QUESNEL, François-Charles, docteur en médecine : Recherches relatives à linfluence de la continence sur léconomie animale : thèse présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris le 29 août 1817.- Paris : de lImprimerie de Didot Jeune, imprimeur de la Faculté de Médecine, rue des Maçons-Sorbonne, n°13, 1817.- 42 p. ; 27 cm. Saisie du texte : S. Pestel pour la collection électronique de la Médiathèque André Malraux de Lisieux (04.II.2004) Texte relu par : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux, B.P. 27216, 14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros] obogros@ville-lisieux.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire de la médiathèque (BM Lisieux : 2728). RECHERCHES RELATIVES A LINFLUENCE DE LA CONTINENCE SUR LÉCONOMIE ANIMALE ; THÈSE Présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris le 29 août 1817, PAR FRANÇOIS-CHARLES QUESNEL, de Lisieux, Département du Calvados. DOCTEUR EN MÉDECINE. _________________________ Sublatâ causâ, tollitur effectus. _________________________ A MON PÈRE, ET A MA MÈRE. Comme un témoignage de mon éternelle reconnaissance pour tous les sacrifices quils ont faits pour mon instruction. A MONSIEUR LE DOCTEUR PICCARD, MÉDECIN A LISIEUX. Témoignage destime et dattachement. F. C. QUESNEL. AVANT-PROPOS ~~~~~~ SUR le point de terminer leurs études, les élèves ont un dernier devoir à remplir, afin dexercer lart auquel ils se destinent. Ils sont obligés de choisir un point quelconque de médecine, de le travailler et de le discuter devant les illustres professeurs qui ont formé leur éducation. Cest un compte quils viennent leur rendre de lemploi quils ont fait du temps consacré à leur instruction ; cest la dernière preuve quils donnent de leur force ou de leur faiblesse. A peine imbu des principes de la science, lélève qui présente sa thèse à ses examinateurs ne peut leur offrir ni le fruit de ses réflexions, parce quil na point assez médité, ni le fruit de ses observations, parce quil na pas assez vu. Peu confiant dans les résultats des unes, dépourvu des autres, il doit se borner à réfléchir sur les leçons quil a reçues de ses maîtres, et à faire de justes applications des principes quils lui ont enseignés, au sujet quil se propose de traiter. Faire une thèse, cest donc moins construire un ouvrage quen démolir plusieurs dont on sapproprie les matériaux, qui, placés différemment, changent la face de lobjet sans en dénaturer le corps. Lélève doit donc laisser aux praticiens la tâche glorieuse de poser les fondemens dune science que lexpérience seule peut éclairer. Ce ne sera quau bout dun temps assez long quil lui sera permis de sunir à leurs travaux et de contribuer pour sa quot-part aux progrès de lart quil va exercer. La matière de la dissertation que jai lhonneur de présenter à cette école na point encore fait le sujet dune thèse ; on ne trouve même les faits qui sy attachent que répandus çà et là dans les différens auteurs ; aucun nen a fait le sujet de ses recherches particulières. Cest la tâche que je me suis proposée ; je ne me flatte pas dy avoir réussi, je lai seulement essayée, et ce sera déjà un succès pour moi davoir appelé lattention des observateurs sur une série daffections aussi funestes, et à laquelle se rattachent la plupart des maladies qui moissonnent les jeunes gens à lépoque de la puberté. Dans le plan que jai suivi, je donne quelques considérations générales relatives à létat de continence, sans prétendre attaquer les institutions sublimes du christianisme ; ensuite, jentre dans quelques détails sur les maladies produites par cet état ; enfin je tire des conclusions relatives au sujet que jai traité. Je me suis principalement attaché à être clair et précis, heureux si jai pu atteindre à ce but, et sil ne mest échappé que quelques-unes de ces fautes légères qui doivent être pardonnées à ceux qui ne possèdent pas encore lhabitude décrire ! « On peut, dit Labruyère, exiger beaucoup de celui qui devient auteur pour acquérir de la gloire ou par un motif dintérêt ; mais un homme qui nécrit que pour satisfaire à un devoir dont il ne peut se dispenser, une obligation qui lui est imposée, a sans doute de grands droits à lindulgence de ses lecteurs. » RECHERCHES RELATIVES A LINFLUENCE DE LA CONTINENCE SUR LÉCONOMIE ANIMALE. ~~*~~ INTRODUCTION. LE mot continence dérive du verbe continere, retenir. On peut définir la continence, un effort par lequel on résiste au penchant qui nous porte aux plaisirs de lamour. On a souvent confondu la continence avec la tempérance et la chasteté. La tempérance, dans son sens propre, est cette sage modération qui retient dans de justes bornes nos désirs, nos sentimens et nos passions, et qui porte les hommes à se passer du superflu. La chasteté, comme la tempérance, ne nous défend point les plaisirs de lamour ; elle exige seulement que nous en réprimions les abus qui constituent limpureté ; elle nous défend les plaisirs illicites. Tel est chaste qui nest pas continent, et réciproquement tel est continent qui nest pas chaste. La chasteté et la tempérance existent hors et dans le mariage ; la continence nest que du célibat. On doit être chaste et tempéré ; il ny a pas dobligation à être continent. Lâge, qui rend les vieillards nécessairement continens, ne les rend pas toujours chastes. Quiconque est conformé de manière à pouvoir procréer son semblable a droit de le faire ; cest le droit ou la voix de la nature : mais il doit agir chastement. Si lon a prodigué tant dhonneurs à la virginité, qui exige un état de continence parfaite ; si toutes les nations civilisées semblent avoir pour elle un si grand respect, cest moins dans lintention dhonorer cette vertu, qui par elle-même est purement idéale, que pour veiller à la propagation de lespèce, et à la santé des individus qui constituent le corps social. Il est en effet dobservation que, si on se livrait aux plaisirs de lamour aussitôt que la nature semble nous le permettre, il en résulterait de très-graves inconvéniens. Les organes nacquerraient point ce développement si nécessaire à la santé, la constitution resterait faible et débile, et les individus qui naîtraient de ces liaisons prématurées seraient plutôt à charge quutiles à létat. Si au contraire on peut, par cette espèce dillusion morale, réprimer pendant quelque temps le désir qui tend à unir les deux sexes, il arrive que la constitution saffermit, prend un certain degré dénergie, et quon peut alors devenir le père denfans forts et vigoureux. Mais malheureusement il est plus facile dobéir aux passions que de leur commander. Lhomme nexiste pas seulement pour lui-même, il est destiné à créer des êtres qui lui ressemblent, et à leur transmettre tous les attributs de son organisation, afin déterniser son espèce. La nature, qui a fait concourir tant de ressorts pour la rendre à jamais impérissable, a joint à lacte qui nous reproduit le plaisir le plus vif, comme pour y attirer ceux qui auraient de la tendance à sen écarter. Malgré cette sage prévoyance, on a vu, et lon voit encore tous les jours des hommes rester sourds à sa voix, lutter contre les désirs quelle fait naître, et même, par une philosophie ténébreuse, proclamer le célibat comme létat le plus parfait de la créature. Mais, piquée de loutrage quon lui fait, la nature les punit de leur ingratitude, en les accablant de maladies dont elle ne les débarrasse que lorsquils obéissent à ses lois. Semblable à une bonne mère qui sait punir ses enfans lorsquils sont rebelles à sa voix, elle sait aussi leur pardonner lorsquils rentrent dans le chemin quelle leur a tracé. Ce nest pas néanmoins toujours par de grandes maladies que lindividu qui observe la continence est puni de sa désobéissance ; il ne connaît ni lattrait du plaisir, ni les charmes de lamour, ni les douceurs de la paternité ; il vit isolé sur la terre, et vieillit abandonné. Pas un regret ne laccompagne à ses obsèques, pas une larme ne coule sur sa tombe. Tout atteste quil a commis un attentat contre les droits de lhomme moral et de lhomme physique. Lorsque lon cherche à approfondir la cause qui a déterminé les hommes à préférer cet état disolement au mariage, on observe que légoïsme est la raison qui les y porte le plus ordinairement. « Quand on ne connaîtra plus de nation barbare, dit le chancelier Bacon, et que la politesse et les arts auront énervé lespèce, on verra dans les pays de luxe les hommes peu curieux de se marier, par la crainte de ne pouvoir pas entretenir une famille, tant il en coûtera pour vivre chez les nations policées. » LHistoire romaine ne nous présente-t-elle pas un fait analogue à la remarque du philosophe anglais ? Qui ne connaît la magnifique harangue quAuguste fit au peuple romain afin de le déterminer à se choisir des compagnes ? «Pendant que les guerres et les maladies, dit-il, nous enlèvent tant de citoyens, que deviendra la ville, si lon ne contracte plus de mariages ? La cité ne consiste point dans les maisons, les portiques, les places publiques ; ce sont les hommes qui font la cité. Vous ne verrez point, comme dans les fables, les hommes sortir de dessous la terre pour prendre soin de vos affaires. Ce nest point pour vivre seuls que vous restez dans le célibat : chacun de vous a les compagnes de sa table et de son lit, et vous ne cherchez que la paix dans vos dérèglemens. Citerez-vous lexemple des vierges vestales ? Donc, si vous ne gardez pas les lois de la pudicité, il faudra vous punir comme elles. Vous êtes également mauvais citoyens, soit que tout le monde imite votre exemple, soit que personne ne le suive. Mon unique objet est la perpétuité de la république. Jai augmenté les peines de ceux qui nont point obéi ; et à légard des récompenses, elles sont telles, que je ne sache pas que la vertu en ait encore eu de plus grandes : il y en a de moindres, qui portent mille gens à exposer leur vie ; et celles-ci ne vous engageraient point à prendre une femme et à nourrir des enfans. » Les célibataires ne sont pas seulement nuisibles à la société en lappauvrissant, ils la corrompent également ; car, comme la judicieusement observé lillustre auteur de lEsprit des lois : «Cest une règle tirée de la nature, que plus on diminue le nombre des mariages qui pourraient se faire, plus on corrompt ceux qui sont faits ; moins il y a de gens mariés, moins il y a de fidélité dans les mariages ; comme, lorsquil y a plus de voleurs, il se fait plus de vols.» A quel mépris ne devons-nous donc pas vouer cette classe de parasites qui cherche à profiter de tous les avantages que présente la société, en éludant toutes les peines qui sy trouvent attachées ! Nest-il pas fâcheux de voir les lois protéger également le célibataire et le père de famille, quoique pourtant ils naient pas les mêmes droits à la reconnaissance publique. Comme toutes ces considérations appartiennent plutôt à la politique et à la philosophie quà la médecine, je passe de suite aux considérations relatives à cette dernière. Linfluence que la continence exerce sur léconomie porte spécialement sur la sensibilité et la contractilité animale. Tous les phénomènes que nous aurons occasion dobserver ne seront le plus souvent que des altérations de ces propriétés : presque tous en effet tiennent à leur exaltation. Aussi, la plus grande partie des maladies que nous verrons appartiennent à la classe des névroses. Cette accumulation de la sensibilité, portée sur les organes de la génération, réagit sympathiquement sur le cerveau, et donne aux passions un empire que lon parvient assez difficilement à vaincre. Cest aussi dans ces crises difficiles que les personnes du sexe résistent avec peine aux attaques de lamour, qui cherche sans cesse à livrer assaut à leur vertu. En admettant même quun sentiment profond de leur devoir les fasse parvenir à surmonter la tendance de la nature qui agit continuellement pour arriver à son but, que décueils nont-elles pas à redouter ! Elles ny parviendront que par une attention soutenue et une persévérance de réflexions qui les plongeront bientôt dans un état de tristesse et de langueur que lon remarque si fréquemment chez les jeunes filles. La femme, douée dune sensibilité généralement plus grande que lhomme, passe aussi pour être plus voluptueuse que lui ; si les jouissances sont plus grandes chez elles, les efforts que lon fait pour les comprimer doivent être nécessairement plus multipliés, et les maladies, qui naissent de cet état de contrainte beaucoup plus fréquentes. Cest aussi ce que lobservation confirme journellement dans la pratique ; non-seulement parce que la susceptibilité nerveuse est plus prononcée, mais encore parce quelle observe avec plus de rigueur les lois de la pudeur et les convenances de la société. La nécessité dans laquelle une jeune personne se trouve souvent de contraindre sa passion, et de paraître devant une mère sévère avec un visage tranquille et une émotion vive dans lâme, ne contribue pas moins à troubler sa santé. Cest surtout à lépoque de la puberté que la femme commence à gémir sous le poids de sa position sociale ; cest aussi à cette époque que les maladies semblent choisir leur victime. Les organes de la génération, qui jusqualors étaient restés dans un profond sommeil, séveillent tout à coup, exercent une nouvelle fonction, et répandent la plus grande influence sur toute la machine animale. Un nouveau sens lui inspire de nouveaux désirs, et de limpossibilité de les satisfaire naît une partie des maladies quon observe chez elle dans les premières années de la puberté. Cet état de gêne ne peut persister long-temps sans donner lieu à un état morbifique bien caractérisé. La chlorose est souvent la première qui paraît sur la scène. Chlorose. Cette maladie, dans laquelle la peau devient pâle, décolorée, et quelquefois terne, est aussi caractérisée par un état de bouffissure générale, dasthénie, de langueur des organes digestifs, et, par ses dépravations, connues sous le nom de pica. Quoiquelle accompagne généralement la rétention des règles, leur diminution ou leur suppression, je ne crois pas cependant, comme beaucoup dauteurs, quelle soit toujours une conséquence de ces dérangemens. Les exemples de filles abondamment réglées doivent faire entrevoir que cette maladie nest pas essentiellement liée aux phénomènes de la menstruation. Le défaut de menstruation serait plutôt le premier degré dasthénie, et la décoloration de la face, la bouffissure, etc., le deuxième. Létat de langueur, de tristesse dans lequel se trouve plongée une jeune fille contrariée dans ses inclinations, éloignée de lobjet quelle chérit, la privation quelle simpose souvent de toute espèce dalimens, létat de débilité dans lequel elle tombe, expliquent assez de quelle manière la chlorose peut être une suite de la continence. Je vais citer une observation de chlorose simple bien caractérisée que jai recueillie : Une demoiselle, âgée de dix-sept ans, était sur le point de sunir à un jeune officier ; des raisons majeures entravèrent leur mariage : les parens sy opposaient formellement. Aussitôt elle éprouve un état de langueur et de tristesse qui saccroît journellement ; elle est tourmentée par de violens maux de tête, par un embarras gastrique muqueux ; il survient une légère bouffissure de la face ; les paupières sont cernées, les yeux battus : la peau, qui était vermeille, devient pâle et comme plombée ; elle finit par prendre un aspect jaunâtre, comme dans lictère. La sclérotique navait point participé à cette coloration générale du corps ; elle était au contraire très-blanche. Les hypochondres étaient tendus et douloureux, les règles suspendues, les déjections difficiles et accompagnées de cardialgie. Cette maladie fut inutilement combattue par tous les moyens de lart, et la jeune personne eût probablement succombé à cet état de dépérissement, si les parens neussent consenti à leur union. Mais, dans les cas où le mariage est le mieux indiqué, il nest malheureusement que trop ordinaire de voir des raisons de convenances mettre un obstacle que lon appelle insurmontable à une union qui ferait le bonheur de deux coeurs déjà réunis par lamitié. Jignore encore ce que lon entend par cette épithète raisons de convenances. Est-ce que la nature a admis différens degrés parmi les hommes ? Ne sont-ils pas tous les mêmes à ses yeux ? Lintérêt ni les dignités ne peuvent larrêter dans sa marche. Ne serait-il pas à souhaiter que toutes les liaisons conjugales fussent assorties daprès le choix de la nature ou linstinct secret des sympathies ? Il arrive souvent que létat de faiblesse et de débilité dans lequel une jeune personne se trouve plongée met une contre-indication dans le mariage, qui serait alors plus nuisible quutile, parce quil épuiserait le peu de forces qui restent à la malade. Il faut les ranimer en lui faisant espérer quelle épousera lamant quelle chérit ; il faut lui recommander lexercice pris à la campagne, lexciter au mouvement par le plaisir, soit de la danse, soit de la promenade ; ce qui aura double avantage de la distraire des idées mélancoliques si fréquentent dans une pareille maladie. Il est enfin des cas où lon est obligé davoir recours aux moyens pharmaceutiques, surtout chez les personnes que des voeux ont contraintes à observer la plus sévère continence. Mais il faut se garder dimiter la pratique vicieuse de quelques médecins, dailleurs très-recommandables, qui commencent le traitement de cette maladie par la saignée. Rien nest en effet plus pernicieux que les méthodes, tracées dans tant de livres, de procéder dabord par la phlébotomie ; dévacuer les humeurs peccantes par les linitifs, les atténuans, les incisifs et les clystères ; de rendre au sang ses parties balsamiques : Dieu sait combien les sirops, les potions, et tout le luxe pharmaceutique sont mis en oeuvre ! Cest ainsi quon débilite de plus en plus léconomie animale, et quon lamène par degrés au plus déplorable affaissement. En effet, ce traitement est tout-à-fait contraire à létat de la maladie, et ne peut avoir été prescrit que par des hommes qui nont jamais bien connu son vrai caractère. Lobservation ayant démontré que cette maladie avait spécialement son siége dans lestomac, et que, dune part, elle était produite par la faiblesse, latonie de ce viscère, cest donc spécialement sur lui que les médicamens doivent exercer leur action. Tous doivent être pris de la classe des toniques et des fortifians. On commencera avec avantage le traitement par un vomitif, qui, en dégageant lestomac des mucosités qui le tapissent, disposera cet organe à éprouver leffet dun médicament pris dans la classe indiquée ci-dessus, tels que les martiaux, les eaux ferrugineuses de Vichy, de Spa, de Plombières, etc. ; le vin de kina, la centaurée, etc. Les moyens hygiéniques, tels que lexercice, les frictions, etc., seront également employés avec beaucoup davantage, comme je lai déjà dit. Après la chlorose, lhystérie est une des maladies que lon rencontre le plus souvent chez les personnes qui ne peuvent satisfaire les désirs que lamour fait naître chez elles. Hystérie. La description la plus ancienne qui nous soit parvenue sur lhystérie se trouve dans les livres sur les femmes que lon attribue à Hippocrate. Lesquisse quil en trace est extrêmement imparfaite ; il ne donne aucune histoire particulière de cette maladie ; il cherche plutôt à expliquer quelques phénomènes quà donner un tableau exact de tout ce quelle présente. Celse est tout aussi diffus, quoiquil nait pas rempli les lacunes de sa description par des explications frivoles. Galien est le premier qui apprécia avec justesse une partie des causes qui produisent cette maladie. Convenit inter omnes hunc affectum magnâ ex parte viduis evenire, iisque maximè, quæ quùm anteà probè propurgarentur, ac parerent, atque virorum gauderent, omnibus his fuerint privatæ. Il en conclut que lhystérie vient, ou de la privation des règles, ou de la rétention de la semence. Cette dernière cause lui paraît devoir produire des effets bien plus violens, surtout chez les femmes qui, étant habituées aux plaisirs de lamour, en sont tout à coup privées. Il cite, à lappui de ce quil avance lobservation que voici : Mulier ex longo vidua quùm enim et aliis malis et nervorum quoque distensione vexaretur, dicente obstetrice uterum esse retractum, remediis ad hujusmodi affectus consuetis uti visum est ; quibus adhibitis, partim ob ipsorum calorem, partim etiam, quòd inter curandum manibus tractarentur partes muliebres, obortâ titillatione, cum labore et voluptate (veluti per coïtum) excrevit crassum plurimumque semen, atque ita à molestiâ liberata est mulier. Arétée, Ætius, Paul dÉgine, en signalant les causes de cette affection, nen rapportent point dobservation. Mercurialis, dans ses consultations, ne donne quune seule histoire dhystérie simple, chez une veuve de trente-huit ans, à laquelle il conseilla de se remarier. Parmi les observations précieuses que nous a laissées Forestus, il y en a dix ou onze sur lhystérie. Dans la plupart, il nous dit que cette maladie a été produite, ou par la suppression des règles, ou par la rétention de la semence. Jen rapporterai trois. Une jeune fille très-jolie, voluptueuse, de beaucoup dembonpoint, et dune stature, fut attaquée dun accès dhystérie très-violent. Ses menstrues coulaient très-irrégulièrement. Cet accès durait depuis un jour et une nuit, lorsquon appela Forestus. Elle entendait, mais ne pouvait pas répondre ; elle riait et pleurait de temps en temps. Il ordonna des frictions aux extrémités inférieures ; il lui fit respirer lodeur de plumes de chapon brûlées, de lassafoetida : ces moyens furent inutiles. Alors il se décida à lui faire frotter la vulve avec un liniment composé dhuile de lis, de musc et de safran. Laccès finit peu de temps après. Il lui prescrivit aussitôt un peu de castoréum dans une infusion de fleur de camomille, et il la purgea ; enfin, il donna à sa mère le conseil de la marier. (Observation 26.e) Forestus pense que cet accès était déterminé en partie par la suspension des règles, et en partie par la rétention de la semence. Quoique lon sache aujourdhui que lhumeur que les femmes sécrètent en assez grande abondance ne soit point une semence, puisque lanatomie ne démontre aucun organe sécréteur de ce liquide, à cette erreur près, lobservation de Forestus nen est pas moins exactement recueillie. Dans la scholie suivante, il établit très-bien les différences quil y a entre lhystérie et la nymphomanie ; il décrit les accès, leurs signes précurseurs, et les phénomènes qui accompagnent leur déclin, dune manière assez complète. Dans son prognostic, il avance que lhystérie causée par la rétention de la semence est plus dangereuse que celle produite par la rétention des règles. « Au mois de janvier de lan 1565, la domestique de Henri Mermunster, pharmacien à Delft, eut un accès dhystérie très-violent, causé par la rétention de la semence ; il durait depuis quatre heures. Cornélius Ericus, mon collègue, avait fait placer sur lhypochondre gauche, vers la matrice, un emplâtre de galbanum. On sentait dans cette partie une tumeur ; on eût dit quelle était formée par le soulèvement de lutérus ; aussi cette malheureuse engageait-elle une fille, qui était présente, à repousser avec sa main lutérus vers la partie inférieure. Le hasard fit que, dans cette nuit même, jeus besoin dans cette pharmacie, où jentrai, afin de prescrire des médicamens pour une semblable maladie. Lorsque je vis cette fille se tourmenter aussi fortement, jordonnai quon enlevât lemplâtre, et quon le plaçât sur les parties génitales. A peine y fut-il que le mal cessa comme par enchantement. Lorsquelle fut revenue à elle-même, je priai lépouse du pharmacien de lui demander si ses règles venaient au temps ordinaire ; ayant répondu quelle était bien réglée, je conclus de suite que cette affection tenait à coup sûr à la rétention de la semence. Jai appris quelle sétait mariée peu de temps après, et que depuis elle navait éprouvé aucun accès. » (Obs. 32.e) La trente-troisième observation est sur le même sujet. La malade dut sa guérison à une friction que lon fit à la vulve avec un liniment composé dhuile de lis, de musc et de safran. Vix digito imposito in vulvam cum confricatione, ad miraculum ad se rediit et ab Orci faucibus quasi revocata est Cæterùm, ne morbus rediret, quoniam tales præservari debent, cùm hic morbus periodos habebat, quia et semine originem trahebat, consului ut potiùs nuberet .Schmidius rapporte lobservation dune jeune fille, à la fleur de lâge, éprouvant alternativement des maux de tête, des distorsions et des douleurs très-vives à labdomen ; elle restait quelquefois sans mouvement et sans connaissance ; tout son corps était affecté de roideur tétanique : dautres fois ce spasme naffectait que le bras, les mains ou les pieds ; ou bien elle éprouvait des convulsions partielles ou générales ; ses membres sagitaient de côté et dautre, le dos sarquait en voûte, de manière que ses pieds touchaient presque sa tête. Elle se maria à une jeune homme, et guérit radicalement. Hoffmann rapporte lobservation dun jeune homme attaqué dune maladie absolument semblable à lhystérie, mais qui ne peut évidemment porter ce nom chez un sujet mâle. La voici. « Un jeune homme âgé de seize ans, dune haute stature, dun extérieur robuste, charnu, pléthorique, se plaignant dune douleur vive dans la région des lombes, le long du trajet des vaisseaux spermatiques, éprouvait en même temps des érections involontaires, et son esprit était obsédé de désirs qui le sollicitaient à lacte vénérien. Peu de temps après il eut une attaque de fièvre, qui dura quelques jours. Au bout de quelques semaines, il fut de nouveau tourmenté par les mêmes incommodités, mais avec beaucoup dautres symptômes absolument semblables à ceux de lhystérie. Des spasmes affreux, précédés de palpitations du coeur, sétendaient du pubis au dos, à lépigastre, au diaphragme, au coeur, à la gorge, au cerveau, et déterminaient un sentiment de strangulation à larrière-bouche, la difficulté de respirer, la perte de connaissance, un état comateux, des tiraillemens convulsifs des membres. Cet accès se renouvelait presque chaque mois. Le jeune homme conservait toujours un appétit vorace. La constipation était si opiniâtre, quelle résistait aux plus violens purgatifs. Les vaisseaux étaient gorgés de sang ; le pouls, très-inégal, et déprimé pendant laccès, devenait grand et fort après sa terminaison. Après avoir fait inutilement usage des antispasmodiques et des antiépileptiques, etc., il demanda conseil à Hoffmann, qui lui prescrivit une saignée de six onces presque tous les mois, de leau de fontaine pour boisson ordinaire, des poudres de nitre à doses assez fortes. Il lengagea à faire un exercice modéré, et à suspendre les méditations auxquelles il avait lhabitude de se livrer avec ardeur. Sa santé fut rétablie en peu de temps. » La cause de cette maladie est bien celle que les anciens appelaient rétention de semence. Hoffmann pense quelle dépend de lafflux du sang dans les vaisseaux spermatiques et les testicules ; de là les douleurs qui sétendent dans les aines et ensuite à dautres parties. Il dit avoir vu quelques exemples semblables, soit chez dautres jeunes gens, soit chez des hommes faits, vivant dans le célibat, chez lesquels cette maladie se manifestait par trop de continence. Si de telles observations devenaient plus fréquentes, il nest pas douteux quil faudrait substituer au mot hystérie un nom générique qui pût convenir à lun ou lautre sexe. M. le professeur Pinel rapporte aussi une observation dhystérie qui paraissait dépendre dune continence long-temps prolongée. Les accès ne disparurent entièrement quaprès le mariage, sur la nécessité duquel il avait fortement insisté. Je rapporterai une dernière observation dhystérie dont la cause dépendait de la répression des désirs vénériens : elle est de M. le docteur Esquirol. « Une fille bien née, âgée de dix-neuf ans, grande et forte, est prise dun accès dhystérie avec des convulsions violentes et presque continuelles. Après un traitement fort long et tout-à-fait infructueux, cette jeune personne disparut un jour de la maison paternelle, et toutes les recherches que lon fit pour la retrouver furent tout-à-fait inutiles : on nen entendit plus parler. Au bout de quelques mois, M. Esquirol, passant le soir dans un quartier assez retiré de Paris, fut arrêté par une femme quil reconnut pour être celle quil avait traitée sans succès. Que faites-vous là ? lui dit-il : Je me guéris, répondit-elle. Cette malheureuse, victime dun tempérament trop ardent, a continué pendant dix mois le métier de courtisane de la dernière classe ; elle a eu deux fausses couches, et enfin elle est rentrée dans la maison paternelle parfaitement guérie. Cette femme est aujourdhui mariée, mère de famille, et tient la conduite la plus régulière. » De tous les moyens employés dans le traitement de lhystérie, il en est peu dont lefficacité soit aussi bien constatée que le mariage, qui est en quelque sorte comme le spécifique de cette maladie. Lorsque des accès se manifestent spontanément chez des jeunes filles dun tempérament ardent, sans quon puisse en attribuer exclusivement la cause à un dérangement manifeste dans la menstruation, il produira de très-bons effets, comme on peut le voir daprès toutes les observations que je viens de rapporter. Ce moyen ne sera pas moins utile aux jeunes veuves ; mais il sen faut quil soit toujours suivi du succès quon en attend : il est absolument sans effet, et quelquefois même il augmente les accidens, lorsque la maladie est invétérée. Néanmoins, lon peut dire que lhystérie qui reconnaît pour cause la répression des plaisirs de lamour sera souvent combattue avantageusement par le coït, tandis que les moyens pharmaceutiques que lon emploie ordinairement pour faire cesser les syncopes exaspéreront les accès qui proviendront de cette cause : la saignée même nempêchera pas leur retour ; seulement elle modérera leur violence. Enfin, quand les malades ne peuvent se permettre dobéir aux lois de la nature, lorsque des voeux religieux leur en ont imposé lobligation, il faut alors leur prescrire une diète végétale, un travail pénible, et faire en sorte quelles évitent tout ce qui pourrait réveiller en elles le désir quelles ne peuvent satisfaire. Si pourtant tous ces moyens ne réussissaient pas, si la malade néprouvait aucun soulagement ; si, par exemple, un vice de conformation des parties génitales était un obstacle qui sopposât au mariage, ne serait-il pas alors permis dimiter lheureuse témérité de Rolsink, qui, ne voyant dautre ressource pour guérir une fille dangereusement malade que de procurer une espèce de pollution, au défaut dun mari, se servit, dans ce dessein, dun moyen artificiel, et la guérit. Ce moyen ne sera peut-être pas goûté par des censeurs rigides, qui croient quil ne faut jamais faire un mal dans lespérance dun bien. Jindique ce moyen sans lui donner ni approbation ni improbation ; je laisse aux hommes sensés à décider si, dans un pareil cas, un attouchement qui ne serait nullement déterminé par le libertinage, mais par le besoin pressant, est un crime ; ou sil nest pas des circonstances où de deux maux il faut éviter le pire. Comme le moral est particulièrement affecté chez les femmes hystériques, même dans lintervalle des accès, principalement chez celles qui joignent à un tempérament ardent une grande susceptibilité nerveuse, il est important que le médecin emploie les moyens les plus convenables pour combattre ces altérations. Un des plus efficaces et des plus féconds en résultats est sans contredit le pouvoir de la distraction. Puisque la force pensante ne peut se présenter vivement et clairement plusieurs idées à la fois, surtout lorsquelles sont disparates ; puisque lhomme ne peut être dominé en même temps par deux passions véhémentes ; enfin puisque la vie ne peut être portée à un haut degré dans un organe sans quelle ne soit diminuée dans un autre, il faut distraire ces sortes de malades, soit de la passion qui les domine ( cest le plus souvent lamour), soit des idées tristes qui les affligent, surtout lorsquelles sont livrées à elles-mêmes, en produisant sur les organes des sens une suite dimpressions douces qui les occupent sans trop les fixer, qui leur soient agréables, mais ne puissent les émouvoir trop fortement. Un des moyens les plus efficaces pour guérir lhystérie sera donc déviter avec le plus grand soin toutes les causes capables de décider la répétition fréquente des accès ; causes qui semblent se multiplier en raison de la durée de la maladie, et de la susceptibilité nerveuse qui augmente avec elle. Nymphomanie. Il est une maladie dans laquelle les symptômes sont bien plus alarmans que dans lhystérie ; on y entrevoit déjà le commencement dune espèce daliénation dans les facultés intellectuelles, et les excès dun amour le plus déréglé : elle est connue sous le nom de fureur utérineou nymphomanie. Cest une espèce de délire, dont la dénomination indique quelle appartient exclusivement au sexe. Elle soffre fréquemment à loeil de lobservateur en comparaison du satyriasis, qui est la maladie à peu près analogue chez lhomme. Dans cette déplorable affection, les femmes cherchent sans pudeur à satisfaire leurs désirs vénériens ; elles tiennent les propos les plus obscènes ; elles font les actions les plus indécentes, afin dexciter les hommes qui les approchent à éteindre lardeur dont elles sont dévorées. Elles ne parlent, elles ne sont occupées que des idées relatives à cet objet ; elles nagissent que pour se procurer le soulagement dont le besoin les presse ; elles vont jusquà vouloir forcer ceux qui se refusent au désir quelles témoignent ; et cest principalement par le dernier de ces symptômes que cette sorte de délire peut être regardée comme une espèce de fureur qui tient du caractère de la manie, puisquil est sans fièvre. On chercherait vainement des traces de cette maladie dans les ouvrages de lantiquité ; Hippocrate, Galien nen ont rien dit, soit quelle leur ait été entièrement inconnue, soit quun trop grand respect pour les moeurs leur ai imposé un profond silence sur un genre daffection qui atteste le désordre et la dépravation du sexe. Cette dernière opinion acquerra quelque fondement, si lon considère que le pays (la Grèce et lItalie) où ces médecins ont vécu était très-propre au développement de cette maladie. Aristote paraît ne lavoir point ignorée. Soranus est le premier qui en a donné une description, que lon retrouve dans Aétius. Zanoras rapporte, dans ses Annales, quEusébie, épouse de lempereur Constantin, fut atteinte et mourut de cette maladie. La dissolution de Messaline remonte probablement à la même source. Resupina jacens, multorum absorbuit ictus. Ce ne peut être vraisemblablement que par leffet de cette maladie que Sémiramis, cette reine des Assyriens, après sêtre rendue digne des plus grands éloges, tomba dans la débauche la plus effrénée, jusquà se livrer à un grand nombre de ses soldats, quelle faisait après cela périr par les supplices les plus cruels. Martial fait aussi mention des énormes débauches dune Coelia, qui ne pouvaient être aussi, selon toute apparence, que leffet dune fureur utérine, puisquelle nétait pas une prostituée de profession : Das cutis, das Germanis, das, Coelia, dacis, Cléopâtre ne fut-elle pas tourmentée par une semblable maladie ? Hujus ferinæ etiam fuit Cleopatra Egypti regina superba, luxuriosa et salacissima, quæ, sub unâ nocte sumpto cucullo, in lupanari prostibulo, centum et sex virorum concubitus pertulit, in tantum enim, ut professa est, in tentigine rigidiæ vulva erat accensa, quòd à lupanari quidem delassata, sed non satiata rediret. Plutarque rapporte que les filles de Milet étaient tellement tourmentées par cette cruelle maladie, quelles se pendirent toutes sans que les prières ni les remontrances ne pussent les en empêcher. On en trouve une observation très-imparfaite dans Horstius ; les symptômes en sont assez bien décrits, mais la cause et la terminaison de la maladie sont entièrement négligées. Schurgius, après avoir assez bien décrit les causes et les symptômes de la maladie, en trace plusieurs histoires particulières. Une jeune femme, mariée depuis peu, dun caractère gai et porté au plaisir, avait été unie à un homme faible. Elle éprouva bientôt après un état de langueur, et tomba dans la tristesse la plus profonde, enfin dans une fureur utérine des plus marquées. Elle était souvent très agitée, et appelait à grands cris son mari, sa soeur, ses proches ; quelquefois même elle entrait en fureur, et pouvait à peine être retenue par six hommes des plus robustes. Ces accès finissaient ordinairement après un torrent de larmes, ce qui se renouvelait à des intervalles plus ou moins longs. - Gaudentus Merula, dit avoir connu à Turin une jeune fille très-jolie, qui vit trente-cinq hommes dans une soirée. Joannes-Benedictus Senibaldus dit également avoir guéri dune semblable maladie une jeune femme de distinction, en lui conseillant de se remarier. Maltheus-Franciscus Hertodius rapporte quil fût consulté, en Moravie, par une femme honnête, âgée de vingt ans, assez jolie, dun tempérament tellement ardent, quelle fit toutes les instances possibles pour lengager à faire loffice de son mari ; mais il ne dit pas ce quil en fit. M. de Buffon en rapporte une observation très-intéressante. « Jai vu, dit-il, et je lai vu comme un phénomène, une jeune fille de douze ans, très-brune, dun teint vif et très-coloré, dune petite taille, mais déjà formée, avec de la gorge et de lembonpoint, faire les actions les plus indécentes au seul aspect dun homme ; rien nétait capable de len empêcher, ni la présence de sa mère, ni les remontrances, ni les châtimens ; elle ne perdait cependant pas la raison ; et son accès, qui était marqué au point den être affreux, cessait dans le moment où elle restait seule avec des femmes. » Enfin, lon peut voir, dans le Traité de nymphomanie de M. Bienville, dautres histoires particulières de cette affection. Une jeune fille parvenue depuis peu à lépoque de la puberté, menant une vie inactive, et se nourrissant dalimens échauffans, avait des liaisons secrètes avec un jeune homme dune basse extraction, en trompant la surveillance de ses parens. Son inclination étant contrariée, elle éprouva des rêves très-pénibles. Peu de temps après elle tint les propos les plus obscènes, et simula les gestes et les actions dune bacchante ; on eut même besoin de la retenir dans son lit avec de forts liens, afin de lempêcher de sortir nue, de prendre les postures les plus lascives, et de provoquer le premier venu à lunion des sexes. Regard étincelant, point de sommeil, aliénation des plus marquées, avec écoulement dune matière visqueuse, âcre, et même corrosive, par les parties sexuelles ; le pouls était dailleurs vif, la langue sèche, et toute lhabitude du corps dans un état de marasme. Un médecin peu instruit lépuisa de saignées, et la conduisit au tombeau. La fureur utérine est susceptible dune guérison facile à procurer, si lon y apporter remède dès quelle commence à se montrer, et surtout avant quelle ait dégénéré en une manie continuelle. Car, lorsquelle est parvenue à ce degré, il est arrivé quelquefois que le mariage même ne la calmait pas. On doit être dautant plus prompt à arrêter cette maladie, quelle peut avoir non-seulement les suites les plus fâcheuses pour la personne qui en est affectée, mais encore parce quelle établit un préjugé déshonorant à légard de la famille à qui elle appartient ; préjugé toujours injuste, sil ny a point de reproches à faire aux parens concernant léducation et les soins quils ont dû prendre de la conduite de la malade, qui, dailleurs, avec toute la vertu possible, peut être tombée dans le cas de paraître en avoir entièrement secoué le joug, parce que lâme ne se commande pas toujours à elle-même, et que les sens lui ravissent quelquefois tout son empire, et enfin parce quelle est réduite alors à nêtre que leur esclave. Les indications à remplir doivent être tirées de la nature bien connue de la cause de la maladie, et du tempérament de la personne affectée. Si elle est naturellement vive, sensible, voluptueuse, quelle puisse se satisfaire légitimement par lusage des plaisirs de lamour, cest sans contredit le plus sûr remède que lon puisse employer contre les fureurs utérines, selon lobservation des plus fameux praticiens, qui pensent que la méthode, souvent défectueuse, quò natura vergit, eò ducendum, doit être appliquée dans ce cas ; aussi nen trouve-t-on aucun qui ne propose cet expédient, lorsquil peut être mis en usage. Si la maladie est attribuée principalement à des causes morales, il faut être extrêmement sévère à les faire cesser ; il faut éloigner tout ce qui peut échauffer limagination de la malade en lui présentant des idées lascives, ne la laisser nullement à portée de voir des hommes, lui procurer la compagnie de personnes de son sexe, qui ne puissent lui tenir que des propos sages, réservés, qui lui fassent de douces corrections, qui lui rappellent ce quelle doit à la religion, à la raison, aux bonnes moeurs, à lhonneur de sa famille. Les médicamens ne conviennent guère dans le traitement de la maladie dont il sagit ; cest au médecin de choisir les moyens à employer, conformément à lidée quil sen est faite, daprès les conséquences quil a judicieusement tirées de sa nature, de ses causes et de ses symptômes combinés avec la constitution de la malade. Érotomanie. Il est une maladie commune aux deux sexes, qui a quelque analogie avec celle-ci et le satyriasis, mais qui cependant en diffère essentiellement sous bien des points : elle est connue sous le nom dérotomanie. Elle diffère de la nymphomanie et du satyriasis, en ce que ces dernières viennent des organes reproducteurs, dont lirritation réagit sur le cerveau : dans lérotomanie, au contraire, le mal est dans la tête. La nymphomane et le satyriaque sont victimes dun désordre physique : les érotomaniaques sont le jouet de leur imagination ; les premiers ont perdu toute pudeur, les seconds en ont encore, souvent même accompagnée dun sentiment très-respectueux, et quelquefois déplacé. Le délire érotique a différens degrés ; quelques-uns de ceux qui en sont affectés aiment passionnément un objet dont ils ne peuvent pas se procurer la jouissance. Cependant ils conservent la raison, et sentent parfaitement linutilité de leur passion ; ils avouent leur égarement, sans pouvoir sen corriger, parce quils sont portés malgré eux à soccuper de leurs désirs impuissants, par la cause de leur mélancolie amoureuse : ils éprouvent toutes les suites de cette maladie, ils ne pensent ni à manger ni à boire, ils refusent de subvenir aux besoins les plus pressans, et ils périssent en se voyant périr, sans pouvoir se défendre de laffection desprit qui les entraîne au tombeau. Dautres ressentent cette passion dune manière encore plus fâcheuse ; ils sont agités, tourmentés jour et nuit par les inquiétudes, le chagrin, la tristesse, les larmes, la jalousie, la colère même et la fureur, sentimens auxquels ils se livrent en réfléchissant sur leur malheureuse passion : et il arrive souvent quils perdent lesprit, et quils se donnent la mort, lorsquils désespèrent de pouvoir se satisfaire. Au contraire, lorsquils simaginent quils seront heureux, et que leurs désirs seront remplis, ils se laissent aller à des sentimens de contentement, de joie immodérée, accompagnée de grands éclats de rire, lorsquils sont seuls ; et quand ils se trouvent avec dautres personnes, ils tiennent des propos extravagans : ils sexposent souvent à des dangers, dans lespérance de mettre le comble à leur bonheur. Mais cet amour démesuré ne sannonce pas toujours par des signes évidens ; il se tient quelquefois caché dans la coeur ; le feu dont il brûle dévore la substance de celui qui est affligé de cette passion, et le fait tomber dans une vraie consomption. Ce nest souvent quavec la plus grande difficulté que lon parvient à reconnaître la cause qui a produit cette fâcheuse maladie. Il faut user de beaucoup de ménagemens pour remonter à la véritable source. Tout le monde sait de quelle manière Erasistrate reconnut lamour dAntiochus pour sa belle-mère Stratonice, en touchant le pouls de lamant en présence de lobjet de sa passion ; lémotion trahit son secret. Ce fut par le même moyen quHippocrate découvrit la passion de Perdicax pour Phyla ; que Galien annonça à Justa quelle était éprise du danseur Pylade. Jouadab ne se laissa pas tromper à la tristesse, à la langueur et au dépérissement dAmmon, second fils de David, devenu amoureux de sa soeur Thamar. Les signes que fournit le pouls méritent, comme on peut le voir, la plus grande attention. Je vais rapporter quelques observations dérotomanie, recueillies par M. le docteur Esquirol, et consignées dans le Dictionnaire des Sciences médicales. « Une demoiselle âgée de trente-deux ans, accablée de la perte dune fortune très-considérable, par conséquent devenue triste, assiste à une leçon dun professeur de la capitale : dès ce moment elle ne cesse de parler de lui ; les menstrues se suppriment, ce qui la confirme dans lidée dune grossesse ; les coliques que cause la suppression sont de nouvelles preuves de la présence de lenfant ; elle maigrit beaucoup , elle a mille illusions de louïe, elle entend ce professeur qui lui parle, qui lui donne des conseils ; souvent elle refuse toute nourriture, et ce nest quen lui rappelant que cest par son ordre quelle se décide à prendre des alimens ; alors elle mange beaucoup. Pendant dix-huit mois elle fut occupée à faire des layettes pour lenfant, à lui préparer de petits vêtemens pour le temps où il sera sevré ; souvent elle marche nu-pieds sur le pavé, afin de provoquer les douleurs de lenfantement ; douleurs quon lui a dit être nécessaires pour que lenfant vienne à bien. Fréquemment elle sagite, appelle à grands cris le père de lenfant quelle porte dans son sein ; elle a de longs intervalles de raison, mais le plus souvent elle déraisonne sur toutes sortes dobjets : quelquefois elle devient furieuse, parce quon lempêche de voir ou daller trouver son amant quelle appelle. Il est remarquable que cette demoiselle na jamais parlé à ce professeur quelle na jamais vu quune fois, et quelle a toujours eu la conduite la plus régulière. » Lérotomanie se complique quelquefois avec la manie ; lobservation suivante du même auteur en fournira un exemple remarquable. « Un jeune homme, âgé de vingt-trois ans, amoureux dune jeune personne, concentre sa passion pendant plus dun an : un jour, après avoir dansé avec son amie, il est pris de convulsions qui se renouvellent pendant trois jours ; les intervalles de rémission laissent entrevoir du délire. Après que les convulsions eurent cessé, il devint maniaque, violent, agité, colère, etc. ; voulant toujours séchapper. Après deux mois, il est confié à mes soins. Quoique son délire fût général, quoiquil fût très-agité, il traçait sur le sable, sur le pavé, sur les murs, le nom de son amante ; il courait, marchait dans lespoir de la trouver. Au bout de six mois il eut une fièvre angéioténique, qui jugea sa manie érotique. » Le traitement de lérotomanie consiste à faire cesser la cause qui a déterminé cette singulière maladie. Il est difficile de tracer la conduite que lon doit tenir en pareille circonstance ; cest au médecin à juger, daprès la position du malade, des moyens quil croit utiles demployer. Il faut quil sache sattirer la confiance du malade, quil entre dans ses idées, quil saccommode à son délire, quil paraisse persuadé que les choses sont telles quil se les imagine, et quil lui promette avec assurance une guérison parfaite. Cette assurance avec laquelle on leur parle ne contribue pas moins à ramener à la santé ces malheureux, dont les facultés intellectuelles sont fortement lésées. Un peintre, au rapport de Tulpius, croyait avoir tous les os ramollis comme de la cire ; il nosait en conséquence faire un seul pas. Ce médecin lui parut pleinement persuadé de la vérité de son accident, et lui promit des remèdes infaillibles ; mais il lui défendit de marcher pendant six jours, après lesquels il lui donnait la permission de le faire. Le malade pensant quil fallait tout ce temps aux remèdes pour agir et pour lui fortifier et endurcir les os, obéit exactement, après quoi il se promena sans crainte et avec facilité. Un maniaque, croyant avoir une loupe au côté de la face, sollicita un chirurgien à lui en faire lextirpation ; celui-ci simula lopération convenable, et le malade guérit. On ne parvenait à faire uriner un autre maniaque, qui sen abstenait, dans la crainte de produire un nouveau déluge et dinonder lunivers, quen venant lui annoncer, avec un air effarouché, que la ville quil habitait allait devenir la proie des flammes, sil nurinait ; ému par cette raison, il le faisait aussitôt, et croyait fortement avoir arrêté lincendie. Il est cependant quelquefois à propos de contrarier ouvertement leurs sentimens, dexciter en eux des passions qui leur fassent oublier le sujet de leur délire. Cest au médecin ingénieux et instruit à bien saisir ces occasions. Un homme croyant avoir des jambes de verre, de peur de les casser, ne faisait aucun mouvement ; il souffrait avec peine quon lapprochât ; une domestique avisée lui jeta exprès un morceau de bois sur les jambes : il se mit dans une grande colère, au point de se lever et de courir après elle pour la frapper. Lorsquil fut revenu à lui, il fut tout surpris de pouvoir se soutenir sur ses jambes et de trouver guéri. Lassurance avec laquelle on nous persuade la confiance que nous mettons dans une personne qui nous est attachée, a même quelquefois fait cesser le délire qui accompagne les fièvres ; comme lobservation suivante, qui mest propre, peut en fournir un exemple. Dans lhiver de 1812 jeus une fièvre bilieuse continue, accompagnée de délire assez violent pendant laccès. Javais vu passer une revue peu de jours auparavant ; on avait fait faire différentes évolutions aux troupes qui sy trouvaient. Limagination remplie de ces différentes manoeuvres, je me figurais voir, dans mon délire, un régiment dinfanterie posé dans mon antichambre, la bayonnette croisée, et attendant lordre du colonel pour marcher sur moi et manéantir. Cette idée me poursuivait continuellement, et meût été probablement funeste, sans la sage prévoyance de mon portier, qui, connaissant la cause de mon agitation, vint à moi avec un ton dassurance et de gaîté : « Monsieur, me dit-il, le gouverneur, instruit de la mauvaise conduite du régiment qui était dans votre antichambre, a fait arrêter le colonel ; il est à lAbbaye, et les soldats sont licenciés ; ainsi, calmez-vous, et cessez de vous inquiéter, votre vie est actuellement sans danger. Le ton ferme, la gaîté avec laquelle il vint mannoncer cette nouvelle, la confiance que javais en lui, me persuadèrent que ce quil me disait était exact ; je le crus, et le délire cessa sur-le-champ. Jai fait cette espèce de digression sur le délire, afin de faire voir combien il est avantageux, dans le traitement de lérotomanie (qui est un délire amoureux), que le médecin sidentifie en quelque sorte avec son malade, et quil jouisse entièrement de sa confiance. Il faut avoir, vis-à-vis deux, lattention de ne rien dire qui soit relatif au sujet de leur maladie. On doit également écarter de leur vue tous les objets propres à la rappeler. Un homme qui sétait figuré quil était lapin raisonnait cependant en homme très-sensé dans un cercle ; lorsque malheureusement un chien entrait dans la chambre, alors il se mettait à fuir, et allait se cacher promptement sous le lit, afin déviter les poursuites de cet animal. Étant débarrassé des idées qui causaient sa maladie, on engagera le malade à faire de fréquentes promenades à la campagne, etc. En général, on lui conseillera tous les exercices qui ont le plus dattraits pour lui, et qui seront le plus capables de captiver son imagination. Satyriasis. Pour compléter le tableau des principales maladies que détermine la continence sur léconomie animale, il me reste encore à parler du satyriasis, affection qui, suivant létymologie du mot, met les hommes dans un état de salacité qui caractérisait les satyres. Les individus que frappe cette cruelle maladie sont ordinairement tourmentés par un appétit violent des plaisirs vénériens, qui sexalte quelquefois jusquà la fureur. Nest-ce pas en effet une véritable fureur qui porte un jeune homme à violer une vieille femme, dont il eût certainement obtenu les faveurs, sil les eût demandées ? Lérection de la verge est un symptôme constant de cette maladie ; cet état est le signe dun besoin pressant de satisfaire les désirs vénériens que lon a long-temps combattus, et qui deviennent de plus en plus difficiles à vaincre. Limagination est obsédée par des idées lascives ; le sommeil, troublé par des rêves érotiques, est interrompu par de fréquentes pollutions. Un délire doux et tranquille, ou bien marqué par les emportemens les plus furieux, sempare des malades ; les désirs augmentent de violence ; pour les satisfaire tous les moyens sont bons, tous les objets indifférens. Une fièvre lente se joint à laliénation mentale ; la face est rouge et animée, les yeux sont saillans ; la physionomie, comme le remarque M. Duprest-Roni, offre une expression assez semblable à celle des animaux en rut. La fureur diminue par intervalles : alors le malade est triste et abattu, honteux de ses excès. Parvenue à son dernier période, la maladie est caractérisée par la continuité du délire, la violence des emportemens, et la fougue incoercible des désirs. Alors les organes génitaux senflamment, et sont souvent frappés dune gangrène subite ; et la mort vient mettre fin aux tourmens les plus cruels. Il est plus ordinaire cependant de voir les symptômes, moins alarmans, continuer quelque temps, diminuer progressivement, et cesser enfin après un court traitement. Je vais rapporter quelques observations qui serviront à éclairer lhistoire de cette maladie. La première appartient à Balthasar Timeus. « Un musicien, dune structure athlétique, ayant les cheveux et la figure rouges ; dun tempérament ardent, était tellement tourmenté de désirs amoureux, que lacte vénérien répété plusieurs fois en peu dheures ne pouvait le satisfaire. Odieux à lui-même, et craignant les châtimens que la colère divine réserve aux luxurieux, il vint implorer mon secours. Je lui fis pratiquer une saignée, et le mis à lusage des rafraîchissans et des calmans ; je lui conseillai la diète, ce qui ne procura aucun soulagement. Mon avis fut alors quil eût recours au mariage. Effectivement, il épousa une jeune villageoise dune constitution forte et robuste. Dabord il parut sen trouver bien ; mais, peu de temps après, il lassa sa femme par des embrassemens trop répétés, et redevint aussi satyre quauparavant. Métant venu demander dautres secours, je lui recommandai la prière et le jeûne. Ne sen trouvant pas soulagé, il voulait se soumettre à la castration. Je pensai quil ne fallait point pratiquer cette opération par rapport aux suites funestes quelle pourrait avoir, et quau moins il fallait la différer. Le malade, au contraire, me pressait vivement, et cherchait à gagner par les présens ceux qui sopposaient à ses dessins. Il me promit même un cheval qui allait lamble, dont la beauté nétait pas à dédaigner, dans le cas que je voulusse me rendre à ses désirs. «Javoue que mes domestiques mont souvent fait rougir, ne connaissant pas la fureur satyriaque de ce musicien, et me demandant ce quil venait si souvent faire chez moi, lui qui, non-seulement navait pas lair malade, mais qui présentait tous les signes de la santé la plus robuste. « Peu sen fallut, dit ce médecin, que je ne lui fisse couper son membre importun.» Procédé barbare quil neût employé quafin de ne pas paraître échouer dans le traitement dune maladie dont la durée semblait attester son ignorance. Ce malheureux musicien, qui, quelque temps après fut guéri entièrement en prenant des doses de nitre dans leau de nymphéa, faillit être victime dun amour-propre déplacé et de la présomption la plus ridicule ; car, comme le conçoivent très-bien les hommes sensés, la médecine ne guérit point indistinctement toutes les maladies. La sphère de nos moyens est trop bornée, les anomalies de la nature trop variées pour que lon puisse jamais se flatter dy parvenir. Le médecin est plutôt le spectateur que le guide de la nature : les effets de la polypharmacie sont des preuves convaincantes de ce que javance. « En 1572, nous fusmes visiter un pauvre homme dOrgon, en Provence, atteint du plus horrible et du plus épouvantable satyriasis quon sauroit voir ou penser : le faict est tel. Il avoit quartes pour en guérir ; prend conseil dune vieille sorcière, laquelle lui fait une potion dune once de semence dorties, de deux drachmes de cantharides, dun drachme demi de ciboule et autre, ce qui le rendit si furieux à lacte vénérien, que la femme nous jura son Dieu quil lavoit chevauchée dans deux nuits quatre-vingt-sept fois, sans y comprendre plus de dix quil sétoit corrompu ; et même, dans le temps que nous consultasmes, le pauvre homme spermatisa trois fois en notre présence, embrassant le pied du lict, et agitant contre icelui comme si ceust été sa femme. Ce spectacle nous étonna, et nous hasta à lui faire tous les remèdes pour combattre cette furieuse chaleur ; mais quel remède quon lui sceust faire, si passa-t-il le pas. » Le même auteur rapporte que Chauvel dOrange fut appelé, en 1570, à Caderousse, petite ville proche sa résidence, pour voir un homme atteinct de la même maladie. « A lentrée de la maison, trouve la femme du dit malade se plaignant à lui de la furieuse lubricité de son mari, qui lavoit chevauchée quarante fois pour une nuit, et avoit toutes les parties génitales gastées, étant contrainte de les lui montrer afin quil lui ordonnast des remèdes pour combattre linflammation et lextresme douleur qui la tourmentoit. Le mal étant venu de breuvage semblable à lautre, qui lui fut donné par une femme qui gardoit lhôpital, pour guérir la fièvre tierce qui laffligeoit, de laquelle il tomba en telle fièvre, quil falloit lattacher comme sil fust possédé du diable. Le vicaire du lieu fust présent pour lexhorter, à la présence même du sieur Chauvel, lesquels il prioit le laisser mourir avec le plaisir. Les femmes le plièrent dans un linsseuil mouillé en eau et vinaigre, où il fut laissé jusquau lendemain matin quelles aloyent le visiter ; mais sa furieuse chaleur fut bientôt éteincte et abattue, car elles le trouvèrent roide mort, la bouche riante, montrant les dents, et son membre tout gasté. » Lexemple le plus frappant dune impulsion puissante et irrésistible dun sexe vers lautre est celui que lon trouve dans un ouvrage périodique qui a pour titre : Espion anglais, ou Correspondance secrète entre mylord Alley, t. 1. Celui qui fait le sujet de cette observation avait acquis, dès lâge de onze ans, cet accroissement physique, cette force, cette vigueur qui annoncent une puberté prématurée, et éprouvait déjà ces désirs tumultueux, ce penchant irrésistible qui pousse un sexe vers lautre. Destiné par ses parens à létat ecclésiastique, nourri dans les préceptes dune religion qui commande la chasteté, il eut long-temps à lutter entre la crainte de trahir ses devoirs, et le désir de céder au penchant qui lentraînait. Parvenu à lépoque où des sermens solennels le condamnaient à une continence perpétuelle, il redoubla de zèle et dattention pour écarter de son imagination tous les objets lascifs qui pouvaient y laisser une impression assez vive, et émouvoir les organes de la génération. Cependant la nuit, durant le sommeil, la nature, reprenant ses droits, le délivrait, par de fréquentes pollutions, de lirritation seminale. Pour obvier à cet inconvénient, il diminue la quantité de sa nourriture, supprime celle quil soupçonnait augmenter la sécrétion spermatique, et veille sur ses sensations avec plus de soin. Ce régime le réduit à un état de maigreur extrême. Arrivé à sa trente-deuxième année, un matin, il séveille, limagination échauffée par des images les plus voluptueuses, les organes de la génération fortement ébranlés. Il se lève, et, par de puissantes distractions, il trompe la nature. Cependant une vivacité, un feu jusqualors inconnu, semparent de lui ; ses sens acquièrent une sensibilité, une pénétration étonnantes. Laprès-midi, en entrant dans un salon, il porte ses regards sur deux personnes du sexe, qui font sur lui une telle impression, quelles lui paraissent lumineuses et comme si elles étaient électrisées. Frappé dun pareil phénomène, et en ignorant la cause, il lattribue au prestige du démon, et se retire. Pendant le reste de la journée, ayant rencontré dautres femmes, il éprouva la même illusion. Le lendemain, voulant se rendre dans sa maison, il monte en voiture, et croit quà chaque instant elle verse ; dans une auberge où on lui sert à manger, le pain, le vin, et tous les objets quon lui présente lui paraissent en désordre. Arrivé dans sa famille, il se trouve dabord plus tranquille ; mais le lendemain, environ deux heures après le repas, il sent tout à coup ses membres sétendre et se roidir, tout son corps frémir et sagiter par un mouvement violent et convulsif ; il éprouve à la tête la douleur la plus vive, il lui semble que cette partie tournoie et fait une volute ; il se livre à des actions puériles et ridicules. Dans cet état on le saigne, ce qui ne le soulage nullement ; on le plonge dans le bain, soulagement momentané. Bientôt les symptômes reparaissent avec plus dintensité : le délire se montre sous les formes les plus bizarres ; tantôt il croit que le gouverneur de sa province lui offre toutes les beautés de la cour de Louis XV pour le faire renoncer à la continence ; tantôt il se croit Alexandre, Achille, Pyrrhus, ou Henri IV, et se retraçant les principales actions de ces grands hommes, il assiége les villes, force les camps, remporte des victoires, et, dans les transports de son humeur guerrière, il brise les colonnes de son lit, enfonce les portes de sa chambre, en prononçant avec force ce vers de Virgile : Cecidit Ilion Priamique domus. Le bruit que cause ce vacarme attire ses parens, qui semparent de lui et le garrottent. Peu de temps après, il sendort, la tête pleine des images les plus terrible ; il croit voir les spectres des plus fameux guerriers environnés de vieilles armes rouillées : cette image sempreint si fortement en lui, que long-temps après il ne peut fixer une arme sans que son odorat ne soit désagréablement affecté dune odeur de cuivre ou de rouille. Devenu plus tranquille, ses parens le rendent à la liberté ; ce qui lui fait éprouver les jouissances les plus délicieuses. La nuit ensuite, il dort dun sommeil doux et paisible ; mais aux approches du jour et de son réveil il a un songe qui donne lieu à un dernier et troisième accès. Il lui semble voir un roi puissant venir, à la tête dune armée formidable, renouveler la cruelle journée de la St.-Barthelemy ; en même temps il se croit destiné à sopposer à ses cruels desseins. Dans un endroit que lui désigne son imagination, une pique soffre à ses yeux ; il doit sen emparer comme dune armure qui le rendrait invincible. Plein de cette idée, il sort de la maison, entre dans le jardin, est sur le point den franchir la haie, lorsque ses parens accourent, et le ramènent : il ne fait aucune difficulté. Cependant limagination toujours pleine du projet de secourir les protestans, il soccupe à lever des troupes, à les discipliner, à fortifier les villes, etc., etc. ; il dessine, fait des plans, des campemens, et a le coup-doeil si juste, que, sans autres instrumens que ceux qui lui tombent sous la main, il exécute le tout avec une grande précision. Des idées plus agréables viennent semparer de lui. Tout ce que les femmes de tous les pays ont de plus agréable et de plus ravissant, tous les appas dont la nature les a ornées viennent tour à tour émouvoir ses sens : il croit les soumettre toutes à ses désirs et à son pouvoir. Cependant il est un objet pour lequel il a une prédilection marquée, cest une jeune demoiselle quil a vue quatre jours avant de tomber malade. Dans cette singulière maladie, tous les organes des sens sont portés à un tel degré de sensibilité, quils lui font éprouver les tourmens les plus affreux et les plaisirs les plus vifs. La lumière affecte certaines fois la rétine avec tant déclat et de vivacité, quelle ne peut en supporter la présence ; dautres fois, les points de vue les plus agréables, les perspectives les plus variées soffrent à ses regards, et ravissent son âme. Le son le plus léger, les moindres vibrations de lair lui causent dans loreille une douleur intolérable, ou bien cet organe, mieux disposé, lui procure les sensations les plus délicieuses ; il lui semble que lunivers est un orchestre immense, dont les sons harmonieux jettent son âme dans lextase la plus complète. Le goût et lodorat ont aussi leurs vicissitudes de peines et de plaisirs. Le tact lui-même est affecté de ces deux extrêmes, mais il paraît le dernier sur la scène. Un délire aussi complet et tour à tour reproduit sous les formes les plus variées finit par une évacuation naturelle, que lauteur rappelle avec les termes les plus emphatiques. A la suite de cette crise le malade recouvre la raison, et bientôt après la santé. M. Alibert, dans sa Thérapeutique, rapporte lobservation dun homme de soixante ans, connu dans plusieurs sociétés de Paris, qui aimait éperdûment une jeune dame. Dans une circonstance, il fut pris dun tel accès de satyriasis, quil se précipita sur lobjet de ses feux, et outragea scandaleusement sa pudeur. Une fièvre brûlante, à laquelle lindividu succomba, remplaça cet état extraordinaire de fureur et dalinéation : les parties génitales furent successivement frappées de phlegmasie et de grangène. M. Duprest-Ronsy rapporte un fait tout aussi remarquable par ses phénomènes ; cétait un jeune homme âgé de vingt ans, dune constitution assez vigoureuse, qui, daprès son rapport, sétait livré dans son enfance aux excès de la masturbation ; il avait prodigieusement altéré son intelligence et sa mémoire : mais, depuis deux ans, il avait totalement renoncé à cette funeste habitude ; sa vie était sage et régulière. Il fut placé à Paris dans une maison de commerce, et il se livrait à ce nouveau genre doccupation avec un zèle et une activité infatigable. Chéri de ce négociant et de son épouse, il sabusa sur le genre dattachement que la femme avait pour lui, et simagina en être tendrement aimé ; de son côté, il la payait dun retour sincère. Placé entre la crainte de violer les devoirs de la reconnaissance et le désir de posséder cette femme, qui cependant nétait ni jeune ni jolie, sa situation devint de jour en jour plus pénible et plus embarrassante. Quand par hasard elle jetait un coup-doeil sur lui, il entrait en érection et ne tardait pas à éjaculer ; la nuit, il avait des pollutions fréquentes. Bientôt on saperçut dun dérangement dans les facultés de son entendement : ce dérangement lui survint après la lecture de la Phèdre, de Racine. Il sidentifia tellement avec les personnages, quil simagina être Hippolyte, regarda sa maîtresse comme Phèdre, et fit un nouveau Thésée de son époux. Plus amoureux quHippolyte, et non moins vertueux que lui, il conçoit le projet bizarre daller se jeter aux pieds de Thésée et de lui avouer ce qui se passait dans son âme. Il y met tout le pathétique que pouvait comporter le sujet : Thésée, lui dit-il, le crime nest pas encore consommé ; votre femme nest pas coupable ; jusquici jai résisté à ses prières et à ses larmes ; mais je ne suis plus le maître de moi-même, et si vous ne méloignez de sa présence, il faudra que je succombe. Il nest pas besoin de dire quel fut létonnement du prétendu Thésée. Il prit le parti déloigner le jeune homme : cet éloignement dissipa le délire ; cependant les érections suivies de semence continuèrent ; lestomac et le tube intestinal étaient frappés datonie. Le malade désirait des alimens avec avidité ; mais dès quil les avait pris, il éprouvait de la douleur dans la région épigastrique et un malaise dans le reste du corps. M. Duprest-Rosny employa, dans cette circonstance, le traitement le plus sage et le plus éclairé. Il fit voyager le jeune homme ; lui fit prendre des bains, des boissons rafraîchissantes ; fit une heureuse association des remèdes calmans et des toniques doux, et le jeune homme, quelques temps après, était dans un état parfait de santé. Le traitement de cette maladie exige, si les symptômes sont alarmans, lusage des débilitans, des narcotiques, soit à lintérieur ou sur les parties génitales elles-mêmes. Lusage du nitre, comme lobservation de Balthazar Timeus le prouve, réussit quelquefois, puisque le musicien qui en fait le sujet, après huit jours de lemploi de ce médicament, se trouva tellement rafraîchi, que lui, qui sans doute eût été un champion digne de linsatiable Messaline, pouvait à peine satisfaire au devoir que le mariage lui imposait envers sa femme. Si le traitement du satyriasis réclame lemploi dune médecine active, à raison de lurgence des symptômes et du péril éminent que courent les malades, on doit aussi emprunter de lhygiène les moyens, propres à prévenir la récidive de la maladie. Parmi ces moyens le plus sûr est, sans contredit, lusage modéré des plaisirs de lamour et une direction habituelle de la pensée sur les objets étrangers à ce sentiment : létude des sciences, la culture des arts, les travaux du jardinage, lhabitation à la campagne, sont alors des moyens dautant plus précieux, quen eux lagréable se joint à lutile. Il existe encore quelques affections nerveuses sur lesquelles la continence influe dune manière désavantageuse, et dont elle augmente souvent lintensité des symptômes ; telles sont lépilepsie, la catalepsie, la manie, la mélancolie, la frénésie. Mais, comme ces maladies ne sont point un effet immédiat de cet état, je ne les traiterai nullement ; je dirai seulement que les plaisirs de lamour ont souvent été très-efficaces dans leur traitement, et quon a vu des mélancoliques reprendre la gaîté qui leur était naturelle lorsquils avaient habité quelque temps avec des femmes ; cest ce qui avait fait donner le nom dAutievro à la courtisanne Hoéa, parce quelle avait, disait-elle, un remède assuré contre lhumeur noire. Ce moyen produit bien plus deffet sur nous que tous les médicamens que la pharmacie nous fournit. Cet homme dont Galien nous trace lhistoire, qui avait été si touché de la mort de sa première femme, quil résolut de nen avoir jamais dautres, se trouvant quelque temps après fort incommodé par des indigestions destomac, et par une tristesse dont il ne connaissait pas la cause, fut enfin obligé de rompre son voeu et de se joindre amoureusement à une autre femme, entre les bras de laquelle il recouvra la santé. De tous les moyens que la nature a mis en oeuvre pour éteindre lexaltation préjudiciable de linstinct qui porte les êtres à se reproduire, on voit quil nen est point dont leffet salutaire puisse être comparé à celui qui résulte de la consommation même de lacte vénérien, lorsque la modération y préside et que la fréquence nest pas fondée sur des besoins factices. Lamour lui-même est alors le remède le plus sûr aux maux quil a fait naître, et on a vu souvent les égaremens les plus étranges se dissiper par la possession de lobjet qui les avait fait naître. On peut donc conclure, daprès tout ce que jai dit, 1.° que la continence est utile jusquà la terminaison de la cure ; 2.° quelle est souvent nuisible après cette époque ; 3.° que le mariage est généralement le moyen le plus efficace pour ramener à une parfaite santé les personnes qui sont atteintes des maladies décrites ci-dessus ; 4.° quaprès le mariage, tous les moyens que nous fournit lhygiène seront ceux qui devront être préférés à tout autre ; 5.° enfin, que la pharmacie peut être un moyen accessoire, utile pour combattre quelques symptômes qui aggravent ces différentes affections, mais quelle ne peut jamais les guérir lorsquelle agit seule. |