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COMETTANT,Oscar (1819-1898) : Les musiciens les philosophes etles gaietés de la musique en chiffres : Réponse à Monsieur FrancisqueSarcey.-2ème édition.- Paris : E. Dentu, 1870.- 28 p. ; 21 cm.
Saisie du texte etrelecture : S. Pestel pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (18.X.2007)
Texte relu par : A. Guézou
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Texteétabli sur l'exemplaire de la médiathèque (BmLx : nc).
 
Lesmusiciens,
les philosophes
 et
les gaietés de la musique en chiffres
Réponse à Monsieur FrancisqueSarcey
par
Oscar Comettant
MEMBRE DE LA COMMISSION POUR LA RÉORGANISATION
DES ÉTUDES AUCONSERVATOIRE
DE MUSIQUE ET DE DÉCLAMATION

~ * ~

La vraie philosophie est de voir les choses telles
qu’elles sont ; le sentiment intérieur serait toujours
d’accord avec cette philosophie s’il n’était perverti
par les illusions del’imagination. BUFFON.
A Monsieur Francisque Sarcey.

I

Vous n’êtes pas heureux quand vous parlez musique, monsieur ettrès-honoré confrère. Vous la comprenez mal. Il est vrai que vousl’avez apprise sur le tard, par la méthode Chevé.

Il y a quelques semaines, vous écriviez un article sur les orphéonsdont les conclusions étaient celles-ci :

1° Les orphéonistes ne se réunissent que pour aller au cabaret, ce quiest très-fâcheux ;

2° Il ne faut pas dire du mal du cabaret, c’est une excellente chose.

Aujourd’hui (1er juin) vous prenez votre plume de Tolède - un peuémoussée peut-être par des assauts quotidiens - pour nous dire queseuls les philosophes sont capables de comprendre la valeur d’uneméthode de solfége, et que les musiciens, compositeurs et professeursn’y entendent absolument rien.

Courage ! vous tenez le filon d’une veine de gaieté inépuisable.

Demain vous nous prouverez que les professeurs de solfége sont seulscapables d’enseigner la philosophie, et que les philosophes n’ycomprennent rien. A quoi pensait donc Beaumarchais lorsqu’il ditironiquement : « Il fallait un calculateur, ce fut un danseur quil’obtint ? »

C’est, en effet, d’après votre philosophie, un danseur qui doit faireautorité quand il s’agit de calcul.

Vous êtes philosophe, et vous prenez soin de le déclarer, monsieur ettrès-honoré confrère. Je vous en fais mon compliment, bien que Mme duDeffant, - philosophe, elle aussi, - ait dit avec beaucoup dedélicatesse : « Soyez assez philosophe pour vous soucier peu de leparaître. » Mais nous appartenons à une époque où il faut louer sespropres qualités, et vous vous conformez à la règle. Donc, vous êtesphilosophe, et sans nous apprendre si vous appartenez à l’écoleionique, italique, éléatique, atomistique, sophistique, cyrénaïque,aristotélicienne, platonicienne, stoïcienne, épicurienne, sceptique,éclectique ou empirique, vous vous décernez un brevet de sagesse etdites modestement : « M. Ambroise Thomas est moins apte que je ne leserais à juger la question et à la décider. » (Il s’agit del’enseignement du solfége.)

En lisant cet aveu, je ne dissimule pas avoir éprouvé un doux accèsd’hilarité.

Pourriez-vous seulement nous dire au juste ce qu’est la philosophie ?Schelling la définit la science de l’absolu. Hégel veut que ce soit lascience de la raison par les idées. Cicéron dit que c’est la sciencedes choses divines et humaines. D’autres la donnent comme laconnaissance des choses par les causes et leurs effets, et Fichte,entrant dans le détail, écrit que la philosophie est la science desraisons de nos opinions, de nos conjectures et de nos convictions surnous-mêmes et sur tout ce qui est en rapport avec nous. On serait tentéde croire, en lisant votre article du Gaulois, intitulé Musiciens etPhilosophes, que vous avez défini la philosophie : La connaissance dusolfége par le chiffre.


II

Quoiqu’il en soit, c’est la philosophie qui, d’après vous, doit être lapremière et la plus indispensable étude pour tout musicien qui prétends’élever à la dignité de professeur de solfége. J’imagine la petitescène suivante entre un professeur de musique qui aspire à tenir uneclasse de solfége au Conservatoire et le directeur de cet établissement.

- J’ai appris, monsieur le directeur, qu’une place de professeur demusique élémentaire était vacante au Conservatoire, et je viens vousproposer mes services.

- Fort bien, monsieur, quels sont vos titres ?

- Je suis, monsieur, lauréat de l’école.

- Quelle école ? Idéaliste, kantienne, écossaise, sensualiste,cartésienne ?

- Non, monsieur, du Conservatoire.

- Bagatelle, quand il s’agit d’enseigner le solfége. Après ?

- A ma sortie du Conservatoire, j’ai suivi la carrière du professoratet j’ai aujourd’hui vingt-cinq ans d’expérience.

- L’expérience en fait d’enseignement ne signifie rien du tout.

- Par exemple !

- Non, rien ; car ce sont les théories philosophiques, si sûres, commechacun sait, qui seules peuvent faire reconnaître si un élève chantefaux ou juste, et s’il bat correctement la mesure. C’est la philosophieaussi, et non point l’expérience ni les études spéciales, qui doitguider le professeur dans le choix des moyens à employer pour permettreà ses élèves d’atteindre ce but glorieux, solfier !

- Vous m’étonnez.

- C’est comme j’ai l’honneur de vous dire. Êtes-vous philosophe ? Toutest là. Votre prix du Conservatoire et vos vingt-cinq annéesd’expérience du professorat ne vous nuiront pas dans mon opinion, tantje suis bienveillant, si pour occuper la place de professeur desolfége, vous vous montrez philosophe distingué, comme M. FrancisqueSarcey, par exemple. Voilà un professeur de solfége qui me conviendraità merveille, car il est philosophe, lui, et il n’est point professeurde musique.

- Monsieur le directeur veut rire, je pense ?

- Je ne ris jamais. Voyons, avez-vous approfondi Bacon ? Condillacest-il votre homme ? Pensez-vous avec Descartes que le cheval soit unautomate qui ne sente pas les coups de fouet que lui administre lecharretier ? Spinosa fait-il frissonner d’épouvante votre âmeimmortelle ? Et Leibnitz, quel effet vous produit-il ? Parlez,croyez-vous que la suprême sagesse et le suprême sentiment d’uneméthode de solfége ait pu toucher à la folie chez l’immortel buveur deciguë ? Causons d’Aristote et de sa docte cabale, et veuillezm’expliquer clairement les attributions du moi et du non-moi, dusubjectif et de l’objectif.

- Mais, monsieur, la philosophie n’est pas la musique et la musiquen’est pas la philosophie.

- C’est le contraire, monsieur. Le solfége est la science de la raisonhumaine, et la philosophie est l’art de combiner les sons d’une manièreagréable à l’oreille.


III

Mais parlons sérieusement. En défendant contre les musiciens, et pourglorifier la philosophie, une méthode de musique dont l’essai se faitdepuis trente-cinq ans déjà sans résultat décisif en sa faveur (1),vous plaidez une mauvaise cause, monsieur et très-honoré confrère. Vousaurez beau jongler avec des paradoxes, vous ne ferez pas que les hommescompétents ne le soient pas sur les objets de leur compétence, et vousne persuaderez jamais les gens sensés que les professeurs de musique nesachent pas mieux que les simples philosophes, discerner ce qui est bonou mauvais pour hâter le progrès des élèves et les maintenir dans labonne voie de leurs études musicales.

Écrivez tant qu’il vous plaira en l’honneur de la philosophie contreles musiciens - qui ne sont pas si dépourvus de philosophie que vous lepensez (2), - vous n’aurez rien fait pour la notation en chiffres et lalangue modale, tant que les médecins seront consultés sur les maladies,les astronomes sur l’astronomie, les chimistes sur la chimie, lesmarins sur la marine, les journalistes sur les journaux, les cuisinierssur la cuisine et les professeurs de solfége sur le solfége.

Croyez-vous bonnement, avec votre philosophie, avoir seul raison contretous les musiciens du monde entier sur une question d’enseignementélémentaire de l’art ? Comment ne vous êtes-vous pas dit que cesystème, qui fait votre admiration comme philosophe, devait cacherquelque vice radical au point de vue purement musical, puisque tous lescompositeurs d’Europe et d’Amérique, tous les professeurs et critiquescompétents, à très-peu d’exception près, l’ont condamné hautement ? Sila méthode Chevé n’était ni bonne ni mauvaise, si elle était simplementnulle, appliquée à l’enseignement d’enfants destinés à devenirartistes, peut-être, quant à moi, ne me serais-je pas opposé à sonintroduction dans notre école nationale ; mais elle est dangereuse,empirique, absolument contraire, par ses bases fondamentales, à toutedoctrine scientifique, à toute bonne éducation de l’oreille, et touteconsidération de personne devait s’effacer devant les considérationsd’intérêt général, qui sont l’honneur même de l’école.

Je sais qu’il n’est pas pire sourd que le philosophe qui ne veut pasentendre ; cependant je veux essayer de vous convaincre des dangers, auConservatoire, d’un système qui a été conçu dans le but unique demettre les masses, - les organisations ordinaires, suivant l’expressionde M. Chevé lui-même, - à même de lire dans le moins de temps possibleune partie dans un choeur, en escamotant toutes les difficultésinhérentes à la tonalité, à la modulation. M. Chevé a pensé qu’ilvalait mieux pour un ouvrier qui n’a qu’une demi-heure à consacrer parsemaine à l’étude de la musique, l’apprendre ainsi que ne pasl’apprendre du tout.

Il aurait eu grandement raison de raisonner ainsi si la musique étaitaussi difficile à apprendre qu’il l’a dit dans ses nombreux écrits, etsi les douze cent mille orphéonistes qui chantent dans toute l’Europeet en Amérique pour se récréer, n’avaient très-aisément surmonté lesdifficultés de l’affreux grimoire, comme pour lui prouver son erreur.


IV

La méthode Galin-Pâris-Chevé a pour bases fondamentales la notation parchiffres et le système des soudures dont l’objet est de reporter tousles tons majeurs au seul ton d’ut, et tous les tons mineurs au seulton de la.

La notation par chiffres est très-ancienne, et l’idée de solfier toutela musique en ut ou en la n’est pas nouvelle. Le temps etl’expérience des praticiens ont fait justice de ces moyens insuffisantsou vicieux. La première idée des chiffres pour représenter les notes dela musique appartient au père Souhaitty, si elle n’est de l’EspagnolUloa. J.J. Rousseau s’empara de cette idée, et perdit plusieurs annéesde sa vie à composer au système d’écriture chiffrée très-ingénieux ettrès-inutile, que Galin n’a fait que modifier légèrement. Rousseau crutavoir enfanté un chef-d’oeuvre, jusqu’au jour où un musicien pratiquemit en quelques mots cette belle théorie à néant. Il faut lire etrelire dans les Confessions comment Rameau opéra ce miraclemerveilleux entre tous de prouver à un inventeur de système que sonsystème ne vaut rien. Ce passage est en faveur de Rousseau autant etplus que de Rameau, et la conclusion qui s’y trouve en forme demoralité n’a rien perdu de sa valeur. Elle semble écrite d’hier.Veuillez en juger, monsieur Francisque Sarcey :

« J’eus lieu de remarquer, dit le philosophe genevois (un philosophequi ne pensait pas comme mon très-honoré confrère, rédacteur du Gaulois), combien la connaissance unique mais profonde de la choseest préférable, pour en bien juger, à toutes les lumières que donne laculture des sciences lorsqu’on n’y a point joint l’étude particulièrede celle dont il s’agit ; la seule objection solide qu’il y eût àfaire à mon système y fut faite par Rameau. A peine le lui eus-jeexpliqué, qu’il en vit le côté faible.

» Vos signes, dit-il, sont très-bons en ce qu’ils représententnettement les intervalles et montrent toujours le simple dans leredoublé ; mais ils sont mauvais en ce qu’ils exigent, pour chaqueintervalle, une opération de l’esprit qui ne peut suivre la rapidité del’exécution.

»  La position de nos notes, continua-t-il, se peint à l’oeilsans le concours de cette opération. Si deux notes, l’une très-haute,l’autre très-basse, sont jointes par une tirade de notesintermédiaires, je vois du premier coup d’oeil que l’une est jointe àl’autre par degrés conjoints ; mais, pour m’assurer chez vous de cettetirade, il faut nécessairement que j’épelle tous vos chiffres l’unaprès l’autre, le coup d’oeil ne peut suppléer à rien. L’objection meparut sans réplique et j’en convins à l’instant.

» Quoiqu’elle soit simple et frappante, il n’y a qu’une grande pratiquede l’art qui puisse la suggérer ; et il n’est pas étonnant qu’elle nesoit venue à aucun académicien ; mais il l’est que tous ces grandssavants, qui savent tant de choses, sachent si peu que chacun nedevrait juger que de son métier. »

Eh bien ! monsieur Sarcey, qu’en dites-vous ? J’aurais pu, il mesemble, pour vous répondre, me borner à citer cet excellent passaged’un véritable philosophe, celui-là ; mais puisque le vin est tiré, ilfaut le boire. Buvons donc sans trop faire la grimace.

Après la condamnation du chiffre comme notation par l’inventeur même decette notation, Galin, qui la reprend, avoue que c’est de purefantaisie qu’il enseigne cette notation à ses élèves, sans prétendrela substituer à l’écriture vulgaire.

Mais comme simple moyen pédagogique, les chiffres ont de gravesinconvénients, et je veux laisser parler à ce sujet l’élève le plusdistingué de Galin et son continuateur, Edouard Jue, l’inventeur del’alphabet monogamique.

« Si l’emploi des chiffres comme notation a l’avantage de réduirel’étude à une seule gamme (nous allons voir que cet avantage est unemonstruosité musicale), il a, d’un autre côté, le grave inconvénientde ne point conduire à la lecture familière de la portée, et même d’enéloigner étrangement par leur incompatibilité et par le secours qu’ilsoffrent à la paresse… Les chiffres tournent la difficulté sans larenverser ; ils font ressortir les inconvénients du système reçu, maisils n’enseignent point à s’en accommoder, et c’est pourtant là qu’estla question, puisqu’il est impossible de s’y soustraire, quelque habilequ’on soit d’ailleurs. »

Il y a longtemps que les musiciens savent cela ; mais je parle à desphilosophes, et il me faut insister pour prouver l’évidence.

Absolument impraticable pour les instruments, cette notation ne peuttrouver son emploi que pour la voix humaine, à deux conditionstoutefois : que le chant ne sera pas fleuri, et qu’il ne modulera pasou qu’il modulera peu. Le chiffre n’est pas seulement un moyenpédagogique dans la méthode de Galin-Pâris-Chevé, c’est une notationcomplète que MM. Chevé et Pâris préconisent comme excellente, et qu’ilsespèrent bien voir triompher du grimoire ; car si M. Chevé confessedans sa 38e lettre sur la musique, publiée dans le Franc-Juge, que lechiffre a une supériorité immense sur la portée quand il s’agitd’écrire pour les voix, - mais qu’il est absolument mauvais pour lesinstruments, - il se ravise dans sa brochure la Routine et le BonSens, et dit, pages 41 et 43, que le chiffre peut rendre toutes lescomplications d’une partition d’opéra.

Quel livre de banque, quel tableau de logarithmes ! Mais écoutonsparler MM. Chevé et Pâris, puisqu’il a été question de leur ouvrir lesportes du Conservatoire.

« Jamais, écrit M. Chevé, on n’abandonnera la cause du système chiffré! On a tiré l’épée ! On en a jeté au vent le fourreau. C’est fatal !Nous l’avons voulu ! »

De son côté, M. Aimé Pâris ayant été mis en demeure par M. le comte deMorny de prouver que les élèves de M. Chevé lisaient sur la portée,répondit :

« Non, monsieur le comte, nous ne voulons pas de la portée, nousrepoussons la portée. »

Serait-ce, par hasard, que M. Pâris croyait les élèves de la méthodeincapables de lire sur la portée ? C’est possible, mais commentconcilier cette crainte avec l’affirmation suivante, qu’on peut lire àla page 30 de la brochure de M. Chevé intitulée : Coup de grâce à laroutine musicale ? « Nos élèves savent lire sur la portée, sur toutesles clefs, avec un nombre quelconque de dièses ou de bémols, mieux quene sauraient le faire tous les élèves, tous les professeurs et tous lesdirecteurs de conservatoires, M. Aubert en tête. »

Voilà, je pense, qui est concluant : c’est la notation chiffrée sesubstituant, au moins pour le chant, à la notation ordinaire sur laportée. Le Conservatoire, je le demande aux plus savants philosopheseux-mêmes, pouvait-il tolérer qu’on vînt dans ses classes prêcher unesemblable réforme, qui aurait fait la risée de toute l’Europe musicale ?


V

Le Conservatoire de Paris a été jusqu’à présent et doit continuerd’être l’asile inviolable de la science honnête, sûre, indiscutable.

C’est quand l’art se vulgarise chaque jour davantage, et que pourbeaucoup il est devenu misérablement l’objet d’une spéculationmercantile, qu’il faut craindre l’abaissement du niveau des études unpeu partout, et par suite la diminution des compositeurs, deschanteurs, des instrumentistes et des professeurs dignes du nomd’artiste.

Notre École nationale de musique n’a donc pas et ne saurait avoir pourbut de fournir régulièrement de nombreux musiciens de pacotille ; c’està diriger les élèves doués de sérieuses dispositions dans la voierégulière, austère même de l’art, qui n’est jamais une voie facile etprompte, que doit s’attacher le Conservatoire. Il faut laisser àcertains amateurs, hommes du monde, le privilége de composer de lamusique suivant certains procédés, après quinze jours de leçon. LeConservatoire, lui, devra, je crois, s’estimer toujours heureux deformer des compositeurs en plusieurs années d’un travail assidu et mêmeopiniâtre. N’oublions pas que Cherubini, septuagénaire, écrivaitrégulièrement des leçons de contre-point. Il avait, disait-il, peur del’oublier. Est-ce qu’on pourra jamais trouver des méthodes pourdispenser du travail dans un art de cette difficulté ?

Aussi qu’elle n’a pas été la stupéfaction des musiciens en lisant, dansle compte rendu d’une séance du Corps législatif, ces paroles du plusillustre de nos orateurs, peut-être, et aussi grandement estimé par laloyauté de son caractère que par son admirable talent :

« Des savants, a dit M. Jules Favre, ont, dans ces derniers temps,inventé des méthodes pour rendre facile la composition ; j’ai étémoi-même témoin de résultats concluants : des personnes dénuées detoute notion de musique sont parvenues, au bout de quinze jours, àcomposer des airs. » (Mouvements divers.)

Et voilà comment les esprits les plus éminents peuvent se laisserprendre aux apparences et tomber dans l’enfantillage, quand ils ontl’imprudence de juger en maîtres de matières spéciales auxquelles ilssont étrangers. Qu’aurait pensé M. Jules Favre dans cette discussionqui avait, comme aujourd’hui, le Conservatoire pour objet, si, aprèsles paroles que je viens de citer, un député, compositeur de musique,parlant de nos écoles de droit, sans être ni avocat ni orateur, avaitannoncé solennellement à la Chambre la nouvelle suivante :

« Des savants ont dans ces derniers temps inventé des méthodes pourrendre facile la connaissance du droit et l’éloquence ; j’ai étémoi-même témoin de résultats concluants : des personnes dénuées detoute notion de grammaire sont parvenues, au bout de quinze jours, àcomposer des discours sur la jurisprudence. »

On aurait ri, sans doute, d’une semblable naïveté. Eh bien, il n’estpas plus facile de composer de bonne musique que d’écrire ou deprononcer de bons discours ; et quant aux compositions puériles,ridicules, niaises, comme en peuvent produire, par un procédéquelconque des ignorants en musique, ils ne méritent pas plus que lesdiscours du même genre qu’on cherche à en propager le nombre enrecommandant les méthodes qui en donnent la clef.

Que le Conservatoire ne serve jamais de théâtre complaisant auxexpériences des innovateurs. Le progrès dans les arts s’impose, il nese décrète pas. Sa puissance, toute son action, sont en lui-même, quandil lui est possible de se manifester librement. En musique comme entoute autre chose, c’est de la liberté qu’il faut attendre lamanifestation du progrès et sa consécration.

Mais il y a deux sortes de progrès comme il y a deux sortes de vérités,d’après Beaumarchais. Il y a le vrai progrès et le progrès faux. Ilserait aussi impossible d’arrêter le premier au seuil de la porte duConservatoire qu’il serait vain ou dangereux d’y accueillircomplaisamment le second. Que dans les États gouvernés despotiquementle bon plaisir du chef ordonne de suivre ce qu’il croit ou voudraitfaire croire être le progrès, il n’y a rien à dire, bien que ledespotisme et le progrès marchent rarement ensemble ; mais dans lesÉtats où règne la liberté, le temps, qui, d’après une maxime du duc deLévis, use le mensonge et polit la vérité, le temps seul doit imposerle progrès, comme tout progrès réel s’impose, doucement, sûrement, sanstyrannie aucune, et par la seule force des choses.

On l’a dit et il faut le répéter, pour un inventeur de génie, cinqcents fous, mille vaniteux impuissants et dix mille dupes des fous etdes vaniteux.

La tradition des grands maîtres dans leurs oeuvres et dansl’enseignement qu’ils ont suivi, voilà pour le Conservatoire la loi etles prophètes. Qu’il nous donne, s’il se peut, en collaboration avec lanature, des compositeurs de génie, des chanteurs accomplis ; son devoirrigide, sa raison d’être, est de maintenir au milieu de toutes lesthéories dissolvantes qui se produisent, de toute la chétive etmisérable musique qui s’imprime chaque jour, de tous les spéculateursen doubles croches qui font des miracles à prix fixe, un niveau musicalélevé, en fournissant de bons chanteurs pour nos théâtres, de bonexécutants pour nos orchestres, des virtuoses hors ligne, si c’estpossible, et des professeurs qui, en sortant de l’école, iront à leurtour dans les différentes villes de France propager et entretenir lesbonnes traditions.


VI

Je me résume. Les dangers de l’introduction du chiffre au Conservatoireseraient, les faits le prouvent surabondamment :

1° D’éloigner les élèves de la lecture ordinaire sur la portée, qui estla seule lecture utile ;

2° De tourner les difficultés sans les renverser, en apportant unaliment à la paresse : Édouard Jue nous l’a dit ;

3° D’entretenir au sein de l’école un véritable schisme musical, quandla notation vulgaire jouit de cet avantage immense d’être une seule etmême écriture pour les musiciens de tous les pays, applicable à tousles instruments, et si merveilleusement imaginée dans ses partiesessentielles, que, malgré certains défauts de détail qu’on pourracorriger quand on le voudra, elle se plie à toutes les exigences del’art et permet de lire d’un coup d’oeil la partition d’orchestre laplus compliquée.

Je passe, car le temps presse et mon papier devient rare, au systèmedes soudures qui a pour objet de reporter tous les tons majeurs au seulton d’ut et tous les tons mineurs au seul ton de la.

Ce système est encore, à mon sens, bien autrement anti-musical que lanotation par le chiffre, qui pourtant ne vaut rien. Ah ! si j’ose memontrer aussi affirmatif, c’est que je ne me suis pas borné à apprendrela musique dans les livres, ni même au Conservatoire ; c’est que jel’ai enseignée aux autres pendant quinze ans de ma vie, ce qui est enréalité la seule manière d’achever de l’apprendre soi-même.

Croyez-le bien, monsieur et très-honoré confrère, ce système quiconstitue presque tout le mérite de la méthode Chevé, en réduisant àune tonique mineure toutes les toniques majeures et les toniquesmineures de la notation usuelle, est de tous les faux progrès que jeconnaisse le plus intolérable, le plus dangereux, le plus inadmissible.C’est un masque trompeur de l’oreille par les yeux, un mensonge, untrouble, un chaos, le contraire de l’éducation musicale de l’ouïe.J’espère rendre en peu de mots cette vérité saisissable pour tous.


VII

Plus que jamais, aujourd’hui la musique est faite de modulations ; Ilest donc indispensable que de bonne heure l’élève s’applique àcomprendre le rapport des modulations entre elles, qu’il en saisisseles lois, qu’il en suive l’enchaînement en contrôlant les impressionsde son oreille par le témoignage de ses yeux, lisant ce qu’il écoute,voyant ce qu’il entend. Comment pourra-t-il faire cette éducation siindispensable de l’oreille, comment pourra-t-il exercer ce contrôle del’ouïe par la vue, si la notation ment à la musique, et qu’au lieu denoter fidèlement les divers jalons de la route en les appelant par leurnom, elle les dissimule sous une dénomination invariable ?

Si je suis en ut, d’après le diapason, et que d’ut je passe en labémol, l’écriture ordinaire, l’affreux grimoire me dit que je suis en la bémol ; mais le système des soudures apportant son masquemensonger couvre cette nouvelle tonique du nom de l’ancienne, et jesuis encore en ut. Mon oreille aura beau se révolter, il me faudradire ut quand j’entendrai la bémol. Si de cette dernière tonique jepasse par l’enharmonique en mi majeur, la méthode Chevé me dit que jesuis encore en ut. Je vais de mi en sol ; ce sol est encore ut. Enfin, si, par un enchaînement de modulations savantes, jeparcours tous les degrés de l’échelle en faisant de chacun d’eux unetonique, c’est ut, toujours, de manière que ut, ré, mi, fa, sol, la,si, ut, je les appellerai ut, ut, ut, ut, ut, ut, ut, ut.

Philosophes, c’est à vous que je m’adresse : comment, avec une écriturecontre laquelle proteste mon oreille, pourrai-je analyser ce que jecrois sentir, étudier la route parcourue, développer mon instinctmusical, acquérir cette mémoire de l’ouïe qui fait que le musiciendonne à la note qu’il entend son véritable nom, et qu’il lui assignedans l’harmonie son rôle véritable ? Est-ce avec de semblables moyensqu’on forme des artistes ?

L’empirisme de la méthode Chevé est plus choquant encore en ce quiconcerne le mode mineur. Dans le mode majeur, c’est le n° 1 qui indiquela tonique, et c’est le n° 5 qui indique la dominante ; c’estrationnel. Mais, dans le mode mineur, c’est le n° 6 qui indique lapremière note de la gamme et c’est le n° 3 qui indique la 5e. Nedirait-on pas vraiment que cette notation a été inventée par des genspour qui le mode mineur n’existe pas, et qui avaient oublié qu’onmodulât en musique.

Quand un élève du Conservatoire entend et voit qu’il chante en utmineur, en  mineur, en mi mineur, en fa mineur, etc., l’élèvede M. Chevé a perdu le sentiment de ce parcours harmonique et se croittoujours en la qu’il chiffre par un 6, lequel ne répond à rien.

Mais, disent les partisans de l’école Chevé, - les philosophes, - iln’y a pas de ton absolu ; dès lors qu’importe qu’on appelle ut ou la toutes les toniques majeures ou mineures ?

A la bonne heure, mais il y a un point de départ conventionnel qui estle diapason, et ce point de départ une fois donné, toutes les notes del’échelle des sons se fixent invariables, comme une échelle numérique.Bien que entre 1 et 2, par exemple, il y ait les mêmes rapports deproportion qu’entre 6 et 7, 1 n’est pas 6, et 2 n’est pas 7, et il nefaut pas, quand je suis à 7 pour l’oreille, que je lise ou que j’écrive2.


VIII

Veuillez me croire, monsieur et très-honoré philosophe, et me pardonnersi j’insiste sur ce point : les méthodes merveilleuses n’ont fait et neferont merveille que parmi les amateurs, heureux de tout apprendre sansrien étudier. Les artistes, eux, ne croient point à ces méthodes. Ilssavent, par expérience, que les moyens expéditifs, dans les arts commedans les sciences, sont toujours des moyens illusoires ; que tôt outard il faudra aborder les difficultés qu’on aura momentanémentécartées, et que rien de bon, de sincère, de durable, n’est possiblesans la collaboration du temps, ce suprême professeur.

Les classes de solfége au Conservatoire n’ont cessé de fairel’admiration des maîtres français et étrangers qui ont eu occasion deles suivre, d’en étudier le véritable esprit et d’en constater leseffets. Mendelssohn, entre autres, - dont l’hostilité pour tout ce quitient à la musique en France perce dans ses écrits, - Mendelssohn n’apu dissimuler sa vive satisfaction de la manière dont on étudie lesolfége à notre École nationale de musique. Chaque année, en effet, desconcours mettent en présence des légions d’enfants de dix à douze ansqui lisent avec l’aplomb de vieux musiciens des leçons de solfége où setrouvent entassées toutes les difficultés de la lecture musicale :difficultés d’intonation, difficultés de rhythme, difficultés demesure, changements subits de clefs, modulations enharmoniques, etc.Rien ne manque à ces leçons écrites pour la circonstance, pas même lecharme de la mélodie, car elles sont signées de M. Auber. Comment, jeme le demande, et je le demande aux philosophes, de si méchantsprocédés d’instruction musicale élémentaire ont-ils pu donner jusqu’icide si nombreux et si excellents résultats ? Ne faut-il donc plus jugerl’arbre à ses fruits ?

Certes, si l’on pouvait croire notre école de musique à l’abri d’unreproche, c’est bien celui d’avoir conservé intactes les traditions desmaîtres illustres qui ont écrit les solféges d’Italie et les solfégesdu Conservatoire. En apprenant à lire dans ces livres, que lesinventeurs de nouveaux systèmes ne parviendront jamais à déconsidéreraux yeux de tout musicien instruit et impartial, les élèvesn’apprennent pas seulement à lire : ils se forment le goût, s’infusenten quelque sorte le beau style classique, et ce commencement d’éducation musicale détermine souvent leur vocation en lespréparant, mieux que par les raisonnements des docteurs, à entrer dansle vif du sentiment musical qui est tout l’artiste.


IX

En vérité, je croirais faire injure à M. Sarcey lui-même si j’insistaisdavantage sur les inconvénients de la notation par chiffres et de lalangue module, pour servir de bases aux sérieuses études que tout élèvedu Conservatoire doit recevoir dans cet établissement. Du reste, deshommes dont l’opinion fait autorité en matière musicale, descompositeurs illustres, des théoriciens savants, des professeursexpérimentés, ont depuis longtemps réfuté victorieusementl’enseignement mis en question aujourd’hui dans une brochure intituléemodestement : Observations de quelques musiciens et de quelquesamateurs sur la méthode de musique par M. le docteur Chevé.

Ces quelques musiciens et ces quelques amateurs se nomment Auber,Carafa, Clapisson, Ermel, Foucher, Gide, Gounod, Halévy, Verdi, Jomard,le général Mellinet, Monnais, Niedermeyer, Rodrigues, Ambroise Thomas,Varcollier, Berlioz, Dietsch, Georges Kastner, d’Ortigue, Bazin,Pasdeloup.

A côté de ces hommes si distingués, quelques compositeurs éminentssemblent avoir adhéré aux principes de la méthode Chevé ; ce sont, avecRossini (3), MM. Félicien David, Gevaert, le prince Poniatowski, leprince Polignac, Offenbach, de Lajarte, Membrée, et deux ou troisautres encore ; mais je me trompe fort, ou ces messieurs, dont lecaractère est à la hauteur du talent, avaient en vue, en patronantcette méthode, la vulgarisation de la musique parmi les classesouvrières, et non point la condamnation des principes qui sont la basede l’enseignement au Conservatoire, au profit des procédés du chiffreet de la confusion de tous les tons en un seul ton.

MM. Guéroult et Francisque Sarcey seuls, avec toute la généreusepassion de néophytes ardents, ont pu s’y tromper, car J.-J. Rousseaul’a dit, pardon de le répéter : « J’eus lieu de remarquer en cetteoccasion combien la connaissance unique, mais profonde de la chose,est préférable, pour en bien juger, à toutes les lumières que donne laculture des sciences lorsqu’on n’y a pas joint l’étude particulière decelle dont il s’agit. »

Recevez, monsieur et très-honoré confrère, l’assurance de laconsidération distinguée de celui qui ne croit point, comme Pangloss,que tout est pour le mieux dans le monde de la pédagogie musicale, maisqui croit fermement que Newton en savait moins que son cordonnier surl’art de confectionner les doubles semelles, et qu’en matière musicalela simple affirmation de M. Ambroise Thomas, par exemple, vaut mieuxque cent colonnes de contradictions signées Francisque Sarcey.

OSCAR COMETTANT.


NOTES :
(1) On voudrait une expérience de la méthode Chevé au Conservatoire.Sont-ce donc les moyens de se produire qui ont manqué à cette méthode ?On peut dire, en toute vérité, que jamais novateur ne fut autantfavorisé que M. Chevé. C’est lui-même qui prend le soin de nousl’apprendre. Je le laisse parler :
« … En 1847, conversion à mes idées de la moitié des professeursofficiels des écoles communales… »
« … En 1849, l’Association polytechnique adopte la méthode et me priede faire un de ses cours… »
« En 1849, M. Magin-Morrens, maire-adjoint du XIe arrondissement, medemanda d’ouvrir un cours à l’École de médecine… »
« En 1849, adoption officielle de la méthode pour toutes les écolescommunales de la ville de Rouen… »
« En 1850, fondation de la société chorale, qui a fait une immensepropagande et un très-grand nombre de conversions et de prosélytes… »
« En 1852, la méthode avait fait déjà assez de progrès pour qu’un jury,pris exclusivement dans l’école officielle, voulût bien, sur mademande, organiser un concours international… »
« Le 12 juin 1853, les expériences furent subies… Ce concours fut uncoup terrible pour la vieille école… »
« A la suite du concours de Paris, M. le ministre de la guerre meconfia l’éducation musicale des élèves militaires du Gymnase de laFaisanderie… »
« En 1857, la méthode est introduite à l’École normale supérieure et àl’École préparatoire de Sainte-Barbe… »
« En 1858, la méthode est introduite à l’École polytechnique… »
« En 1858, aussi, M. le comte Sollohub, chambellan de l’empereur deRussie, adopte, après mûr examen, la méthode Galin-Pâris-Chevé pour laRussie. Appelé par le gouvernement russe, des circonstancesparticulières m’ont retenu en France… »
En 1859, vingt membres de notre société chorale forment, sous ladirection de M. Amand Chevé, la chapelle russe, qui devient unechapelle modèle…
« En 1859, également, M. le duc de Morny forme une société de patronagepour la propagation de la méthode… »
« En 1860 et 1861, trois grandes séances ont eu lieu au CirqueNapoléon, ainsi qu’une séance expérimentale au lycée Louis-le Grand,sous les auspices du comité de patronage. C’est à l’une de ces séancesque M. Rouland, ministre de l’instruction publique, pressantpubliquement ma main dans les siennes, me dit avec énergie : « Courage! Monsieur Chevé, courage ! »
« En 1861, par les soins de M. le pasteur Montandon, la ville de Genèveadopte la méthode pour tout le canton. Le conseil d’Etat me donnel’inspection de ses écoles. »
« En 1861, le ministre de l’instruction publique, M. Rouland, me charged’expérimenter la méthode à l’École normale de Versailles. »
« En 1861, aussi, le ministre de la guerre me charge d’enseigner laméthode à l’École militaire de Saint-Cyr. »
« En 1861, l’Athénée des Arts nous décerne une médaille en or. »
« En 1861, la méthode est rendue obligatoire au Prytanée de La Flèche. »
« En 1861, la méthode est introduite à Haïti par M. Sicard. »
Nous ne sommes qu’en 1861 et les faveurs exceptionnelles qui ont comblécette méthode, jusqu’en la présente année 1870, ne se sont pas arrêtées.
L’expérience n’est plus à faire.
Mais le jugement porté sur elle, par la presque unanimité des musiciensde tous les pays, ne lui a pas été favorable.
On l’a repoussée de toutes les écoles sérieuses où elle aurait pu êtreaccueillie librement, et même au point de vue de l’enseignement desmasses elle est loin d’avoir tenu ce qu’elle promettait. Je pourraisciter une liste de cent cinquante sociétés chorales libres, qui,après avoir expérimenté la nouvelle méthode, l’ont abandonnée pourrevenir à l’ancienne, qui est la bonne.
(2) Tous les grands compositeurs ont été des philosophes.
Qu’on lise, pour s’en convaincre, les lettres ou préfaces de Gluck, deHaydn, de Mozart, de Grétry, de Berton, de Méhul, de Lesueur, deBeethoven, de Weber, de Mendelssohn, d’Halévy, de Meyerbeer, de Gounod,de Berlioz, etc.
Et en ce qui concerne M. Ambroise Thomas, pourrait-on croire quel’artiste éminent qui a conçu la partition d’Hamlet, celle du Songed’une nuit d’été et celle de Mignon, puisse être dépourvu desentiment philosophique ?
(3) Rossini a légué son immense fortune, à la mort de Mme Rossini, pourla fondation en Italie d’un Conservatoire de musique ; mais il oubliede mentionner dans son testament la création d’une chaire spéciale pourl’enseignement du chiffre. S’il croyait à cet enseignement, on voitqu’il n’y croyait guère.