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DANGUY,Louis (18..-19..): Le fumier de ferme etles engrais chimiques.....- Reims : A l'Imprimerie del'Indépendant rémois, 1891.- 20 p. ; 17 cm.
Saisie dutexte : S. Pestel pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (08.X.2011)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de laMédiathèque(Bm Lx : R 217 Br).
 
Le fumier de ferme et les engraischimiques
par
M. Louis Danguy
Ingénieur agronome,
Professeur à l'Ecole pratique d'agriculture des Merchines

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CONFÉRENCE FAITE AU CONGRÈS AGRICOLE TENU A BAR-LE-DUC
Du 4 au 9 Mai 1891
SOUS LA PRÉSIDENCE DE MM. DEVELLE & BOULANGER
SÉNATEURS DE LA MEUSE


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    MESSIEURS,

La question de la fertilisation des terres arables est certainement unede celles qui attirent le plus vivement l’attention de l’agriculteurdepuis quelques années. Aussi ne devez-vous pas être surpris de voir cesujet exposé dans la première séance d’un congrès où seront discutésles moyens de retirer du sol une plus grande quantité de produits.

A une époque encore peu éloignée de nous, la seule matière fertilisanteque possédait l’agriculture était le fumier de ferme.

Le fumier de ferme peut être considéré comme formé du résidu desrécoltes qui ont servi à l’alimentation et au couchage des animauxdomestiques.

Tous les fumiers ne sont pas identiques. Il y a fumiers et fumiers ;outre que les soins que l’on apporte à sa confection influent beaucoup,la constitution physique et la composition chimique d’un fumier varientavec la litière employée, avec la ration alimentaire et aussi avecl’animal qui contribue à sa formation.

Il convient, en effet, de distinguer le cas où le fumier est produitpar un animal adulte, le cheval et le bœuf de travail par exemple, decelui où il est produit par un animal en période de croissance, par unanimal à l’engrais ou qui donne des produits, veau, lait, etc.

Les animaux adultes, en effet, reçoivent une ration d’entretien quileur permet de fonctionner comme moteur animé ; ils retiennent bien unepartie des aliments qu’on leur donne, mais cette portion est moinsconsidérable que celle qui est retenue par un animal qui croit ou quidonne des produits, comme la vache qui donne un veau, du lait, quirenferment des matières azotées, phosphatées, potassées en quantiténotable.

Il en est de même des animaux à l’engrais ; les tissus qu’ils formenten quantité si considérable se constituent aux dépens de la matièrealimentaire.

Enfin, le régime alimentaire de l’animal viendra aussi exercer sonaction sur la composition des fumiers.

La nature de la litière influe naturellement sur la constitution dufumier ; suivant qu’elle est formée de pailles, de bruyères, defougères, de feuilles, de sciure de bois, de tourbe, les propriétésphysiques et chimiques du fumier varient. La paille de froment étant laplus riche en matière azotée fournira la litière la plus riche.

Mais dans le choix d’une litière on n’a pas à s’inquiéter beaucoup dela constitution chimique des matières employées. Une litière doit, eneffet, fournir surtout un bon coucher aux animaux et absorberfacilement les déjections liquides.

Les causes dont je viens de parler exercent une influence plutôtindirecte que directe sur la nature du fumier. On est, en effet, guidédans la discussion de ces conditions par les exigences de l’animal.

Il n’en est plus de même lorsque le fumier sort des stalles des animaux; sauf dans quelques cas particuliers comme celui des moutons où lefumier peut rester plusieurs mois sur le sol de la bergerie, il estimpossible de laisser la litière très longtemps dans le logement desanimaux. Il y a là une question d’hygiène de premier ordre.

Le fumier doit donc être enlevé des écuries, bouveries, vacheries ouporcheries à intervalles assez rapprochés et réuni soit dans desfosses, soit en tas prismatiques.

Que se passe-t-il alors ?

Il se développe dans ces amas de matières organiques deux phénomènesbien caractérisés : une combustion et une fermentation.

L’élévation de la température et la production d’eau et d’acidecarbonique caractérisent bien cette combustion dont la conséquence estune disparition de matière organique.

La fermentation qui a commencé sous les animaux se continue lorsque lefumier est réuni en tas. Le fumier renferme une grande quantité dematériaux instables, c’est-à-dire qui s’échappent à l’état de gazpendant la fermentation. Il faut modérer, régler cette fermentation,ces gaz sont, en effet, des composés azotés très précieux.

C’est à l’état d’ammoniaque provenant surtout de la décomposition desdéjections liquides et de carbonate d’ammoniaque que l’azote se perd.Le gaz ammoniac s’unit en effet facilement au gaz acide carbonique quise trouve dans les écuries ou étables en grande quantité et qui sedégage constamment du fumier en fermentation.

La perte d’azote qui se produit ainsi est considérable ; aussil’agriculteur doit-il s’imposer la mission de faire en sorte que cetteperte soit réduite au minimum ; on ne peut pas, en effet, l’empêchercomplètement.

En prenant les précautions convenables, le cultivateur évitera la perted’un principe indispensable aux plantes et qui vaut fort cher dans lesengrais commerciaux. On estime à 1 fr. le kilogramme l’azote desfumiers ; dans le nitrate de soude, il vaut environ 1 fr. 25.

Pour atténuer cette déperdition de principes azotés, il faut doncmodérer la fermentation. Il suffit pour cela de tasser et d’arroser lefumier de temps à autre ; on empêche ainsi l’air de pénétrer en tropgrande quantité dans la masse, et la température de s’élever par trop.Le tassement se fait aisément au moyen du piétinement des animaux.L’arrosage doit se faire avec le purin, aussi ne doit-on pas laisserperdre ce liquide ; c’est, en effet, la partie la plus riche en azote.Il est facile de recueillir ce purin dans une fosse imperméable, oumême dans un tonneau hors d’usage ; ceux qui ont servi au transport dupétrole conviennent très bien ; puis de l’élever jusqu’à la surface dutas.

J’appelle tout spécialement l’attention sur ces deux pratiques quiaméliorent d’une façon très sensible les fumiers et qui empêchent laformation du blanc.

On obtient en procédant ainsi un fumier riche en matière noire, d’unegrande homogénéité et qui peut se couper en quelque sorte à la bêche.De plus, le fumier ainsi préparé pourra attendre dans de bonnesconditions l’époque de l’épandage.

La nécessité de mettre le fumier en tas et par suite de le fairefermenter est évidente. On n’a pas dans une ferme constamment desterres disposées à recevoir le fumier, les attelages ne sont pastoujours disponibles.

D’ailleurs, dans le fumier vert, tel qu’il sort de l’étable, parexemple, la putréfaction des matières organiques transforme l’azote enammoniaque qui serait rapidement perdu dans l’air ou entraîné dans lesol par les pluies.

Au contraire, lorsque le fumier, après avoir été réuni en grandesmasses, est transporté dans les champs, la matière azotée est prête àêtre transformée en nitrate par un ferment spécial, le fermentnitrificateur. Cette transformation se fait dans le champ et en quelquesorte suivant les besoins de la végétation, dans de très bonnesconditions par conséquent.

Enfin, il convient autant que possible de ne pas laisser les fumiers enpetits tas dans les champs ; lavés par les pluies, les principesfertilisants sont entraînés dans le sol à une époque où les plantes nesont pas capables de les fixer.

En étendant à la surface du champ le fumier bien fait, on arrête lafermentation presque complètement, en hiver surtout ; le labourd’enfouissement introduira dans les parties profondes du sol unematière prête à nitrifier uniformément. On fertilisera ainsi le champtout entier.

Je vous dirai maintenant un mot du mélange de certaines matières aufumier.

Le mélange des phosphates minéraux au fumier, sous les animaux etsurtout sur le tas est une pratique à mon avis excellente. On complèteainsi d’une façon très heureuse et presque sans dépense de main-d’œuvrela composition du fumier.

J’emprunterai à l’excellent ouvrage de M. Risler, sur le blé, unexemple qui montre bien l’importance du mélange des phosphates aufumier. Estimons à 9 fr. la tonne de fumier bien fait.

« Si au lieu de contenir 2 kil. 6 d’acide phosphorique par tonne, notrefumier n’en renferme que 1 kil. 3, la moitié de ce fumier sera inutileet en réalité, au lieu de valoir 9 fr. la tonne, il n’en vaudra que 4fr. 50 ; mais si à chaque tonne, on ajoute pour 0 fr. 65 desuperphosphate de chaux, ou même 0 fr. 30 de phosphates minéraux enpoudre, chaque tonne reprendra la valeur de 9 fr. ; pour chacuned’elles, il y aura un bénéfice de 3 fr. 80 à 4 francs. »

J’ajoute que si cette adjonction de phosphate n’est pas faite sur letas, il est indispensable de la faire directement sur le champ.

Le fumier, en effet, est rarement un engrais complet.

Le fumier de ferme, a dit M. Joulie, est en quelque sorte le reflet dusol ; mais un reflet souvent bien pâle.

Une ferme, en effet, exporte des produits ; les animaux consomment uneportion des principes contenus dans leurs aliments, les veaux, le lait,les grains, les racines qui passent le seuil d’une ferme représententune certaine quantité de matières azotées, phosphatées, potassées oucalcaires enlevées au sol.

Même en consacrant toutes les pailles à la confection du fumier, onrestitue aux terres moins que les récoltes ne leur ont pris.

Le fumier ne renferme que les principes que le sol contient lui-même,de sorte qu’en fertilisant une terre avec un fumier provenant devégétaux qui se sont développés sur cette terre même, on ne rend pas ausol tout ce que les récoltes lui ont enlevé.

De plus, on n’apporte pas aux terres, en opérant ainsi, le ou lesprincipes qui lui font défaut ; un sol pauvre en potasse et riche enacide phosphorique donnera un fumier pauvre en potasse et riche enacide phosphorique. C’est-à-dire que, en restituant un tel fumier ausol qui lui a donné naissance, on apporte en quantité notable unprincipe qui se trouve déjà en excès, alors que l’on ne comble pas ledéficit pour le principe qui est en défaut.

Le fumier des fermes établies sur les terres crayeuses de la Champagne,pauvres en potasse, est lui-même pauvre en potasse, alors qu’ilcontient de fortes quantités de chaux. Au contraire, dans les fermesdes pays granitiques, comme dans certaines parties des Vosges, parexemple, le fumier est très pauvre en chaux et acide phosphorique, maisassez riche en potasse.

La composition chimique d’un fumier est donc très variable.

Mais si le fumier ne renferme pas en quantité convenable les principesfertilisants, il possède certaines propriétés physiques trèsimportantes qui le rendent très précieux pour certaines terres. Lefumier de ferme présentera toujours l’avantage d’apporter la matièreorganique qui modifie si heureusement la compacité, la ténacité et lespropriétés absorbantes de certains sols ; le fumier apporte, en effet,l’humus, matière si nécessaire à la vie des plantes.

Le fumier ne fournissant pas au sol tous les principes qu’il doitrecevoir pour produire des récoltes rémunératrices, on a eu recours auxengrais chimiques.

Il faut, en effet, non-seulement restituer au sol ce que les récolteslui ont enlevé, mais aussi, dans certains cas, compléter le sol.

Cette formation d’un sol fertile ne peut pas être faite par le fumierde ferme seul.

Ainsi que le dit fort bien M. Risler, le savant agronome, il ne fautpas compter sur le fumier de ferme pour compléter une terre où l’un oul’autre des éléments essentiels fait défaut ; il faut compléter à lafoi la terre et le fumier par une importation d’engrais chimiques.

Les engrais chimiques offrent de nombreux avantages. Ils procurent sousun faible volume une dose considérable de principes fertilisants.

On estime que 1,000 kilog. de fumier de ferme peuvent être remplacéspar 45 kilog. d’engrais chimiques, se décomposant ainsi :

    10 kilog. de phosphate précipité ;
    10 kilog. de chlorure de potassium ;
    25 kilog. de sulfate d’ammoniaque.

Comme les engrais chimiques renferment un seul principe fertilisant, onpeut fournir au sol, dans de bonnes conditions d’économie, celui quilui manque. De plus, l’action des engrais est plus rapide, plusimmédiatement efficace ; seulement leur action cesse plus rapidementque dans le cas des fumiers : c’est ce qui fait que l’on peut employerle fumier au départ d’un assolement et constater que son action seprolonge encore pendant plusieurs années.

Enfin, grâce à l’introduction des engrais chimiques, on n’est plussoumis d’une façon rigoureuse aux règles souvent gênantes d’unassolement. Si une récolte a enlevé une forte proportion d’un desprincipes essentiels à la vie des plantes, on pourra incorporer denouveau dans le sol le principe qui manque, de façon à combler lalacune.

Mais il faut se garder de croire que les engrais chimiques soient unepanacée universelle et que l’on puisse improviser la fertilité à l’aidedes engrais chimiques seuls, et amener brusquement des terres,complètement dépourvues des principes les plus essentiels, à produiredes récoltes véritablement rémunératrices.

M. Lawes, le savant agronome anglais, le dit fort bien :

« La fertilité naturelle qui existe dans le sol est moins chère que lafertilité achetée ; en réalité, il est plus avantageux de payer unerente pour un terrain fertile que d’avoir pour rien un sol stérile, etd’acheter tous les engrais dont il a besoin. »

Néanmoins, la nécessité des engrais n’est plus à démontrer.

En effet, les plantes se développent en raison du principe qu’ellestrouvent en plus petite quantité dans le sol : si l’un des principesmanque, tous les autres éléments sont immobilisés tant qu’on n’apportepas une proportion suffisante du premier.

Or, le fumier ne permet pas d’apporter le principe qui manque aussiéconomiquement qu’avec les engrais chimiques ; le fumier de fermeconstitue, en effet, plutôt une restitution qu’un apport nouveau.

L’emploi judicieux des engrais permet de compenser les pertes etd’obtenir des rendements élevés.

On est d’ailleurs limité dans l’emploi des engrais par les bénéficesque l’on en retire.

L’emploi des engrais chimiques nécessite un certain nombre deprécautions qu’il est nécessaire d’observer si l’on ne veut pass’exposer à des mécomptes graves.

Nous sommes guidés dans l’observation de ces précautions surtout parles propriétés chimiques des corps employés.

J’établirai tout d’abord une distinction entre les engrais ditscomplets et les engrais n’apportant qu’un seul principe.

Les engrais complets, qui constituent ce que l’on a appelé les formulesd’engrais, présentent quelques avantages, mais aussi de très gravesinconvénients.

Si il est vrai qu’ils apportent aux plantes sûrement tous les matériauxqui doivent constituer les tissus du végétal, ce qui augmenteévidemment les chances de réussite, ils ont le grave inconvénientd’introduire dans les sols tous les principes, même ceux qui ypréexistent en quantité suffisante ou même en excès.

On s’expose en opérant ainsi à faire des dépenses inutiles souventconsidérables.

Il est bien rare qu’une terre soit complètement dépourvue de tous lesprincipes nécessaires à la vie des plantes ; un tel sol ne devrait pasd’ailleurs être mis en culture ; il devrait être abandonné à la périodeforestière.

En fait, je pense qu’il est préférable de s’adresser directement auxengrais fournisseurs d’azote, d’acide phosphorique, de potasse.

En procédant ainsi, on pourra fournir aux terres, dans des conditionsd’économie notables, les matières qui lui manquent, et satisfaire lesexigences des plantes pour certains principes.

Nous sommes guidés dans l’emploi des engrais chimiques :

1° Par la constitution physique et chimique du sol ;

2° Par les exigences de la plante ;

3° Par la composition de l’engrais qui doit être employé.

L’analyse chimique et physique de la terre, telle qu’elle est faitedans le laboratoire d’une station agronomique, par exemple, donne desindications précieuses qui permettent en quelque sorte de déterminer apriori la nature et les quantités d’engrais à employer.

Mais le petit cultivateur ne peut pas avoir recours à cette façon deprocéder, les frais qu’elle occasionne viendraient grever de dépensestrop considérables le budget de son exploitation.

L’examen de la constitution géologique du sol nous fournit de trèsprécieuses indications sur la nature des engrais à employer. Lesformations géologiques caractérisent très nettement certaines régionsagricoles.

La consultation de la plante au moyen des champs d’expériences est unmoyen tout indiqué pour résoudre la question de l’application desengrais.

Enfin ce procédé d’expérimentation et l’analyse chimique des végétauxnous renseigneront sur les exigences des récoltes.

C’est encore l’analyse chimique qui nous fournira la compositioncentésimale des matières premières à employer.

Il est important de connaître cette composition : outre que la teneuren principes utiles varie d’un produit à un autre, les engrais ont étéet sont encore quelquefois soumis à des fraudes ; l’analyse dévoile cesfautes immédiatement.

Il n’y a pas cependant de matière qui doive se vendre à sa plus exactevaleur que les engrais chimiques.

Chaque produit étant vendu d’après la quantité de principesalimentaires qu’il renferme, il est important que le cultivateurreçoive la quantité sur laquelle il est en droit de compter.

Il faut donc toujours acheter les engrais sur analyse garantie.

L’agriculteur a d’ailleurs un moyen bien simple d’échapper à toutestromperies ; il lui suffit pour cela d’entrer dans le syndicat de sarégion.

Un syndicat est en effet une personnalité considérable qui a entre lesmains des moyens d’action très efficaces sur les fournisseurs.

Un syndicat qui commande annuellement pour plus de 6 millions de kilog.de matières fertilisantes, comme celui des Ardennes par exemple,constitue un client qui est en droit d’exiger des fournisseurs toutesles garanties désirables ; garanties dont les membres du syndicatprofitent, si petites que soient les fournitures qu’ils désirentobtenir.

D’ailleurs, le législateur a réprimé, par la loi du 4 février 1888, dela façon la plus rigoureuse, toutes tentatives de fraudes.

Je dirai maintenant quelques mots sur l’emploi proprement dit desdifférents engrais, en appelant seulement votre attention sur lespoints les plus importants, le temps dont je dispose en ce moment ne mepermettant pas d’entrer dans de trop grands détails.

Nous trouvons dans le commerce des engrais fournisseurs d’azote, desengrais fournisseurs d’acide phosphorique et des engrais fournisseursde potasse.

Je laisserai de côté les engrais fournisseurs de chaux, bien que leurimportance soit souvent considérable, mais ils ne se présentent pas àl’agriculteur seulement comme matière fertilisante, mais aussi commemodificateurs des propriétés des sols.

L’azote est habituellement demandé sous forme de nitrate de soude.

L’emploi de cette matière doit être fait avec beaucoup de prudence, cesel est en effet très soluble dans l’eau, aussi ne doit-il être employéqu’au printemps, au moment ou les plantes peuvent l’absorber rapidement.

Employé à l’automne, il ne tarderait pas à être entraîné par les eauxpluviales au-delà de la zone de développement des racines. Il seraitpar suite complètement perdu pour les plantes.

Il en serait de même si on choisissait pour l’épandage une période troppluvieuse.

Il faut éviter de mettre de trop fortes doses de nitrate ; l’état de lavégétation doit toujours guider.

Les doses trop fortes ont pour effet d’amener la verse, l’échaudage del’épi, surtout si le sol ne peut pas fournir la quantité d’acidephosphorique nécessaire à la constitution des grains.

Car il ne faut pas oublier que si le nitrate de soude contribue àdonner aux tiges ce beau développement que l’on constate après sonemploi, le phosphate doit être en quantité assez considérable pourproduire un grain en rapport avec la tige. Aussi est-on presquetoujours obligé d’apporter en même temps que de l’engrais azoté duphosphate de chaux.

On trouve aussi dans le commerce un corps très riche en azote : c’estle sulfate d’ammoniaque qui renferme de 20 à 21 % d’azote. Il peut êtreemployé sans inconvénient à l’automne. Il résulte en effet de travauxrécents que ce sel subirait une véritable fixation dans le sol.

Les doses d’engrais à employer par hectare sont trop variables pourqu’il me soit possible de vous en citer quelques unes dans une réunioncomme celle-ci, dans laquelle se trouvent groupés les agriculteurs del’est de la France.

C’est seulement après avoir été sur les lieux qu’il est possible d’êtrefixé à cet égard. Cette tâche appartient aux professeurs départementauxd’agriculture.

En résumé c’est surtout pour l’azote que l’on est limité dans l’emploides engrais ; en mettre plus qu’il n’est nécessaire c’est perdre uncapital.

Il n’en est plus de même pour la potasse et l’acide phosphorique ; cesmatières se conservent dans le sol ; mais il n’est pas moins vrai qu’enmettre plus qu’il n’en faut c’est immobiliser un capital.

Le chlorure de potassium est l’engrais le plus souvent employé pourfournir la potasse aux terres qui en manquent.

Bien que très soluble dans l’eau, il peut être sans inconvénientappliqué dès l’automne, car les terres ont pour ce sel un pouvoirabsorbant très puissant. Il produit des effets merveilleux, notammentdans les craies blanches de Champagne qui manquent totalement de cetélément.

Certaines formations géologiques nous fournissent d’importantsgisements de phosphates de chaux.

Nous en trouvons dans les Ardennes et la Meuse (Et. albien du crétacéinférieur) et dans le bassin de la Somme et du Pas-de-Calais (Et.cénomanien et sénonien du crétacé supérieur) des gisements importants.

Ils ne doivent être employés qu’après avoir été moulus très finement.

Outre que l’épandage se fait plus uniformément, la plante assimile plusfacilement les grains de phosphates fins.

Enfin les superphosphates qui résultent du traitement du phosphate dechaux par l’acide sulfurique fournissent d’importantes quantitésd’acide phosphorique.

Dans ces superphosphates, l’acide est soluble, mais comme une foisplacé dans le sol le phosphate redevient insoluble, il n’y a pasd’inconvénient à les employer à l’automne.

En résumé l’introduction des engrais chimiques dans la pratiqueculturale a donc été un progrès énorme, que MM. Müntz et Girard, lesdeux savants chimistes, résument ainsi : augmentation de la fertilitédes terres et des rendements culturaux, par suite diminution des prixde revient ; mise en valeur des terrains peu fertiles.