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SAINT-ANGE, Louisde : Le secret detriompher des femmes et de les fixer, suivi des signes quiannoncent le penchant à l’amour.-Bruxelles : Jean-Baptiste Moens, 18[72].- 66 p. ; 15 cm.
Saisiedu texte : S.Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (07.VI.2005)
Texte relu par : A. Guézou
Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex
-Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01
Mél : mediatheque@ville-lisieux.fr, [Olivier Bogros]obogros@ville-lisieux.fr
http://www.bmlisieux.com/

Diffusionlibre et gratuite (freeware)
Orthographe et graphieconservées.
La première éditionde cette oeuvre semble être de 1825. Contient des Maximes de LaRochefoucault sur lesFemmes et l'Amour. Texteétabli sur l'exemplaire d'une coll. particulière.
 
LE SECRET
DE
TRIOMPHER DES FEMMES
ET
DE LES FIXER
suivides signes qui annoncent le penchant à l’amour
par
Louis de Saint-Ange
membre de plusieurs sociétéssavantes et littéraires

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AVERTISSEMENT

L’OUVRAGE que j’offre aupublic est loin d’avoir le méritelittéraire de celui de Gentil Bernard, qui semble avoirété dicté par les Grâces ;mais son Artd’aimer est plus agréablequ’utile. Il manque d’ailleurs dans sonpoëme une multitude de préceptes etd’observations importantes, que la poésie nepouvait orner de ses riches couleurs. J’ai penséque le sujet était digne d’être plusapprofondi, et loin de me paraître frivole, je le croisd’une utilité presquegénérale, car les jeunes gens y trouveront lesecret de plaire et de triompher ; les maris, celui depréserver leurs épouses des dangers de laséduction.

Cet ouvrage est divisé en trois parties : lapremière traite de l’art de plaire ; la secondeenseigne le moyen de triompher des femmes, et la troisièmecelui de les fixer.

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PremièrePartie

L’ART DE PLAIRE


PLAIRE, c’est êtreagréable ; c’est charmer et se faire aimer.

L’on est agréable par les avantages du corps et del’esprit ; on charme par les talents ; on se fait aimer parles qualités du coeur.

Des qualités physiques.

Les qualités physiques sont celles qui agissent avec le plusde rapidité, et dont l’effet est le plusinvolontaire.

Une taille élevée, une figurerégulière, de belles formes exercentd’abord un pouvoir presqu’irrésistible ;ce pouvoir vient d’un instinct que la nature a mis dans tousles êtres, qui tend à conserver labeauté de l’espèce. Il entre toujoursdans l’amour un peu d’amour-propre ; la femme estflattée de captiver un homme que ses rivales trouvent beau.Cependant ceux d’une petite taille ont engénéral de la grâce et de lavivacité, ils semblent regagner par le mouvement cequ’ils ont de moins dans l’espace, il y a danstoute leur personne quelque chose qui plaît, qui captive, onoublie facilement qu’un homme est petit lorsqu’ilest bien fait. Un des plus célèbresphysiologistes de ce siècle a dit : « Jamais grandhomme n’a été grand. » Cetteproposition est trop générale, sans doute, maisil faut convenir que beaucoup d’exemples semblentl’appuyer : Alexandre, Mahomet, Pierre le Grand, etc.,étaient d’une petite stature. Les passions ontplus de force dans les petits corps ; elles y fermentent avecrapidité et y règnent plus despotiquement. Lecourage est encore une de leurs qualités : onconnaît ce vieux proverbe ; petit homme, grandcoeur. Ainsi donc ils peuvent plaire, autant que ceux qui sontarmés d’une grande taille.

La beauté résulte des proportions : un hommetrès-gras est aussi désagréableà l’oeil que celui qui est d’unemaigreur extrême. La maigreur même est moinscontraire à l’amour ; Aristote avaitobservé que les tempéraments secsétaient très-ardents. Les athlètes quis’exerçaient dans les jeux Olympiquesétaient bien proportionnés ; ilsn’étaient point chargés de graisse ;aussi chez eux les muscles avaient beaucoup de force et de souplesse :ils ne buvaient point de vin : l’eau est en effet le meilleurtonique. Les buveurs d’eau sont ordinairement les plusamoureux.

Les forces sont le résultat de la modération ;les excès les détruisent et ruinent lasanté : sans la santé il n’y a point debeauté ; on cesse de plaire avec un corps usé etune figure ridée. Celse, célèbremédecin, conseille de ne point se livrer au plaisir del’amour après le repas, ni après lesfatigues de l’esprit ou du corps.L’été est la saison la moins favorableà Vénus ; les forces alors sontépuisées par la transpiration :l’estomac fait moins bien ses fonctions. Un air chaud ethumide est aussi très-contraire ; les vents du nord et del’est sont les plus favorables. Celui qui se livreà des travaux constants du corps ou de l’esprit,doit être très-modéré surles plaisirs de l’amour ; mais la contention del’esprit épuise encore plus que les fatigues ducorps. L’homme de cabinet est engénéral faible et très-sensible ; plusla sensibilité est grande, plus il faut demodération dans tous les plaisirs. On a observéque les hommes de génie étaient peu propresà la propagation : l’amour n’est jamaispour eux une grande affaire.

La jeunesse est le temps de l’amour, les forces sont alorsdans toute leur intensité ; la grâce, lafraîcheur, la beauté des formes, cet air detimidité qui résulte de l’ignorance dumonde ; la beauté d’une âme quin’a pas encore été trompée,se peint sur tous les traits et particulièrement dans lesyeux. Dans cet âge on n’a pas besoind’art pour plaire ; il suffit de le vouloir, et souventmême l’on fait naître des passions quel’on ignore. Je n’ai qu’un conseilà donner à ceux qui possèdent encorecette fleur de jeunesse, c’est de ne pas être troptimides. Ninon de Lenclos dit que la timidité des hommessauve plus de femmes que la vertu. A mesure qu’on avance enâge, l’art doit effacer les outrages du temps ; lescharmes de la conversation, enfin l’emploi despréceptes contenus dans ce livre, peuvent encore rendrel’homme agréable, et le faire aimer mêmedans un âge avancé.

On est souvent incertain sur le choix des qualitésqu’offrent les bruns et les blonds. Les premiers sont plusnerveux, plus forts, plus constants : ils ont aussi plusd’expression et de vivacité dans toute leurpersonne. Ils sont quelquefois sombres et mélancoliques ;mais leur imagination est ardente ; ils brûlentd’amour sans en avoir encore donné aucune marqueapparente. Passionnés àl’excès, ils sont portés àla jalousie et à la vengeance : l’amour est chezeux un feu dévorant qui les consume. Ils sont capables detout entreprendre pour triompher ; les dangers, les rigueursd’une belle ne font souvent qu’augmenter leursdésirs ; lorsqu’ils sont aimés ils sontmaîtres. Les blonds ont des formes plus gracieuses, la peauplus blanche ; leur figure a de la douceur, elle est colorée; ils sont ordinairement grands ; ils ont l’esprit du monde,et parlent facilement ; cependant leur conversation est plusvariée que profonde ; ils aiment à parler deleurs aventures amoureuses, et plaisent par leurs grâces ;les bruns triomphent par la persévérance. Les unset les autres ont des avantages presque égaux ; car lanature qui a répandu tant de variétédans la forme des êtres, en a mis aussi beaucoup dans lesgoûts. On a même observé que lemélange des tempéraments étaitfavorable à la propagation.

La bouche est le trône de l’amour ; elle communiquedirectement au coeur ; un baiser cueilli sur deslèvres de rose, est le gage assuré d’unbonheur prochain. C’est donc un bien grand avantage que celuid’une bouche fraîche qui semble appeler des baisers: les dents en sont le plus bel ornement ; aussi quel soin ne doit-onpas en avoir ! Ceux qui les négligent s’exposentà plusieurs incommodités réelles,telles que l’altération des gencives, la cariedentaire, la fétidité de l’haleine, desdouleurs insupportables, etc. On ne doit point casser de corps durs.L’usage de la pipe use les dents ; la fumée dutabac les ternit ; les aliments très-froids outrès-chauds sont également contraires.L’eau froide avec laquelle on a l’habitude de selaver la tête, les répercussifs qu’onemploie pour faire disparaître les taches du visage, et laplupart des pommades dont on teint les cheveux ne sont pasétrangers aux maladies des dents. On doit les brosserjournellement, et se gargariser avec de l’eaufraîche pour empêcher que le tartre n’yadhère. Si les gencives étaient molles,tuméfiées, saignantes, il faudrait unir cette eauà la teinture alcoolique de gaïac, àl’eau de Cologne, ou à toute autre liqueurspiritueuse. Les brosses doivent être douces ; celles du poilde sanglier seraient trop dures et blesseraient les gencives.Lorsqu’on a négligé de brosser lesdents et qu’une couche de tartre les recouvre, il vaut mieuxemployer la main d’un dentiste pour enlever exactement cettecouche, que d’avoir recours à des substances quidissolvent, il est vrai, le tartre, mais qui altèrentl’émail et le corps même de la dent. Lesacides en général détruisentl’émail qui fait la beauté des dents ;mais l’ablation de l’émailn’entraîne pas la carie ; sans cela les dentistesne pourraient se servir de la lime. Une dent qui aété cassée par un corps dur quelconquepeut se conserver, si la fracture n’a pasdécouvert la cavité dentaire. Le charbon enpoudre uni au quinquina est le meilleur moyen pour blanchir les dentset fortifier les gencives.

Des qualités morales.

L’âme est véritablementl’homme ; le physique n’a de charme que par elle ;elle embellit tous les traits en leur donnant de l’expression; elle anime et fait parler les yeux ; elle séduit endonnant au langage la vie et la couleur ; elle exerce mêmesur les autres êtres un pouvoir inexplicable, mais qui nepeut être contesté. Oui, je lerépète, l’âme est tout ; sanselle il n’y a ni éloquence, ni talents, nivéritable beauté ; elle se peint dans tous lestraits ; avec une âme sensible on est beau, avec uneâme indifférente la figure la plusrégulière ne fait naître que despassions éphémères. Les charmes quiviennent de l’esprit sont toujours variés ; ceuxdu physique sont constamment les mêmes et inspirentbientôt le dégoût.

Gardez-vous bien de paraître jaloux ; c’est ledéfaut que les femmes ont le plus en horreur. Il est raremême qu’un amant, ou un mari jaloux soit longtempsaimé. Cette passion blesse la femme,qui veut qu’onait en elle beaucoup de confiance. Voltaire dit dans satragédie de Zaïre:

Quiconque est soupçonneux invite à le trahir.

Il est rare cependant d’aimer sans être jaloux ;car on craint naturellement de perdre le trésor quel’on possède. La confiance ne saurait effacer cesentiment dans un coeur bien mépris. Aussi le bonLa Fontaine dit :

Point froid et point jaloux, notez ces deux points-ci.

Il faut, autant qu’il est en nous, cacher ce sentiment ; ildoit seulement augmenter notre prudence en nous faisantéviter les occasions qui pourraient exposer celle dont nousvoulons conserver la tendresse.

La douceur est une des qualités les plus aimables ; labrusquerie, la rudesse, les emportements font fuir les grâceset la beauté. Ne sortez donc jamais des bornes de lamodération, dans lesquelles se renferme toujours un hommebien né. Ayez assez de force pour supporter lesdisgrâces, les petites contrariétés, etmême les rigueurs d’une belle ; la patience estpresque une vertu ; elle nous fait souvent triompher des plus grandsobstacles, et contribue beaucoup à nous faire aimer endécouvrant notre caractère, Soyezdélicat et poli dans toutes les occasions ;n’exigez jamais rien, faites-vous accorder ce que vousdésirez, par votre amabilité et votre constance.Ne vous piquez point de contrarier personne ; développez vosidées avec modestie, et ne tenez point à lagloire de paraître avoir toujours raison ; il est plushonorable de céder, que de montrer une orgueilleuseobstination.

Rien n’est plus opposé à la confianceque l’on veut inspirer que le mensonge ; il peut nous nuirebeaucoup dans l’esprit des personnes que nousfréquentons, encore plus dans le coeur de celle quenous voulons captiver. La franchise au contraire a quelque chose deséduisant, quand elle n’est pointaccompagnée de brusquerie et d’emportements ; caron décore souvent de ce nom l’impertinence et lagrossièreté.

Il est un vice qui endurcit le coeur et rend l’hommepresque odieux à ses semblables, c’estl’avarice. Ce défaut est d’autant pluschoquant qu’on le remarque dans un homme jeune encore. Leseul bien que fasse l’avare, c’est de mourir, ditun célèbre philosophe. La prodigalitéqui est un excès opposé, rend aimable, sansdoute, mais elle précipite dans l’infortune, etfinit souvent par avilir ; parce que celui qui a ce penchant neconsulte pas toujours ses ressources pour le satisfaire, il estentraîné comme malgré lui àsa ruine.

Ne négligez point la danse : paraissez l’aimerautant que celle qui vous a charmé. Il faut en tout seconformer à ses goûts ; vous aurez pour elle unepréférence, qui cependant ne sera pointaffectée. Vous profiterez des heureux moments quel’amour vous offrira, pour exprimer votre tendresse. Lachaleur que fait naître un festin est encoreaugmentée par la danse et la musique : alors on peut osertout ce que permettent les circonstances. Ayez toujours les attentionsles plus délicates pour les dames engénéral, et particulièrement pourcelle que vous aimez. Distinguez-vous par le ton, ladémarche, le langage et les manières. Saisissezadroitement l’occasion de faire un compliment ; aucune femmen’y est insensible. Présentez la main àcelle qui vous captive ; tâchez de vous placerauprès d’elle à table, et prodiguez-luiles soins les plus assidus ; servez-la vous-même, choisissezles mets qui peuvent être de son goût : partagez,s’il est possible, avec elle, un fruit que vous aurezremarqué être digne de lui être offert.Aimez ce qu’elle aime, approuvez ce qu’elleapprouve, soyez en tout de son avis.

La raillerie est toujours dangereuse, il faut y renoncer ; il estd’ailleurs très difficile de railler avec esprit.

Si vous possédez quelques talents agréables, nevous pressez pas de les faire connaître, attendez que lescirconstances se présentent ; mais aussi n’allezpas vous donner plus d’importance, en vous faisant beaucoupprier. Il ne faut être ni avare, ni prodigue de ses talents.

Le jeu est souvent une épreuve pour lescaractères : il est difficile de cacher sa mauvaise humeurlorsqu’on perd ; il y a des personnes qui dans ces occasionss’emportent ; d’autress’éloignent et semblent maudire à lafois leur mauvaise fortune et ceux qui en ont profité.D’autres, sans craindre d’humilier leur adversaire,chantent eux-mêmes leur victoire. C’est ici quel’éducation doit montrer son empire, en nousrendant plus justes et plus modérés. Iln’est rien de si impoli et de si maladroit que de se plaindre; paraissez n’être ni affligé de votreperte, ni réjoui de votre bonheur.

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Deuxième Partie

L’ART DE TRIOMPHER


LE but de l’art de plaire est detriompher de labeauté ; pour atteindre ce but sidésiré, il est d’abord importantd’étudier le caractère, lesgoûts et les habitudes de celle qui a fixé votrechoix.

La connaissance des différents caractères, endonnant une idée des qualités qui distinguent lafemme, fera découvrir le secret d’en triompher.

Il y a des préceptes qui conviennent au sexe engénéral, il en est qui ne sont applicablesqu’à certaines personnes. On ne pourrait, parexemple, sans être certain d’échouer,employer les mêmes moyens àl’égard de celles qui sont vives, et de celles quisont mélancoliques.

On remarque dans presque toutes les femmes de lasensibilité, de la finesse, de la présenced’esprit, de l’adresse, de l’article, dela coquetterie, de la vanité, des caprices et de lalégèreté. Elles sont faibles, timideset rusées ; l’homme doit être fort,audacieux et entreprenant.

LACOQUETTE

La coquette met toute sa gloire à faire desconquêtes ; plaire est son unique plaisir, elle ne partagepoint l’amour qu’elle veut inspirer, elle cherchedes esclaves, et non des amants. La toilette est ce quil’occupe le plus ; elle recherche le monde pour s’yfaire admirer. Son coeur n’a aucune partà ses actions, ni à ses discours ;c’est la bouche seule qui parle chez elle ; tout ce quifrappe ses sens ne peut parvenir à la toucher. Celui qui aconçu de l’amour pour une personne de cecaractère, est véritablement àplaindre ; non seulement il ne peut réussir às’en faire aimer, mais encore il éprouve chaquejour de nouveaux tourments causés par sonindifférence, ses caprices et salégèreté. Une femme coquette jouit deschagrins qu’elle cause à son amant, elle seglorifie des démarches et des sacrifices qu’ilfait pour elle. S’il s’éloigne, ellefait quelques efforts pour le ramener ; si elles’aperçoit qu’il est trèsépris, elle excite sa jalousie.

Pour triompher des rigueurs d’une coquette il faut flatter savanité par le luxe et la toilette. Les présentsont beaucoup de pouvoir sur elle, surtout lorsqu’ils peuventajouter un charme de plus à sa beauté. On doitemployer l’artifice, et ne point trop se presser dedécouvrir des sentiments tendres, car elle s’enamuserait. Comme elle a beaucoup d’amour-propre, il faut luicacher tout ce qui pourrait la blesser. Elle n’est pointdiscrète et confie ordinairement à ses compagnesles aveux de ses amants pour s’en faire untrophée. Il est donc prudent de ne pas lui écrire; et d’être très circonspect.C’est surtout avec une personne de ce caractèrequ’il faut être audacieux ; elle ne cèdeordinairement qu’à la violence. L’amantqui veut mettre fin aux tourments causés par ses caprices etsa légèreté, doit profiter des momentsfavorables. S’il avait le malheur de s’attacher, ilne pourrait, qu’en fuyant, éviter son funestesort. Mais la coquetterie est le contre-poison de l’amour,dit La Bruyère ; en effet, on se lasse bientôt descaprices d’une belle surtout quand on en atriomphé. Quelque artifice qu’elle emploie pour leretenir, le souvenir des chagrins que lui a causés salégèreté, le détourne peuà peu de celle qui l’avait d’abordenflammé.

LACAPRICIEUSE

Vive et légère, on voit la capricieuse passer,avec une étonnante rapidité, d’uneidée, d’un sentiment à un autre.Inconstante par le coeur et par l’esprit, elle nes’attache à rien ; et ce qui naguèreexcitait ses transports n’a bientôt plus aucunagrément à ses yeux. Elle cherche même,avec surprise et indifférence, par quel charme secret elleavait pu être séduite.

Ce caractère bizarre n’exclut pas pourtant lasensibilité ; la capricieuse est capable d’aimer,même avec excès ; mais sitôtqu’un autre lui paraît plus aimable, elleéprouve le plaisir de lui plaire.

La légèreté, l’inconstance,qu’on remarque dans une personne, s’attacheordinairement à tous les objets. On dit que les femmes quisont belles, ont seulement le droit d’êtrecapricieuses ; mais il en est beaucoup qui n’ont que descaprices. Quoi qu’il en soit, ce défaut est loinde rendre une personne plus aimable ; il est seul capable de faire fuirun amant qui conserve encore quelque raison ; obligé defaire sans cesse de nouveaux efforts pour retenir un coeurtoujours prêt à s’envoler, ilreconnaît bientôt son erreur, ets’éloigne d’une femme qui seprésente toujours à lui sous un aspectdifférent. Tantôt elle le reçoit avecun plaisir extrême, et lui fait espérer le bonheur; tantôt elle daigne à peine le regarder, et cettemain qui hier se laissait couvrir de baisers le repousseaujourd’hui avec indifférence.

On peut réussir auprès des personnes de cecaractère ; mais il est impossible de les fixer, quels quesoient d’ailleurs les avantages dont on est doué.L’amant profitera de la première occasion quel’amour lui présentera. Il ne sera pointarrêté par les vains efforts d’uncourage qui ne combat que pour être vaincu.

L’EXALTÉE

L’exaltée est celle qui porte àl’excès tous ses sentiments. Douéed’une imagination vive, elle éprouve de fortesimpressions, elle en est presque blessée. Elle a aussi del’exagération dans ses idées, elle lesdéfend avec obstination. Passionnée pour tout cequi plaît, l’amour comme la haine peuventégalement la conduire au crime.

C’est dans ce caractère que fermentent lajalousie, la colère et la vengeance ; mais les grandesvertus, le courage, le dévouement et mêmel’héroïsme, sont le partage des femmesexaltées. Les climats chauds sont ceux qui offrent le plusfréquemment ce caractère, très raredans les contrées du Nord. On sait que les Espagnoles, parexemple, ont souvent pris part aux combats ; que d’autres ontporté des couronnes de lauriers à leurs amants,même au milieu du carnage.

La haine dans une femme exaltée, est aussi redoutable queson amour est violent. Ce qui lui plaît le plus,c’est la constance et la gloire.

Des signes auxquels un amantreconnaîtra s’il est aimé.

L’amour vrai, dans une femme, se découvre par dessignes certains.

La beauté, qui est éprise par les sentimentstendres, éprouve à la vue de celui qui les ainspirés un trouble plus ou moins grand, qui se faitremarquer dans toute sa personne. Elle est embarrassée,agitée, quelquefois tremblante ; elle craint de se trouverseule avec lui et voudrait le voir sans être vue. Si sonregard rencontre les yeux de l’objet qu’elle aime,elle rougit et baisse les siens. S’il lui parle, etqu’elle soit obligée de lui répondre,ses idées n’ont plus de suite, elle ne trouvequ’en fuyant le moyen de sortir de son embarras. Quelquefoiselle va chercher dans les bras de ses parents, ou de ses compagnes, unsoulagement au sentiment qu’elle éprouve, elle lesembrasse avec transport, leur prodigue mille caresses dignesd’être enviées.

Dès qu’elle aperçoit celui qui atouché son coeur, sa figure s’anime, secolore, ses yeux ont une expression tendre, quelquefois vive,quelquefois mélancolique. Le nom de celui qu’elleaime la fait rougir ; le son de sa voix l’émeut etl’agite. Quand on parle de lui, un troubles’élève dans son coeur : si onloue ses heureuses qualités, ses talents, son esprit, lajoie éclate malgré elle sur son visage. Ellecherche à le voir, et quand elle est près de lui,elle ne peut parler. Le moindre attouchement la fait tressaillir. Elledevient quelquefois triste et mélancolique ; elle fuit lemonde et semble craindre qu’on ne lise dans ses regards lesecret de son amour.

Il arrive aussi quelquefois que tout excite sa joie, surtoutlorsqu’elle a vu les yeux de son amant se fixer sur elle.

Elle retient les moindres paroles de celui qu’elle aime, ellen’est plus heureuse qu’en y pensant. Si elle nepeut se confier à une âme, elle en parle avecelle-même. Elle se dit : Il était là,cette place était la sienne ; c’est dans ce momentqu’il a porté sur moi un regard si tendre ! Que nepuis-je lui exprimer combien je l’aime ? Ah ! je crainsqu’il ne l’ait vu dans mes yeux. Que le son de savoix est agréable ! Que son esprit a de pouvoir sur moncoeur ! Je tremble qu’une autre le trouve aimable!... Où est-il en ce moment ? Pense-t-il seulementà moi ? Il est au milieu des plaisirs bruyants, et moi jepleure loin de lui ! Quand le reverrai-je ?... Je ne puis dormir : lanuit son image est constamment présente à mapensée ;…. que je suis malheureuse !....

Si dans cet état la personne qui est éprised’un amour véritable, continue à voircelui qu’elle aime, son amour devient si grandqu’elle ne peut le vaincre sans altérer sasanté.

Je distingue l’amour de la passion. Une femme peut avoir desdésirs, un caprice passager, sans être amoureuse ;car la galanterie n’est point de l’amour. On neremarquera donc chez celle-ci que bien faiblement les signes quej’ai décrits ; car son esprit est libre, ainsi queson coeur. Ses yeux cependant seront quelquefois brillants ;ils se fixeront sans crainte sur la personne qui lui plaît ;elle s’exprimera avec facilité, et mêmene rougira pas de dire ce qu’elle éprouve, ou dumoins de le faire comprendre.

L’ensemble des signes que j‘aiprésenté ne se trouve que rarementréuni dans la même personne ; mais on enremarquera toujours quelques-uns qui feront connaîtrefacilement si le coeur d’une belle estanimé d’un tendre sentiment.

L’AVEU

L’amant qui aura la certitude d’êtreaimé, saisira un moment favorable pour fairel’aveu de son amour. Cet aveu sera exprimé entermes simples et respectueux.

Le trouble que doit faire naître dans une personne ce premiertrait de l’amour, offre l’occasion de lui ravir unbaiser, qui est pour les amants le plus doux et le plus tendre.

Quel charme n’éprouve-t-on pas dans cette heureuxinstant, où deux coeur vivement épris selivrent en tremblant à leurs sentiments ? Une flammeinconnue brille dans leurs yeux, l’amant dans ledélire exprime ainsi son amour : O vous, quej’aimais dès l’instant quej’eus le bonheur de vous voir, belle Junie, puis-jeespérer que vous ne serez point insensible àl’amour que vos attraits et votre esprit m’ontinspiré ? J’ai langui loin de vous, et quand jem’approchais, je ne pouvais m’exprimer.J’ignore même dans ce moment si je me faisentendre, car votre présence trouble mes idées etme rend peut-être indiscret outéméraire. Quel que soit, ô Junie, lesort que vous me destinez, je ne pourrai jamais cesser de vous aimer ;j’obéirai aux ordres que vous me donnerez, ets’il faut m’éloigner, ne plus nous voir,je saurai souffrir mon malheur sans me plaindre. Mais si votrecoeur, plus tendre, compatit à ma douleur, jamaisamant ne fut plus discret et plus fidèle que celui que vousvoyez à vos pieds.

Après un tel aveu il est rare qu’une personne nesoit émue ; elle porte ses tendres regards sur celui quil’a charmée, et lui répond en tremblant: - Oui je vous aime ; mais l’amour, qui seul peut fairevotre bonheur, remplit mon âme de crainte ; jen’ose me livrer à un sentiment qui,peut-être, ferait mon malheur. Soyons amis, j’yconsens : mais oubliez jamais le respect que vous devez àcelle qui veut bien vous accorder son amitié. - AimableJunie, vous comblez mon espoir. Pourquoi donc craindrel’amour ? Tout ici bas est soumis à son empire. Nevous abandonnez point à la crainte qui vous agite, quandcelui qui vous adore est animé des sentiments les plus purs.Voulez-vous passer dans l’indifférence desannées consacrées au bonheur ? Hélas !nos jours s’écoulent comme un songe ! jetons dumoins quelques fleurs sur le chemin de la vie, et craignons de neconserver pour la vieillesse que des regrets.

O Junie, cessez, par vos rigueurs, de causer le désespoird’un coeur qui est tout à vous !

   Profitez des beaux ans : la vieillessetremblante
    Vous apporte à pas sourds salangueur chancelante.
    Bientôt viendra le tempsoù le goût émoussé
    Ferme à tous les plaisirs uncoeur déjà glacé.
    Tous change autour de vous, admirercette rose
    Qu’embellit le printemps,qu’un pur cristal arrose ;
    Sa modeste pudeur n’oses’épanouir.
    On lui sait des beautés, sanspouvoir en jouir.
    Zéphir s’efforce envain d‘ouvrir son sein rebelle,
    Moins ses attraits sont vus, plus on latrouve belle.
    Les bergers vont chanter son triompheéclatant,
    Il n’est plus, sabeauté n’a duré qu’un instant;
    Elle veut plaire en vain, etdéjà moins craintive,
    Elle prodigue aux yeux sagrâce fugitive :
    Elle tombe, elle sèche, on nes’en souvient plus.
    Ainsi passent nos jours ; nos regretssuperflus
    Ne peuvent rappeler des momentsfavorables,
    On ne peut réparer des joursirréparables.
    Les mortels et les fleurs ont unmême destin :…
    Veillons, cueillons d’abord larose en son matin.
    Aimer, se faire aimer est notre uniqueaffaire :
    Le bonheur y dépend du choixque l’on sait faire.


- Ne me parlez plus, dit Junie, la rougeur sur le front ; ne me parlezplus d’un amour qu’il faut avoir le courage devaincre ; n’attendons pas pour le combattre qu’ilait fait des progrès dans nos coeurs.Peut-être en cessant de nous voir, vous en perdrez, ainsi quemoi, le souvenir. - Moi, vous oublier ? Ah ! je sens que cet effort estau-dessus de moi. Que dis-je ? Je ne chercherai point à enavoir la force. Non Junie, vous pouvez me défendre de vousvoir, mais non pas de vous aimer. - Eh ! bien, nous nous verrons, maisvous m’aimerez comme une soeur… - Je vouschérirai plus que moi-même ! je ne serai heureuxque lorsque vous m’aurez permis de vous aimer. - Il faut doncvouloir tout ce que vous voulez ? aimez-moi, mais ne cessez jamais derespecter celle dont vous possédez le coeur.

Si ce premier aveu n’obtenait pas le succèsqu’un amant, vivement épris, doitespérer, il ne se découragerait point, etredoublerait encore d’ardeur, parce qu’il peut toutattendre de la persévérance. Il emploiera sonintelligence pour se lier avec les parents ou les amis de celle dont ilveut triompher, et se procurera, par ce moyen,l’entrée de la maison. Il tâchera de sefaire aimer de tout le monde, surtout des personnes qui ont le plusd’influence et d’autorité. Il auraégalement pour lui les domestiques dont il payeragénéreusement les services, car il est difficilede réussir sans leur secours.

Lorsqu’un amant est parvenu par son adresse àobtenir l’avantage de visiter quelquefois la personne quil’a charmé, il doit profiter des entrevuesqu’il a avec elle pour achever son ouvrage.

N’allez donc point surprendre une belle dans sonnégligé ; attendez que la toilette ait encoreajouté à ses attraits. Sachez l’heurequi lui convient le mieux. Dans les entrevues que vous aurez avec elle,allez toujours au but, et prévenez par lavariété l’ennui qui pourraità jamais dissiper votre espérance. On ne sauraitparler constamment de son amour ; la lecture d’un ouvrageagréable, la musique peut donner autête-à-tête un charme de plus. Mais ondoit quitter celle qu’on aime, dès que laconversation devient moins animée.

LETRIOMPHE

Après avoir dissipé toutes les craintesd’une belle, on doit arriver à grands pasà son but. L’amant fera le tableau du bonheurqu’éprouvent deux coeurs tendrementépris. Cette peinture sera des plus séduisantes ;il exprimera le charme qu’ils ont à se voir,à se parler. Leurs baisers, leurs transports, leurs doucesétreintes, sont la félicité la plusgrande que les mortels puissent connaître…

   L’amour est le seul bien quenous ait fait le ciel ;
    Ce charme est répandu surtoute la nature ;
    Cette douce union, dont la force est sipure,
        Egale aumoins le bonheur immortel.
    Oui, l’amour suit vos pas, ilvous parle sans cesse,
    Il anime vos yeux, c’est pournous qu’il vous blesse,
        Et vousseriez ingrate à ses bienfaits !
    Dites-moi, sans ce dieu que seraient vosattraits :
    Haïrez-vous celui par qui vousêtes belle ?
    Junie, à sesdécrets, cessez d’être rebelle,
        Songezqu’ici tout est fait pour l’amour !
    C’est le dieu de moncoeur et du vôtre, Junie,
    En vain vous affectezd’être son ennemie,
        Vous luirendrez hommage quelque jour.
        Enn’aimant point croyez-vous être heureuse ?
    Vous ne connaissez pas le plus parfaitbonheur ;
    Un tendre sentiment, une flammeamoureuse,
        Peuventseuls remplir votre coeur.
    Pour moi, loin d’imiter votrerigueur extrême,
    Je date mon bonheur du momentoù j’aimai :
        Lafroideur est votre système,
        Moij’aime mieux le malheur même
       D’aimer sans espoir d’êtreaimé.


Si ce moyen n’obtenait point de succès,l’amant ferait bien de s’éloignerquelque temps. Il engagerait une personne à parler pour lui; elle peindrait l’excès de ses tourments, de sondésespoir et même le danger de sa situation. Cettepersonne ne paraîtra point envoyée de sa part.Quand on peut écrire, c’est une occasion favorablequ’il faut saisir. Les chagrins que cause à unamant un sentiment tendre touchent vivement une belle ; il est raremême qu’elle ne cède pas à laconstance de celui qui souffre de son amour. La personne que vous aimeza-t-elle répondu à votre lettre, vous pouvezcroire au bonheur. Revenez alors plus amoureux prèsd’elle ; exprimez-lui combien vous avez souffert de sesrigueurs ; que la pureté de vos sentiments neméritait point, de sa part, une si grandeindifférence. - Puis-je espérer enfin, belleJunie, que vous serez plus sensible à mes tourments ?Faut-il que je renonce à jamais àl’espoir d’être aimé de vous ?Si vous saviez tout ce que je souffre, vous ne pourriez êtreinsensible à mon malheur. J’ai voulum’éloigner, j’ai voulu vaincre un amourqui n’était point partagé ; mais jen’ai pu vous oublier ; si vous n’aviez eu quelquepitié de mon sort, j’aurais succombéà ma douleur. Mais votre lettre a porté un calmedans mes sens qui m’a rendu la santé ; cette nuitj’ai goûté les douceurs du sommeil, maisj’ai été encore occupé devous, car votre image est toujours présente à mapensée.

~*~

Troisième Partie

L’ART DE FIXER

L’ART de fixer est la partie laplus difficile de cetouvrage, parce que l’inconstance est naturelle àla femme. Son extrême sensibilité la rendaccessible aux plus légères impressions ;l’unique plaisir de son coeur est d’aimer; l’amour l’occupe toute la vie. Elleéprouve aussi un autre besoin qui la fait tomber,elle-même, dans les pièges qu’elle tend: c’est le désir de plaire.

Mais tout change ici bas ; des tableaux toujours nouveauxs’offrent à nos regards surpris. La succession dessaisons, la reproduction des êtres, les variations del’atmosphère modifient continuellement notreâme et nous font chercher le bonheur dansl’inconstance. Essayons cependant de présenter lesmoyens les plus avantageux pour conserver le coeur de lapersonne que nous aimons. Pour atteindre ce but, je seraiforcé d’offrir des détailspeut-être minutieux ; mais leur utilité me fait undevoir de ne pas les négliger. Je traiterai : 1° desqualités de la personne qu’on veut fixer ;2° des dangers qu’il faut éviter ;3° des moyens de la captiver.

Des qualités de lapersonne qu’on veut fixer.

Si la connaissance du caractère est importante pourtriompher d’une femme, elle est indispensable pour la fixer.C’est pour avoir dédaigné cetteétude que beaucoup d’époux etd’amants sont désunis. L’un humilieconstamment une personne qui a beaucoup d’amour-propre, ils’oppose avec obstination à ses désirs: elle voudrait voir le monde, il l’enferme ; la lecture ladistrait, il brûle ses livres ; elle aime la danse, il ladéfend. Celui-ci possède une femme vive et gaie,il veut qu’elle soit sérieuse etréfléchie ; un autre oblige celle qui cherche laretraite à s’ennuyer dans une assembléetumultueuse. On en voit aussi qui exigent que leur épouseapprouve leurs goûts bizarres ; ils prétendent lasoumettre aux privations que leur impose le médecin ; etlorsqu’ils sont à la diète, il fautsuivre le même régime.

Celui qui veut fixer une femme ne s’opposera point avecopiniâtreté à ses désirs ;il ne sera arrêté que par la raison et laprudence. Il doit être égalementéloigné d’une grande complaisance etd’une excessive sévérité.S’il voulait détourner la personne qu’ilaime de quelque penchant contraire à son bonheur, il feraitusage de la modération et de la patience. L’hommea la force en partage, mais il ne doit s’en servir que pourvouloir ce qui est juste et raisonnable.

Parmi les qualités qui distinguent la femme, on remarquesurtout la sensibilité. Cette faculté lui faitapprécier une multitude de nuances qui nouséchappent ; aussi connaît-elle mieux que noustoutes les passions tendres. La sensibilité peut avoircependant des inconvénients pour un époux,lorsqu’elle n’est point accompagnée del’amour de la vertu.

Sophie était douée d’une grandesensibilité, elle avait un coeur aimant ; maiscette sensibilité s’attachait à tousles objets, et ne pouvait se fixer à aucun. Elle avaittoujours besoin de nouvelles impressions, pour satisfaire le besoinqu’elle éprouvait d’aimer. Sophievoulait être adorée de tous les hommes etcherchait à les charmer par ses grâces et sonesprit. L’amour d’un époux ne peutsuffire au coeur d’une personne si tendre, elledevint inconstante peu de temps après son mariage : mais sonamant ne fut pas plus heureux que son époux.

La dureté du coeur,l’égoïsme, la coquetterie, la jalousie,sont également nuisible au bonheur des époux.Mais la femme a l’art de cacher ses défautsà celui dont elle veut se faire aimer ; elle seprésente toujours sous les dehors les plus avantageux : latoilette, l’esprit la gaieté, les tendres regards,la bonté, la naïveté apparente, tout estmis en jeu pour le captiver. Qu’Irène a debeauté ! Un rien la fait rougir ! Quelle douceur ! quelleaimable simplicité ! que le son de sa voix est bien celui del’innocence ! On ne pourrait la voir sans l’aimer.Aussi Cléon est pour elle plein d’estime etd’amour ; il brûle de s’unir avecIrène. L’hymen comble enfin ses désirs.Quel changement il remarque déjà dans lecoeur, dans toute la personne de celle qu’iladmirait ! Ce n’est plus ce désir constant de luiplaire ; ce n’est plus cette voix si douce et si touchante ;tout son bonheur s’est évanoui, il ne trouve plusen elle que des caprices, des emportements, de la fierté etdes tourments continuels.

La beauté dans une femme est souvent nuisible au bonheurd’un époux, lorsque cet avantage n’estpoint uni à une grande vertu ou à une grandeindifférence. Une jolie personne a de nombreux adorateursqui finissent ordinairement par troubler son repos. Il est raremême qu’une femme qui a de la beauté nesuccombe pas.

       Moi je lecrois, quand on a des attraits,
        De tousles coeurs quand on est adorée,
    De cet encens qui brûle et nes’éteint jamais
    Pourrait-on quelquefoisn’être pas enivrée ?
        Tout laconduit vers le piège trompeur :
        Et lemiroir qui répète ses charmes,
    Et les tendres soupirs etl’hommage flatteur
        De milleamants qui lui rendent les armes.


La beauté n’est donc point une qualitéqu’il faille rechercher. Il en est une bien plusprécieuse au bonheur, c’est la santé ;sans elle on n’a que des dégoûts : lescharmes même ne peuvent exister sans la santé.

Comment éprouver quelque agrément àvivre avec une personne qui se nourrit, pour ainsi dire, demédicaments ; qui, se levant lorsque le soleil se couche,n’a de force que pour s’asseoir et se reposer ?Arsène est mariée depuis un mois seulement ;déjà la fraîcheur de son teint estflétrie. Languissante, il faut la traîner pour lafaire marcher ; elle se plaint continuellement de sa tête, deses nerfs. Des vapeurs troublent souvent sa raison et lui font voir lesobjets qui l’entourent sous un faux jour. La seule occupationqui puisse lui plaire est la lecture des romans ; elles’enivre de chimères et d’erreurs ; ellene voit plus son époux que comme un êtrequ’il faut supporter. Le spectacle n’a plusd’agrément pour Arsène ;l’ennui l’accompagne partout.

La fortune est-elle indispensable au bonheur des époux ? Lestrésors les plus considérables ne peuvent, sansles qualités du coeur, assurer lafélicité. Si l’adultère estsi fréquent de nos jours, ne doit-on pasl’attribuer aux préférencesqu’on accorde à la fortune ? C’estsouvent l’orgueil des parents qui sacrifie une jeune personneen l’unissant à un vieillard fortuné.Quelquefois aussi une femme ne consulte, dans son engagement, que savanité ; et l’espoir de couvrir ses appasd’un riche cachemire, de rehausser sa beauté del’éclat des diamants, lui fait oublier lesdifférences de l’âge et ducaractère.

La différence de l’âge, entre lesépoux, n’offre pas de moindres dangers.L’homme qui est beaucoup plus vieux que sa compagne doitcraindre d’être trompé, quelles quesoient d’ailleurs ses qualités. Outrequ’un époux âgé n’apoint la force, la santé et les autres avantages de lajeunesse, il a contracté des habitudes, il a desgoûts qui contrastent avec ceux d’une jeunepersonne. Il ne peut lui-même trouver unesociété agréable dans une femme dontl’esprit n’a pas de maturité. Celle-cifait des comparaisons qui ne sont point favorables à sonépoux ; elle est humiliéed’être unie à un vieillard que tout lemonde prend pour l’auteur de ses jours. Elle est enfinconduite à l’infidélitéautant par amour-propre que par sentiment.

Les femmes qui nous ont le plus aimés sont souvent cellesqui changent le plus rapidement, parce que les grandes passions ont unecourte durée. Il est difficile de fixer une personnetrès-tendre ; son coeur est avided’impressions fortes, et la nouveauté seule peutla satisfaire.

Il semble que l’hymen jette un voile trompeur sur lescrédules maris ; on les trompe en leur présence ;ils paraissent eux-mêmes favoriser les amours de leursépouses. Je vais tâcher de dessiller leurs yeux.

Une multitude de dangers se pressent constamment sur les pasd’une belle pour assiéger sa vertu ; il faut unegrande prudence pour les prévenir, car il n’estpas toujours temps d’en arrêter le cours. On croirapeut-être que les détails dans lesquels je vaisentrer sont inutiles ou exagérés, maisj’ai appris par ma propre expérience combien ilssont importants. C’est aux époux et àceux qui veulent s’engager dans les liens du mariage que jevais me permettre d’adresser ces conseils. Puissentl’artifice, les caresses et les discours flatteursd’une épouse ne pas les leur faire oublier.

Les bals et les festins offrent aussi des dangers qu’il fautéviter. C’est dans ces brillantesréunions qu’une femme prend le goût dumonde et de la toilette. Elle désire y briller et y faireadmirer ses attraits. Dès qu’elle atrouvé du charme dans la dissipation, on ne peut plusl’arrêter ; elle fuit les plaisirs de la retraite,elle cherche en tous lieux la distraction, et revientindifférente près de son époux.C’est parce que cet amour du monde accompagne ordinairementl’opulence, qu’un homme ne doit points’attacher à une femme d’une grandefortune ; car elle prétendra en jouir. Elle verrabientôt dans la société des jeunes gensqui joignent aux agréments du physique la fortune etquelquefois l’esprit. Fatiguée de sonépoux, entraînée par son inconstancenaturelle, elle deviendra infidèle.

L’homme qui veut conserver l’attachement de cellequ’il aime, doit l’éloigner de cettepompe du monde qui n’offre que des plaisirsempoisonnés. Je ne parle point ici aux époux quiont la bassesse de permettre leur déshonneur.

Il est rare qu’une personne jeune et jolie n’aitpoint le désir de plaire ; ne cherchez point àl’en corriger, c’est l’aiguillon del’amour ; faites seulement que ce désir nes’attache pas à un autre qu’àvous. Tant qu’une femme porte ses regards indistinctement surles hommes, sa coquetterie est sans but et n’est pointdangereuse ; mais, sitôt qu’elle se fixe, il fautdissiper cet amour naissant par la distraction, en faisant contracterd’autres habitudes.

Il est bien difficile qu’une femme se cache aux yeux de celuiqui veut se donner la peine de l’observer.L’expression de sa figure, sa rougeur, la joiequ’elle éprouve et qu’elle ne peutdissimuler à la vue de celui qu’elle aime, tout latrahit. Pour dissiper les soupçons, elle comble unépoux de caresses ; elle est plus complaisante et plusaimable ; elle cède à toutes sesvolontés ; elle admire ses moindres actions et le flatte partout ce qui peut lui être agréable.

Si les assiduités d’un amant, si les attentionsqu’elle a pour lui, commençaient àfaire naître des doutes réels, elle trouverait lesraisons les plus vraisemblables pour les dissiper. Elle feraità son époux l’éloge de celuiqu’elle aime ; elle lui dirait : Quoi mon ami, tu peux avoirconçu de si coupables pensées ? Est-celà le prix de ma vive tendresse pour toi ? Comment es-tu siméchant et si jaloux ? Ce jeune homme a un attachement pourtoi si véritable, qu’il ne cesse de me parler detes bonnes qualités, de ton bon coeur et surtout del’amitié que tu lui as inspirée ;s’il savait de quoi tu l’accuses, il cesserait det’estimer. Bannis donc de ton esprit tes soupçonsinjurieux, et sois certain que jamais je n’aurail’idée de trahir celui à quij’ai juré une fidélitéà toute épreuve. Reconnaissez à tousces traits la perfidie d’une femme qui vous trompe, ou veutvous tromper. Eloignez promptement l’objet dont elle vousparle avec tant d’éloge, avant quel’amour ait fait de plus grands progrès.

Il n’est point de ressorts qu’une femmen’invente pour trahir un époux. Elle metquelquefois sa gloire à le tromper en saprésence, elle s’en fait un jeu. Tantôtc’est au spectacle qu’elle reçoit ouremet un billet : elle a besoin d’étendre sonchâle afin qu’une main furtive puisse ypénétrer. Tantôt c’està la promenade dont elle aime à se retirer tard ;elle s’assoit à la même place, sepromène dans les mêmes allées,espérant que celui qu’elle aime viendral’y voir. Lorsqu’ellel’aperçoit, ses yeux s’animent et lajoie éclate malgré elle sur son visage.

Quelquefois c’est de sa croisée qu’elledonne le signal à un voisin attentif : on remarque alorsqu’elle s’y met à des heures fixes ;elle se pare devant lui pour enflammer ses désirs et lerendre plus audacieux. Lorsqu’elle va sortir, elle a soin dese montrer à sa fenêtre afin qu’onpuisse la suivre. C’est son sac, une jalousielevée ou baissée, qui instruisent aussi son amant.

L’église, qui devrait êtrel’asile de la vertu, est encore témoin desintrigues d’une femme inconstante. Que dis-je ? aucun lieun’est respecté par celle qui ne se respecte paselle-même.

Le médecin lui a ordonné de prendre des bains,elle profite de sa liberté pour aller voir celuiqu’elle aime. Elle se lève àl’aurore pour lui écrire, ou pendant que lesommeil ferme vos yeux. Elle correspond avec son amant sous des nomssupposés, et fait parvenir ses lettres poste restante, afinque son secret ne soit point dévoilé.

L’époux qui est trahi, trouve sa compagnetantôt d’une tristesse profonde, tantôtd’une gaieté folle, sans qu’il puissedeviner la cause. Mais ses pleurs et sa joie dépendentordinairement de son amant.

Une femme perfide conserve toujours sa mauvaise humeur pour sonépoux, afin d’être plus aimableauprès de celui qui possède son coeur.

Quand on n’est point dans l’usage de faire partagersa couche à son épouse, on est plusexposé à être trompé, parceque le lit est le trône de l’amour. C’estlà que toutes les difficultéss’aplanissent, que l’on sanctionne ses serments. Ilpeut d’ailleurs arriver qu’une femmes’ennuyant seule, trouve un ami qui vienne la consoler.

C’est souvent de la conduite d’un épouxque dépend celle de sa femme. Il en est qui se livrentà tous les excès, qui deviennent odieuxmême aux regards des hommes ; comment ne le seraient-ils pasà ceux d’une femme délicate et sensible?


DESSIGNES
AUXQUELS ON RECONNAIT DANS UNE FEMME
LE PENCHANT A L’AMOUR


L’AMOUR est la passion dominantede la femme etpeut-être la seule qui habite son coeur. Mais cepenchant, si impérieux chez elle, se fait-il remarquer audehors par des signes certains ? Cette question est difficileà résoudre, car on voit des femmesdifférer par le tempérament, êtreégalement passionnées. D’autres qui,ayant en apparence une organisation semblable, n’offrentcependant pas les mêmes inclinations.L’expérience prouve aussi tous les jours que despersonnes élevées ensemble par lesmêmes maîtres conservent leur caractèreprimitif.

Nous devons néanmoins convenir qu’il y a desfemmes qui sont plus passionnées que d’autres. Aquoi donc attribuer le penchant irrésistiblequ’elles ont à l’amour ?Dépend-il de la sensibilité plus grande desorganes de la génération ? est-ilcausé par la chaleur etl’impétuosité du sang ? Nous allonsfaire connaître la doctrine de Gall et celle de Lavaterà ce sujet.

La découverte du docteur Gall, dit un savantdistingué, est ingénieuse ; elle est importante,elle change totalement, à l’égard del’anatomie, les anciennes idées et les anciennesméthodes ; elle est originale àl’égard des organes, de leur distribution et deleur emploi. Il ne reste plus qu’àdécider en connaissance de cause si les physiologistesdoivent l’adopter, c‘est-à-dire si elleest suffisamment démontrée pour opérerune révolution dans le système des nerfs, desorganes du cerveau. Les hommes qui sauront faire abstraction de cequ’ils ont étudié etpratiqué, l’examineront sérieusement,avec impartialité, et présenterontsérieusement, avec impartialité, etprésenteront des résultats propres ouà les confirmer, ou à en démontrerl’erreur. Le lecteur peu versé dans cettematière, mais cherchant à s’instruire,mettra à l’écart sespréjugés, pour ne suivre que le fil que luiprésentera une sage logique. Quant àl’homme superficiel, il traitera probablement Gall comme on atraité d’abord les auteurs del’inoculation, de la vaccine, du galvanisme, de lacirculation du sang, etc. Sans doute des plaisanteries peuventégayer, mais elles n’instruisent point.

Propositionpréliminaire concernant la doctrine du docteurGall.

1° Il y a dans l’homme, comme dans les animaux, desdispositions et des inclinations innées.
2° Il leur a été attribué,pour l’exécution, certains organes, commeinstruments innées, à l’aide desquelsils ont des rapports avec le monde extérieur.
3° Ces organes ont leur siége dans le cerveau lequelnéanmoins ne peut êtreconsidéré comme puissance, mais seulement commecondition matérielle.
4° Le cerveau n’est point également dansson ensemble l’organe général de la vieanimale ; mais il est simplement le lieu où est lacollection de tous les organes particuliers.
5° Chaque disposition innée a son organe propre,lequel est plus grand à mesure que la force de ladisposition se manifeste.
6° Ces organes des dispositions innées semanifestent sur le cerveau et forment certaines éminencessur la surface extérieure du crâne, auxquelles onpeut reconnaître les penchants innées.

Il est hors de doute que les passions peuvent êtremodifiées, développées parl’éducation et les circonstances ; mais ellescommencent ordinairement à se montrer dès la plustendre jeunesse.

Plus les protubérances à la surface de latête sont prononcées, plus elles annoncent degrandes passions ; car le crâne est formé par lecerveau, non-seulement avant la naissance, mais aussi durant le coursde la vie.

Gall a été conduit à cettedécouverte par des observations et des comparaisons faitessur des bustes, des portraits et des crânesd’hommes et d’animaux.

Les organes qui, selon la nature, sont les plus nobles et les plusimportants, sont les premiers formés et les plusprès de la moëlle épinière.Ceux au contraire qui sont les plus nobles, suivant nosidées, comme le génie, le talent, etc., en sontplus éloignés.

Le premier organe qui, dans l’ordre naturel, est le plusimportant, est celui de la propagation.

Le cervelet, selon Gall, est double, et l’organe del’amour se manifeste au dehors par deux éminencesplacées derrière la tête,immédiatement au-dessous du cou.

Gall dit que le cervelet et ces protubérances sonttrès-développés chez les personnesportées à l’amour. Il en a connu unequi, dans ses jouissances vénériennes,était immodérée et insatiable.Après sa mort, on trouva à la section de latête, que le cervelet avait acquis une grosseurénorme.

L’insatiable luxure des Crétoises, chez quid’ailleurs toutes les facultés intellectuellessont défectueuses, peut être égalementdéduite de la grandeur démesurée ducervelet. Les effets de l’habitude de dormircouché sur le dos, sur l’instinctgénital, sont connus, et ils doivent, selon toutes lesapparences, être attribués à lapression et à l’échauffement ducervelet.

La nature ayant porté sa première sollicitudeà imprimer aux êtres animés ledésir de la propagation, elle a dûégalement leur donner le désir de laconversation, c’est-à-dire de nourrir et deprotéger les nouveaux-nés. Ce penchant est dansla plus étroite union avec leprécédent ; aussi l’organe del’amour des enfants est-il placéimmédiatement au-dessus de l’organe del’instinct de la propagation. Gall remarque àcette place, d’abord au crâne des femelles, uneéminence sensible, laquelle, par comparaison entre tous lescrânes d’animaux, s’esttrouvée la plus forte chez le singe. Il ne put point, dansle commencement, deviner ce que les femelles engénéral ont de commun avec les singes, et il pritd’abord la protubérance dont il s’agitpour l’organe de la vanité,jusqu’à ce qu’enfin le hasard porta sapensée sur l’amour des enfants ; etaprès une longue expérience et de grandesrecherches, il fut convaincu de la justesse de saprésomption. Cette éminence existe en effet cheztous les animaux qui aiment leurs enfants, mais plus chez les femellesque chez les mâles. La partie postérieure ducrâne des femmes acquiert une forme pointue, etl’on peut même déjà voirà cette forme de crâne le sexe des enfantsnouveau-nés.

Telle est la doctrine du docteur Gall, et son opinion surl’organe qui indique le penchant àl’amour et celui qui annonce la tendresse desmères pour leurs enfants.

~*~

MAXIMES
DE
LA ROCHEFAUCOULD [sic]
SUR
LES FEMMES & L’AMOUR



LA passion fait souvent un fou du plushabile homme, et rend souventhabiles les plus sots.

La durée de nos passions ne dépend pas plus denous que la durée de notre vie.

Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours ; ellessont comme un art de la nature dont les règles sontinfaillibles ; et l’homme le plus simple qui a de la passion,persuade plus que le plus éloquent qui n’en apoint.

Il y a dans le coeur une générationperpétuelle de passions, en sorte que la ruine del’une est presque toujoursl’établissement d’une autre.

Quelque soin qu’on prenne de couvrir ses passions par desapparences de pitié et d’honneur, elles paraissenttoujours au travers de ces voiles.

La jalousie est, en quelque manière, juste et raisonnable,puisqu’elle ne tend qu’à conserver unbien qui nous appartient ou que nous croyons nous appartenir ; au lieuque l’envie est une fureur qui ne peut souffrir le bien desautres.

La jalousie se nourrit dans les doutes ; elle devient fureur, ou ellefinit, sitôt qu’on passe du doute à lacertitude.

L’homme croit souvent se conduire lorsqu’il estconduit ; et pendant que par son esprit il tend à un but,son coeur l’entraîne insensiblementà un autre.

On est jamais si heureux ni si malheureux qu’on sel’imagine.

La sincérité est une ouverture du coeur,on la trouve en fort peu de gens, et celle que l’on voitd’ordinaire n’est qu’une finedissimulation pour attirer la confiance des autres.

La bonne grâce est au corps ce que le bon sens està l’esprit.

Il est difficile de définir l’amour ; cequ’on ne peut dire est que dans l’âmec’est une passion de régner ; dansl’esprit, c’est une sympathie, et dans le corps cen’est qu’une envie cachée etdélicate de posséder ce que l’on aime,après beaucoup de mystères.

S’il y a un amour pur et exempt du mélange de nosautres passions, c’est celui qui est caché au fonddu coeur et que nous ignorons nous-mêmes.

Il n’y a point de déguisement qui puisse longtempscacher l’amour où il est, ni le feindreoù il n’est pas.

Comme on n’est jamais en liberté d’aimerou de cesser d’aimer, l’amant ne peut pas seplaindre avec justice de l’inconstance de samaîtresse, ni elle de lalégèreté de son amant.

Si l’on juge l’amour par la plupart de ses effets,il ressemble plus à la haine qu’àl’amitié.

On peut trouver des femmes qui n’ont jamais eu de galanterie; mais il est rare d’en trouver qui n’en ait jamaiseu qu’une.

Il n’y a qu’une sorte d’amour, mais il yen a mille différentes copies.

L’amour aussi bien que le feu ne peut subsister sans unmouvement continuel, et il cesse de vivre dèsqu’il cesse d’espérer ou de craindre.

Il en est du véritable amour comme de l’apparitiondes esprits ; tout le monde en parle, mais peu de gens en ont vu.

L’amour prête son nom à un nombre infinide commerces qu’on lui attribue, et où iln’a pas plus de part que le doge à ce qui se faità Venise.

Le silence est le plus court parti pour celui qui se défiede soi-même.

Quand nous sommes las d’aimer, nous sommes bien aisesqu’on nous devienne infidèle pour nousdégager de notre fidélité.

Comment prétendons-nous qu’un autre garde notresecret, si nous ne pouvons le garder nous-mêmes ?

Les vieillards aiment à donner de bons préceptespour se consoler de n’être plus en étatde donner de mauvais exemples.

Chacun dit du bien de son coeur et personne n’ose endire de son esprit.

La politesse de l’esprit consiste à penser deschoses honnêtes et délicates.

La galanterie de l’esprit est de dire des choses flatteusesd’une manière agréable.

L’esprit est toujours la dupe du coeur.

Tous ceux qui connaissent leur esprit ne connaissent pas leurcoeur.

L’esprit ne saurait jouer longtemps le personnage ducoeur.

Plus on aime une maîtresse et plus on est près dela haïr.

Il y a de bons mariages, mais il n’y en a point dedélicieux.

On fait plus de trahisons par faiblesse que par un desseinformé de trahir.

Si nous résistons aux passions, c’est plus parleur faiblesse que par notre force.

Les finesses et les trahisons ne viennent que de manqued’habileté.

Le vrai moyen d’être trompé,c’est de se croire plus fin que les autres.

La faiblesse est le seul défaut qu’on ne sauraitcorriger.

Le moindre défaut des femmes qui se sontabandonnées à faire l’amour,c’est de faire l’amour.

Il est plus aisé d’être sage pour lesautres que de l’être pour soi-même.

Il y a des gens qui n’auraient jamaisété amoureux s’ils n’avaientjamais entendu parler de l’amour.

On parle peu quand la vanité ne fait pas parler.

Il est plus difficile de s’empêcherd’être gouverné, que de gouverner lesautres.

Les vertus se perdent dans l’intérêt,comme les fleuves dans la mer.

La constance en amour est une inconstance perpétuelle, quifait que notre coeur s’attache successivementà toutes les qualités de la personne que nousaimons, donnant tantôt la préférenceà l’une, et tantôt àl’autre : de sorte que cette constance n’estqu’une inconstance arrêtée etrenfermée dans un même sujet.

Il y a deux sortes de constance en amour ; l’une vient de ceque l’on trouve sans cesse dans la personne quel’on aime de nouveaux sujets d’aimer ; etl’autre de ce que l’on se fait un honneurd’être constant.

Il n’y a guère de personnes qui ne soienthonteuses de s’être aimées, quand ellesne s’aiment plus.

Quand les vices nous quittent, nous nous flattons de la croyance quec’est nous qui les quittons.

La sévérité des femmes est unajustement et un fard qu’elles ajoutent à leurbeauté.

L’honnêteté des femmes est souventl’amour de leur réputation et de leur repos.

Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il le croit.

L’hypocrisie est un hommage que le vice rend à lavertu.

La vanité, la honte, et surtout le tempérament,font souvent la valeur des hommes et la vertu des femmes.

C’est une grande folie de vouloir être sage toutseul.

La coquetterie est le fond de l’humeur des femmes ; maistoutes ne la mettent pas en pratique, parce que la coquetterie dequelques-unes et retenue par crainte et la raison.

La flatterie est une fausse monnaie qui n’a de cours que parnotre vanité.

Le plaisir de l’amour est d’aimer, etl’on est plus heureux par la passion que l’on a quepar celle que l’on donne.

La jeunesse est une ivresse continuelle ; c’est lafièvre de la raison.

L’absence diminue les médiocres passions etaugmente les grandes, comme le vent éteint les bougies etallume le feu.

Les femmes croient souvent aimer encore qu’ellesn’aiment pas ; l’occupation d’uneintrigue, l’émotion d’esprit que donnela galanterie, la pente naturelle au plaisir d’êtreaimées, et la peine de refuser, leur persuadentqu’elles ont de la passion lorsqu’ellesn’ont que de la coquetterie.

Il est impossible d’aimer une seconde fois ce qu’ona véritablement cessé d’aimer.

La simplicité affectée est une imposturedélicate.

Ce qui fait que les amants et les maîtresses nes’ennuient jamais ensemble, c’est qu’ilsparlent toujours d’eux-mêmes.

Les personnes faibles ne peuvent être sincères.

Il y a dans la jalousie plus d’amour-propre qued’amour.

On pardonne tant que l’on aime.

Il est plus difficile d’être fidèleà sa maîtresse quand on est heureux, que quand estmaltraité.

Les femmes ne connaissent pas toute leur coquetterie.

Les femmes n’ont point desévérité complète sansaversion.

Les femmes peuvent moins surmonter leur coquetterie que leurs passions.

Dans l’amour la tromperie va presque toujours plus loin quela méfiance.

Il y a une certaine sorte d’amour dontl’excès empêche la jalousie.

L’esprit de la plupart des femmes sert plus àfortifier leur folie que leur raison.

Il ne peut y avoir de règle dans l’esprit ni dansle coeur des femmes, sile tempéramentn’en est d’accord.

Quand on aime on doute souvent de ce qu’on croit le plus.

Le plus grand miracle de l’amour c’est deguérir la coquetterie.

On a bien la peine à rompre quand on ne s’aimeplus.

Un homme peut être amoureux comme un fou, mais non pas commeun sot.

Il y a de certaines larmes qui nous trompent souventnous-mêmes, après avoir trompé lesautres.

Si l’on croit aimer sa maîtresse pourl’amour d’elle, on est bien trompé.

L’envie est détruite par la véritableamitié, et la coquetterie par le véritable amour.


La violence qu’on se fait pour devenir fidèleà ce qu’on aime ne vaut guère mieux quel’infidélité.

On garde longtemps son premier amant quand on n’en prend pasun second.

Ce qui se trouve le moins dans la galanterie c’estl’amour.

Les coquettes se font honneur d’être jalouses deleurs amants, pour cacher qu’elles sont envieuses des autresfemmes.

On ne plaît pas longtemps quand on n’aqu’une sorte d’esprit.

En amour, celui qui est guéri le premier est toujours lemieux guéri.

Toutes les passions nous font faire des fautes, mais l’amournous en fait faire de plus ridicules.

Peu de gens savent être vieux.

Les femmes qui aiment pardonnent plus aisément les grandesindiscrétions que les petitesinfidélités.

Dans la vieillesse de l’amour, comme dans celle del’âge, on vit encore pour les maux, mais on ne vitplus pour les plaisirs.

Rien n’empêche tant d’êtrenaturel que l’envie de le paraître.

Ce qui fait que la plupart des femmes sont peu touchées del’amitié, c’est qu’elle estfade quand on a senti l’amour.

Dans l’amitié comme dans l’amour, on estsouvent plus heureux par les choses qu’on ignore que parcelles que l’on sait.

La faiblesse est plus opposée à la vertu que levice.

Les vieux fous sont plus fous que les jeunes.

FIN.