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DEBRIE, Gabriel(18..-19..) : Mémoire sur l'ArtFleuriste : son origine, son développement, son utilité, son importancecommerciale....- Paris : Imprimerie Pairault, 1900.- 14 p. ; 20cm.

Saisie dutexte : O. Bogros pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndré Malraux de Lisieux (01.X.2016)
[Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées].
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de la Médiathèque (BmLisieux: Deville br 2053).
 

MÉMOIRE
SUR
L'Art Fleuriste
SON ORIGINE. - SON DÉVELOPPEMENT
SON UTILITÉ. - SON IMPORTANCE COMMERCIALE

PAR GABRIELDEBRIE (LACHAUME)

LU AU CONGRÈS HORTICOLE
Le 25 mai 1900

PARIS
IMPRIMERIE PAIRAULT & Cie
3, PASSAGE NOLLET, 3
1900


~ * ~


Origineet Développement
de l'Art Fleuriste

AUSSI loin que l'on remonte dans l'histoire du monde onconstate queles fleurs ont toujours été aimées et que toujours elles ont tenu unelarge place dans le goût et les habitudes des peuples. Les Égyptiens,les Grecs, les Romains, les Gaulois, notamment, en firent un grandusage. Mais il est, sinon incontestable, du moins fort probable quel'emploi des fleurs ne revêtit jamais, chez les Anciens et lesModernes, le caractère artistique qu'il présente de nos jours.
 
En effet, ce n'est guère que dans le cours des XVIe et XVIIe sièclesque « l'Art fleuriste » commence à se manifester visiblement.
 
A cette époque, on remarque que les fleurs sont déjà disposées avec unecertaine recherche sur les tables officielles ou privées ; à la cour deLouis XIV, les femmes parent de fleurs leur corsage ; plus tard ellesles associent à l'arrangement de leur coiffure et à l'ornement de leurjupe.

Le règne de Louis XV continue l'œuvre commencée, mais plus largement.La fleur est mise en évidence d'une façon plus coquette et plusartistique ; la toilette féminine n'est pas complétement terminée sielle ne comporte pas ses atours fleuris.
 
Les décorations en plantes commencent mais sont de peu d'importance ;d'ailleurs, l'architecture ne permet pas aux plantes de venir cacherses sculptures gracieuses. L'Art n'est donc appliqué en partie qu'auxtables et à la toilette, mais déjà avec un goût qui fait présager sonavenir.

Alors les fleuristes n'étaient pas en grand nombre et, à l'encontred'aujourd'hui, le consommateur était l'artiste. Bien des changements sesont opérés depuis ; l'Art s'est développé ; petit à petit, l'Art agrandi et l'artiste s'est révélé dans le fleuriste.
 
Néanmoins, on peut dire que le XVIIIe siècle a vu naître et progresserl'Art qui devait devenir le plus précieux auxiliaire de l'Horticulture.
 
A la fin de ce siècle, un arrêt subit, causé par les événementspolitiques, l'empêcha bien de suivre sa marche progressive, mais il lareprit bientôt d'une façon ascensionnelle.
 
En réalité, ce n'est vraiment que pendant le XIXe siècle que l'Artfleuriste s'est affirmé avec l'autorité et l'éclat qui l'ontdéfinitivement classé parmi les Arts décoratifs tant recherchés desgens de goût.
 
Dès 1830, des fleuristes en boutique s'imposent à l'attention dupublic. On vient admirer dans leurs vitrines des compositions florales,qui deviennent de jour en jour plus attrayantes et plus remarquables.
 
Les fleurs ne sont plus vendues exclusivement pour elles-mêmes, ellescommencent à l'être pour le talent que le fleuriste apporte à lesgrouper.

Aussi deviennent-elles de plus en plus à la mode, et chaque année voitle nombre des fleuristes s'accroître en même temps que leur art seprécise davantage.
 
En 1879, à la suite d'heureuses innovations qui obtinrent d'éclatantssuccès, l'Art fleuriste se modifie complétement. Plus de monturesartificielles : désormais, c'est l'habileté professionnelle, le tour demain ; en un mot, c'est le talent même du fleuriste qui doit y suppléer.
 
La profession n'est plus seulement manuelle : elle devient artistique.Dès lors il faut au fleuriste autant d'inspiration que de goût, autantd'imagination dans la conception que de savoir-faire dans l'exécution.
 
Aussi les compositions florales prennent-elles les formes les plusoriginales et les plus diverses, tout en se prêtant à une multiplicitéde destinations auxquelles on n'avait pas songé à les utiliserjusqu'alors.
 
C'est ainsi que, de tâtonnements en tâtonnements, de transformations entransformations, de raffinements en raffinements, l'Art fleuriste s'estcréé, s'est développé et est définitivement devenu un art véritable,reconnu, proclamé et consacré comme tel par tous ceux qui ont laconnaissance parfaite et l'amour absolu du Beau.

*
* *

A une date encore peu éloignée, c'est-à-dire il y a quinze ans à peine,une fleur, sinon nouvelle, du moins presque inconnue de beaucoup demonde, très belle, mais ne semblant pas réunir toutes les facilitésd'emploi désirables, étant donné l'habitude prise de se servir d'autresfleurs et aussi d'autres moyens d'exécution, fit son apparition dans lecommerce.
 
L'emploi difficile de cette fleur, son originalité, son prix élevésemblaient autant d'obstacles insurmontables à son utilisation.

Cependant l'Art fleuriste l'épiait. De la bizarrerie et de l'étrangetéde ses formes il ne tarda pas à tirer, en s'en emparant, des effetsmerveilleux qui en firent rapidement la reine des décorations florales: cette fleur, c'est l'Orchidée.

Fixées par des mains habiles sur des montures légères, spécialementfabriquées pour elles, les Orchidées eurent vite séduit le grand publicet conquis ainsi une vogue et un succès qui va s'accroissant chaquejour.

Il n'est pas un salon où ne se rencontre cette fleur aussi merveilleusequ'étrange ; il n'est pas de composition florale artistique où elle netriomphe.
 
Les Roses n'ont point pour cela perdu leur prestige. Sans elles l'Artfleuriste serait privé de son principal élément, car il est bon de direqu'elles constituent au moins la moitié de la consommation des fleurscoupées.
 
Le Lilas rend également de réels services à l'Art fleuriste. Il estl'accompagnateur presque indispensable des autres fleurs ; par sacouleur, il fait ressortir l'ensemble dans lequel il brille ; saconsommation est immense.
 
L'Œillet non plus ne doit pas être oublié. Il participe avec avantage,par l'éclat de ses couleurs si diversement variées, aux mélangesartistiques floraux.
 
L'Art n'a pas été moins généreux pour les plantes que pour les fleurscoupées. Les plantes vertes, les plantes à feuillage de couleur et lesplantes fleuries se sont vues également prises sous sa protection.Grâce à lui, elles ont leur place marquée dans les Salons les plusluxueux et dans toutes les cérémonies.
 
Disposées sur des consoles, sur des cheminées, dans les encoignures,elles ornent délicieusement les appartements et sont le décor obligé detoute fête, car on peut dire que, sans plantes, une fête parait froideet sans solennité.
 
Mais là ne se borne point leur rôle. Comme les fleurs coupées, ellesont donné lieu à des innovations sans nombre, et répondent maintenant àune foule de destinations. L'Art fleuriste a su ainsi donner uneextension naturelle à la culture des plantes en les utilisant et entirant d'elles des effets heureux, gracieux ou artistique, soit qu'illes présente sous forme de paniers, de corbeilles, de jardinières, devases, etc.
 
Les plantes fleuries, depuis la modeste Jacinthe jusqu'à l'Azaléa, etles plantes à feuillage, depuis le Dracœna jusqu'au Croton, se donnentrendez-vous dans ces compositions luxueuses, rivalisant de beauté et defraîcheur pour faire un ensemble parfait. Ces compositions, rencontrantparfois quelques difficultés d'exécution, il faut pour les vaincre unemain exercée, et souvent à celle-ci l'aide même d'une main plusexpérimentée encore, plus délicate, celle qui choisit et place àl'endroit voulu le ruban qui doit faire ressortir l'ensemble, celle quitermine l'œuvre, celle qui d'un rien sait la parfaire.
 
On a deviné la main de la femme ; c'est elle qui, inspirée de l'Artfleuriste, met en relief l'harmonie des couleurs et l'harmonied'ensemble.
 
Un salon sans fleurs est toujours monotone, malgré les richesses qu'ilpeut contenir, si un panier de plantes fleuries placé sur une tabled'apparat ou une console n'en rompt pas la monotonie et ne s'harmonisepas avec l'ensemble.


SonUtilité

EN grandissant, l'Art a propagé le goût des fleurs ;c'est à lui seulque nous le devons.

En même temps qu'il en propageait le goût il en déterminait l'usage, ilen indiquait la destination, en un mot, il en lançait la mode ; or,comme la mode constitue une obligation mondaine, les personnes mêmesqui n'ont pas pour les fleurs l'attachement qu'elles méritent n'en sontpas moins obligées de suivre l'exemple donné, de sacrifier auxexigences de la vie sociale.
 
Si une dame est reçue dans un salon où les fleurs abondent, que feracette dame le jour de sa réception ? Elle usera forcément deréciprocité. Il en sera de même si elle reçoit des fleurs en cadeau.
 
Il n'est pas de fête, il n'est pas de solennité, il n'est pas deréception, soit officielles soit privées, où l'Art fleuriste ne semanifeste sous une forme quelconque ; aucune maison ne paraît avoirbien fait les choses si elle n'y a recours.
 
Aucun bal n'est attrayant s'il n'a ses fleurs de cotillon, ses bouquetsde corsage, ses boutonnières, et même quelquefois ses tables de soupergarnies de fleurs.
 
Dans un concert privé le bouquet à l'artiste est obligatoire. La fêtede famille a ses fleurs. Les cérémonies de fiançailles en sontabondamment pourvues.
 
Les cérémonies mortuaires en consomment une large part.

D'où proviennent ces fleurs ?

De l'Horticulture.

L'Horticulture les produit, l'Art fleuriste les répand.
 
Et c'est ainsi que l'Art estl'auxiliaire le plus précieux del'Horticulture, le facteur indispensable à la vulgarisation etàl'écoulement de ses produits, en résumé la force génératrice de saprospérité.

L'Art fleuriste tient à l'Horticulture par d'autres côtés ; il en estmême partie intégrante. Si l'on veut bien considérer qu'il est d'abordle trait d'union essentiel entre le producteur et l'acheteur ; que pourêtre bon fleuriste il faut être initié aux mystères de la culture,posséder la plus grande somme possible de notions horticoles à seulefin de pouvoir répondre en connaissance de cause aux renseignementsdemandés sur la façon de cultiver et de conserver les plantes achetées,sur leurs noms, les qualités et variétés qui les distinguent.
 
D'ailleurs le fleuriste est toujours considéré par le public comme unhorticulteur et il l'est effectivement, car bien rares sont lesfleuristes qui n'ont point débuté dans la culture des plantes etnombreux sont au contraire ceux qui continuent de les cultiver.
 
L'Art fleuriste se rattache donc indissolublement à l'Horticulturecomme le fleuriste appartient lui-même à la grande famille horticole.
 
C'est d'après la consommation du fleuriste que l'Horticulteur se règlepour diriger ses cultures, en changer la nature ou les étendre, c'estpar les exigences que l'Art impose au fleuriste, que l'Horticulture,stimulée et encouragée; progresse et se perfectionne incessamment dansla culture et le forçage des plantes et des fleurs.


SonImportance Commerciale

LES fleurs coupées le plus couramment employées :Orchidées, Roses,Lilas, Œillets, Violettes, Muguet, Chrysanthèmes, etc., entrentnaturellement pour la plus grosse part dans la consommation.
 
La production de nos régions parisiennes, quoique énorme, ne suffit pasà approvisionner notre grande ville, puisque les régions méridionalesexpédient sur Paris, à certaines époques, des trains entiers deproduits horticoles.
 
Les plantes fleuries de toutes sortes, telles que Azaléas,Rhododendrons, Lilas, Liliums, Cyclamens, Muguet, Rosiers, Clématites,Camélias, etc., y compris toutes plantes de serre à feuillagesornementaux, provenant de toutes les parties de la France et del'Étranger, fournissent un contingent extraordinaire.

Les plantes fines à feuillages verts et colorés, employées siavantageusement dans les compositions artistiques, grossissentsensiblement ce contingent.
 
Les plantes ornementales de pleine terre ou de pépinières trouventaussi leur place dans la consommation fleuriste : le Laurier duCaucase, le Troène, le Ruscus, le Mahonia et le légendaire Épicéa,comme verdure ; les Spirea, les Seringa, Vegelia, Deutzia, Prunus,Pommiers, Merisiers, Genêts, etc., comme plantes fleuries, complètentla collection nombreuse de ces végétaux de plein air dont l'Artfleuriste sait si bien tirer parti.
 
Si l'on réfléchit aux quantités considérables de fleurs coupées et deplantes que consomme ainsi l'Art fleuriste, on devine aisément quel'importance de cette consommation se chiffre par un total fantastique.
 
Pour en donner une simple idée, il suffit de produire la statistiquesuivante.
 
Il existe à Paris environ 480 fleuristes établis en boutique. On peutévaluer ainsi, en se basant sur leur importance commerciale, la sommepossible des achats qu'ils peuvent faire :

10 des plusimportants peuvent acheter, par an, chacun en moyenne pour100,000 francs de fleurs coupées et plantes, soit…...... 1,000,000
100peuvent acheter chacun pour 40,000 fr.Soit.............................................................................................................................4,000,000
100 ........................................... 20,000fr....................................................................................................................................2,000,000
100 ........................................... 15,000fr....................................................................................................................................1,500,000
100 ............................................10,000fr....................................................................................................................................1,000,000
60   ............................................. 6,000 fr.....................................................................................................................................  360,000
10   ............................................. 4,000 fr......................................................................................................................................   40,000
480fleuristes................................................................................................ACHATSD'ENSEMBLE PAR AN......................................9,900,000

Soit, en chiffres ronds, dix millionsde francs.

Ces chiffres sont plutôt au-dessous de la vérité.
 
Ils témoignent d'une façon absolue de l'utilité de l'Art que lesfleuristes ont créé, de l'importance du commerce auquel il donne lieu,du rôle indispensable qu'il joue dans l'Horticulture et des servicesimmenses qu'il lui rend en vulgarisant ses produits les plus délicatset les plus beaux, en les mettant en valeur avec tout le soin et toutle luxe qu'ils exigent, en les faisant aimer ; en un mot, enentretenant et en développant dans le public le goût et l'usage desfleurs.
 
Au même titre que la science des horticulteurs, l'Art fleuriste est lagloire de l'Horticulture.