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BAUDOUIN, Marcel (18..-19..) : Un cas extraordinaire d'aspiration rectale et d'anus musical (1892). Numérisation du texte : O. Bogros pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (03.VII.2013) [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque intercommunale André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@lintercom.fr, [Olivier Bogros]obogros@lintercom.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire d'une collectionparticulière de l'édition de : LePétomane, 1857-1945, sa vie, son œuvre par Jean Nohain etFrançois Caradec publié à Paris en 1967 par Jean-Jacqes Pauvert, 1967. Un cas extraordinaire d'aspiration rectale et d'anus musical par le Dr Marcel BAUDOUIN _____ I Depuis quelque temps, au Moulin Rouge, un jeune homme se livre chaquesoir, en cabinet particulier, à une série d'exercices purementphysiologiques, qui en raison de leurs caractères un peu spéciaux,excitent à un degré extrême la curiosité et l'étonnement du publicfréquentant cet établissement. Les spectateurs, au début tout au moins,restent incrédules, n'ajoutent pas foi à ce qu'ils entendent, ou plutôtsoupçonnent tous l'existence d'un truc plus ou moins ingénieux.Pourtant ces expériences de physiologie humaine sont parfaitementauthentiques et, en réalité, du plus haut intérêt au point de vuescientifique. Nous avons pu assister à plusieurs séances publiques, au coursdesquelles le sujet n'exécute qu'une partie de ce qu'il peut faire;nous avons eu la bonne fortune de pouvoir l'examiner à loisir - et dansles meilleurs conditions - à différentes reprises, et, pour spécifierdavantage, une fois, entre autres, au laboratoire de M. Poirier, àl'École pratique de la Faculté de médecine, sous la direction de M. leprofesseur de physiologie Charles Richet et de M. le docteur Poirier,professeur agrégé, chef des travaux anatomiques. Dans ces conditions, il a été facile de s'assurer qu'il n'y avait là,comme bien on pense, rien de surnaturel, rien d'artificiel, que cethomme était de parfaite bonne foi et qu'il s'agissait simplement dephénomènes vraiment insolites, mais physiologiquement explicables, etnon point, d'un truc quelconque. Aussi, croyons-nous intéressant de publier avec des détails suffisantscette très curieuse observation. Nous la ferons suivre, d'ailleurs, des renseignements qu'ont bien voulunous fournir à ce propos nos chers maîtres, MM. Ch. Richet et Poirier,que nous tenons à remercier ici de leurs bienveillants conseils. Nous n'insistons pas sur l'extraordinaire rareté des faits de cegenre.A notre connaissance, il n'y a aucune observation analogue dans lesannales de la science, et c'est aussi l'avis de tous les médecins qui,comme nous, ont vu de près à Paris ce jeune homme; toutefois, commenous avons tenu à le signaler plus loin, il faut peut-être enrapprocher, au moins à un certain point de vue, quelques faitspathologiques dont M. le professeur Verneuil a observé un exemple trèsprobant encore inédit, mais qu'il a cité jadis dans une de sescliniques - alors que nous avions l'honneur d'être son interne - sousle titre très significatif et très pittoresque « d'anus musical ». Mais contons d'abord l'histoire de ce nouveau « numéro ». II Le sujet en question, P..., est un solide gaillard de trente-cinq ans, intelligent, marié, père de quatre enfants. D'une haute stature, qui dépasse certainement 1,80 m, d'une musculaturequi n'a rien d'exagérée, sauf pour quelques muscles - ceux qui, chezlui, fonctionnent le plus souvent dans l'exercice de sa profession, unpeu exceptionnelle - il se porte aussi bien que possible. Il n'a jamaisété malade et n'a pas de hernie. Il ne présente aucune malformation. Onne remarque aucune trace de varices aux membres inférieurs, aucunemodification dans le système veineux. Ses fonctions digestives s'accomplissent avec la régularité la plusparfaite. L'appétit est excellent. Pas de tympanisme abdominal aprèsles repas, pas de production exagérée de gaz intestinaux, pas depyrosis. Les garde-robes sont moulées, absolument normales, jamais dediarrhée, jamais de sang mélangé aux matières fécales. Fait remarquable, P... va à la selle à volonté : il peut vider, quandcela lui fait plaisir, son intestin, mais très probablement il ne videainsi que son gros intestin ; en somme, il semble qu'il ne puisse rienconserver dans cette dernière partie du tube digestif. Dès qu'unesubstance y est parvenue, il éprouverait le besoin de s'en débarrasser.En tout cas, il a toujours soin, avant de commencer ses expériences, dechasser tout ce qui s'est accumulé dans son colon, pelvien et autre :il déblaie le terrain. L'anus, à l'état de repos, ne paraît rien présenter d'anormal;toutefois, il est peut-être un peu plus dilaté que d'ordinaire. Lesphincter est puissant et élastique. Il n'y a pas d'hémorrhoïdes,malgré le travail musculaire qui, chaque jour, comme nous allons levoir, se passe dans cette région. Le rectum est normal aussi : il nesemble pas dilaté. P... est né à Marseille et y a vécu jusqu'à ces temps derniers. C'estpendant qu'il se baignait dans la Méditerranée qu'il s'est aperçu pourla première fois du singulier pouvoir qu'il possède aujourd'hui à un sihaut degré. Il avait treize ans à cette époque : ses véritables débuts remontent donc à vingt-deux ans déjà. Tout à coup, au moment d'une inspiration un peu particulière, tandisqu'il nageait, il a éprouvé une vive impression de froid dans lebassin, puis dans l'abdomen et a eu immédiatement la sensation trèsnette de la pénétration dans le rectum d'une certaine quantité d'eausalée. Quelques instants après, il était pris d'un besoin assez intensed'aller à la garde-robe ; il constata qu'il n'expulsait que l'eau quis'était subrepticement introduite dans la partie inférieure de son tubedigestif. Étonné, il fit part de sa découverte à ses compagnons, quilui avouèrent sans hésitation que jamais pareille aventure ne leurétait arrivée. Il répéta à différentes reprises cette expérience, d'abord dans lesmêmes conditions, à la mer, pendant qu'il nageait, puis dans un largeréservoir d'eau ; il constata qu'en faisant certains mouvements ilpouvait emmagasiner par l'anus, dans l'intestin, une notable quantitéd'eau ; et, par l'exercice, il est parvenu à développer, au point qu'ilatteint aujourd'hui, son extraordinaire pouvoir de faire pénétrer dansle rectum, par le seul jeu de quelques muscles, une masse considérablede liquide. Entre-temps, et peut-être même avant l'âge de treize ans, il avaitremarqué aussi qu'il avait une facilité toute spéciale pour rendre parl'anus des gaz qui se trouvaient - sans qu'il comprenne pourquoi -accumulés dans son tube digestif, tout en produisant des bruits plus oumoins intenses. Ses jeunes camarades furent frappés de suite de saréelle supériorité dans ce genre d'exercices et, par gloriole, notregarçonnet voulut faire encore mieux. Il s'exerça, travailla dans cebut, développa cette faculté outre mesure, sans trop savoir comment, etobtint de plus en plus de succès dans des réunions d'intimes, puis dansles cafés et les cercles ; il fit si bien qu'en fin de compte il secréa à Marseille une petite réputation qui grandit peu à peu. Bientôt, il se mit à parcourir les villes du Midi, et promena sa spécialité à Cette, Béziers, Nîmes, Toulouse, etc. Récemment, il était à Bordeaux, où il a été examiné, nous a-t-il dit,par plusieurs professeurs de la Faculté de médecine; mais il s'estempressé d'oublier leur nom. Il a été présenté à la Société d'anatomieet de physiologie de cette ville par M. Petit et étudié à l'hôpitalSaint-André. C'est la première fois qu'il vient à Paris. P... se livre à deux sortes d'exercices bien distincts en apparence, en réalité identiques, le substratum seul différant. 1° Les premiers, qu'il exécute seul en public, parce qu'ils n'exigentpas une mise en scène aussi naturaliste que les autres (on le comprendfacilement), sont exclusivement la conséquence de l'aspiration parl'anus dans le gros intestin, et peut-être même dans l'intestin grêle,d'une quantité assez considérable d'air, et de l'expulsion de cet airemmagasiné dans la dernière portion du tube digestif, dans desconditions données : d'où il résulte, au moment de cette sortie, laproduction de bruits caractéristiques de tonalité et d'intensitévariant avec les circonstances. C'est par cela qu'à l'exemple du professeur Verneuil, on peutconsidérer ce phénomène comme assez analogue au fait qu'il a décoréjadis du nom d'anus musical, expression assurément triviale, maisrendant très bien compte de ce qui a lieu à l'instant de l'expulsion àvolonté des gaz enfermés volontairement dans l'intestin. 2° Les autres exercices ne sont que des expériences de laboratoire,d'amphithéâtre, d'hôpital, si l'on peut ainsi parler. On ne peut lesreproduire dans un lieu public, alors même qu'il s'agit d'exhibitiondans une salle spéciale, on le conçoit sans peine. Ils sont, cependantdes plus curieux, et donnent dans une certaine mesure, la clef desbruits précédents, que le grand public entend facilement, et pourcause, mais dont il ne peut, sans explication préalable, comprendre laproduction et surtout la portée scientifique. Voici, aussi brièvement que possible, l'exposé de ces deux ordres de fait : 1° Après le boniment d'usage, P... restant debout se penche assezfortement en avant, incurve le tronc de façon à ce que son thorax soitpresque horizontal, c'est-à-dire perpendiculaire à ses membresinférieurs. a) Alors, de chaque côté, il embrasse à pleines mains la partiesupérieure du genou correspondant et donne ainsi un solide pointd'appui à ses membres supérieurs. La tête a la direction du thorax,mais est un peu inclinée vers le sol. On voit alors que notre homme selivre à une très courte inspiration et raidit les bras ; il faitquelques mouvements imperceptibles pour tout spectateur non prévenu, etsa figure se congestionne fortement, de même que son cou. Il y a dessignes manifestes d'un effort réel et assez intense, très faciles àapprécier si le sujet est déshabillé et n'est pas en séance publique. Parfois, à ce moment, on entend un bruit sourd, très peu intense :c'est l'air qui rentre par le rectum et en passant au niveau dusphincter le fait vibrer, comme vibrent nos lèvres quand nous aspironsviolemment la bouche à moitié fermée. Ce léger bruit, correspondant àl'aspiration, passe souvent inaperçu quand on n'y prête pas grandeattention. Au bout de quelques instants, et de quelques efforts musculairesdifficiles à analyser, le tube digestif est rempli de tout l'air qu'ilpeut recevoir dans ces conditions. Le sujet se relève avec douceur,presque verticalement. Le réservoir est chargé et peut rester telpendant un certain temps, mais pas très longtemps. Il se vide peu àpeu, de lui-même, ordinairement sans éclat, si P... ne chasse pas l'airvolontairement et tient à passer inaperçu. Quant cette expérience est faite le corps nu, on constate bien mieux ce qui se passe. Au niveau de l'anus, immédiatement après que la position décriteci-dessus a été prise, on voit remonter l'orifice anal ; puis ils'élargit très légèrement, atteint presque les dimensions d'une pièced'un franc et s'élève vers le bassin de 1 à 2 centimètres. On se rend très bien compte que l'air pénètre en ce moment de dehors endedans. Par un mécanisme sur lequel nous allons revenir, il y a là uneréelle aspiration, à la fois volontaire et passive, qui est comparable,dans une certaine mesure, à l'action de humer, et qui, d'ailleurs, nepeut dépasser une limite donnée. L'intestin rempli, l'anus redescend etse referme peu à peu. Si l'on examine à ce moment l'abdomen, onconstate qu'il n'est que très légèrement ballonné et à peine un peuplus sonore qu'à l'état normal. Le tympanisme artificiel et voulu estloin d'atteindre, toute proportion gardée, le tympanisme pathologiquede l'étranglement interne ou de la péritonite. b) La partie amusante de cette expérience est constituée par la secondepartie du phénomène : la chasse de l'air accumulé dans l'intestinservant de réservoir, de soufflet. En expulsant cet air au-dehors, soit debout, soit penché, soitfortement courbé, et cela de mille manières différentes qui dépendentde l'état de relâchement ou de contraction du sphincter anal d'unepart, et des muscles qui commandent les variations de capacité de lacavité abdominale d'autre part, qui changent avec l'adjonction ou nonde manceuvres accessoires sur lesquelles nous ne pouvons insister, maisdont le rôle est facile à comprendre, P... arrive à obtenir des effetsaussi brillants que surprenants et imprévus. Quand les gaz sortent avec assez de force et avec un certain degré detension du sphincter, il se produit des bruits d'intensité, de timbre,de hauteur variées ; parfois, ce sont soit de véritables sons musicaux,puisqu'il est presque impossible d'obtenir des notes données, soit unaccord parfait, soit même, fait plus extraordinaire encore, des airsréellement reconnaissables. P... imite toutes sortes de bruits : le son du violon, le chant d'une basse, le timbre du trombone, etc. Il peut fournir un bruit assez intense 10 à 12 fois de suite, et laquantité d'air aspirée est assez considérable pour que l'expulsion,quand elle a lieu avec production de bruits et la plus grande lenteurpossible, dure 10 à 15 secondes. Deshabillé, le sujet peut éteindre une bougie à 0,25 ou 0,30centimètres à l'aide du gaz violemment expulsé par l'anus. Comme ils'agit là d'air qui ne séjourne que quelques instants dans l'intestinles gaz expulsés ne dégagent pas d'odeur comparable à celle des gazd'origine intestinale. En somme, dans les expériences de ce genre, l'intestin joue le rôle dupoumon, de réservoir gazeux, et le sphincter anal celui des cordesvocales, de l'isthme du gosier et de l'orifice buccal; par suite, lesmuscles inspirateurs par rapport aux poumons sont expirateurs parrapport à l'intestin. P... peut répéter souvent l'exercice de l'aspiration de l'air, cela nele fatigue presque pas, mais il n'en est pas ainsi pour ceux que nousallons maintenant décrire. D'ailleurs cet homme nous a raconté qu'il ya quelque temps, à la suite de séances trop répétées, il a eu une foisle blanc des yeux qui est devenu rouge, mais cela n'a duré que quelquesjours (ecchymose sous-conjonctivale). 2° L'autre expérience, bien plus intéressante au point de vuephysiologique, car elle est la démonstration la plus nette qu'il soitpossible de souhaiter de la réalité de l'aspiration de l'air parl'anus, est la suivante : a) P... complètement nu, se place dans une baignoire ou plonge le siègedans un grand réservoir plein d'eau, placé sur le sol. Dans ce derniercas, il s'accroupit au-dessus du vase, et saisit, toujours commeprécédemment, ses genoux à pleines mains. Il immobilise ainsisolidement ses membres supérieurs. Les mêmes phénomènes se produisent :l'effort net d'un cachet particulier et sorte d'aspiration par suite dela dilatation de la cavité abdominale. L'eau pénètre dans le gros intestin par l'anus, à petites doses, à lasuite d'une série d'efforts accumulés. On voit l'eau diminuer dans levase. Si par hasard l'anus n'est pas complètement immergé au moment oùP... aspire, de l'air rentre avec de l'eau et il se produit unglou-glou caractéristique, qui est comparable au bruit que nous faisonsquand nous humons un liquide trop chaud, et qui cesse quand l'immersionest complète (1). Quand le sujet a rempli au maximum son gros intestin, il se relève etpeut conserver l'eau aspirée un certain temps, à la vérité assez court;il est pris assez rapidement du besoin d'aller à la garde-robe. Si l'on percute l'abdomen à cet instant, on trouve que la sonorité estnotablement diminuée dans la partie inférieure du ventre. P... prétendque, s'il se place dans une baignoire, il peut emmagasiner plusieurslitres d'eau. En réalité, il n'a pu en faire pénétrer dans l'intestin,en notre présence, que trois quarts de litre environ, bien rarementdavantage, un litre au plus, il est vrai que nous n'avons pas tentél'expérience de la baignoire. b) Un fait curieux qui montre bien la puissance d'expulsion de sonintestin, grâce à la contraction des muscles abdominaux, c'est laviolence avec laquelle il peut projeter l'eau qu'il a mise en réserve. Quand il use de toute sa force et se penche en avant, il peut lancer enune seule fois, à 4,50 m et même 5 m, la plus grande partie de l'eauemmaganisée. Mais en général, il ne lui est pas possible de l'expulseren totalité d'un seul coup. Il en reste une certaine quantité. P...chasse ce résidu par une série de petits efforts successifs; en toutcas il s'aperçoit très bien quand son gros intestin n'est pascomplètement débarrassé ; il est vrai que ce dernier est, chez lui,presque constamment vide. Quand il se livre à des expériences d'aspirations d'eau, le liquidequ'il rejette est parfois souillé par quelques parcelles de matièresfécales, mais elles sont toujours en très petite quantité et impossibleà apercevoir quand on ne les recherche pas avec soin. Dans ces cas-làseulement, l'eau projetée au-dehors sent mauvais. Ces alternatives d'aspiration et d'expulsion à volonté d'un liquidequelconque nous semble comparables, par certains points, avec lephénomène connu sous le nom de « mérycisme » ou de « rumination chezl'homme » qu'on a observé déjà plusieurs fois; mais nous ne pouvonsinsister outre mesure sur tous les rapprochements possibles. Nous avonsexposé les faits; voyons maintenant comment on peut les expliquer. III Sur ce point, nous avons cru indispensable de demander l'avis autoriséde M. le docteur Poirier, qui a étudié avec beaucoup d'attention aupoint de vue anatomo-physiologique, les exercices que cet homme arépété, dans son laboratoire en présence de plusieurs personnes. « Le sujet soumis à notre examen, nous a dit M. Poirier, peut à volontéfaire pénétrer par aspiration de l'air atmosphérique et des liquidesdans son rectum. A première vue, le mécanisme de cette aspirationrectale est assez difficile à saisir : on peut cependant, je crois, endonner une explication satisfaisante. Si on regarde attentivement le musicien préparant son effet, voici ceque l'on voit. Dans un premier temps, temps préparatoire, il fait, parla voie normale, une inspiration courte et brève, certainementinsuffisante, comme il le reconnaît lui-même, pour dilater sa poitrineet emplir ses poumons. (Remarquons en passant que la partie supérieurede son thorax est très plate et fort peu développée). Ceci fait, et ayant ainsi pris une quantité d'air suffisante pourappuyer son diaphragme et immobiliser partiellement sa cage thoracique,il se met en devoir de procéder au deuxième temps, temps d'aspirationrectale. Pour cela, il continue l'effort commencé, après avoir au préalablefermé sa glotte, et ayant d'autre part fixé ses bras soit sur unetable, soit sur la partie inférieure de ses cuisses pour donner unpoint d'appui à certains muscles (pectoraux, grand rond, grand dorsal,etc.), il contracte très énergiquement tous les muscles inspirateursauxiliaires dont les corps charnus dessinent leurs saillies sous lapeau. De la suite, il arrive à produire la dilatation de la partie inférieurede la cage thoracique. A ce moment la pression diminue dans la cavitéabdominale, le creux épigastrique s'enfonce, les fosses iliaques sedépriment profondément sous la pression de l'air extérieur et la mêmepression atmosphérique ayant d'abord enfoncé la région anale, faitalors pénétrer l'air dans le rectum. Quel est le rôle du diaphragme dans cette dernière partie de l'effort ?Il est difficile de s'en rendre compte, car on ne voit point lescontractions de ce muscle. Il ne nous paraît pas cependant impossiblequ'il contribue à élever les côtes inférieures, c'est-àdire à agrandirla cavité abdominale. La pénétration de l'air dans le rectum nous a paru être un faitpurement mécanique, résultat de la diminution de pression dans lacavité abdominale : il n'y a point dilatation réelle de sphincter,c'est par effraction, pour ainsi dire, que l'air s'engage dansl'intestin en produisant sur les lèvres molles de l'orifice anal unbruit peu accentué, en tout cas bien moins fort que celui qu'il fera audépart. En somme, nous résumerions volontiers l'ensemble du phénomènedans la formule suivante : « un effort d'aspiration, continué la glottefermé ». L'air ne pouvant plus pénétrer par en haut s'engage là où ilrencontre un autre orifice, c'est-à-dire par en bas. Je ne crois point nécessaire d'expliquer le temps d'expulsion qui sefait par le mécanisme bien connu de l'effort. Je remarque seulement quel'exercice répété de ces efforts d'expulsion a amené une hypertrophiemanifeste des muscles utilisés (muscles de la paroi abdominalenotamment). En ce qui concerne l'aspiration de l'eau, le mécanisme est évidemmentle même; il semble toutefois que l'eau pénètre plus difficilement etque son aspiration nécessite des efforts plus considérables, ce qui n'arien d'extraordinaire ». M. le professeur Ch. Richet avec lequel nous avons causé de P..., admettout à fait l'explication proposée par M. Poirier, et il se demande sil'on ne doit pas rapprocher de ce fait certaines données d'anatomiecomparée. Il fait allusion à la possibilité qu'ont quelques espècesanimales d'aspirer par l'anus une certaine quantité d'air, destinée àêtre absorbé par l'intestin (respiration intestinale du cobitisfossilis, loche des étangs) à certaines observations faites chezl'Argyroneta aquatica. Notre ami, M. Jullien, nous a rappelé aussi à ce propos ce qui se passechez les larves d'Œschnes et de Libellules. Leur intestin volumineux, àparois musculaires, se dilate et se contracte alternativement, il agità la manière d'une pompe et exécute une sorte de mouvement respiratoirerégulier, d'après Réaumur. En réalité, ces faits ne nous semblent avoir qu'un rapport très éloignéavec les exercices de notre sujet, d'autant plus qu'il paraît plutôtuser de ses muscles abdominaux que de sa musculature intestinale pourremplir son tube digestif. IV M. le professeur Verneuil, que l'observation de P... a vivementintéressé quand nous lui en avons raconté les détails, a résolu de soncôté de l'examiner à l'hôpital, et nous a prié d'annoncer qu'il leprésentera jeudi 21 avril à neuf heures et demie, aux membres duCongrès de chirurgie qui visiteront ce jour-là son service. Ce sera une occasion unique d'assister à de fort instructivesexpériences et de vérifier l'exactitude des faits si bizarres que nousvenons de relater. La Semaine médicale, (1892). NOTE : (1) Dans la natation, comme nous l'avons dit, l'eau pénètre aussi dansle rectum, et très facilement ; dans ce cas les membres sontimmobilisés par l'eau au milieu de laquelle se trouve le nageur etprennent sur elle un point d'appui suffisant. |