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FOVILLE, Achille(1799-1878) : Déformation du crânerésultant de la méthode la plus générale de couvrir la tête des enfans: Influence des vêtements sur nos organes.- Paris: Madame Prevost-Crocius éditeur,1834.- 69 p.-[13] f. de pl.-[1] f. depl. depl. ; 22 cm.
Saisie dutexte : S. Pestel pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (25.II.2012)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur l'exemplaire de laMédiathèque(Bm Lx : 2852).La numérisation des figures a été faite à partir de la planchedépliante (58 x 49 cm) contenant les fig. 1 à 12 et sur la planche 13pour la fig. 13 [voir en bas de page]

A. Foville - Déformation du crâne... - 1834 (page de titre)

INFLUENCE
DES VÊTEMENS SUR NOS ORGANES

____

DÉFORMATION
DU CRÂNE
RÉSULTANT
DE LA MÉTHODE LA PLUS GÉNÉRALE
DE COUVRIR LA TÊTE DES ENFANS

PAR LE DOCTEUR
ACHILLE FOVILLE,
MÉDECIN EN CHEF
DE L’ASILE DÉPARTEMENTAL DES ALIÉNÉS DE LA SEINE-INFÉRIEURE



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A Messieurs

ESQUIROL, Médecin dela Maison royale de Charenton ;

FERRUS, Médecin de ladivision des Aliénés de l’Hospice de la Vieillesse (hommes) ;

ROSTAN, Professeur deClinique médicale à l’Ecole de Médecine de Paris.

C’est dans leurs Leçons que j’ai puisé mon instruction.

Ce fut leur avis qui me fit choisir, en 1825, par M. le Baron DE VANSSAY, alorsPréfet de la Seine-Inférieure, pour diriger le service médical del’Asile des aliénés de ce département.

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On ne sait pas assez combien de lésions pour nos organes, combien deprédispositions funestes résultent de la vicieuse application de nosvêtemens. Les conseils de l’hygiène à cet égard ne peuvent être troprépétés, trop répandus ; et peut-être ce sujet n’a-t-il pas encore ététraité avec un soin proportionné à son importance.

La partie principale de ce mémoire est relative aux déformations ducrâne qui proviennent de l’usage pernicieux d’appliquer sur la tête desenfans un bandeau fortement serré.

Tout ce qui tient à l’éducation physique des enfans est de la plushaute importance, car la délicatesse de leurs organes peut tropaisément subir d’irréparables atteintes. Mais les adultes aussi sontexposés à de graves inconvéniens, par suite des gênes qu’imposent àleurs membres les exigences de la mode ou des routines mal entendues.

Toutes les parties du corps ont payé ou paient encore un dur tribut auxrègles trop souvent arbitraires qui président à la toilette des deuxsexes.

Esclaves de l’idée de beauté qu’on attache à la petitesse du pied,combien de personnes se condamnent à porter des chaussures tropétroites, et par là s’exposent à de nombreuses infirmités ! Les cors,les durillons, les ongles rentrés dans les chairs, la déformation et legonflement des jointures des orteils, une irritation habituelle dessurfaces qu’affectionne la goutte, deviennent, suivant lesprédispositions individuelles, les conséquences variées du tropd’étroitesse des chaussures.

Si, pour se grandir, pour faire paraître plus avantageusement le pied,ou seulement pour suivre la mode, on adapte aux chaussures des talonsélevés, on nuit à la solidité de la station, et, à la longue, onaffaiblit l’articulation du pied avec la jambe.

Si vous essayez de descendre de telles chaussures un plan fortementincliné, vous reconnaissez bientôt l’inutilité de la tentative : en seplaçant  sur la pente de ce plan, on ne fait qu’exagérer l’effetque ces talons élevés produisent seuls sur un plan horizontal : preuvemanifeste qu’avec de telles chaussures la marche est moins assurée.

Quant à l’affaiblissement de l’articulation du pied avec la jambe, ilrésulte de ce que, le talon étant ainsi tenu dans une position plusélevée que la partie antérieure du pied, les rapports des surfaces del’articulation du pied avec la jambe se trouvent changés dans lastation, et prennent une obliquité qui les fatigue.

Pour être convenablement disposées, nos chaussures doivent avoir assezde capacité pour n’exercer aucune compression sur les orteils et lesjointures ; elles doivent être assez exactement serrées autour ducoude-pied pour le contenir, et sans talons hauts.

On peut d’ailleurs, pour plus de développement, se reporter sur cettematière aux écrits de Winslow et de Camper, qui, avec raison, ne l’ontpas jugée indigne de leur attention.

Les jambes ont souffert, à diverses reprises et à diverses hauteurs, deconstrictions circulaires. Des jarretières non extensibles, appliquéesau-dessous du genou et trop serrées, ont souvent fait développer ladilatation variqueuse des veines et l’engorgement chronique desarticulations inférieures. Que ces jarretières fussent isolées ouadhérentes au bas d’un caleçon ou d’une culotte, peu importe pourl’effet, le danger tient au siége et au degré de la constriction. Desjarretières élastiques au-dessus du genou n’offrent aucun de cesinconvéniens.

Les jambes et les cuisses ont encore subi l’action d’autrescompressions circulaires, lorsque la mode était de porter des culottesou pantalons collans très-serrés ; leur inconvénient devenait surtoutgrave lorsque cette partie du vêtement était faite d’une peau peususceptible d’extension. Grâce à des idées plus saines en hygiène, noussommes aujourd’hui loin de ces pratiques absurdes, et les varices etles gonflemens chroniques des jointures inférieures ont diminué dansune grande proportion.

Jusqu’ici, presque tout le mal dont j’ai parlé résulte de compressions.C’est encore la même cause qui, chez les deux sexes, peut rendre comptedes désordres amenés par la mauvaise disposition des pièces de vêtemensappliqués sur le tronc.

Des ceintures variées serrées avec des boucles tenant ou non aupantalon des hommes, bien plus généralement encore les corsets desfemmes, et surtout les corps à baleine qui serraient fortement lataille, le ventre, la poitrine, ont produit une énorme quantité demaladies du cœur, du foie, d’apoplexies, d’avortemens, suivant les cas.

Faut-il expliquer le mécanisme si simple de ces accidens ? Sousl’influence d’une forte compression circulaire du tronc, qui, pratiquéeautour de l’abdomen, agit directement sur le foie, sur l’utérus, cesdeux organes se trouvent chacun directement blessés : l’avortement dansun cas, une phlegmasie chronique dans l’autre, sont faciles àcomprendre. D’un autre côté, le ventre étant serré, les organes qu’ilcontient se trouvent refoulés vers la poitrine, la capacité de celle-cidiminuée d’autant. Par suite, l’embarras de la circulation a lieu, et,comme conséquence première, un sentiment de suffocation, auquels’ajoute bientôt l’engorgement du sang dans le cerveau, d’où lescongestions, les apoplexies, etc.

Plusieurs de ces effets restent écrits sur le cadavre. Je ne sauraisdire combien souvent j’ai rencontré, chez les femmes de la Salpêtrière,le foie portant la profonde empreinte de la compression exercée par lecorset. Mais tous ces maux sont bien diminués aujourd’hui ; lesvéritables conditions de la beauté sont mieux comprises, et ce n’estplus que le petit nombre des femmes qui abusent du corset.

Quand aux hommes, l’abandon des culottes à ceintures bouclées, l’usagecombiné des bretelles élastiques et de quelques lacets médiocrementserrés, n’entraînent aucun inconvénient réel.

La compression du cou par les cravates a souvent donné lieu à desaccidens graves.

Feu le professeur Percy parle de soldats pris, en grand nombre, decongestions cérébrales sous l’influence d’une constriction de ce genre.

A défaut d’un bon régime, c’était avec la consigne de serrerexcessivement leur cravate, qu’on leur donnait bonne mine, en faisant ainsistagner le sang dans la figure.

Peut-être y a-t-il encore quelques hommes qui croient s’embellir ens’étranglant à moitié ; mais, à coup sûr, ce n’est plus chez nous unusage de serrer immodérément la cravate, et la tête s’en trouve mieux.

Chez beaucoup de militaires, la pesanteur du bonnet, l’étroitesse deson ouverture, la capacité de sa forme, qui sert de poche dans laquellebeaucoup logent une provision de tabac, produisent des accidens variés.

Percy parle à cet égard de gonflemens sanguins du cuir cheveluau-dessus de l’ouverture de bonnets militaires. Cette ouverture tropserrée faisait en quelque sorte ligature, et s’opposait au retour dusang appelé plus abondamment par la chaleur de telles coiffures ; descongestions cérébrales se joignent presque nécessairement à cetengorgement externe, porté quelquefois assez loin pour s’opposer àl’extraction du bonnet, à moins d’une coupure dans son contour.

Lorsque ces bonnets, moins serrés, sont fixés au moyen d’une lanièrequi passe sous le menton, l’inconvénient précédent n’a plus lieu, celuide la pesanteur et de la chaleur persistent.

On a vu souvent encore le tabac contenu dans ces bonnets, s’échaufferdans des momens de fatigue, et dégager des vapeurs dont l’action sur lecuir chevelu déterminait des symptômes de narcotisme. A une grandeurplus convenable, ces bonnets ne serviraient pas de poches.

Il faut convenir que de nos jours on voit successivement disparaîtreles inconvéniens qui, à d’autres époques assez récentes d’ailleurs,résultaient de certaines pratiques adoptées dans le costume des deuxsexes.

Les remarques que je viens de faire n’ont plus aujourd’hui le mérite del’à-propos, que dans quelques circonstances heureusement assez rares.

L’éducation physique des enfans, surtout dans les classes élevées de lasociété, a été aussi notamment améliorée. Le plus grand nombre desvices du maillot sont abolis ; ces bandes, qu’on employait pour ajouterà la compression déjà trop grande des langes serrés, dans le but defaire d’un enfant ainsi emballé un paquet solide et commode à porter,sont complétement abandonnées parmi nous.

Mais, dans les classes inférieures de la société, surtout au fond denos campagnes, combien ne faudra-t-il pas de nouveaux efforts pourrépandre des vérités que l’éloquence des philosophes du dernier siècle,et le zèle de nos médecins les plus distingués, ont fait enfinprévaloir dans nos villes.

C’est dans les campagnes que les abus du maillot se trouvent encoreréfugiés.

C’est là que, dans l’intention d’apprendre à marcher aux enfanslong-tems emprisonnés dans leurs langes, on les suspend à des lisièresserrées autour du corps, et nuisibles par cela seul ; mais plusnuisibles encore, en ce que les bricoles qui s’y adaptent servant àsuspendre ces petits malheureux qu’on agite ainsi de secoussesdangereuses, les épaules, la colonne vertébrale, en subissent destiraillemens dont l’effet est trop souvent une difformité permanente.

Dans certains départemens règne encore une pratique plus funeste.

Un grand poteau est dressé au milieu de la maison, et, lorsque lesparens sortent pour se livrer à leurs travaux, ils suspendent leursenfans à ce poteau avec des courroies, de manière que l’extrémité despieds touche la terre.

Le poids du corps l’abaissant peu à peu, sans que les épaules puissent,dans la même proportion, s’engager dans des courroies serréesau-dessous des aisselles et arrêtées au poteau, le plus grand nombre deces enfans restent contrefaits, et dans les départemens où règne cetusage la proportion des bossus est immense (1).

Ces exemples font comprendre de quelle gravité peuvent être, dans lespremiers tems de la vie, les influences d’une position habituelle surdes organes aussi durs que les os, et nous dispose à comprendre plusaisément encore quelles conséquences peuvent résulter d’une compressionpermanente.

Ils montrent en même tems comment, quand on a appris à les reconnaître,on peut retrouver chez l’adulte la trace de violences éprouvées parl’enfant. Nous allons voir, en étudiant les déformations du crâne, lapreuve de cette vérité.


Il y a déjà long-tems que j’ai remarqué dans mon service de l’Asiledépartemental de la Seine-Inférieure, en quelle proportion considérablese rencontraient les difformités du crâne parmi les aliénés renfermésdans cet hospice. En 1829, j’écrivais, dans le Dictionnaire de Médecine et de Chirurgiepratiques, art. Aliénationmentale : « Il est sûr qu’on trouve, parmi la population d’uneMaison de fous, beaucoup plus de conformations vicieuses du crâne,qu’on n’en observe sur un nombre égal d’hommes pris au hasard. Ilexiste plus de cinquante conformations vicieuses du crâne, sur lestrois cent trente aliénés que je soigne : celle qui domine estl’étrécissement circulaire de cette partie, suivant une ligne qui,partant de la région supérieure du frontal, se terminerait au-dessousde la protubérance occipitale, en passant, à droite et à gauche,au-dessus de la conque de l’oreille.

Cet enfoncement circulaire est surtout prononcé au sommet du frontal etsur ses côtés.

Peut-être ce vice de conformation résulte-t-il de l’habitude généraledans le pays d’entourer la tête des nouveau-nés de ce que l’on appelleun bandeau, morceau de toile triangulaire au grand bord duquel on faitun pli de deux travers de doigt, qu’on applique et qu’on serreprécisément sur la ligne que j’ai indiquée comme siège de cetétrécissement. » (Voy. Dict. de Méd.et de Chir. prat., tom. Ier., page 518.)

Depuis l’époque où je signalais cette difformité, hasardant comme unesimple conjecture l’indication de la cause à laquelle on pouvaitl’attribuer, mes observations à l’intérieur de mon hospice et au dehorsse sont multipliées chaque jour et ont acquis plus d’importance.

Dans toutes les classes de la société, chez des adultes, chez desvieillards décrépits, chez des adolescens et chez des enfans dequelques jours, j’ai retrouvé la même déformation du crâne avec descaractères plus ou moins prononcés, et chez les enfans nouveau-nés,accompagnés de circonstances si frappantes, que l’explication qui ne mesemblait, en 1829, qu’une conjecture vraisemblable, est devenueaujourd’hui pour moi d’une évidence manifeste. Or, comme cettealtération, lorsqu’elle est portée à un certain degré, m’a toujoursparu accompagnée d’accidens graves pour les individus chez lesquels onla rencontre ; comme je l’ai vue signalée, dans quelques cas, par desimples troubles dans la circulation cérébrale ; dans d’autres par laperversion des fonctions les plus importantes du cerveau, et même parl’idiotie et l’épilepsie ; il y aurait eu de ma part coupableindifférence si, réservant pour la pratique personnelle de mon art lefruit de mes observations, je n’avais pas cherché à répandre laconnaissance d’un fait si grave. Si ce fait est vérifié parl’expérience de tous, comme par la mienne, il en résultera, j’espère,la réforme d’un abus dont la pratique expose chaque jour tant denouveau-nés à une mutilation funeste pour leurs facultés les plusnobles et les plus importantes.

Je sais combien les routines sont opiniâtres, surtout dans les classesinférieures de la société. Mais les inconvéniens que je signale sont sigrands ! la réforme est si simple et si facile !

Si je parviens à faire partager ma conviction à tous ceux que la misèreet la dégradation de l’espèce ne trouvent pas insensibles, un concoursde généreux efforts parviendra sans doute à faire abandonner, dans lespays où il est en usage, ce bandeau appliqué sur la tête encore molledes nouveau-nés, et maintenu au moyen d’une attache étroitement serrée; procédé d’abrutissement qu’on croirait emprunté aux Caraïbes.

C’est surtout à mes confrères ; c’est aux sages-femmes dont tantd’enfans reçoivent les premiers soins ; c’est aux associationscharitables dont le but est d’assister les pauvres femmes en couches,et de soustraire leurs enfans aux premières atteintes de la misère ;c’est aux ecclésiastiques dont les conseils dirigent tant demalheureuses familles ; enfin, c’est à tous les amis de l’humanité quecette œuvre philanthropique se recommande.

L’objet de ce mémoire est de faire sentir à tous la gravité du mal etla nécessité du remède.

Pour faire mieux comprendre en quoi consiste l’aberration de la formenormale, il faut considérer d’abord une tête d’homme dans son type.

La figure deuxième nous offre un exemple d’une conformation naturelleremarquable par sa beauté.

Le front régulièrement élevé se courbe harmonieusement dans toute salargeur. Le sommet du crâne et les parties postérieures correspondentadmirablement avec cette partie antérieure par la régularité de leurscontours. Le trou auditif, sensiblement rapproché de l’extrémitépostérieure, laisse au-devant de lui les deux tiers environ du globecrânien.

Sans être aussi belles que ce type, la plupart des têtes dont ledéveloppement n’a pas été contrarié par quelque violence, sont encoreremarquables par une certaine régularité de formes.

Le plus grand nombre représentent un ovoïde dont la petite extrémitécorrespond au front ; et malgré les différences individuelles qui enfont varier la hauteur, la largeur ou la longueur, les têtesrégulières, et, pour parler ainsi, les têtes naturelles, présententdans toute leur étendue des surfaces convexes, des contours arrondis.

Le degré variable de courbure des surfaces chez les différens individuset dans les diverses régions du crâne, établit les différencesindividuelles, celles des races, et détermine la forme particulière dechacune de ses diverses régions.

Avec un peu d’expérience dans l’observation du crâne, on a bientôtappris qu’une tête peut être bien conformée, quoiqu’on ne rencontre pasdans toutes ses parties une régularité parfaite, une symétrie absolue.

Souvent les deux moitiés, droite et gauche, offrent quelque différenceentr’elles. Tantôt c’est l’un, tantôt c’est l’autre côté qui bombedavantage en avant ou en arrière. Ce sont là des remarques vulgaires etde peu d’importance, du moins pour mon sujet.

Je signale à l’attention publique une altération bien autrementsaillante et d’un tout autre caractère.

Pour le crâne comme pour toute autre partie du corps, il existe plusd’un genre de difformité. Celle que je décris, malgré quelquesdifférences individuelles, affecte toujours le même caractère généraldans son ensemble.

Elle consiste en une dépression circulaire qui commence au haut dufront, où elle offre sa plus grande largeur ; de là se dirigeobliquement en bas et en arrière, passe au-dessus de la conque del’oreille, et va gagner cette portion de la nuque où les massescharnues du cou se fixent à l’occiput. C’est dans ce dernier pointqu’elle présente le plus d’étroitesse. Ainsi, elle porte sur toute lacirconférence transversale du crâne dont elle dessine obliquement lecontour.

Dans tous les cas, avec cette dépression coïncide la déformationgénérale de la boîte osseuse, et, comme conséquence inévitable, ladéformation partielle de tous les os qui concourent à former ce qu’onappelle la voûte du crâne.

Voici d’abord en quoi consiste la déformation générale :

Le front, interrompu dans sa hauteur, est brusquement coudé. Le crâne,aplati supérieurement, se prolonge en arrière sous la forme d’unsegment de cône ou de cylindre à diamètre variable, suivant les sujets; une saillie anguleuse termine en bas son prolongement postérieur.

Quant à l’altération partielle de chacun des os qui entrent dans lacomposition de la voûte, elle est facile à déterminer.

Dans un crâne bien conformé, le profil du front est représenté par uneligne assez régulièrement courbe, depuis le nez jusqu’à l’extrémitésupérieure de l’os frontal. Dans les crânes déformés, au contraire,cette courbure, augmentée subitement, forme un angle prononcé,au-dessus duquel l’os du front se trouve abaissé, et son extrémitésupérieure reportée d’autant en arrière.

Par suite, les pariétaux qui, par leur articulation avec cette partiedu frontal, constituent la voûte du crâne, se trouvent abaissés etreculés sur l’occipital, avec lequel ils s’engrènent en arrière commeavec le frontal en avant. Ils repoussent donc en arrière et en basl’occipital. Celui-ci, pressé dans l’intervalle des pariétaux et de sonarticulation avec la colonne vertébrale, cède dans le sens de sacourbure, qui se trouve exagérée et offre ainsi, à l’extrémitépostérieure du crâne, une flexion anguleuse proportionnelle à cellequ’à subie le frontal en avant.

C’est cette courbure forcée de l’occipital, qui se prononce à la partiepostérieure des crânes déformés sous la forme d’une saillie anguleuse.Le bord inférieur de cet angle va jusqu’à présenter une surface concavedans quelques cas de déformation extrême. Il n’est pas rare qu’entre lefrontal et l’occipital, les pariétaux eux-mêmes éprouvent dans leurcourbure une augmentation qui se dessine par une saillie anguleuse ausommet de la tête.

Dans quelques têtes, cette saillie se prononce également à la flexiondu frontal, à celle des pariétaux et à celle de l’occipital. En mêmetems, les intervalles de ces angles sont mesurés par des lignesdroites. Il en résulte, dans le profil général du crâne, un aspectanguleux et rectiligne que les formes animales n’ont pas coutume deprésenter.

Ainsi, aplatissement, rétrécissement, prolongement en arrière de laboîte crânienne ; dépression périphérique dirigée de manière à formerune sorte d’ellipse en travers du crâne dont elle dessine obliquementle contour ; largeur plus grande de cette dépression au haut du front,largeur moindre à l’occiput : tels sont les caractères généraux de ladéformation considérée dans son ensemble, tandis que la brisure plusbrusque de la courbure du frontal, la brisure correspondante del’occipital, et, dans bien des cas aussi, celle des pariétaux,constituent la déformation particulière de chacun des os principaux dela voûte.

Un observateur exercé peut reconnaître à la simple vue cette altérationsur des têtes couvertes encore de leur chevelure, et même, chez desfemmes, à travers plusieurs bonnets superposés.

Avec moins d’habitude, on a besoin d’aider la vue du toucher ; enfin,le meilleur moyen de rendre cette altération évidente pour tous lesyeux, est de faire raser les têtes qui la présentent.

On rencontre d’ailleurs beaucoup de degrés dans le développement decette difformité. Ses premières apparences se manifestent par un légerexcès de longueur du crâne, et montrent, sur divers points de sapériphérie, des impressions faciles à confondre avec des accidensnaturels de ses formes. Ces premiers degrés ne seraient pas soupconnéspour ce qu’ils sont, si par l’étude de degrés plus prononcés d’abord etd’intermédiaires ensuite, on n’était conduit à reconnaître les premiersrudimens de l’altération.

Dans les cas extrêmes qu’on ne peut envisager sans étonnement,l’allongement du crâne est excessif ; un étranglement circulaire semblele partager en deux cavités distinctes placées l’une au-devant del’autre, et abouchées sur la ligne oblique de l’étranglement.

Entre ces deux extrêmes et les premières apparences de l’altération, ily a un nombre infini d’intermédiaires offrant chacun, à côté descaractères généraux communs, quelques différences individuellesrelatives aux différences primitives des individus.

Je vais essayer de faire connaître à la fois ces divers degrés et lesprincipales variétés de formes avec lesquelles ils se combinent.

On s’en fera aisément une idée en jetant un coup-d’œil sur les figuresrassemblées à la fin de ce travail.

Chacune des figures nos. 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, offre, à un degré bienprononcé, l’ensemble des caractères distinctifs dont j’ai déjà parlé.

Comparées à la figure n°. 2, donnée comme type, elles s’en éloignenttoutes d’une manière analogue.

Toutes présentent cet alongement postérieur dont j’ai parléprécédemment. Dans toutes, la face étant placée suivant un planvertical, une ligne verticale abaissée sur le conduit auditif laisse unvolume de crâne beaucoup plus considérable en arrière qu’en avant. Danstoutes, la longueur de la ligne, conduite du trou auditif à laprotubérance de l’occipital, est de beaucoup augmentée. Cetteaugmentation est telle chez plusieurs, dans la tête n°. 3, par exemple,que la distance du trou auditif à la protubérance occipitale estdevenue plus considérable que celle du trou auditif aux bossesfrontales ; et dans une conformation régulière, c’est toujoursl’inverse qui a lieu. Mais ce n’est pas à ce prolongement du crâne enarrière que se borne l’altération.

Dans les têtes nos. 3, 4, et 5, la dépression circulaire du front àl’occiput forme une gouttière assez profonde tout au tour du crâne.Cette gouttière, qu’on aperçoit dans sa concavité antérieure etpostérieure dans les figures 3 et 5, et dont la figure 4, prise sur lemême sujet que la figure 3, montre la présence dans les régionslatérales, suit exactement, comme on le voit, le trajet que nous avonsindiqué.

Dans les têtes nos. 3 et 5, l’alongement total du crâne et sonprolongement en arrière sont tels, qu’ils déterminent habituellementchez les malades une inclinaison de la face en avant. Le but évident decette direction de la tête est de rapprocher du centre de gravitél’extrémité postérieure du crâne. C’est la position qu’on prendinstinctivement lorsqu’un poids appliqué à la nuque tend à l’entraîneren arrière. Dans nos exemples, c’est le prolongement même du crâne etdu cerveau qui, par sa pesanteur, exerce cet effort en arrière, etprovoque l’inclinaison de la face en avant. Dans la tête n°. 6, lagouttière circulaire est moins prononcée dans tout le contour de latête, mais elle l’est encore beaucoup en arrière et sur les côtés. Lamasse du prolongement postérieur est énorme, et, relativement,l’aplatissement du front porté très-loin. La partie verticale de l’osfrontal est d’une petitesse extrême ; depuis l’endroit où le front seréfléchit en arrière, jusqu’au point le plus élevé du vertex, existeune surface mesurée par une longue ligne droite.

La figure n°. 7 est une des plus curieuses que j’aie observées.

Dans cette tête, dont une règle bien plutôt qu’un compas semble avoirtracé les contours, il n’y a presque pas de lignes courbes. Quatreplans rectilignes, un frontal, un occipital, et les deux autres qui, del’occiput et du front, montent au vertex, sont unis par des angles dontl’antérieur et le supérieur sont à peine émoussés. Un des côtés decette tête, et ici encore la gravure est muette, est aplati comme s’ileût été moulé sur une planche. Toute la surface du large plan supérieurest luisante et dépourvue de cheveux ; c’est de toute évidence unelarge cicatrice qui trahit l’existence d’une ancienne et longuesuppuration. Du reste, l’extrémité supérieure postérieure du crânereprésente tout-à-fait le segment d’une pyramide qui bientôt seraitcomplète, si l’on prolongeait un peu en haut les lignes antérieure etpostérieure de ce segment.

Quant à la tête n°. 8, la déformation qu’elle a subie est beaucoupmoins prononcée que dans les précédentes. Recouverte de ses cheveux,cette tête, pour le plus grand nombre des observateurs, n’offriraitrien d’étranger à une conformation ordinaire ; mais, rasée etrapprochée des précédentes, elle présente des traces non équivoques dumême genre de violence auquel les autres ont cédé, et complète avecelles l’exposition des principales variétés de forme que cettealtération présente chez les différens sujets.

Quant à la 9e., c’est celle d’un homme ; elle est donnée commeéchantillon de la déformation dans le sexe masculin. C’est un exempleassez prononcé, surtout quand on se rappelle que le crâne de l’hommeest généralement plus court que celui de la femme. Cette tête estencore remarquable par la dégradation du front, que dans aucune destêtes précédentes nous ne voyons autant surbaissé. L’homme auquel elleappartient, épileptique dès son enfance, est remarquable d’ailleurs parun profond degré de stupidité.

Je ne multiplierai pas les exemples de cette déformation ; ceux quiporteraient à la question que je soulève un intérêt assez vif pourvouloir l’étudier plus à fond, doivent venir visiter notre hôpital. Là,ils pourront, en quelques heures, examiner plusieurs centaines de cesdéformations, et se familiariser aussi bien avec leur type généralqu’avec leurs différences individuelles.

Les caractères de la difformité du crâne, que j’ai voulu signaler dansce mémoire, étant ainsi déterminés, il s’agit maintenant de démontrerque cette difformité n’a pas d’autre cause que l’action du bandeau.

Cette aberration de la forme normale pourrait-elle être un défautnaturel produit par quelque vice, quelque perturbation dans la marchede l’ossification du crâne ?

Serait-ce par cette déformation que se prononcerait le rachitisme ducrâne, et l’analogie de forme dans les différens cas particuliers neserait-elle autre que l’analogie qui se produit également dans le plusgrand nombre des cas particuliers de déformation de la colonnevertébrale ? Evidemment non, car ces formes de tête se rencontrent chezdes sujets doués des meilleures constitutions ; et d’ailleurs, ladisposition de l’altération elle-même est toute contraire à ce qu’elleserait sous l’influence d’une cause rachitique.

En effet, le crâne de nos malades est alongé, rétréci, ce qui supposedans ses parois une certaine force de résistance, tandis qu’ils’élargit, s’avachit chez des sujets scrofuleux dont les os manquentd’une consistance suffisante.

Cette déformation du crâne est-elle au contraire le résultat d’unecompression extérieure ?

Si l’on s’en rapporte à quelques auteurs, cette dernière cause n’estpas admissible : aucune violence, suivant eux, ne peut faire dévier lecrâne de sa forme naturelle. Cette opinion, ils la fondent sur quelquesexpériences faites sur de jeunes cochons d’Inde.

Il ne faut pas être difficile pour déduire l’impossibilité d’unedéformation du crâne humain par le moyen d’une compression extérieure,de l’impossibilité de produire sur le crâne d’un cabiais le même effetpar l’application d’une cause de même espèce.

Mais, quelle analogie, je le demande, entre la voûte surbaissée d’uncrâne de cabiais, d’un crâne enfoncé et perdu dans l’écartement desarcades zygomatiques, des sinus frontaux et des chairs de la nuque, etun crâne humain ? Ce crâne de cabiais ne décrit au-dessus des partiesqui l’environnent qu’une courbe imperceptible, il n’offre aucune priseà une constriction permanente, tandis que le vaste crâne de l’homme,renflé au-dessus de toutes les parties de la face et du cou, faisant,par son volume chez l’enfant, plus des trois quarts d’une sphèreparfaitement isolée, se prête sans obstacle à l’action de toute espècede pression circulaire.

Quelle analogie, d’ailleurs, entre un crâne dont le développement totalest l’affaire de quelques mois, après lesquels son volume est arrêté,ses os ont acquis toute leur consistance, et le crâne humain quigrandit quelquefois pendant quarante ans.

Le premier est déjà tout osseux lorsque l’animal vient au monde ; lesecond présente toujours pendant plusieurs mois, sur différens pointsde son étendue, de larges surfaces membraneuses si molles que le seuleffort du sang les soulève et les fait palpiter.

De toute évidence, en concluant du cochon d’Inde à l’homme, on s’estlaissé abuser par une fausse analogie.

Ce n’est toutefois pas à l’exposition des différences existant dans lesdeux termes de la comparaison, que je bornerai ma réfutation. Ladéformation du crâne humain, provenant de l’action de causesextérieures, est démontrée d’une manière positive.

Les Caraïbes en offrent un exemple bien concluant et connu directementd’un grand nombre de personnes. On possède aujourd’hui en Europe unnombre assez considérable de crânes déformés d’individus de cette race.La preuve d’une déformation produite par une violence extérieure y estempreinte d’autant plus évidemment, qu’on peut mettre à côté de cetteforme celle des crânes de Caraïbes dont le développement n’a pas étécontrarié par ce fâcheux artifice.

Blumenbach, in collectione craniorum,donne deux figures de crânes de Caraïbes que chacun peut consulter avecintérêt. Celles que je rapporte (voyez fig. 10 et 11) sont copiées surdes figures de l’ouvrage de Lawrence, onNatural history of man, dont les dessins sont tracés d’aprèsnature.

J’ai vu moi-même à Londres une assez grande quantité de ces sortes decrânes.

La difformité de la figure n°. 11 est telle, que personne, au premierabord, ne la prendrait pour une tête humaine. On aurait peine àcomprendre un pareil degré de déviation du type naturel, si l’onprenait ce type dans la fig. n°. 2, qui offre les formes les plusbelles de la plus belle et de la plus intelligente des races humaines ;mais, en examinant une tête de Caraïbe abandonnée à son développementnaturel, (la fig. 10 en est un exemple), on trouve déjà un telalongement du crâne en arrière, qu’on peut mieux concevoir ensuite ceque l’artifice ajoute à cette conformation déjà si pauvre, si brutale,on pourrait dire.

Un autre exemple non moins concluant, mais moins généralement connu, deces sortes de déformations, est encore contenu dans le même ouvrage deBlumenbach. La figure 12, que j’ai fait copier pour ce mémoire, montreune dépression très-prononcée de la région occipitale du crâne.

La boîte osseuse se trouve par suite tellement refoulée en haut et endehors, qu’une ligne verticale abaissée sur le conduit auditif nelaisse presque rien derrière elle : et, d’un autre côté, la largeur ducrâne se trouve démesurément augmentée. On en peut juger par la figurede la voûte, vue d’en haut et gravée au-dessous de la tête principale.C’est la tête d’un ancien Péruvien.

Je pourrais encore invoquer d’autres exemples tirés du même ouvrage deBlumenbach, parler des têtes des Turcs arrondies par l’effet d’uneconstriction circulaire d’avant en arrière exercée dans les premierstemps de la vie ; mais ce dernier exemple et quelques autres analoguesne seraient pas d’un grand poids après ce que nous avons vu desCaraïbes.

Enfin, des observations directes ont déjà prouvé chez nous ladéformation du crâne, et M. Virey, dans son article Enfant du Dictionnaire des Sciences médicales,s’explique, à ce sujet, de la manière suivante :

« A l’égard des compressions exercées sur le crâne encore mou, il estcertain qu’on peut changer sa forme, et nous en connaissons desexemples.

Ainsi, des béguins trop serrés par des rubans ont alongé la tête enpain de sucre à quelques individus. » Et plus loin : « Enfin, nousavons remarqué une sorte d’idiotisme chez un enfant à tête semblable,et dont la forme est due à la seule compression de la coiffure dansl’enfance. » (Page 230.)

J’en ai dit assez, je crois, pour établir d’une manière générale lapossibilité de déformations du crâne par cause extérieure ; il me resteà chercher, dans les circonstances au milieu desquelles se sontdéveloppés ceux que nous avons journellement sous les yeux, quelleinfluence particulière peut rendre compte de la déformation qu’ils ontsubie.

L’idée la plus naturelle, en observant attentivement la dépressionpériphérique, était de rapporter cette dépression à quelqueconstriction circulaire exercée sur la tête dans les premiers tems dela vie.

L’habitude, si répandue en France, d’entourer la tête des nouveau-nésd’un bandeau de toile terminé par des cordons noués précisément sur letrajet de la dépression indiquée, semblait bien propre à rendre compted’une déformation si fréquente. Une coïncidence intéressante et bienpropre à fortifier cette première supposition, c’est que, chez latrès-grande majorité des sujets affectés de la déformation du crâne queje décris, la conque de l’oreille est simultanément déformée. Elle setrouve portée plus en arrière dans son extrémité supérieure, qui sembleavoir décrit, dans cette direction, un arc de cercle dont le trouauditif serait le centre. En même tems, chez plusieurs sujets (voirfig. 3) cette extrémité supérieure de la conque de l’oreille est pâle,amincie, véritablement atrophiée : chez d’autres, elle se trouve colléesi exactement contre la portion correspondante du crâne, qu’elleregarde en arrière autant qu’en dehors : et cet effet est quelquefoisassez prononcé pour que l’observateur, placé derrière la tête, voie àla fois la surface externe de l’extrémité supérieure de chaque conqueauriculaire. Le repli, l’ourlet de cette partie est déformé dans leplus grand nombre des cas (voy. fig. 3), et tellement pressé contre lessurfaces correspondantes, aplaties elles-mêmes, qu’il rappelle les plisd’un morceau de linge repassé. La saillie centrale de l’oreille n’a paséprouvé la même altération ; elle conserve, ainsi que le lobuleinférieur, sa position naturelle.

Toutes ces altérations de l’oreille sont faciles à concevoir enadmettant autour du crâne une constriction circulaire constammentexercée sur le haut de sa conque.

Une seconde circonstance accessoire est que, dans un grand nombre decas, le cuir chevelu, dans le voisinage de la suture fronto-pariétale,offre des surfaces blanches, un peu luisantes et sèches, de véritablescicatrices, en un mot, sur lesquelles percent quelques cheveux rares etcrépus.

Enfin, le plus grand nombre de ces altérations est offert par desfemmes, tandis que les hommes, sans en être exempts, ne la montrent quedans une proportion moindre. Je parle de sujets qui ont passé l’enfance; car, dans les premiers tems de cette époque de la vie, il n’y aguères de différence entre les deux sexes, ce n’est que plus tard quecette différence se prononce.

Du moment où les considérations précédentes m’eurent conduit àcomprendre les funestes effets du bandeau, j’ai recommandé avecinstance la suppression de ce moyen, toutes les fois que j’avais àdiriger l’éducation physique d’un enfant ; et dans aucun des cas où mesconseils ont été suivis par les parens, la tête n’a éprouvé dedéformation. Dans aucun de ces cas, non plus, je n’ai observé quelqu’undes accidens fâcheux qui sont trop souvent le résultat desconstrictions artificielles de la tête.

Je ne pense pas avoir besoin de répondre ici à un préjugé encoreaccrédité parmi quelques personnes, que la tête molle d’un enfantnouveau-né peut être pétrie en quelque sorte par le chirurgien ou lasage-femme, et conserver dans la suite la forme qu’on lui imprime dansce moment.

Tous les hommes qui se sont livrés à la pratique des accouchemenssavent que, au moment de la naissance, dans un grand nombre de cas, latête d’un enfant est énormément alongée, et amincie dans la mêmeproportion. Cet effet a lieu surtout quand les eaux se sont écoulées debonne heure, et qu’à la circonstance d’un séjour prolongé de la tête del’enfant dans l’excavation du bassin, où elle se file lentement, setrouve joint un certain degré d’étroitesse de cette cavité.

Mais, chacun le sait aussi, pour remédier à ce désordre, il ne s’agitpas de pétrir la tête ; c’est là peut-être un artifice encore employépar quelques empiriques, mais ce moyen ne peut avoir d’utilité, tandisqu’il peut entraîner les plus graves inconvéniens. Ce qui réussit lemieux, en pareil cas, pour rendre à sa forme et à ses dimensionsnaturelles le crâne déformé, c’est de le laisser libre de touteconstriction, et après un certain nombre d’heures, un jour ou deux, uncrâne qui, au moment de la naissance, imitait, par son alongement, laforme d’un concombre, est revenu à une forme qui rappelle celle d’unesphère.

J’ai sous les yeux des enfans remarquables par la configurationélégante de leur tête, et que j’ai reçus à leur naissance avec un crânedéformé et alongé d’une manière effrayante. Qu’en pareil cas descharlatans attribuent à leurs manœuvres le retour de la tête à desformes harmonieuses, rien de mieux ; mais pour les praticiens instruitset de bonne foi, il est constant que ce retour est dû aux seuls effortsde la nature, et s’opère en un tems fort court, s’il n’est pascontrarié par des pratiques maladroites. Mais il est trop fréquentqu’une intempestive activité s’oppose au bien qu’abandonnée à elle-mêmela nature ne manque jamais d’opérer. Le fait suivant peut être citécomme preuve de cette triste vérité.

Un de mes élèves de l’Asile des aliénés, M. le docteur Barré,actuellement fixé aux Andelys, fut appelé il y a quelques années pouraccoucher une femme du voisinage de l’Asile.

Le travail était arrêté, après avoir duré long-tems sans vigueur ;l’utérus tombé dans un état complet d’inertie ; la femme, épuisée de lalongueur d’un travail sans résultat, commençait à se désespérer.

M. Barré pensa que l’art devait venir activement au secours de lanature : il m’appela ; je fis aussitôt l’application du forceps, etj’amenai l’enfant sans beaucoup de peine. Le crâne avait subi, parl’action combinée d’un séjour prolongé dans l’excavation du bassin, etpar la pression du forceps, un alongement considérable. Je fis observercette circonstance à M. Barré, en lui annonçant que dans un jour oudeux cette tête, si démesurément alongée, serait revenue à desproportions ordinaires. Nous recommandâmes expressément aux personnesqui devaient soigner l’enfant, de couvrir avec précaution sa tête,d’éviter de la serrer, et, par-dessus tout, de ne pas employer debandeau. Retourné deux jours après avec M. Barré, je demande qu’on nousfasse voir la tête de l’enfant : nos conseils n’avaient pas été suivis; au lieu de s’abstenir du bandeau, on en avait appliqué un, fort serrésuivant l’usage.

Les cordons en étaient circulairement imprimés sur le cuir chevelu quiformait au-dessus de cette impression un bourrelet épais.

Les deux pièces du frontal étaient abaissées vers leur sommet ; lesangles correspondans des pariétaux avaient subi le même déplacement ;en un mot, c’était, à un très-haut degré, l’altération précédemmentdécrite chez les adultes. Elle était énormément prononcée chez cetenfant, et on le conçoit, en réfléchissant que cette tête, tendant àobéir au mouvement naturel qui devait lui rendre ses dimensionspremières, en était empêchée par la pression circulaire du bandeau,au-dessus duquel elle se renflait sans contrainte. Cette dernièrecirconstance exagérait encore la dépression causée par le bandeau. Cefait montre donc comment les salutaires procédés de la nature sontcontrariés par notre maladresse en même tems qu’il ajoute une forcenouvelle à notre explication sur les mauvais effets du bandeau.

Ajouterai-je, pour dernière preuve, que toutes les mères auxquellesj’ai donné l’avis de supprimer le bandeau appliqué sur la tête de leursenfans, ont compris et reconnu de suite l’utilité de ce conseil, et lesmauvais effets du serre-tête.

Plusieurs même avaient très-bien observé par elles-mêmes que le crânese moulait dans le segment de cylindre que représente ce malheureuxbandeau, ce qui ne les empêchait pas d’en continuer l’usage.

Au reste, pas un des hommes éclairés auxquels j’ai pu montrer depuisquelque tems les têtes déformées dont les dessins sont joints à cetravail, ne m’a paru entretenir de doutes sur la réalité de la causeque j’assigne à cette déformation. Outre plusieurs confrères de Rouenqui ont visité mon hospice, je puis citer depuis quelques mois mon amile professeur Hodgkin, de Londres, et après lui MM. les docteurs Marcet Pasquier, l’un médecin, l’autre chirurgien du roi Louis-Philippe ;enfin, le docteur Rostan mon maître, et en dernier lieu notre célèbrecompatriote le professeur De Blainville.

Invité par moi, lors du passage du roi dans notre ville, à bien vouloirexaminer quelques uns de nos malades, M. Marc se rendit à moninvitation avec un empressement que je ne puis assez reconnaître. Ilparut s’intéresser vivement à cette question, qui devint pour lui, enadoptant mon explication, une question d’hygiène publique.

Le lendemain de cette première visite, il revint encore, amenant aveclui M. le docteur Pasquier, qui reconnut aussi très-bien l’enchaînementde l’effet et de la cause, et remarqua, en cherchant quelles objectionson ferait à mon opinion, que la coïncidence de la déformation del’oreille et de l’atrophie du cuir chevelu lui paraissaient ajouterbeaucoup de force à l’explication présentée pour l’alongement et ladépression circulaire du crâne, et répondre victorieusement à toutesles difficultés qu’on voudrait élever contre cette théorie.

Écrivant loin de Paris le résultat d’observations faites loin de Paris,il est heureux pour moi de pouvoir invoquer le témoignage de plusieursdes hommes les plus éclairés de la capitale, de m’appuyer également del’assentiment des professeurs Rostan et De Blainville, et de consignerici l’expression de la reconnaissance que je dois à ce dernier, pourles vues lumineuses qu’il me communiqua dès qu’il fut bien convaincu del’exactitude de l’explication des faits soumis à son examen.

Mais comment nier ces faits quand on les a vus ? Dans quelques cas,l’action du genre de violence à laquelle a cédé le crâne est aussifacile à reconnaître, la tête une fois rasée, que l’impression laisséesur la peau des jambes par des jarretières trop serrées est une preuvepositive d’une constriction circulaire sur ces parties.

Pour les lecteurs qui connaissent l’anatomie de la tête, il sera facilede comprendre comment la compression circulaire prolongeant en arrièrela cavité du crâne, son extrémité supérieure peut devenir le siége d’unenfoncement quelquefois très-prononcé sur la ligne médiane (voy. fig.4), enfoncement que j’ai signalé plus haut comme démontrant aussi lesrésultats désastreux du serre-tête. Il suffit, pour comprendre ceteffet, de se rappeler la situation de la faux de la dure-mère,l’adhérence si forte de ce repli membraneux à la suture sagittale etdans son prolongement.

Ainsi tendue au milieu de la voûte crânienne, et solidement fixée sursa ligne moyenne, cette faux, à laquelle sa composition anatomiquelaisse très-peu d’extensibilité, est capable d’une résistancetrès-forte.

Or, dans l’effort qui déforme le crâne et le prolonge en arrière, cetterésistance exercée sur toute la ligne d’insertion de la faux, retientcette ligne et l’empêche de s’éloigner autant de sa situation primitiveque les régions latérales qui manquent de ce soutien.

Quant à la fréquence plus grande de l’altération chez les femmes, elleest facile à concevoir, et fournit une preuve de plus de la cause quej’assigne à cette altération.

On laisse plutôt nue, surtout dans les classes inférieures, la tête desgarçons que celle des filles ; chez un grand nombre de ceux-ci, laviolence produite dans les premiers tems de la vie, n’a plus lieupendant les années suivantes, et l’effort ultérieur de développementpeut quelquefois réparer en partie le mal, tandis que chez les filles,des bonnets fixés par des cordons circulairement serrés, succédant aubandeau, la tête ne fait que changer de prison.

En étudiant la proportion des têtes déformées, offerte par lapopulation de l’Asile départemental de la Seine-Inférieure, on obtientdes résultats du plus haut intérêt pour l’objet du présent mémoire.

Le nombre actuel de nos malades est de 431, dont 202 hommes et 229femmes. (Ce relevé a été pris dans le courant du mois d’août 1833.)

Sur le total des hommes, nous trouvons 109 têtes à conformationrégulière, contre 93 déformées. Mais, parmi ces 93, toutes ne portentpas au même degré l’impression de la violence exercée par le bandeau.Chez 36, elle est médiocre, chez 46, elle est plus prononcée, et chez11 seulement, elle est portée à un haut degré.

Parmi les femmes, sur le total 229, nous n’avons de conformationsrégulières que le nombre 75, contre 154 têtes déformées ; et parmi cesdernières, 68 sont médiocrement déformées, 46 le sont à un plus hautpoint, et chez 40, la déformation est portée au degré le plus prononcé.

En somme, et sans entrer dans les différences relatives au degré de ladéformation crânienne, 202 hommes présentent 109 conformationsrégulières contre 93 têtes déformées, tandis que 229 femmes
nous donnent 75 conformations régulières contre 154 déformées ; etnotre population, sans tenir compte de la différence des sexes,fournit, sur un total de 431 aliénés, 184 conformations régulièrescontre 247 déformations.

Ainsi, nous pouvons apprécier, à la fois, la proportion de cesdéformations par rapport au nombre total de nos malades, et lesdifférences dans les deux sexes.

Sur la population totale, elle est un peu supérieure à la moitié.

Chez les hommes, elle ne s’étend pas à la moitié de leur nombre ; etchez les femmes, la quantité des têtes déformées surpasse les deuxtiers, ou, si l’on veut plus d’exactitude, la proportion sur le total,sans tenir compte de la différence des sexes, est de 57 pour 100 ; surles hommes, elle se trouve de 46 pour 100, et chez les femmes de 67pour 100.

Sans aller plus loin, il est intéressant d’observer que depuis le 11juillet 1825, époque de l’ouverture de l’Asile, jusqu’au mois d’août1833, c’est-à-dire, dans une période de huit années, 508 hommes et 640femmes ont été reçus. La différence de ces deux nombres est de plusd’un sixième en sus du côté des femmes. Or, la différence dans lenombre des déformations du crâne, fournies par les deux sexes, offreles mêmes rapports, puisqu’un peu moins de la moitié des hommes en sontatteints, tandis que les deux tiers des femmes la présentent.

C’est là un résultat tout aussi intéressant qu’il était inattendu ; ilm’en rappelle un autre trop remarquable pour que j’omette de leconsigner ici.

L’Asile départemental de la Seine-Inférieure possède un grand nombre delocaux distincts pour les divers degrés d’agitation de fureur, decalme, de docilité de ses habitans.

Outre une maison particulière, en tout analogue à une maison bourgeoiseet destinée aux dames pensionnaires de la première classe, nous avonsencore pour les femmes trois cours distinctes, et en outre cinqdortoirs particuliers.

Je n’indiquerai pas la destination spéciale de chacune de ceslocalités, je me bornerai à dire que dans l’une des cours sont réuniesles incurables les plus indociles et les plus violentes ; dans deuxdortoirs, les plus abruties, les plus incapables d’aucun service utile; tandis que dans un autre dortoir sont rassemblées les pluslaborieuses, les plus sociables et les plus aptes à s’occuper, encommun, de travaux sédentaires à l’aiguille, etc. (2).

Eh bien ! précisément, ce dernier dortoir présente la moindreproportion de têtes déformées ; il n’en contient que 14, sur un totalde 28, la moitié juste : tandis que les deux autres dortoirs, et lacour, contenant la partie la plus violente, la plus indocile, la plusabrutie de notre population, fournissent, sur un total de 78 habitans,59 déformations du crâne, c’est-à-dire les trois quarts. Il fautajouter encore que c’est parmi les malades les plus abruties et lesplus difficiles, que se rencontre la plus forte proportion de crânesprofondément déformés. Ce résultat est d’autant plus intéressant, quele classement de nos malades, jusqu’à ce jour, a toujours étéindépendant de nos observations sur les déformations du crâne.

L’altération que je signale est elle-même particulière aux insensés dupays que j’habite ; existe-t-elle en quantité notable dans des Maisonsde fous, autres que l’Asile départemental de Seine-Inférieure ; enfin,trouve-t-on dans le monde une proportion considérable de personnes quiaient le crâne déformé ?

Telles sont les questions que je vais successivement essayer derésoudre, avant de parler des effets généraux de l’altération, et desmoyens à employer pour en prévenir le développement.

Il m’est, pour le moment, impossible de dire si quelque Maison de fouscontient, en aussi grande quantité que notre Asile départemental, destêtes déformées par le bandeau.

Cette question ne peut être résolue que par des relevés comparatifs, etles matériaux de cette comparaison n’existent pas encore. Je puisaffirmer, néanmoins, que cette altération existe dans la division desaliénés de la Salpêtrière. J’en suis sûr pour l’avoir observée, sans encomprendre la cause, lorsque j’étais l’élève interne de M. Esquirol.

Je me rappelle même avoir conservé, pendant plusieurs années de moninternat, le crâne d’une aliénée, qui offrait au plus haut degrél’altération précédemment décrite.

Je puis donc donner comme certain, que cette déformation existe parmiles aliénées de la Salpêtrière : dans quelle proportion, je n’en saisrien ; c’est aux médecins éclairés de cet établissement qu’ilappartient de résoudre cette partie de la question, et ils le ferontsans doute s’ils adoptent les conséquences de mon travail, et s’ilsveulent favoriser de leur suffrage les utiles applications qu’ilcomporte.

Sûr d’avoir observé parmi les aliénées de la Salpêtrière l’empreinte dubandeau sur le crâne, on pense bien que je suis porté à supposer lamême altération parmi les malades de Charenton et de Bicêtre ; mais cesétablissemens de la capitale reçoivent toujours une assez grandequantité de malades originaires de nos départemens. Ce n’est pas avecles renseignemens que me fournit ma mémoire que je puis déterminer siles déformations du crâne qu’ils renferment figurent seulement dans uneproportion correspondante à celle des insensés originaires de Normandie.

Je ne puis pas mieux dire, si, plus nombreuses que cette fraction deleur population, elles portent aussi sur une proportion notable desujets d’autres pays.

Il faudrait autre chose que des souvenirs rattachés à quelques faitsindividuels pour résoudre ces difficultés.

Mon ami le docteur Delaye, chargé, à Toulouse, du service médical del’hôpital des aliénés, était merveilleusement placé pour m’apprendre sicette déformation du crâne existe dans le midi de la France. End’autres termes, si la pratique vicieuse suivie chez nous pour couvrirla tête des enfans est également en usage dans le midi ; car, on leconçoit, d’après ce qui précède ces deux questions n’en font plusdésormais qu’une seule à mes yeux.

Je lui écrivis donc, il y a quelques semaines, pour lui faire connaîtrele résultat de mes observations, et savoir ce qu’il pourrait rencontrerd’analogue dans sa ville. Voici sa réponse :

« Beaucoup de personnes de ce pays ont la tête fort pointue, nonseulement parmi les aliénés, mais encore parmi les autres. La manièredont on serre le crâne n’est peut-être pas étrangère à cettedisposition générale ; en effet, on a l’habitude de mettre sur la têtedes enfans au moins deux coiffes, plus, une pièce de linge appeléebandeau. Ces deux coiffes compriment fortement le crâne à l’aide detrès-longs rubans de fil qui font au moins trois fois le tour de latête, ce qui fait en tout six tours qui, comme je vous le dis, sonttrès-serrés, au point qu’il n’estpas rare de voir des personnes qui ont une dépression marquée, un vraisillon dans la circonférence de la tête et à la partie correspondante àcette pression. Cette disposition est fort tranchée sur plusieursidiots et imbécilles de l’Hospice des aliénés de Toulouse. »

D’après la nature de ces détails, l’existence de la déformation ducrâne que j’ai observée dans le département de la Seine-Inférieure,n’est pas équivoque dans le midi de la France, sa cause ne l’est pasdavantage.

Ainsi ressort en même tems la triste certitude de l’extension au loindu mal et du besoin d’une réforme générale.

On pourrait supposer que ces déplorables effets de la manière decouvrir la tête des enfans ne se rencontrent que dans les classes de lasociété les plus pauvres et les moins instruites ; il n’en est pasainsi, car je vois que dans notre Asile, sur quarante pensionnaires desdeux sexes pour les trois pensions supérieures, vingt-deux offrentcette déformation.

C’est chez ces pensionnaires à peu près la même proportion que sur letotal de nos malades.

Cela n’est pas surprenant, quand on réfléchit au grand nombre d’enfansdes classes aisées mis en nourrice, et par conséquent livrés aux mêmesmains que les enfans des classes pauvres.

Et d’ailleurs, les mères intelligentes qui se dévouent elles-mêmes àl’éducation de leurs enfans ne sont pas appelées à inventer lesvêtemens dont elles les entourent, elles suivent l’usage établi,seulement elles n’ajoutent pas aux inconvéniens de cet usage, ceux quipeuvent résulter du mode le plus vicieux de son application.

Quels sont, sur les fonctions de l’encéphale, les effets de lacompression du crâne par le bandeau ?

C’est là sans doute la question capitale ; c’est de sa solution queressortira le degré d’importance à donner aux moyens qui peuventprévenir cette altération.

L’énorme proportion de têtes déformées, signalée dans l’établissementdont je dirige le service médical, suffirait déjà pour faire pressentirl’influence que peut avoir cette cause dans la production de la folie.La différence dans le nombre des déformations du crâne pour chaquesexe, si curieuse en ce qu’elle se trouve dans la même proportion quel’excès du nombre des femmes aliénées sur celui des hommes, ajoute àl’importance de cette déformation, considérée comme cause d’aliénationmentale.

Ce n’est pas assez, toutefois, de signaler ces coïncidences, il fautconnaître d’autres circonstances pour apprécier dans toute son étenduel’influence de la déformation du crâne. Il faut savoir, par exemple,pour estimer les effets de ce désordre dans son action la plus simple,ce qu’étaient avant de devenir aliénés ces malheureux à tête difformequi peuplent notre Asile ; il faut étudier quelles particularitéspeuvent offrir ceux qui, avec une pareille difformité, sont exempts demaladie mentale.

Or, ces deux ordres d’observations concourent on ne peut plusexactement dans leurs résultats et permettent de tracer avec certitudeles désordres les plus simples, corrélatifs à la déformation du crâne,produite par le bandeau. Tous les cas particuliers que j’ai pu observerhors de l’établissement m’ont démontré qu’un de ses effets les plusconstans est la fréquence des maux de tête, des étourdissemens, enfin,du plus grand nombre des phénomènes qui précèdent et accompagnent lescongestions cérébrales. La faiblesse, le développement incomplet del’intelligence est également une coïncidence qu’on rencontre aussisouvent qu’un caractère bizarre et surtout emporté.

Tous ces accidens se rattachent au trouble introduit dans lacirculation par suite d’une compression circulaire du crâne.

Pour se faire une idée du mécanisme de ce désordre, on n’a qu’à fairel’application d’une ligature sur le doigt. La partie séparée du cœurpar la ligature, s’engorge bientôt ; les veines comprimées ne pouvantplus se débarrasser du sang que leur envoient les artères, se laissentdistendre, et, de proche en proche, tous les vaisseaux capillairescorrespondans. De même, la ligature exercée par le bandeau et sescordons comprime toutes les veines du cuir chevelu dans leur marchedescendante vers le cœur ; l’engorgement de ces veines et descapillaires vers lesquels elles s’abouchent en est une premièreconséquence.

Mais, si l’on se rappelle l’étendue et la mollesse de la fontanelleantérieure dans les premiers tems de la vie ; si l’on se rappelle quejustement au milieu de cette fontanelle passe, d’avant en arrière, lesinus longitudinal supérieur, on concevra que la compression de cesinus veineux doit être également un des effets de l’applicationcirculaire du bandeau.

Ainsi, le bandeau, circulairement appliqué sur le crâne, représente uneligature sous laquelle se trouvent comprimées toutes les veinesextra-crâniennes d’abord, et le sinus longitudinal ensuite.

Un des premiers effets de cette compression est la suppuration du cuirchevelu : on conçoit aisément cet effet. Cette portion du systèmecutané, siége d’une circulation toujours très-active, et dontl’engorgement sanguin est poussé si loin par la cause que je viens dedécrire, est encore couverte, dans le plus grand nombre des cas, debonnets très-épais et très-chauds. Une transpiration abondante s’yétablit, son séjour, et trop souvent aussi celui d’une crasse amasséepar plaques, peuplée de myriades de poux et respectée sous le nom dechapelet, amollit, enflamme la surface cutanée, irritée encore par lesmorsures des insectes, et la fait jeter, comme on dit.

La matière de cet écoulement n’est pas un pus de bonne nature, c’est unmélange de sueur, de lymphe et de matière purulente, connu sous le nomde gourme. On regarde généralement comme un bien cet écoulement degourme ; on a raison, mais on ne comprend guère son genre d’utilité :le voici, dans le plus grand nombre des cas.

Quand la surface de la tête, enflammée, gonflée, suppurante, estdevenue le siége d’une douleur insupportable, le courage manque pourserrer violemment le bandeau sur une plaie si vive, on le relâche unpeu et le cerveau profite du mal qu’endure le cuir chevelu. C’est alorsqu’avec des feuilles de bette et différens corps gras on entretient unécoulement suivi d’une amélioration notable dans la santé de l’enfant ;c’est alors que les bienfaits de la gourme se manifestent dans touteleur puissance.

J’ajouterais, si je ne craignais de paraître charger un tableau tracétout entier d’après nature, que souvent, à la suite de l’inflammationdu cuir chevelu, les ganglions cervicaux s’engorgent. Cet engorgementconstitue pour plusieurs un symptôme de scrophule, et le malheureuxenfant subit, en outre de toutes les souffrances provoquées par notresottise, un traitement échauffant qui les exaspère encore.

La compression des veines superficielles de la tête par le bandeau estquelquefois portée assez loin pour que ces vaisseaux se dilatent envarices.

La figure 13 représente un exemple de cette dilatation fournie par unedes veinules qui traversent le petit trou pariétal à côté de la suturedu même trou. Cette veine a acquis le volume d’une grosse plume, etsemble reporter dans le crâne, pour le transmettre aux sinus de ladure-mère, le sang du cuir chevelu qu’elle ne peut envoyer directementaux veines cervicales.

Il est à remarquer qu’en même tems il existe un écartement assezconsidérable des os du crâne à l’endroit où cette veine superficielleplonge dans sa cavité. Sans doute, dans ce cas, quelque dispositionparticulière a favorisé la phlébectasie, en même tems que lacompression du bandeau tendait à la produire. Depuis que j’ai observécet enfant et recommandé à la mère la suppression du bandeau dont ellea parfaitement compris l’inconvénient, la dilatation variqueuse a déjàdiminué d’une manière sensible.

Les preuves physiques matérielles de la compression du sinuslongitudinal de la dure-mère ne peuvent être aussi bien observées dansla dilatation vasculaire qu’elles produisent ; toutefois, cettecompression ne peut être équivoque pour peu qu’on se donne la peined’examiner de près la question : deux ordres de raisons, les unesphysiques, les autres physiologiques, ne peuvent laisser le moindredoute à cet égard.

Pour ce qui est des raisons du premier ordre, on concevra sans peineque, dans les cas où le rétrécissement circulaire est assez prononcépour que le crâne se renfle distinctement au-dessus (voyez fig. 3, 4 et5), la partie du cerveau correspondante au rétrécissement se trouveserrée elle-même. Dès-lors, l’engorgement sanguin de la portioncérébrale située au-dessus du rétrécissement est inévitable. Cet effetest d’autant plus certain, que la position superficielle des sinusveineux les expose aux premiers efforts du bandeau. La déformationn’est pas aussi prononcée dans tous les cas, cela est vrai ; mais,toutes les fois qu’elle existe, les os ont cédé, ils n’ont pu le fairesans transporter au cerveau la compression qu’ils recevaient.

Il y a donc eu toujours compression circulaire de l’organe, et, commeconséquence forcée, gêne dans le cours du sang.

Je pourrais citer beaucoup d’exemples particuliers qui attestentclairement par leurs symptômes le désordre dont je cherche à fairecomprendre la nécessité physique.

Je me bornerai aux suivans qui en résument beaucoup d’autres.

Une jeune fille de quinze ans, ouvrière dans une filature, vint, il y aquelques semaines à la consultation de l’Asile, pour une affectioncatarrhale de la poitrine.

Quoique la tête de cette jeune fille fût couverte d’un bonnet, je fusfrappé de la déformation excessive qu’elle avait subie. Je demandai àvoir à nu cette tête. Sous le bonnet était fortement noué un mouchoirserré sur le trajet occupé par le bandeau chez l’enfant.

C’était une habitude entretenue, conservée depuis l’enfance. Ainsi lamère, lorsque sa fille était devenue plus grande, avait substitué lapression d’un mouchoir à celle d’un bandeau, et celle-ci avait conservéle même usage.

L’impression circulaire et l’alongement du crâne étaient prononcés à unhaut degré.

Je demandai à cette jeune fille si elle était sujette à souffrir demaux de tête. La mère répondit affirmativement ; il ne se passait pasde semaines sans migraine, me dit-elle : cependant, ajouta la mère, cesaccidens sont bien diminués depuis l’enfance de ma fille. J’ai cru queje ne pourrais l’élever tant elle éprouvait d’accidens vers la tête.C’étaient des douleurs à crier, des étourdissemens, des pertes deconnaissance ; je ne saurais vous dire combien de fois il lui estarrivé de tomber évanouie et de rester long-tems étourdie après ceschutes.

Voici un dernier exemple qui ne peut laisser matière au moindre doute.

Madame C., marchande de meubles de la rue Cauchoise, avait un garçon devingt mois, imbécille et épileptique.

On engagea cette dame à recourir à mes conseils, elle m’amena sonenfant dans le courant de l’été 1832.

Je fis découvrir la tête du petit malade. Tout exercé que j’étais àobserver des têtes difformes, je ne pus retenir mon étonnement du degréde difformité offert par celle de ce pauvre enfant. La constrictioncirculaire du bandeau maintenu sans interruption depuis la naissance etencore appliqué, avait produit sur toute la circonférence du crâne uneimpression profonde. Le trajet des cordons du bandeau était marqué parune gouttière creusée dans les os à une profondeur de plusieurs lignes.Au-dessus de cette gouttière, la boîte osseuse se renflait de manière àrappeler, par sa forme, celle d’une calebasse. Jamais je n’ai vud’altération plus prononcée dans aucun cas, non plus l’enchaînement del’effet et de la cause n’était plus évident.

Je le demande, est-il possible, quand on voit un crâne circulairementétranglé dans tout son contour, et qu’on observe de pareils accidens,de les rapporter à autre chose qu’à la compression exercée sur letrajet de l’étranglement ? c’est comme si l’on voyait rougir la face,survenir des vertiges, et enfin une perte de connaissance chez un hommedont une cravate très-serrée entourerait le cou. Il faudrait accuser,des vertiges et de la perte de connaissance, la cravate, dont le moded’action, dans ce cas, est tout-à-fait le même que celui du bandeaudans l’autre, mais se trouve seulement appliqué à une hauteurdifférente.

Voilà les effets les plus simples, les plus sensibles de la compressionexercée par la malheureuse pratique généralement suivie dansl’éducation physique des enfans.

Mais qu’un cerveau comprimé, et dont la circulation est entravée, ainsique je viens de l’établir, soit exposé, par suite, à quelqu’affectioninflammatoire, c’est ce qui n’étonnera personne. Que chez les enfansles plus violemment soumis à cette déplorable méthode, les méningites,les cérébrites, les épilepsies, l’imbécillité soient des maladiesfréquentes, cela est encore tout naturel ; enfin, que la résolution deces affections, déjà si graves quand elles sont exemptes decomplication, devienne plus difficile encore sous l’influence d’unegêne permanente dans la circulation du sang, c’est un résultatinévitable de l’influence des obstacles mécaniques au libre cours dusang.

On comprendra de même que dans un âge plus avancé les maladiescérébrales, plus spéciales à cet âge, frappent une grande partie desmalheureux dont l’enfance a été si mal soignée ; et les relevés del’Asile des aliénés que j’ai précédemment fait connaître, apportent àce fait attristant une confirmation bien éclatante.

Oui, si l’on veut méditer sérieusement ces faits, on comprendra toutel’importance du sujet que je traite.

Enfin, si l’on se rappelle mes observations à la Salpêtrière, aussibien que la communication de mon ami le docteur Delaye, médecin desaliénés de Toulouse, communication qui prouve que la malheureusepratique qui tue tant d’enfans, envoie tant de victimes dans notrehôpital et dans ceux de Paris, exerce aussi ses ravages dans le midi dela France, on sentira combien il importe de multiplier ses efforts pouréclairer notre population et la sauver d’un mal dont tous les jours sesmains se rendent complices. Rien n’est plus facile que de corriger lesmères ; il suffit d’intéresser leur tendresse maternelle au succès.

Dites aux plus incultes, aux plus routinières que le bandeau exposeleurs enfans à devenir imbécilles ; montrez-leur une autre méthodeexempte d’inconvéniens, plus simple et plus facile dans sonapplication, et vous ne trouverez pas de récalcitrantes.

Je crois être entré dans assez de détails pour prouver avec évidenceque la déformation du crâne, sur laquelle j’appelle l’attentionpublique, résulte de la compression circulaire exercée par le bandeauchez le nouveau-né et les jeunes enfans.

La cause du mal étant ainsi fixée, la détermination du remède serafacile.

Dans la manière ordinaire de coiffer les enfans, c’est sur lacirconférence du crâne que l’on prend un point d’appui, et c’est lebandeau qui sert de base au reste de la coiffure.

Or, pour qu’il y ait quelque solidité dans tout cet appareil, il fautque sa pièce principale, le bandeau, se trouve solidement fixé. On lefixe donc assez solidement pour qu’il ne puisse fuir en arrière ou sedéplacer en tournant.

Mais, quand il est aussi convenablement arrêté, pour bien remplir sonusage, relativement au reste de la coiffure, il se trouve beaucoup tropserré pour ne pas nuire au cerveau et au crâne. Il les déforme, et, parcette déformation, nuit au développement de l’intelligence, prédisposeaux affections les plus graves qui puissent frapper l’espèce humaine.

L’application d’un pareil mode de coiffure accuse une ignorance absoluede la structure du crâne chez le nouveau-né.

Ce crâne est un assemblage de membranes aussi molles que du parcheminmouillé, et d’os dont la consistance, loin d’être celle d’os faits, serapproche, au contraire, de l’élasticité des cartilages les plus minces.

Les parties membraneuses sont à chaque instant soulevées par lesmouvemens des vaisseaux, elles ne sont habituellement soutenues que parle cerveau qu’elles recouvrent. C’est encore cet organe activementdilaté par le sang qui le pénètre en abondance, qui maintient les osdans leur écartement. Or, comment un pareil assemblage pourrait-il,sans en souffrir, fournir un point d’appui fixe à une coiffure serréesur son contour, et particulièrement sur ses parties les plus flexibles?

Il est manifeste que, pour éviter toute lésion d’organes encore si malaffermis, il faut ménager, autant que possible, le crâne desnouveau-nés ; et qu’on ne saurait trop attentivement le soustraire àtoute cause de compression habituelle et même passagère.

Loin donc de l’étrangler circulairement au moyen d’une espèce deceinture et de cordons qui, par leur ensemble, exercent un effortconsidérable, on doit se borner, pour couvrir la tête, à l’usage debonnets d’une ampleur convenable, offrant de chaque côté, au devant del’oreille, des prolongemens ou des rubans qu’on attache d’une manièreassez lâche sous le menton, et munis en arrière d’une petite fente donton rapproche doucement les deux bords pour appliquer, sans efforts, lacirconférence du bonnet sur celle du crâne.

Par ce simple moyen, le bonnet est bien fixé, et la tête bien couvertese trouve exempte de toute compression.

Le conseil de donner de l’ampleur aux bonnets ainsi fixés, n’est passans importance, car trop étroits ils peuvent encore déformer le crâne.

J’en ai eu la preuve chez un enfant de quelques semaines, dont la têteavait subi la déformation circulaire du bandeau. Par mon conseil, lesparens supprimèrent ce moyen et lui substituèrent de simples bonnetsnoués sous le menton. Mais ces bonnets, taillés dans de mauvaisesproportions, étaient loin d’offrir, dans leur fond, une grandeurproportionnée au volume du crâne. Il fallait un effort pour les fairedescendre jusque sur le front et sur les oreilles, et ils n’yparvenaient qu’en se tendant assez fortement sur toute la circonférencedu sommet du crâne. Après quelques tems de leur usage, l’empreintecirculaire du bandeau avait disparu ; mais en même tems le sommet de latête, habituellement contenu dans un espace trop serré, s’alongeait enune pointe analogue à celle du fond du bonnet, fâcheux effet qui futreconnu par la mère et par la bonne de l’enfant, aussi-tôt que je leureus communiqué ma remarque ; elles y portèrent remède en employant desbonnets plus larges.

Il faut donc que les bonnets soient amples, et qu’ils enveloppentfacilement la tête sans la comprimer. Ainsi construits, et fixés commeje l’ai dit, ils laisseront se développer en pleine liberté le crâne,dont la forme n’est jamais aussi belle que lorsqu’aucune violence necontrarie son évolution naturelle.

On peut d’ailleurs, sous le bonnet principal, revêtir la tête d’unecalotte de toile ou de toute autre étoffe, suivant le besoin. Cettecalotte ne doit être soutenue que par le bonnet qui la recouvre.

Mais en général on couvre beaucoup trop la tête des enfans. Une simplecalotte de toile et un bonnet peu chaud suffisent dans les premiersmois de la vie ; plus tard, le mieux est de laisser habituellement latête nue tout le jour, de la garantir seulement au moyen d’une légèrecapote, lorsque l’enfant va au soleil, de la couvrir d’ailleurstrès-légèrement la nuit.

Les bourrelets variés dont on couvre la tête avec l’intention deprévenir les contusions dans les chutes si fréquentes des enfans,méritent aussi quelqu’attention.

Souvent leur ouverture, régulièrement circulaire, ne s’accommode passans efforts à la circonférence ovale du plus grand nombre des têtes ;or, si pour faire entrer le bourrelet, on déforme son ouverture, qui,par son élasticité, tend à revenir sur elle-même, on applique ainsi, àla tête de l’enfant, un effort qui la gêne et peut nuire  par sacontinuité.

Pour moi, je l’avoue, dès qu’un enfant commence à bien marcher, rien neme semble mieux que de laisser sa tête nue. Et, dût-il quelquefoissouffrir ainsi de ses chutes, il est habituellement à l’abri desinconvéniens que les bourrelets occasionnent par leur pression ou parla chaleur qu’ils déterminent.

Pour compléter l’indication des soins que réclame la tête desnouveau-nés, qu’on me permette ici une digression dont l’utilité estgrande aussi à mes yeux.

Je ne chercherai pas à comprendre pourquoi l’habitude s’est établie derespecter chez l’enfant la crasse que personne ne croit utile deconserver chez l’adulte ; c’est là un préjugé comme beaucoup d’autres.Il règne encore généralement dans nos grandes villes, à plus forteraison dans nos campagnes, et le nombre des médecins assez courageuxpour lui faire une guerre ouverte n’est pas considérable ; ou, pourmieux dire, la plupart partagent à cet égard le préjugé du monde.

C’est pour cela que chez tant d’enfans la crasse s’amasse sous forme delarges écailles, de croûtes dégoûtantes, sur le cuir chevelu d’abord,et bientôt sur le front et dans les sourcils.

Ainsi respectée pendant une ou plusieurs années, cette ignoble saletéfinit par tomber, lorsque le sujet prenant de la vigueur, joue la têtenue, transpire de cette partie et la gratte avec une ardeur queprovoquent trop souvent les morsures d’insectes qui foisonnent souscette dégoûtante enveloppe. Alors, on croit pouvoir le peigner, et peuà peu la tête devient propre ; mais, jusque-là, que de souffrances nonsans danger, quel aspect, quelle fétidité repoussante ! sans parler descicatrices qui trop souvent succèdent à ces suppurations et restenttoute la vie, stigmates ineffaçables des mauvais soins donnés aupremier âge.

On ne peut trop le dire, le chapelet des enfans n’est qu’un dégoûtantamas de crasse.

Il est dangereux de laisser se former cet amas ; le développement delégions de poux en est une suite presqu’inévitable, et qui ajouteencore aux inconvéniens dépendant du chapelet. Il faut prendre detrès-bonne heure, en élevant des enfans, les habitudes de propreté quipréviennent d’une manière certaine ce double mal.

Il suffit de peigner tous les jours au peigne fin, et de brosserensuite avec attention la tête de ces petits êtres.

Cet usage du peigne et de la brosse doit être commencé dans lespremiers jours de la vie, et continué ensuite sans interruption.

Alors même que la tête du nouveau-né ne serait pas encore garnie decheveux, l’usage quotidien du peigne et de la brosse n’en doit pasmoins être établi. Car le peigne et la brosse sont les meilleurs moyensde diviser et d’enlever la crasse qui se forme de très-bonne heure surla peau du crâne, en même tems que leur passage sur le cuir cheveluexerce une espèce de friction favorable à la santé de cette partie dela peau et au développent des cheveux.

Dès que les cheveux poussent, l’usage du peigne et de la brosse devientplus indispensable. Il ne faut jamais laisser passer un jour sans enuser.

Ainsi, les têtes des enfans seront d’une propreté parfaite, et jouironten même tems d’une fraîcheur de santé que sans de pareils soins on nepeut connaître.

A ces moyens quelques personnes joignent l’habitude de coupertrès-fréquemment les cheveux et de savonner la tête une fois parsemaine.

Il me paraît bien de couper fréquemment les cheveux, le seulinconvénient est de les rendre plus durs. Pour ce qui est du savonnage,il me semble superflu quand l’usage du peigne et de la brosse est biendirigé.

Voici l’ensemble des moyens aussi simples que faciles qu’il fautemployer ; mais déjà chez nous beaucoup d’exemples parlent en faveur decette méthode, que consacre, sans ces exemples, un long usage établichez des peuples plus avancés que nous dans l’éducation physique deshommes, et qui ne connaissent pas plus aujourd’hui le bandeau que lechapelet, qui refusent d’y croire quand on leur en parle.

On verra, avec ces soins, l’intelligence, les grâces, la fraîcheur etla santé de l’enfance se développer sans obstacles, et n’être plusflétries par d’innombrables souffrances et ruinées par d’affreusesmaladies.

Un bonnet qui ne serre pas la tête, l’emploi quotidien des plus simplesmoyens de propreté, voici donc tout ce que réclame de soins la tête desenfans en bas-âge, pour prévenir les inconvéniens graves que j’aisignalés.


Ce mémoire a été surtout destiné à signaler une déformation du crâne,sa cause et ses effets, et à faire connaître son remède. Cette partieprincipale de ma tâche est accomplie ; mais, comme j’ai fait précéderl’histoire des violences exercées sur la tête, de l’indication sommairede celles que peuvent subir, par notre faute, la plupart des autresparties du corps, je ferai suivre, en peu de mots, l’exposition dessoins que réclame la tête, de l’indication de ceux dont il fautentourer le corps des enfans. Presque tous les maux qu’ils éprouvent,aussi bien que les adultes, tiennent à ces deux causes singulièrementfécondes en désastreux effets, compression,malpropreté.

Dire que toutes les pièces du maillot doivent être lâchement fixées,est aujourd’hui un conseil superflu, tant il a été répété de fois pardes autorités imposantes. Qu’aucun des vêtemens à l’usage de l’enfantne doit être arrêté au moyen d’épingles, est un conseil qui n’est pasneuf non plus, mais qui est trop peu suivi pour qu’on ne doive pas lerépéter.

Les épingles qui fixent les vêtemens de l’enfance sont bien souventdevenues des causes de blessures, assez graves quelquefois pourentraîner la mort.

Si le maillot se trouve attaché avec des rubans, aucun de cesinconvéniens ne sera à craindre.

Il y a donc bien des raisons pour ne pas employer les épingles, tandisqu’aucune raison ne contr’indique l’usage des cordons.

On a parlé de baigner tous les jours les enfans à l’eau froide, on acité des effets merveilleux de cette habitude suivie sur quelques uns.

Mais avec raison aussi on a signalé ses dangers.

Rien n’est plus favorable aux enfans que l’usage quotidien de l’eaufroide, mais ce n’est pas sous forme de bains qu’il faut l’employer.

Au contraire, c’est en n’agissant à la fois que sur une seule partie ducorps, c’est en lavant d’abord un bras, le côté correspondant de lapoitrine, en essuyant soigneusement et fortement ces parties, qu’onrecouvre avant de s’occuper de celles du côté opposé ; c’est en passantainsi successivement d’une partie du corps à l’autre, que l’usage del’eau froide est favorable : employée avec ces précautions, elleendurcit la peau des enfans contre les variations atmosphériques et lesmet à l’abri des rhumes si fréquens que contractent ceux qu’on élèveplus mollement.

Mais il faut bien comprendre qu’avec l’usage de l’eau froide il estindispensable d’essuyer, avec le plus grand soin et assez fortement, lapeau, pour qu’elle soit bien sèche et commence à rougir du frottementqu’elle éprouve quand on la revêt.

L’éducation physique des enfans commanderait bien d’autres détails ; jeme borne à ces rapides indications. Ce n’est pas un traité d’hygièneque j’ai entrepris.

Préoccupé des graves inconvéniens d’une pratique qui porte le troubledans le plus noble et le principal organe de l’homme, j’ai voulusurtout répandre et populariser en quelque sorte ma conviction, pourobtenir la réforme de cet abus, et, en passant, j’ai été conduit à ensignaler quelques autres qui ont aussi leurs dommages.

Puissé-je n’avoir pas écrit sans utilité !


NOTES :
(1) Ces renseignemens me sont communiqués par M. le baronDupont-Delporte, actuellement préfet de la Seine-Inférieure, qui a vupar lui-même cette pratique et ses effets dans le département del’Arriège.
(2) Qu’il me soit permis de faire connaître ici un résultat qu’aucuneautre Maison d’aliénés n’est peut-être pas parvenue, jusqu’à présent, àobtenir au même degré. Les jardins spacieux de l’Asile sont cultivéspar les bras de nos hommes, dirigés par un jardinier et des infirmiers.Les travaux de la buanderie, ceux de la lingerie sont exécutés par lesfemmes aliénées, sous la direction de nos dames religieuses. Enfin, letransport des objets nécessaires au service des bains de la cuisine estencore l’œuvre de nos insensés, et cela depuis plus de quatre ans.Ainsi, nous avons pu utiliser, dans leur intérêt, ces malheureuxauxquels le travail de corps est si favorable. Je n’oublierai jamais,et c’est avec un vif sentiment de reconnaissance que je l’exprime, quec’est aux lumières et à l’appui de M. le comte de Murat, alors préfetde la Seine-Inférieure, et de M. A. Lepasquier, actuellement préfet duFinistère, que j’ai dû de triompher des résistances trop long-temsapportées à l’organisation de ces moyens de travail.

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Rouen. F. BAUDRY, Imprimeurdu Roi, rue des Carmes, n°. 20.


FIGURES 1 à 13
La numérisation des figures a été faite à partir de la planchedépliante (58 x 49 cm) contenant les fig. 1 à 12 et sur la planche 13pour la fig. 13.
[les images grand format affichables ont un poids variant de 2.462 ko à 8.855 ko]

Fig. 1-2-5-6 - A. Foville : Déformation du crâne... (1834) Fig. 3-4-7-8 - A. Foville : Déformation du crâne... (1834)
Fig. 9-10 - A. Foville : Déformation du crâne... (1834) Fig. 11-12 - A. Foville : Déformation du crâne... (1834)
Fig. 13 - A. Foville : Déformation du crâne... (1834)