce travail : LINGARD, Histoired’Angleterre (traduction du chevalier de Roujoux) ; Augustin THIERRY, Conquête de l’Angleterre par les Normands, 2e édition ; OrdericVital, Guillaume de Poitiers, Suger, Rigord, Guillaume le Breton(collection Guizot) ; MICHAUD, Histoire des Croisades ; Hallam,Strutt ; Règles et Statuts de l’ordre des Templiers, par MAILLARD DECHAMBURES ; Guillaume de Tyr ; son continuateur  (collectionPetitot) ; Histoire de saint Louis, par JOINVILLE ; Chronique deFroissart, par Siméon LUCE ; Chronique d’Angleterre, par Jehan DEWAVRIN ; Chronique d’Enguerrant de Monstrelet ; Chronique de Mathieud’Escouchy ; Mémoires de Philippe de Commines (Société de l’Histoirede France) ; Grandes Chroniques de France ; Chronique du Religieux deSaint-Denis (édition Bellaguet) ; Vie de Du Guesclin, par CUVELIER(édition Charrière) ; Chronique du deuxième continuateur de Guillaumede Nangis ; Walter SCOTT, Histoire de l’Écosse ; Bibliothèque del’École des chartes ; WALLON, Histoire de Jeanne d’Arc ; MICHELET, Histoire de France ; Henri MARTIN, Histoire de France ; Jean DEMULLER, Histoire de la Confédération suisse (édition de Genève, 1837et suivantes) ; Chroniques de Lefèvre de Saint-Remy.
(2) Cette coutume des Teutons, dont parle Guillaume de Tyr, était eneffet fort ancienne, car dans ses Commentaires sur la guerre desGaules, César dit que « dans les batailles les Suères sautent à basde leurs chevaux et combattent à pied ». « Ils ont, ajoute leproconsul, dressé ces animaux à rester alors à la même place, et ilsles rejoignent promptement si le cas le requiert. » Lors du combat decavalerie qui précéda la surprise du camp des Germains (Usipètes etTeucthères) durant la même guerre des Gaules, César cite un faitanalogue. Après avoir dit que huit cents cavaliers germains avaientjeté le désordre parmi sa cavalerie forte de cinq mille hommes qu’ilsavaient attaquée par trahison, le proconsul ajoute : « Quand les nôtresse furent ralliés, les ennemis, suivant leur coutume, sautèrent àpied, tuèrent des chevaux, renversèrent beaucoup de cavaliers, mirentles autres en fuite. » Les cavaliers romains, aussi bien que les Germains, mettaient pied àterre dans l’action. Au combat du Tessin, Polybe affirme que lorsqu’onen était aux mains, beaucoup de cavaliers sautèrent à bas de leurschevaux, pour combattre. Dans un combat livré aux Volsques par leconsul Sempronius, les Romains pliaient de toutes parts, dit Tite-Live,lorsque Tempanius, décurion de cavalerie, s’écria d’une voix forte : « Que les cavaliers qui veulent le salut de la république sautent à basde cheval ! » Il dit ensuite aux cavaliers de toutes les turmes (laturme était une troupe de trente cavaliers) qui avaient exécuté cecommandement, comme si c’eût été un ordre du consul : « Si votrecohorte avec ses petits boucliers n’arrête point le choc de l’ennemi,c’en est fait de la république. Pour étendard suivez le fer de malance. Montrez aux Romains et aux Volsques que comme cavaliers il n’y apoint de cavaliers, comme fantassins, point de fantassins, qui vousvalent. » En ce jour ces cavaliers démontés furent d’héroïquesfantassins et empêchèrent la défaite des Romains. A Cannes, puis avantla bataille d’Elingas, gagnée en Espagne par Scipion l’Africain surAsdrubal, fils de Giscon, lors des escarmouches qui précédèrent cetteaction, les cavaliers romains sautèrent à bas de cheval. Sallusterapporte qu’au moment de livrer bataille à M. Petreius à qui le consulC. Antonius avait remis le commandement de l’armée romaine, Catilinarenvoya tous les chevaux, afin que l’égalité du péril pour tousaugmentât le courage du soldat. Dans la bataille contre les Helvètes,César, dont la cavalerie avait été repoussée, fit mettre pied à terrenon-seulement à tous les cavaliers, mais encore aux officiers montés,et renvoya les chevaux, y compris le sien, afin de rendre le péril égalpour tous. Le colonel Carrion-Nisas prétend même que « les premiers cavaliersromains n’étaient autre chose que ce que furent nos dragons quandBrissac les institua en Italie, des fantassins qui ne se servaient deleurs chevaux que pour se porter plus aisément d’un point à un autre ety combattre à pied ». Bien avant ces peuples, les Lydiens, ditHérodote, se montrèrent aussi bons fantassins que braves cavaliers. Ala seconde bataille entre les Perses et les Lydiens, bataille qui selivra dans une grande plaine auprès de Sardes, Cyrus, dit le célèbrehistorien grec, trouvant la cavalerie ennemie redoutable, fit, sur leconseil du Mède Harpage, monter par des hommes équipés en cavaliers,les chameaux qui portaient les vivres et les bagages. Il les mit enpremière ligne, derrière il plaça son infanterie, et en troisième lignesa cavalerie ; les chevaux des Lydiens, effarouchés par la vue deschameaux et dégoûtés par leur odeur, firent volte-face. Toutefois lesLydiens ne s’effrayèrent point pour cela, ils sautèrent à bas de leurschevaux et combattirent bravement à pied. Plus loin, parlant du peuplequi, selon lui, vainquit et tua Cyrus, Hérodote dit que les Massagètescombattaient à pied et à cheval, et y excellaient également ; qu’ilsétaient gens de trait et bons lanciers, c’est-à-dire capables decombattre de loin et de donner et de recevoir le choc. Nous trouvons aussi le fait suivant dans Plutarque (Vie dePhilopémen). A la bataille de Sellasie gagnée par Antigonus, roi deMacédoine, contre Cléomène, roi de Sparte, Philopémen, qui, avec sesconcitoyens de Megalopis, marchait avec la cavalerie macédonienne,exécuta d’abord contre l’infanterie légère de Cléomène une chargebrillante, dégagea l’infanterie illyrienne prise à dos par ces hommesarmés à la légère, et fit de ceux-ci un grand carnage. Puis, pourencourager davantage les troupes du Roi et pousser avec plus de vigueurles ennemis, dans le désordre où ils étaient, il quitta son cheval, etmarchant à pied, couvert d’une cuirasse de cavalier et de ses autresarmes toutes très-pesantes, il s’avança à travers des chemins tortueuxpleins de torrents et de fondrières.
(3) D’après Châteaubriand, chacune des trois batailles anglaises étaitsubdivisée en trois lignes : la première, d’archers ; la seconde,d’infanterie légère galloise et irlandaise ; la troisième, d’hommesd’armes ou de cavalerie à pied. Il nous semble que l’infanteriegalloise et irlandaise était peu capable de résister en ligne à lacavalerie.
(4) Nous adoptons ici le récit des grandes chroniques et du manuscritd’Amiens, des Chroniques de Froissart.
(5) D’après Chateaubriand, ces trois batailles furent disposées sur uneligne oblique, un peu en arrière les unes des autres.
(6) Il s’agit ici d’un passage ou gué d’un ruisseau qui séparait lesdeux armées.
(7) Nous nous sommes beaucoup servi, pour cette étude, de l’édition des Chroniques de Froissart de M. Siméon LUCE, et nous avons faitplusieurs emprunts à ses notes.