Corps
RENAN, Ernest(1823-1892): Valentine de Milan, Christine deSuède : Deux énigmes historiques .- [Abbeville : impr. F.Paillard, 1923].- 42 p. ; 16,5 cm.- (Les Amis d'Édouard ; 48). Saisie dutexte : O. Bogros pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (03.XI.2012) [Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées]. Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros]obogros@cclisieuxpaysdauge.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusion libre et gratuite (freeware) Orthographe et graphie conservées. Texte établi sur l'exemplaire d'une collectionparticulière Valentine de Milan, Christine de Suède Deux énigmes historiques par Ernest Renan ~ * ~ PRÉFACE LA PREMIÈRE PROSE IMPRIMÉE D'ERNEST RENAN Il est possible qu'avant moi quelque bibliographe avisé ait signalédéjà cette première prose. Je dois, en tout cas, à la plaquette qui lacontient des émotions et des souvenirs qu'aucun, bibliographe n'auracertainement éprouvés. Disons tout de suite qu'il s'agit d'une Enigme historique, parue dansune revue destinée à des jeunes filles, dirigée par Mlle S. UlliacTrémadeure, amie d'Henriette Renan. Je n'en savais pas davantage à l'époque où je fus mis en possession dece précieux texte. Je savais aussi que ces pages représentaient lesdébuts de Renan dans le monde des lettres. C'est Mme Ernest Renan, àqui je dois tant, qui me fit ce cadeau. Le cadeau se composait dequatre feuillets détachés, format in-8, dont la pagination, des rectosaux versos, se suivait de la façon que je vais reproduire : 933-340(quel saut diabolique !), 361-362, 363-364, 365-366. J'ignorais le nom précis du périodique, et je laissai passer desannées, remettant, comme il arrive dans une existence bondée detravaux, la vérification au lendemain. Un jour, enfin, j'eus la chance de voir arriver à mon cours unexcellent helléniste dans la personne du plus délicieux abbé qu'ilm'ait été donné de rencontrer. Plein de savoir, plein d'idées, charmantde manières, d'une conversation agréable et nourrie, il était Bretonet, ma foi ! sans céder d'un pouce sur le dogme, ou sur quoi que ce fût de cegenre, il avait un faible prononcé pour l'auteur de la Vie de Jésus.C'est, apparemment, parce qu'ils étaient pays. Nous ne fûmes pas longs à nous lier d'amitié et je lui fis part dutrésor tombé en ma possession. Lorsque je voulus le lui montrer, cefut une autre affaire. Au Sénat, où, comme on sait, fut donné monfonds, un beau matin — cela se passait sous l'ancien secrétariat de laquesture — on jugea qu'il était à propos de déménager une grosse partiede mes livres, sans que ma faible intelligence ait découvert à cedéménagement une autre raison que celle, sans doute, de m'empêcher deremettre la main sur l'Énigme historique. Je dus donc déchanter. Un fait indéniable, cependant, c'est que laProvidence veille sur les bibliophiles. En sortant du cours, une après-midi, nous passâmes, mon abbé et moi, au30 de la rue des Saints-Pères, et nous entrâmes chez le brave libraireLécuyer, riche en surprises livresques. Fasciné par une pile de volumesde reliure égale, mon œil courut immédiatement au dos de ces volumes.C'était une collection incomplète, mais encore assez respectable, du Journal des Demoiselles. Même format, mêmes pages à deux colonnes quemon Énigme historique. Et, en feuilletant, nous découvrîmes une sériede petits articles semblables à celui de l'Énigme, signés tous desmajuscules E. R., la signature même de l'Enigme ! Nous mettions toutbonnement la main sur du Renan, non point seulement inédit, mais encoreinconnu, un Renan amuseur d'enfants, chroniqueur pour jeunes personnes. Nous devenions fous, l'abbé et moi. Nous étions sur le char d'Elie,nous montions aux cieux : leschamaïm, répétions-nous en hébreu. Monabbé me détaillait, chapitre par chapitre, le livre que déjà ilconsacrait à Renan-Trémadeure. Le lendemain, il se rendit à la Bibliothèque nationale. Par uneperspicacité et une méthode peu ordinaire, il dépista la revuevéritable d'où l'Énigme était extraite. C'était une revue fondée en1832 et qui s'intitulait précisément Journal des jeunes personnes. Al'année 1846 — Renan avait alors 23 ans — il lui fut facile deretrouver l'Enigme, p. 933 ; car vous pensez bien que pour un abbé,c'était un jeu de dépister le diable ; les chiffres avaient étéintervertis à l'imprimerie : il fallait lire 339. L'abbé revint me voir pâle, défait, anéanti, flapi. Il n'y avait, dansle Journal entier, pas autre chose que cette Énigme, proposée de lapage 933 (ou 339) à la p. 340, expliquée de la page 362 à la p. 365 :d'où la numération interrompue de mes feuillets ; Mme Ernest Renann'avait conservé que ce qui avait trait à l'Enigme. Nous eûmes du moins, l'abbé et moi, la consolation de lire cette Enigme. Le morceau est des plus charmants. Il débute par cette phrase qui estdéjà d'un chant assez doux : « Une princesse, belle et jeune encore,étendue sur son lit de mort, rassemble autour d'elle les princes, sesfils, et leur adresse ses adieux. » Ces adieux, par leurs mille allusions biographiques, sont destinés àfaire reconnaître la personne dont l'identification est proposée à lasagacité des jeunes lectrices. Le nom de la princesse leur est livrédans l'Explication de l'Énigme historique du numéro suivant, pages362-365 ; l'explication, on le voit, est abondante. Il s'agit deValentine de Milan, et l'auteur se complaît dans l'énumération desdétails, des circonstances touchantes ou tragiques parmi lesquellesévolua cette pure et malheureuse princesse, épouse du frère de CharlesVI, mère du poète Charles d'Orléans, persécutée, innocente, consolée —à peu près ! — par la célèbre devise qu'elle se fit à elle-même : Rien ne m'est plus Plus ne m'est rien. Il y a dans ces pages, ou plutôt dans ces colonnes, beaucoup desqualités qui annoncent le Renan futur : du rythme, de l'émotion, de latendresse d'âme, un tour facile pour présenter l'érudition et larendre agréable. Mais la vraie, la grande importance de ce document est ailleurs.L'Enigme nous témoigne, de la façon la plus manifeste, le goût que toutde suite Renan eut pour l'histoire. Là réside à mes yeux sa puissantecaractéristique ; là éclate sa profonde différence avec Victor Hugo. Victor Hugo, si je puis dire, invente, crée, reconstruit, décrètel'histoire. Il la féconde aux flots de son génie. Renan, tout aucontraire, a besoin de l'histoire, pour se laisser féconder par elle.Il ne pense qu'à la suite. Il faut que des faits précis lui soientfournis par les annales : cela s'affirme avec évidence jusque dans lesmeilleurs de ses drames philosophiques : Le Prêtre de Némi et L'abbesse de Jouarre. Quand il tient les faits, il les interprète, illes anime, il en fait les Origines du Christianisme, toujours avecce style dont l'Enigme historique nous donne un premier et curieuxéchantillon. Jean PSICHARI. P.-S. — Je devais apprendre plus tard que la seconde prose impriméede Renan était également une énigme historique, publiée dans la mêmerevue, mais sous de pseudo-initiales. On la trouvera jointe à lapremière dans le petit volume que voici. ÉTUDE CRITIQUE J'ai retrouvé sans difficulté, à la Bibliothèque nationale, dans le Journal des jeunes personnes de 1846 et 1847, les deux Enigmeshistoriques dont parle ci-dessus M. Jean Psichari et que noussignalait d'ailleurs, sous les n° 1 et 2, la Bibliographie des Œuvresd'Ernest Renan, de MM. Girard et Moncel. .Ayant fait copier énigmes etexplications, et, sachant que la première de ces énigmes avait été déjàreproduite « à titre de curiosité littéraire » dans le Livre d'or deRenan, je comparai les deux textes et fus tout surpris de les trouverfort différents. Il était cependant aisé de voir que le texte du Livre d'or était d'une meilleure qualité que celui du Journal desjeunes personnes. On sait d'autre part que Renan commença de bonne heure à rédiger sapropre bibliographie. On en trouve aujourd'hui le curieux manuscritautographe dans le tome LX du fonds Renan, à la Bibliothèquenationale, folio 311 et suivants. Il débute ainsi : « 1846. — 1er novembre. — Enigme historique (Valentine de Milan), dansle Journal des jeunes personnes. (Initiales.) 1er décembre. — Solution de l'énigme. Ibid. (Init.) 1847. — 1er août. — Solution d'une énigme historique (Christine deSuède). Ibid. (Pseudo-initiales.) » Les dates et les indications relatives aux signatures sont exactes (1); mais on est étonné de ne voir mentionnée que la solution de laseconde énigme et de ne pas trouver l'indication de l'énigme elle-même,parue le 1er, juillet. Renan n'en aurait-il pas été l'auteur ? Nouveauproblème. Les lettres inédites de Renan, publiées à l'occasion du centenaire dansla Revue de Paris du 15 février 1923, sont heureusement venues nousrenseigner. Un post-scriptum du 24 octobre 1846 à une lettre du 23 octobre de Renanà sa sœur Henriette nous apprend l'origine de cette collaborationinattendue du jeune savant à un journal mondain qui était presque unjournal de modes : « J'ai vu hier soir les dames Ulliac. Je ne voulais pas expédier malettre avant de leur avoir annoncé que je t'écrivais. MademoiselleUlliac était tellement occupée qu'elle n'a pu trouver un instant pourt'écrire. Elle demande avec empressement les divers travaux que tu luias promis pour son journal, et spécialement celui des catacombes deRome. Il en est un surtout sur lequel je réclamerai ton assiduité ;c'est celui des Enigmes historiques. Car mademoiselle Ulliac, qui avoulu t'en réserver la propriété exclusive, me charge de suppléer à teslacunes, ce qui me met dans un terrible embarras. Juge avec quelplaisir, quelques jours avant mon examen, j'en reçus d'elle la demande,à laquelle pourtant je ne pouvais me refuser. Je suis enfin parvenu ànouer un raisonnable imbroglio sur Valentine de Milan. Il ne me resteplus qu'à en donner l'explication, plus ennuyeuse encore. Au nom duciel, délivre-moi de cette corvée. » Renan avait terminé la veille, par un brillant succès, ses examens delicence commencés le 19. Le soir même, dans une longue lettre à sasoeur, alors institutrice à Dresde chez le comte Zamoyski, il avaitraconté en détail les péripéties de la lutte. Le studieux jeune hommeavait encore sur le coeur le travail saugrenu auquel il avait étéobligé de se livrer « quelques jours » avant son examen, et il exprimeson mécontentement. Mais, obligeant et consciencieux en toutes choses,il va, le soir même de son succès, voir la directrice du Journal desjeunes personnes afin de représenter auprès d'elle les intérêts de sasoeur éloignée. Le voilà pris au piège et obligé de continuer cettemalencontreuse collaboration lorsque la « copie » de sa soeur feradéfaut ! Quant à l'explication des différences de texte signalées tout àl'heure, la voici, donnée par Renan, dans une lettre datée du 24novembre que n'a pas publiée la Revue de Paris, mais qui va paraîtreincessamment en volume et dont nous devons la communication àl'obligeance de la fille de l'illustre écrivain, Mme Noémi Renan : « J'ai lu avec un extrême plaisir, chère Henriette, l’artiicle que tuas envoyé à mademoiselle Ulliac sur les catacombes. Ton style est toutà fait ferme et viril, et en vérité bien supérieur à ce qu'il faut pources frivoles publications. Un archéologue de profession n'aurait pasmis plus d'exactitudes dans les explications sur lesquelles tuconservais quelque doute. Quant au mot d'anagramme, j'avais comprisavant d'avoir reçu ta dernière lettre que c'était une distraction, pour monogramme, et j'avais déjà suppléé celui-ci à la place du premier.Mademoiselle Ulliac trouve l'article fort intéressant, mais un peucourt, défaut dont, dit-elle, elle a rarement à se plaindre. Elle sepropose en conséquence d'y ajouter quelque chose. Ces journaux sont devrais lits de Procuste : tout n'est qu'allongement ou retranchement,outre que mademoiselle Ulliac aime beaucoup à faire le coup de ciseau.Elle a fait à l'énigme historique et à l'explication que j'avais étécondamné à lui fournir les plus singuliers changements, et ne s'est pasaperçue qu'elle faussait la vérité historique. Heureusement que je luien abandonne de grand cœur toute la responsabilité et propriété. » Et Henriette Renan de répondre, de Dresde, le 8 décembre (Revue deParis du 15 février) : « Comme tu penses, je lui donne [à Mlle Ulliac] tous les droitspossibles sur mes Catacombes, quoiqu'il ne me soit pas facile decomprendre ce que deviendra ma pensée délayée dans celle de M. Peigné.Enfin, il en arrivera ce que pourra ! je n'y mets aucune prétention. Jeprévoyais tout ceci quand je persistais à rester cachée sous unpseudonyme ; vois comme j'avais raison. Je viens de lire ton explication sur Valentine de Milan ; elle est très jolie, très biendite. Sophie [une des filles du comte Zamoyski chez qui Henriette étaitinstitutrice] avait deviné l'énigme. J'ai facilement reconnu lespassages que Mlle Ulliac a dû tronquer. C'est une singulière manie,heureusement qu'il ne s'agit de rien d'important. » Une fois fixée la valeur des textes publiés dans le Journal des jeunespersonnes, il ne restait plus qu'à retrouver, si possible, lesmanuscrits autographes. Je savais par Mme Noémi Renan et par M. Jean Psichari que cesmanuscrits étaient à la Bibliothèque nationale où je les retrouvaigrâce à l'obligeante entremise de MM. Henri Omont, conservateur dudépartement des manuscrits, et J. Pommier. Ils constituent les folios714-718 du volume 11480 des nouvelles acquisitions françaises. Ils sont encore dans une enveloppe jaune qui porte, de la main de MmeErnest Renan, la précieuse et émouvante suscription que voici : Manuscrit du premier morceau imprimé et publié. (Énigmes historiques.) Légué à mon petit-fils Ernest Psichari. C. R. Ces autographes sans ratures et écrits sur le papier du format habituelà Renan sont probablement des doubles pris par l'auteur au derniermoment. Ils ne comprennent malheureusement pas les deux explications ;et on a vu plus haut que l'explication de la première énigme avaitsubi le même traitement que l'énigme. Il est certain que l'explicationde la seconde énigme a été pareillement défigurée, d'autant plus quequelques phrases de l'autographe de l'énigme se retrouvent dansl'explication. Quant à cette seconde énigme que Renan avait rédigée àla troisième personne, Mlle Ulliac, reprenant maladroitement leprocédé utilisé pour Valentine de Milan, la remet à la premièrepersonne et fait parler Christine de Suède ! Cela sans préjudice desautres transformations. Soit par l'effet d'une juste pudeur, soit parsuite d'un accord avec l'auteur, cette fois, les deux articles furentsignés S. et non E. R. Pas d'autre énigme historique dans la revuependant ce laps de temps. Nous ne publions donc les deux explications qu'à titre tout à faitdocumentaire. Mais du moins avons-nous la satisfaction de donner pourla première fois le texte authentique de la seconde énigme, et, pourla deuxième fois, le texte de la première bizarrement publié, dans le Livre d'or, entre la Composition des comités du monument d'ErnestRenan et la Traduction des lettres de langue étrangère. Enfin, il nous a paru piquant de signaler que le jeune écrivain, en quis'annonçaient déjà les promesses du grand prosateur, subit le sortbanal de presque tous les débutants et vit ses premiers manuscrits — onpourrait dire ici ses pensums — massacrés par la directrice d'uneobscure revue pour jeunes filles du monde. Robert DORÉ. (1) La première énigme et son explication sont signées E. R. ; laseconde et son explication sont signées S. ~*~ PREMIÈRE ÉNIGME Une princesse belle et jeune encore, étendue sur son lit de mort,rassemble autour d'elle les princes ses fils, et leur adresse sesadieux : « Ecoutez, mes fils, la voix de votre mère, puissent ses dernièresparoles demeurer à jamais gravées dans votre cœur ! Que ma vie vous apprenne qu'au-dessus des jouissances de l'ambition etdes joies passagères de la volupté, il est un monde de pures délices,inaccessibles au cœur du méchant. Moi aussi j'aurais pu rêver le bonheur dans cette cour brillante etpolie où se passa mon enfance. Alors les princes à l'envi sedisputaient ma main. Et quand je quittai ma belle patrie pour m'unir au frère d'un roipuissant, le Nord sembla un instant oublier sa barbarie pour sourire àcette belle fleur que lui envoyait le Midi. Mais ne croyez jamais au lendemain des fêtes. A peine étaient achevéescelles qui célébrèrent mon hymen, qu'un deuil profond couvrit mapatrie adoptive. Que dis-je ? ma patrie adoptive ... Ma mèren'était-elle pas du noble sang de ses rois ? Le jeune prince, qui avait inauguré son règne par une victoire, lefinit dans la démence. Heureux si les rares éclairs de sa raison ne luieussent montré les factions déchirant son, royaume, et les passionsdéchaînées pour exterminer son peuple ! Il jouait, l'infortuné ! au milieu des désastres, et ceux qui nel'aimèrent jamais riaient de son malheur. Moi seule, je le consolais,et pleurais avec lui : aussi, il m'aimait, et m'appelait sa sœur. Ah ! trop heureuse encore, si j'eusse possédé le coeur où je n'auraisjamais dû trouver de rivale ! Mais tirons le voile, mes fils, sur detrop justes douleurs. Pour moi, j'en prends à témoin ma conscience etle ciel, je n'aimai jamais que lui seul ! Une femme odieuse était là, soufflant dans tous les coeurs la discordeet la rage. Elle a fait le malheur de ma patrie. Si elle n'eût fait quele mien, je lui eusse pardonné. Je dus me défendre d'une accusation ridicule. Mes vertus et mes grâcesleur semblèrent magie. Ils ignoraient quels sont les charmes d'un coeurpur, d'une âme résignée et inaccessible à l'aigreur. Un crime plus grand encore me fut imputé. J'aurais, disaient-ils, mêléle poison pour l'héritier du trône, et l'exil fut le prix dont monépoux trompé récompensa mon amour. O ciel, pardonne-lui, il l'a trop expié T'avais-je donc demandé lavengeance, et le frapper n'était-ce pas me punir ? Un lâche assassinat m'enleva mon époux,. et vous rendit orphelins. Jedemandai justice et on me la jura. Vaines promesses d'un roi endémence que fit bientôt échouer celle qui, comme un fatal génie,toujours attachée à mes pas, après m'avoir ravi le bonheur, me ravitaussi la vengeance ! Un an s'est à peine écoulé, et moi aussi je meurs. La douleur a flétrima vie ; la divine poésie elle-même, qui autrefois adoucissait meslarmes, n'a plus de charmes pour moi. Tout m'est amer, excepté la mort.Mais vous, mes fils, vivez plus heureux, vivez pour punir lesmeurtriers de votre père. Celui-là sera mon fils, qui saura mieux levenger. » Ils l'écoutaient en silence. Mais l'un d'eux semblait saisir plusavidement ses paroles ; elles pénétraient son cœur, le feu brillaitdans ses regards, et sa main cherchait involontairement son épée.Hélas ! il n'était pas son fils ! « On me l'a volé, dit la princesseexpirante, je devais être sa mère ! » EXPLICATION DE L'ÉNIGME Valentine de Milan, qui a laissé un souvenir si pur dans l'histoired'une époque de calamités et de crimes, était fille de Jean-GaléasVisconti, duc de Milan, et de Jeanne de France, fille du roi Jean leBon. La cour de Galéas, quels que soient les crimes que l'histoirereproche à ce prince, présentait une civilisation bien plus avancée quecelles du Nord, où dominaient encore les moeurs rudes et grossières quifirent de la fin du quatorzième siècle et de la première moitié duquinzième, une époque de sang et d'horreurs. La poésie florissait aubeau soleil du midi, et c'est sous l'influence de Valentine de Milan etde son fils Charles d'Orléans, l'aimable poëte exilé, que la France futinitiée à des plaisirs intellectuels alors nouveaux pour elle. Ses richesses avaient valu à Galéas une haute alliance ; elles luipermirent d'en procurer à sa fille une autre non moins brillante. Elleépousa, en 1389, Louis, duc d'Orléans, frère du roi Charles VI, et elleapporta pour dot la principauté d'Asti. Louis était lui-même, aumilieu d'une cour sombre et travaillée par l'ambition, un premierreflet de cette brillante renaissance que l'on voyait déjà poindre dansle lointain. Son caractère vif, léger, facile, faisait oublier sesfautes chez un peuple qui pardonne tout à l'homme aimable. L'arrivée de Valentine fut célébrée par des fêtes magnifiques ; maisbientôt d'amères douleurs succédèrent à ces joies passagères. Ni sesgrâces, ni l'élévation de ses sentiments ne purent lui assurer le coeurde son époux, et ,enfin elle se vit comme abandonnée au milieu d'unecour où d'abord tout avait paru lui sourire. Les malheurs publics vinrent augmenter pour elle le poids des peines ducœur. Le roi, après -avoir signalé les premières années de son règnepar des succès militaires et surtout par la victoire de Rosebèque,perdit la raison à la suite de l'accident de la forêt du Mans, et laFrance entière se vit plongée dans un abîme de maux. La reine, Isabellede Bavière, abandonna ce pauvre insensé et ne songea plus qu'à sesplaisirs; Valentine, au contraire, resta fidèle à cette immenseinfortune. Les chroniques du temps nous la montrent tout occupée du soind'entourer de tendres prévenances l'infortuné monarque et d'adoucir lesrigueurs d'un isolement d'autant plus cruel que quelques momentslucides permettaient à Charles d'en ressentir l'amertume. Elle seulesavait calmer ses agitations, et quelquefois, dans ses entretiens, ilretrouvait le repos ; aussi la nommait-il sa sœur chérie et laretenait-il par les plus tendres instances, quand, cédant à lamalignité de ses ennemis, elle voulait se retirer de la cour. La calomnie, en effet, ne cessait de poursuivre la duchesse d'Orléans.Les soins même qu'elle donnait au roi devenaient des crimes aux yeux deses ennemis. On prétendait qu'instruite en Italie dans l'art de lamagie, elle exerçait sur lui de malignes influences, afin d'assurerl'autorité de son mari. Ces ridicules accusations étaient accueilliesavec avidité non seulement par un peuple ignorant et à demi barbare,mais encore elles trouvaient créance chez des hommes éminents par leurgénie et par leurs vertus. La seule magie de Valentine était dans lescharmes de son esprit et dans la force d'une âme douée d'une patienceinaltérable. L'inconstance de son époux ne la fit jamais descendre auxpetitesses d'une jalousie vulgaire, et on la vit pousser l'héroïsmejusqu'à travailler de concert avec sa rivale à l'élévation de celui queValentine aimait d'un amour si dévoué. Le soupçon d'un autre crime, d'un crime horrible, vint peser sur lamalheureuse princesse. Un de ses fils étant mort subitement, on accusaValentine d'avoir préparé pour le dauphin un poison qui, par mégarde,avait été donné à son fils. Quelque absurde que fût l'accusation, leduc feignit d'y croire. Par les conseils d'Isabelle, et aussi sansdoute pour n'avoir plus à subir les remords éveillés en lui par lesvertus de sa femme, il exila Valentine à Neufchâtel. Valentine, cependant, reparut dans les orages politiques de cetteépoque ; elle partagea tous les maux de sa patrie adoptive ; mais sadouleur ne connut plus de bornes lorsqu'un coup mortel vint frappercelui dont l'ingratitude n'avait pu éteindre l'amour dans son cœur. Leduc d'Orléans fut assassiné par les émissaires du duc de Bourgogne,Jean-sans-Peur, au moment où il revenait de l'hôtel Saint-Paul, oùhabitait Isabelle, à son hôtel Barbette. La duchesse d'Orléans était alors à Château-Thierry avec ses enfants,dont l'aîné avait à peine quinze ans. Cette terrible nouvelle laplongea dans le plus grand désespoir. Ses serviteurs, craignant denouveaux crimes, firent partir ses enfants pour Blois, qui faisaitpartie de ses domaines. Occupée d'une seule pensée, celle de venger son époux, Valentine serendit à Paris avec son plus jeune fils, sa fille et la fiancée de sonfils aîné. Le 10 décembre 1407, par le plus rude hiver qu'on eût vu depuis biendes années, elle fit son entrée au milieu de ses femmes en deuil. Leroi de Sicile, le duc de Berri, le duc de Bourbon, le comte deClermont, le connétable de France vinrent au devant d'elle. Le char,tendu de drap noir, était traîné par quatre chevaux blancs. Jamaispompe si lugubre, jamais aspect si saisissant d'une profonde douleurn'avaient frappé les regards. Valentine traversa toute la ville,consternée encore de l'assassinat du duc d'Orléans, et descendit àl'hôtel Saint-Paul, où se tenait la cour. Le roi jouissait en ce momentd'un peu de raison. Elle se jeta à ses genoux en versant des torrentsde larmes et demanda justice. Le roi pleurait en l'écoutant. Il la releva, l’embrassa et lui promitvengeance. Deux jours après, elle revint, et elle reçut la mêmepromesse ; le roi l'assura qu'il regardait l'injure comme ayant étéfaite à lui-même. Mais Jean-sans-Peur était le chef d'une factiontoute-puissante ; il trouva d'audacieux apologistes et les promessesfurent oubliées. Valentine, au désespoir, alla rejoindre à Blois ses autres enfants. Lepeuple, toujours aveugle, imputa encore à ses maléfices les désordresqu'à la suite de ces terribles secousses éprouva la raison du roi ;mais persévérant dans son devoir, elle revint à Paris et demanda audauphin l'exécution des promesses qui lui avaient été faites. Ledauphin promit à son tour, et il oublia ! Perdant le dernier espoir qui jusqu'alors avait soutenu son courage,elle revint auprès de ses enfants et s'abandonna à la douleur qui laconsumait lentement. L'histoire a conservé la touchante devise qu'elleavait prise en ces jours de deuil : Rien ne m'est plus, Plus ne m'est rien. Lorsque Valentine sentit approcher sa fin, elle rassembla ses filsautour d'elle et leur fit jurer de venger la mort de leur père. Parmieux était celui qu'on désignait sous le nom de bâtard d'Orléans et quiplus tard se couvrit de gloire sous le nom de Dunois. Devinant déjàdans ce jeune enfant les grandes qualités qui devaient le mettre aunombre des libérateurs de la France, Valentine l'avait adopté, malgréles tristes souvenirs que devait lui rappeler sa naissance. On rapporteque, voyant ses dernières paroles produire sur cette âme jeune etforte plus d'impression que sur ses autres enfants, elle s'écria : « Onme l'a volé, je devais être sa mère ! Valentine mourut de douleur à l'âge de trente-huit ans. La France s'est souvenue de ce qu'elle devait de reconnaissance à cettefemme si noble, si grande, qui vint, au milieu d'un siècle barbare,donner l'exemple des plus hautes vertus, et inspirer le goût de lapoésie ; nos historiens ont immortalisé dans nos annales sondévouement, son courage, et nos poëtes ont chanté Valentine de Milan ;aujourd'hui une statue en marbre blanc, due au ciseau de M. VictorHuguenin, vient de lui être érigée sous les ombrages du jardin duLuxembourg. E. R. DEUXIÈME ÉNIGME Le Nord a vu régner une femme singulière dont le caractère et ladestinée excitent encore plus l'étonnement que l'admiration, bien quecelle-ci ne lui puisse être justement refusée. Fille d'un héros qui parson génie avait porté sa nation au premier sang parmi celles d'Europe,elle fut redevable du trône au culte voué à la mémoire de son père bienplus encore qu'à sa naissance. Trop jeune d'abord pour gouverner, elledut à de sages tuteurs et à un habile ministre dont le nom se place delui-même à côté de celui qui à la même époque faisait triompher enFrance son énergique volonté, l'avantage d'un règne glorieux commencéavant même qu'elle eût pu régner. Son éducation fut à la fois celled'un savant et d'un soldat. A dix-huit ans, elle parlait et écrivait enlatin, en allemand, en français, et lisait Polybe et Thucydide,historiens grecs, dans leur langue originale. Devenue reine de nom etd'effet, elle étonna par sa maturité, sa pénétration et plus encore parce singulier caractère qui seul explique ses défauts et ses grandesqualités. Jalouse avant tout de son indépendance, elle préféra aubonheur de se voir mère de rois celui de rester elle-même sans maître.Accoutumée à préférer l'éclat des choses de l'esprit à celui de lapuissance matérielle, elle semblait mépriser son titre de souverainepour n'être que la reine des savants qui, de toutes les parties del'Europe, affluaient à sa cour et l'enivraient de l'encens de leurspanégyriques. C'est sans doute à ces goûts extraordinaires qui luifaisaient préférer une vie indépendante sous un beau ciel à l'éclatd'une couronne, bien plus qu'au désordre réel qui avait succédé dansson royaume aux prospérités des premières années, qu'il faut attribuerl'étrange démarche par laquelle elle renonça, à l'âge de trente-troisans, à l'une des couronnes les plus brillantes du monde, pour vivredésormais libre et délivrée de la brillante servitude, inséparabled'un trône. Elle dit adieu avec joie à cette terre où elle avait régné,et c'est alors qu'elle commença à parcourir l'Europe sans quitter sontitre de souveraine, sans cesser même d'en exercer les prérogatives. LaBelgique, l'Allemagne, la France, l'Italie la revirent plusieurs fois,et partout elle reçut l'hommage des gens de lettres et des savants, quisemblaient seuls être restés ses sujets. Rome surtout fut son séjour depréférence, et quand plus tard les embarras politiques empêchèrent sonancien royaume de remplir ses engagements envers sa souveraine, ce futd'une pension payée par les pontifes romains que subsista la fille duplus redoutable ennemi du catholicisme dans le Nord.. Destinée à régnerpartout dans l'ordre intellectuel, elle exerça sur la littérature etles arts de l'Italie la plus profonde influence. Son palais devint uneAcadémie et un Musée. Propre à tout,. excepté peut-être à gouverner ungrand empire, elle est restée une énigme pour l'histoire qui frappée deses grandes qualités, voudrait l'admirer, étonnée de ses faiblesses,serait tentée de lui refuser la véritable grandeur, mais ne peut, aumoins méconnaître qu'elle mérita, sinon sa. gloire, du moins sarenommée. EXPLICATION DE L'ÉNIGME Christine, reine de Suède, était fille de ce célèbre Gustave-Adolphe,dont la brillante valeur tint un instant en suspens les destinées del'Europe. Les Suédois auraient désiré voir naître un prince qui pûtcontinuer les exploits de son père ; les astrologues, toujoursflatteurs et alors en grand crédit, avaient annoncé au roi que le vœude la nation serait réalisé. Les astrologues se trompèrent, maisGustave, heureux d'être père, prit sa fille entre ses bras, et laprésentant à ceux qui l'entouraient : « J'espère, dit-il, qu'ellevaudra bien un garçon ; elle sera sans doute fort habile, car elle nousa trompés ! » Dès l'âge le plus tendre, Christine reçut la mâle éducation d'unsoldat. Un jour, elle n'avait encore que deux ans, le commandant deCalmar, voyant qu'elle accompagnait son père, de faire les salvesd'usage dans la crainte de l'effrayer. « Tirez, tirez, dit Gustave ; elle est fille d'un soldat, il fautqu'elle s'accoutume au bruit des armes. » Plus tard, à l'éducation d'un capitaine elle joignit celle d'un savant;dès l'âge de dix-huit ans, elle lisait Polybe et Thucydide dans leurlangue originale, et savait parler et écrire avec la même élégance lelatin, l'allemand et le français. Christine était encore enfant lorsque le héros de la Suède péritenseveli dans son triomphe, sur le champ de bataille de Lutzen (1632). Un conseil de régence, à la tête duquel était le célèbre AxelOxenstiern, le Richelieu de la Suède, gouverna l'Etat pendant saminorité, tandis que la brillante école de guerriers formée sousGustave-Adolphe soutenait encore en Allemagne l'honneur des armessuédoises. A dix-huit ans elle fut déclarée majeure, et trouva, grâceaux soins de ses tuteurs, les affaires dans l'état le plus florissant. On vit paraître dès lors dans sa conduite ce mélange de bizarrerie etde grandeur dont sa vie tout entière porte l'empreinte. Vêtue en homme,tantôt elle faisait de longues courses à pied et à cheval, et bravaitles fatigues de la chasse ; tantôt elle s'enfermait avec les savantsque ses libéralités attiraient à sa cour, et qu'elle étonnait par sonérudition. Plusieurs princes recherchèrent sa main mais Christine préférait saliberté au bonheur de devenir mère, et elle cachait adroitement savolonté bien arrêtée de ne point se donner un maître en disant : « Il peut naître de moi aussi bien un Néron. qu'un Auguste ! » Inébranlable dans sa résolution, elle choisit pour son successeur soncousin, Charles-Gustave, le présenta comme tel aux états de Suède, et,l'année suivante, elle se donna à elle-même solennellement le titre de roi. Cependant l'état des affaires était loin d'être aussi satisfaisant quelorsque Christine avait pris les rênes du gouvernement. Elle s'étaitentourée de savants et de gens de lettres, qui l'enivraient de l'encensde leurs panégyriques et de leurs dédicaces. Les mœurs des érudits dece siècle, leurs discussions incessantes, leurs jalousies devaientnécessairement semer la discorde à la cour de Christine. « C'était, comme l'a dit un spirituel écrivain (M. Sainte-Beuve), un guêpier de savants, qui se jouaient de tout. » Trop souventd'ailleurs les savants devenaient des favoris, dont les mœursantipathiques à celles des Suédois provoquaient dans la nation un vifmécontentement. Telle fut sans doute la première cause qui donna àChristine l'idée d'une abdication. D'ailleurs une vie libre etindépendante sous un beau ciel avait toujours été son rêve favori. LaSuède et ses mœurs sévères, les soucis de la royauté et les soinsminutieux du gouvernement lui étaient devenus insupportables. Le 6 juin 1654, Christine convoqua le sénat à Upsal, et malgré la viverésistance qu'elle éprouva, elle déposa la couronne entre les mains deson cousin Charles-Gustave, en se réservant de vaste domaines,l'indépendance de sa personne et le pouvoir absolu sur toute sa maison. Ici commence pour Christine une nouvelle ère, où se développe en touteliberté l'activité inquiète de son esprit et son goût pourl'extraordinaire. Elle visite successivement toutes, les nations del'Europe, au milieu des applaudissements des savants, dont elle necessa jamais d'être la reine, excitant sur son passage l'admiration dequelques-uns et l'étonnement de tous ? Son abjuration, le meurtre de son grand écuyer, Monaldeschi, tachesanglante et ineffaçable, ses inutiles efforts pour ressaisir unepartie de l'autorité qu'elle avait abandonnée, mais pour laquelle ilest si rare de n'avoir pas quelques regrets, sont les épisodes diversqui remplissent cette nouvelle phase de son existence. L'Italie enfin fixa son choix, et ce fut à Rome qu'elle passa sesdernières années, que vinrent empoisonner de bien tristes retours.Christine sentit amèrement le supplice de l'oubli auquel sont condamnésles souverains sans couronne, soit qu'ils aient renoncé volontairementaux grandeurs, soit que la fortune les en ait dépouillés. La Suèderefusa de lui payer le revenu auquel elle s'était engagée, et ce futd'une pension fournie par les pontifes romains que subsista, dans sesdernières années, la fille du plus redoutable ennemi du catholicismedans le Nord. Christine vit avec courage venir sa dernière heure. Elle mourut le 19avril 1689, et elle fut enterrée dans l'église de Saint-Pierre. Elleavait demandé formellement que son épitaphe se composât seulement deces mots : VIXIT CHRISTINA ANNOS LXIII. (Christine vécut 63 ans.) L'Italie conserva de précieux souvenirs de l'hospitalité qu'elle luiavait accordée. Christine avait fondé l'académie des Arcades etd'autres sociétés dont plusieurs existent encore aujourd'hui, et ellelaissait une riche bibliothèque, de précieuses collections de tableaux,de statues, d'antiques, d'objets rares qui allèrent grossir le trésordu Vatican; plus tard, quelques souverains 'les payèrent à prix d'or ;mais ce qui était plus important encore, Christine laissait des tracesprofondes de l'influence qu'elle avait exercée sur ia littérature, etde l'impulsion qu'elle avait donnée à la pensée. C'est là qu'il fautchercher la véritable grandeur de cet esprit fin et élevé et de cetteintelligence vaste et pénétrante. Christine ne sut être ni femme ni reine, et, souvent étonné de tant defaiblesse dans la fille d'un héros, le vieil Oxenstiern attristés'écriait « C'est pourtant la fille du grand Gustave ! » S. |