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VALABRÈGUE,Antony (1844-1900) : Croquis deLorraine : Liverdun (1901).

Saisie dutexte : O. Bogros pour lacollectionélectronique de la MédiathèqueAndré Malraux de Lisieux (21.I.2015)
[Ce texte n'ayantpas fait l'objet d'une seconde lecture contient immanquablement desfautes non corrigées].
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Orthographe et graphie conservées.
Texte établi sur un exemplaire (Bm Lisieux:n.c) des numéros 10 & 11 (octobre-novembre 1901)  de la Revue LePenseur, 1ère année
 
Croquis de Lorraine

LIVERDUN


par
Antony Valabrègue

~ * ~

I

Une rivière aux eaux basses,toute rougeâtre, coulant au pied des collines dans un lit semé decailloux, écumant çà et là entre les pierres avec un gai clapotis,telle est la Moselle, lorsqu'on la rencontre un peu au delà de Toul, entraversant en chemin de fer le pont de Fontenoy.

Elle apparaît dans sa nouveauté, bruissante, vibrante, courante. Deslaveuses penchées sur le bord, se tenant sur de grosses pierres, fontentendre un bruit saccadé de battoirs. « La gracieuse rivière ! » sedit-on. Elle n'est point verte ; elle a une teinte foncée où semble semêler un ton de rouille, comme si elle avait parcouru un terrain richeen minerai de fer.

La gracieuse rivière !... Comme on aimerait à se promener sur le chemintracé près de ses rives, qu'effleurent de temps en temps d'infatigablespetites vagues. Ici-même, à Fontenoy, il y aurait plaisir à faire haltepour admirer le paysage. Mais le bourg pittoresque par excellence,c'est Liverdun. On m'a vanté plus d'une fois cette petite ville, dontla situation est exceptionnelle, haut perchée, archaïque d'aspect,offrant aux yeux, de tous côtés, des vestiges et des souvenirs. J'airemarqué, moi-même, à diverses reprises, en parcourant la ligne del'Est, cette physionomie curieuse, ce profil caractéristique d'un bourgoccupant une hauteur. C'est à Liverdun que je descendrai, et j'yretrouverai la Moselle.

Des vignobles se montrent çà et là ; le faîte des coteaux qui dominentla rivière est couronné de taillis verdoyants. On aperçoit par momentsdes roches jaunâtres ; des carrières semblent creusées comme dans unefalaise. Un village tout en longueur, bien lorrain par l'apparence,couronne un sommet ; et l'on songe qu'il a été bâti à cet endroit pourconcourir autrefois à la défense du pays. Un autre village, du côtéopposé, s'étend et s'abaisse dans la plaine. Subitement, en serapprochant de la Moselle, on voit surgir, comme dans une visionvraiment étrange, le bourg aux ruelles montantes. Liverdun est apparu,avec tout son charme, se dressant au-dessus des prairies, où serpentela rivière, sur une vaste colline dont les pentes sont couvertes deverdure.

Les maisons se succèdent à la file, à côté de quelques débris deremparts, parmi lesquels se détache une tour ancienne ; on reconnaîtencore une partie des fortifications, on distingue la ligne del'enceinte.

Les habitations s'échelonnent, s'étagent, se superposent, dominées parla vieille église au clocher bleuâtre. Une sorte de donjon, flanqué dedeux tours en pointe, se dresse au milieu de ces demeures, et sembleles écraser de sa masse. On a devant soi une évocation féodale quidemeure d'ailleurs très vivante et qui n'est point bornée à quelquesruines.

Il y a comme un mystère à déchiffrer dans ces villes qui gardentl'empreinte du passé. Si la vie moderne s'est implantée parmi les vieuxlogis, témoins de tant de vicissitudes, la pensée revient quand même auXIIIe et au XIVe siècle, et des dates semblent inscrites dans la formedes édifices.

Lorsque la cité est devenue un peu villageoise, lorsque les moeursrurales s'y étalent avec leur laisser-aller, il en résulte parfois desaspects d'un ordre inattendu, des oppositions familières et piquantes.L'habitation du paysan peut conserver elle-même un air de vieilleFrance et parler encore des âges lointains, aussi bien qu'un édificeauquel sa destination donnait plus d'importance.

Liverdun a plus d'un côté agréable et attrayant. La beauté du site,l'étendue de la rivière ont aidé à en faire un lieu d'excursion et depromenade. C'est pour les gens de Nancy comme une localité de banlieue.Le dimanche, la jeunesse s'y donne rendez-vous ; les pêcheurs yabondent. Des promeneurs nombreux et parfois turbulents occupent lapartie basse du bourg : ils y trouvent des restaurants avec desbosquets et des escarpolettes ; ils vont y goûter le vin et la frituredu pays. Liverdun s'anime alors ; la foule, se porte sur les routes,sur les rives de la Moselle. La ville prend, aux yeux d'un Parisien,l'apparence joyeuse du Bas-Meudon ; elle retrouve au milieu de savétusté une sorte de bruyant rajeunissement.

Je suis monté, au sortir de la station, par une rue où les maisons sesuivent en enfilade, bordée de hauts escaliers de pierre surélevés surle sol et formant terrasse. J'ai aperçu çà et là des entrées de cavebéantes, ou fermées au ras du sol par une porte basse à deux battants.Creusées parfois sous quelque appendice, sous quelque complément del'habitation à la maçonnerie grossière, ces caves, profondes et larges,sont bien celles des contrées de vignobles.

Des villageoises se tiennent sur le degré supérieur de leur escalier ;elles cousent, elles tricotent, elles brodent, elles vaquentextérieurement aux soins du ménage. Des volatiles errent dans les rues; c'est l'aspect ordinaire d'un village qu'on a sous les yeux. Le pavéest caillouteux : peu de jardins autour des maisons. Au bout d'uneruelle resserrée, quelques lambeaux de terrain cultivé sont suspendus àune rampe.

Je remarque quelques maisons, comme on en rencontre souvent enLorraine, aux portes et aux fenêtres cintrées. J'aperçois des arcaturessoutenant des constructions chancelantes, souvenirs des arcs-boutantsqui se dressent sur les côtés d'une église ou sur les murailles desfortifications.

J'arrive au pied du château dont la vue m'avait frappé si vivement toutd'abord. C'est une construction récente ; on a utilisé à peine quelquesrestes ; le bâtiment principal, les deux tours, l'une en poivrière,l'autre, carrée, crénelée et surmontée d'une tourelle aiguë, sontrecouverts d'ardoise battant neuf et étincelant au soleil. L'édificerépond si l'on veut à l'idée qu'on peut se faire d'un ancien châteaudont on aurait retrouvé la physionomie traditionnelle. Ce donjonmoderne appartient à un négociant de Nancy.

Après avoir laissé derrière moi cet édifice, je passe près de la mairiequi se dresse à mi-côte. C'est un bâtiment presque neuf, bordé d'unepetite place qu'entoure une grille et qui offre aussi une belle vue. Ilcontient les écoles communales ; l'emplacement est aéré, hygiénique ;c'est un coin de l'existence moderne qu'on retrouve dans des conditionstrès favorables.

Je poursuis ma route et je revois les vieilles rues, avec leurs maisonsaux façades rugueuses, aux escaliers uniformes, aux caveaux profonds.Me voici sur une autre place, très ancienne, celle-là, où se dressed'un côté une rangée d'arcades. Je reconnais une halle rappelant encorel'importance de la ville.Il devait y avoir là, jadis, des magasins etcomme un centre du commerce qui répondait aux besoins de cette citébien close. Les boutiques ont disparu une à une, avec leurs étalages ;les rez-de-chaussée ont changé de face, et les pièces basses de chaquemaison se dissimulent en retrait sous les piliers qui soutiennent lesétages. Oh ! ces halles minuscules, comme elles semblent vieillottesavec leurs dimensions rétrécies ! Comme elles parlent d'une lointainepetite bourgeoisie marchande, ayant ses franchises, et les conservantnon sans peine. Plus de réunion, plus de rendez-vous d'acheteurs et devendeurs dans cet étroit espace ; je n'entends que le piaffement dequelques chevaux que l'on mène boire à une fontaine.

Une voiture foraine s'est arrêtée là par hasard, et son conducteurs'approche du bassin. Une jeune villageoise, la tête cachée sous unelarge coiffe, qu'on appelle en ce pays une « hâlette », survient pourremplir sa cruche. Blonde, le teint clair et rosé, la taille ferme etdroite, c'est une belle fille du Toulois ; cette apparition féminine medonne le spécimen désiré des types d'une région. Un jeune gars, la fauxsur l'épaule, vient la chercher pour aller aux champs. Elle lui répondqu'elle est prête ; elle a un accent lorrain assez marqué, qui appuiesur les voyelles, et un peu chantant. Celui qui conduisait la voiturela regarde s'éloigner, et il ne tarde pas à redescendre avec précautionvers le bas de Liverdun, après avoir jeté un coup d'oeil mélancoliquesur la halle où il ne pourrait lui-même étaler aujourd'hui samarchandise.

Quelques logis voisins de cette place offrent certains détails qu'aimeà relever un voyageur. Partout des fenêtres courtes et carrées, dont laconstruction me semble bien particulière à la Lorraine et au Barrois.Deux petites portes, entourées de colonnettes enchâssées dans le mur,me font songer à quelque demeure aristocratique, à quelque bâtimentréservé à un chef civil ou militaire. Je viens de passer devantl'église, sans m'y arrêter, et je suis parvenu dans la partie la plushaute du bourg : voici encore un porche surbaissé annonçant une maisonmystérieuse. Un peu plus loin, en suivant la. rue, je reconnais unhôtel de modeste apparence, l'hôtel où je descendrai sans doute quandmon excursion sera terminée. C'est dans ce quartier élevé que je veuxm'installer, sûr d'échapper aux promiscuités des restaurants voisins dela gare.

Une autre habitation ancienne s'offre à ma vue ; on l'appelle la «Maison du Gouverneur ». Une porte de la ville est encore debout àl'extrémité de la rue. Laissant là toute arrière-pensée archéologique,je me trouve sur un chemin tracé à pic au bord d'une haute falaise : jedomine l'immense vallée. Le chemin est bordé de parapets jetésau-dessus des champs et des jardins qui sont suspendus dans l'espace.L'effet d'ensemble est saisissant ; on plane sur la Moselle ; on jetteles yeux sur les collines boisées de l'autre versant. La perspectiveest pareille à celle qu'on pourrait découvrir en regardant d'une cimequelque vaste vallée des Vosges.

Avec quelles délices ne respire-t-on pas l'air pur dont on est saturédans les villes hautes ! Pendant qu'on s'abandonne à l'enchantement dusite, on se sent vivre dans une atmosphère renouvelée sans cesse parles effluves des forêts et de la plaine. On retrouve parfois, dans lescités archaïques, une odeur de poussière et de vieux murs, de mousseflétrie, de verdure rabougrie et malade, d'eaux stagnantes et salies.Au haut de Liverdun, la fraicheur qui émane de la Moselle et lesexhalaisons salubres des fourrés semblent s'être répandues dans l'airpour le vivifier sans cesse.

Je veux cependant retrouver cette rivière, dont je vois la courbesinueuse et les capricieux bouillonnements, dont j'entends à distancele perpétuel murmure. Je rejoins par un sentier de chèvre la belleroute qui longe la Moselle. Quel charmant spectacle que celui dont onjouit lorsqu'on s'approche des rives ! Le courant devenu irrégulier,obéissant à une impétuosité naturelle, a surmonté tous les obstacles.La rivière, qui se partage en  plusieurs bras, a répandu ses flotsdans les terrains qu'elle a inondés. Ce n'est plus un lit qu'elleoccupe, elle a envahi toute une portion des prairies qu'elle traverse.

Les cailloux qui parsèment sa nappe et ses bords brisent le mouvementde ses ondes ; les eaux murmurent en tous sens, en descendantsubitement par les pentes qu'elles rencontrent. La rivière bondit,écume et s'élargit toujours. On aperçoit des chutes, des cascades detous côtés. Çà et là se dressent des îlots, autour desquels se sontformés d'autres rapides.

Des saules, des peupliers, des osiers, des bouquets d'arbres de toutessortes, s'étendent sur les bords à la ligne indistincte et changeante ;ils se penchent sur la rivière, plongent une épaisse feuillée à sasurface, et laissent flotter une végétation épaisse et drue autour destourbillons et des cascatelles.

Le soleil paillette l'eau courante, irise les écumes, et donne uneteinte chaude à toutes ces verdures mouillées, qui frissonnent àtravers le miroitement des petites vagues et les couches fuyantes de lalarge et douce lumière.

L'eau a accompli la plupart de ses circuits ; elle a tourné en rond,elle a jailli en l'air, elle a heurté les pierres et les arbustes. Ellearrive, en s'apaisant, près d'un moulin blotti dans les herbes. Lemeunier prend à la rivière tout ce qu'elle peut lui donner. Il ferme etrouvre ses vannes ; il vit dans ce petit coin humide et retiré. Sonmoulin ne date pas d'aujourd'hui, et les gens de Liverdun l'onttoujours vu à la même place. Il était entouré autrefois d'appentis, debâtisses, qui lui donnaient un aspect plus pittoresque, au milieu de sasituation presque aquatique. Il a été rebâti ; la maison du meunier estséparée du moulin. C'est une grosse habitation, flanquée ici d'uneremise, ayant plus loin son lavoir couvert. La vanne ouverte laissepasser une nappe d'eau, qui alimente les roues dont on entend le bruitrégulier.
 
Au delà du moulin s'étend un bras de la rivière, décrivant une courbe.Des laveuses se tiennent sur les bords ; des enfants pieds nuss'exercent, dans l'eau, à la pêche ; des troupes de canards prennentleurs ébats sous les saules. L'eau court sur les herbes et lescailloux, et, rejoignant la rivière, va gagner les larges prairies aupied des coteaux qu'on voit se dresser là-bas, tout au fond.

J'ai vu apparaître sur la porte du moulin le meunier que j'interroge etqui se plaint que les eaux sont basses. Il me montre du doigt quelquesbancs de sable qui émergent au milieu des circuits de la Moselle.Comment donc est la rivière quand les eaux sont parvenues à leurhauteur ordinaire ? Quelle beauté ne doit-elle pas avoir lors d'unecrue, quand son bruit augmente et quand elle dépasse tous les barrages !

Quoiqu'il en soit, je reprends la route bordée de sapins, d'acacias, deplatanes, la route doucement ombragée que dominent de l'autre côté leshauts talus couverts de jardins en terrasses, de terrains en rampe, devignes et de treilles.

Je vais aboutir, après avoir longé la Moselle, au canal de la Marne auRhin. Je sais quel est le spectacle curieux qui m'attend et quelle estla nature des travaux qui ont été entrepris pour que le canal fût tracéen cet endroit où l'on devait rencontrer maints obstacles.

Les hauteurs formaient une barrière naturelle qui semblaitinsurmontable. La Moselle, n'était point navigable, le canal étaitd'autant plus nécessaire. Un problème se posait ici, et les ingénieursdevaient le résoudre. Une percée fut faite dans la roche, et le coursdu canal devint souterrain. Cette tranchée a près de 500 mètres ; c'estun tunnel qui traverse la colline où est bâtie Liverdun.

Un chemin de halage a été tracé au bord de l'eau : en se plaçant à côtéde l'ouverture, on aperçoit encore une éclaircie, puis l'obscurité sefait de toutes parts. Il faut  allumer un fanal pour quel'attelage d'un chaland puisse reconnaître sa route.

Et il est curieux d'observer comment un bateau avance, poussé par celuiqui le hâle. Voici une péniche arrêtée à peu de distance de l'entrée.La femme du batelier est accroupie sur la rive ; elle n'a encore rien àfaire, et elle prend patience.

— Nous attendons, me dit-elle, l'heure fixée pour le passage. Ce sontles bateaux qui viennent de l'autre côté, qui ont en ce moment le droitde passer. Il y en a encore pour une demi-heure.

Bientôt, un mulet, tirant sa corde, sort du souterrain. L'animal sembleretrouver joyeusement la lumière du ciel ; il hennit et dresse la tête.Et la péniche se dégage peu à peu, je la vois défiler avec lenteur,tandis que les bateliers lassés de leur course sous la colline mettentpied à terre.

Enfin le moment est venu où le passage est libre. Un appel a été jetédu bord ; la batelière se rembarque, et deux mulets attachés à leuramarre entraînent la lourde masse flottante. En arrivant à l'ouverture,le batelier a fait entendre un nouveau cri, pour encourager lesmontures qui éprouvent un moment de stupeur, puis tout bruit cesse ; lefalot est allumé et le chaland s'engouffre vers la roche et disparaît.

Le trajet est long ; la lenteur ordinaire d'une péniche est augmentéepar la nature exceptionnelle de la route. Si l'on veut jouir duspectacle de la sortie, on a le temps de gravir la hauteur où se dresseLiverdun, et l'on se trouve après l'avoir contournée, à l'embouchure dusouterrain.

Lorsque j'y arrive, par des pentes boisées, je vois d'abord déboucherune troupe de gens qui chantent ; ce ne sont point des bateliers, maisde jeunes touristes, qui ont fait la gageure de suivre le chemin dehalage et qui précèdent de peu le bateau qu'ils ont devancé. Ils ontpoussé des exclamations joyeuses en revoyant la lumière du jour, ilsjettent des hurras et des cris de victoire.
 
Le chaland est sorti de la falaise ; il s'est retrouvé dans un bras decanal creusé à ciel ouvert, puis il pénètre, près d'une extrémité dubourg, dans une sorte de bassin ou de port, où d'autres bateaux peuventle rejoindre et trouver place.

Ici le spectacle change ; le tracé du canal ne nous offre pas seulementune voie intérieure. Voici un autre genre de travaux, non moinssurprenants, imaginés pour vaincre les difficultés qu'offrait larencontre avec la Moselle. Une autre route artificielle a été ménagéeau-dessus de la rivière. Le canal traverse hardiment l'espace sur lesarches d'un pont ; il ne se confondra pas avec la Moselle, il necotoiera pas ses bords, comme s'il était devenu latéral. Un chemindallé, bordé de parapets, a été réservé sur cet aqueduc pour leschevaux de trait et pour les piétons. Merveilles de la nature etmerveilles de la science, tout s'unit à la fois pour occuper les yeuxet charmer l'esprit.

Le canal a cinq mètres de profondeur, du bord jusqu'à la courbeinférieure des arches qui supportent le pont. Celui-ci est porté surdouze arches, dont huit se dressent sur la rivière et les autres sur laprairie. C'est un pont-canal prodigieux, soutenant le poids de l'eauqui le traverse et des péniches qui y circulent. On se demande commentcette masse de pierre ne fléchit pas.

Lorsqu'une péniche s'avance par cette voie, on aperçoit la coque sedétacher en l'air avec ses mâts et son chargement. L'attelage s'évertuecomme sur n'importe quel autre chemin de halage.

Un viaduc de chemin de fer apparait encore au loin ; on voit d'en basun entrecroisement bizarre d'arches se superposant. Dans le petit portqui précède le canal, on embarque du minerai de fer. Liverdun possèdedes forges, mais ces établissements ne consomment pas tout ce qu'onextrait du voisinage, et quelques usines du département du Nord sontalimentées par les produits métallurgiques de cette région.

Les ouvriers qui habitent le quartier d'en bas sont occupés dans lalocalité. Des employés de diverses catégories sont logés dans desmaisonnettes. L'un d'eux, qui me fournit quelques indications, me parlede la construction du pont-canal. Il m'expose la besogne difficile desbateliers.

— Les accidents sont fréquents, me dit-il. On ne saurait faire lecompte des chevaux perdus. Et les mariniers pris de vin roulent souventdans l'eau ; ils se tirent du canal non sans peine, et il leur arriveplus d'une fois de ne pas en réchapper, et de se noyer.


II

Après quelques heures d'observation et de contemplation largementemployées, je regagne mon hôtellerie. Elle est bâtie sur le sommetcomme si elle avait remplacé quelque pan de rempart ou quelquetourelle. J'en ai remarqué l'apparence honnête ; son propriétaire,comme dans certains restaurants de la banlieue parisienne, a pris letitre de « pêcheur ». Point d'autre dénomination plus ambitieuse.

Cet hôtel fait partie intégrante du décor pittoresque de la ville. Lamaison, construite à pic, borde pour ainsi dire l'abîme. Une foisintroduit dans la salle à manger, je revois par la fenêtre, à uneimmense hauteur, l'admirable paysage et la sinueuse rivière ; j'entendsle bruit des cascades et des rapides. L'hôtel a, en outre, une terrasseau rez-de-chaussée ; on peut s'y attabler, y demeurer en plein air, ety retrouver à l'envi les vastes horizons, la surprenante perspective.

Je ne regrette point d'avoir pris mon gîte dans cette hôtellerie, où jeremarque une certaine bonhomie d'allure, des façons simples et encoreun peu rustiques. La servante, la patronne sont installées, devantleurs fourneaux et se livrent, sans trop de hâte, aux apprêtsordinaires. La table est dressée à la bonne franquette. La chère serasans doute succulente et copieuse, mais, pour prouver aux convives quel'hôtel n'affecte aucune prétention, des cuillers d'étain ont étéplacées sur la table. Au reste, la patronne vient d'annoncer qu'on auraune matelote, le plat qui fait honneur à la maison, et dont la sauce,parait-il, renferme toujours un peu de crème.

A sept heures, les pensionnaires surviennent, et se trouvent, pour laplupart, comme réunis en famille. Des habitants de Nancy sont venuss'établir ici, pour la durée des vacances ; des artistes, desprofesseurs, des commerçants frayent les uns avec les autres. J'entendsfaire, par moments, l'éloge de Liverdun ; chacun en parle à sa façon,l'un en paysagiste, l'autre en archéologue.

On boit, à table, le vin gris de Lorraine, vin de couleur claire,plutôt rosée, un peu âpre, un peu doux, qui donne une agréablesensation de fraîcheur.

— Ce vin gris, me dit mon voisin, vous le retrouverez sur toutes lestables en Lorraine ; c'est une vieille habitude pour tout le monde d'enavoir sa provision.

— Et pourquoi lui donnez-vous cette épithète de vin gris qu'il nemérite pas, puisqu'il est rose ?

— Oh ! n'y faites pas attention : remarquez seulement comme il estclair. Voyez son coloris : il est plutôt blanc que rouge. Quant au goûtde terroir qu'il possède, on l'obtient, ainsi que la coloration, enenvoyant immédiatement les grappes au pressoir. On ne les laisse pointfe-menter dans les cuves. C'est la même opération qu'on fait subir auraisin, pour produire le vin de Champagne.

Mon voisin se prête volontiers à répondre aux questions que je luiadresse. Les vignes de Liverdun m'intéressent, et je pense en boire levin.

— Liverdun est situé en pleine région de vignobles, me dit-il. Laviticulture y est en honneur, depuis un temps immémorial. Vousretrouverez, au reste, dans l'étymologie de cette localité, deux mots : Liber, le dieu Bacchus,et Dunum, qui veut direcolline.

Je vois que j'ai affaire à un érudit qui connaît à fond, les antiquitésliverdunoises : il pourra m'expliquer aisément, et d'une façondétaillée, les aspects de la ville et du pays. Il me propose de meprêter quelques ouvragesconsacrés à la Lorraine où mention est faite deLiverdun..

Le repas est terminé ; les pensionnaires sortent peu à peu, les uns sepromènent sur la grand'route, aux abords de l'église; les autress'éloignent dans la direction de quelques ruelles. Il y en a parmi euxqui, se trouvant à l'étroit dans des chambres d'hôtel, ont loué unemaison en ville. On, les voit soudain faire leurs adieux à ceux qui lesaccompagnent, et disparaître sous quelque voûte.

Je suis demeuré avec mon voisin, dont la famille vient d'entrer dansune habitation en retrait, que ferme une grille de fer. Nous passons,en nous promenant, devant la maison au porche surbaissé que j'airemarquée en arrivant.

— Voici, me dit-il, la maison de refuge des évêques de Toul, quiétaient seigneurs de Liverdun. Refuge en temps de guerre et en tempsd'émeute, c'était aussi une demeure de plaisance en temps ordinaire. Lebâtiment principal est au fond, derrière une cour d'entrée, devenue unjardin ; il est orné de quelques sculptures... Cette maison étaitsituée non loin des remparts, et sur un point culminant, au milieu dusystème de défense de la ville. Le porche est massif et bas ; leterrain a été surélevé sans doute ; quant à l'habitation, elle sertaujourd'hui de presbytère.

Mon voisin ajoute, en continuant sa conversation archéologique :

— Vous avez aperçu, en venant, la « Maison du Gouverneur » ; elle estd'un meilleur style et plus élégante. Approchons-nous du côté où elles'élève, vous verrez qu'elle est construite dans le genre des maisonslorraines de la Renaissance, qu'on rencontre encore à Toul ou àBar-le-Duc.

Cette Maison du Gouverneur témoigne en effet d'une certaine élégance.Les sculptures qui décorent la façade sont évidemment l'oeuvre d'unstatuaire de profession. Au-dessus de la porte on distingue, dans unfronton, un blason effacé. La porte est surmontée de cannelures, unetête de femme se dresse en mascaron, au centre ; à côté se déroulentdes ramifications d'où s'échappe une tête d'Amour. Deux petitesfenêtres, encadrées dans des meneaux, contribuent à l'enjolivement dumur. Ces croisées géminées, surmontées aussi de motifs de décoration,se creusent comme des niches. Mais cette partie sculptée est presqueperdue au regard, elle ne se relie à aucun autre détail du même genre.On aperçoit des vestiges intéressants qui se détachent et s'isolent surla façade massive, comme si la maison avait été allongée et modifiée.

Cette ancienne habitation est basse, elle surplombe sur l'emplacementdes remparts avec ses jardins et ses terrasses, avec ses corps de logiset ses dépendances qui s'élèvent sur la cime, tout en se penchant unpeu en contrebas. Il est inutile d'ajouter qu'on jouit, de ce côté,d'une fort belle vue sur la vallée et sur la rivière.

Mon compagnon me rappelle que la Maison du Gouverneur est habitéeaujourd'hui par l'architecte départemental de Meurthe-et-Moselle, quiapprécie cette vieille demeure. Il me dit qu'à l'intérieur se dresseune haute cheminée dans le style de la Renaissance. C'est un fort beaumorceau, et qui donne un aspect caractéristique au salon durez-de-chaussée.

Nous sommes arrivés au bout de Liverdun, et tout près de la vieilleporte de la ville. Elle est encore flanquée de corps de bâtiments plusou moins ruinés. D'un côté, une tourelle carrée, couverte d'une épaissetoiture ; de l'autre, des fragments de murs se prolongent sur un ravin,et se trouvent revêtus d'un réseau de feuilles de lierre et de branchesd'églantiers. La route, bordée de hauts parapets, s'éloigne vers lescollines voisines. Liverdun en cet endroit avait un côté faible, en casd'une attaque ; la ville, qui semblait imprenable, vue de la plaine, setrouvait ici de plain-pied avec un plateau.

J'ai senti, pendant cette promenade à la nuit tombante, tout le charmearchaïque et suranné du vieux bourg. C'est une vision antique danslaquelle je me plonge avec un intime plaisir.

— Liverdun se transforme cependant, me dit mon archéologue. Tout semodernise vite aujourd'hui. Çà et là, les maisons ont été recrépies.Plus d'un habitant a songé à louer un appartement à des étrangers. Lalocalité s'est enrichie grâce à cette utilisation, et l'exemple donnépar quelques-uns va être suivi de plus en plus. L'on parle du projet deconstruire un hôtel à une autre extrémité de la ville, surl'emplacement de cette tour ronde que vous avez entrevue, en regardantd'en bas le panorama de Liverdun.

— Ce projet de bâtir un hôtel moderne, dis-je à mon tour, nuirapeut-être à la physionomie de la ville. Et qui sait si cetétablissement obtiendra, en vérité, quelque succès ? Rien ne vautencore la petite maison qu'on alouée et même le repas pris à unehôtellerie pareille à celle dont nous sortons !...
 
Sans nous préoccuper davantage des métamorphoses de Liverdun, nous nousarrêtons, après avoir repassé sous la porte de la ville, devant uneentrée de cave où deux vignerons roulent des tonneaux.

Mon guide me fait remarquer d'énormes piliers, soutenant les voûtes,véritables piliers de corps de garde, comme on en peut voir dans uneville fortifiée, aux environs d'une citadelle.

Les maisons de Liverdun renferment, en définitive, bien des souvenirs,et bien des débris, les uns en plein air, d'autres dissimulés à traversdes constructions : tous disent quelque chose à celui qui les examineet qui les comprend.

Je suis réveillé le lendemain de bonne heure par un bruit de charrois ;c'est une venue matinale de rouliers. Les voitures se succèdent,chargées de sacs ; pendant quelques minutes. Je retrouve unemanifestation de la vie rurale, de l'existence laborieuse des champs.

Une bonne odeur de fenaison flotte sur le bourg, et l'on entend descris aigus d'oiseaux dans la lumière papillotante. Le ciel bleu luitdoucement sur les vestiges et sur les ruines, sur les maisons àterrasse, sur les demeures blanchies et rebâties d'en haut.

Quelle est pourtant l'histoire de cette ville ? Dans la matinée onm'apporte un paquet de livres, et cet aimable envoi me permet dereconstituer le passé de ce pays. Liverdun dépendait jadis des évêquesde Toul ; ceux-ci avaient reçu cette ville en fief de Henri l'Oiseleur,empereur d'Allemagne en l'année 928. L'évêché, distrait de laHaute-Lorraine, avait conservé une sorte d'indépendance apparente, sousla suzeraineté nominale de l'empereur.

Lorsque le christianisme s'était répandu dans les Gaules, le Touloisavait eu son martyr, saint Eucaire, qui devait devenir un patron vénérépour bien des gens de cette contrée. Né à Toul, il fut martyrisé auxTombes, près de Pompey, en l'année 362 ; on peut voir encore, auxenvirons de Liverdun, l'emplacement de son ermitage.

Toul s'élevait dans la plaine ; Liverdun, situé sur une hauteur etpresque inaccessible, était une position précieuse pour l'évêché. Entemps de guerre, elle offrait une longue résistance, et c'était unasile préparé en toute circonstance.

En 1178, la population obtint son affranchissement de l'évêque.L'église qui avait été édifiée pour les besoins des fidèles devint unecollégiale, quelques années après. La charte de fondation fut signéepar l'évêque de Toul, Pierre de Brixey. Elle fut confirmée par desbulles des papes Lucius et Urbain IV. Les archives deMeurthe-et-Moselle possèdent des pièces relatives aux chapelles érigéesdans l'église et à celle de Notre-Dame-de-Bel-Amour, qui subsisteencore hors de Liverdun.

On a des actes capitulaires concernant l'ancienne maison-Dieu, quis'élevait dans le bourg. Le chapitre de la collégiale jouissait dedroits féodaux sur les localités voisines qui devaient lui remettreleurs dîmes. Il avait de nombreuses propriétés, maisons canoniales etautres, pièces de terre, prés, vignes et jardins, dans le « ban deLiverdun » et aux environs. La collégiale fut supprimée à une époquesuivante et déclarée unie au séminaire de Toul. Les habitantsprotestèrent, mais il ne fut point tenu compte de leurs réclamations.

Je feuillette l'inventaire des archives de Meurthe-et-Moselle. J'yremarque un bail passé par le doyen du chapitre de la nef du Chevalier,annexée à son doyenné, sur la rivière de Moselle, pour y pêcherconformément au privilège attribué à cet office. Il y avait làprobablement des profits assurés au chapitre, qui tenait un compteexact de tous les revenus dont il pouvait tirer parti.

Bien que soumise à un régime qui n'avait rien de séculier, la villeprospérait, elle avait seulement à souffrir des difficultés quipouvaient s'élever avec la Lorraine. Les troupes de l'évêque de Toulayant exercé des ravages en ce pays, la duchesse de Lorraine fitassiéger Liverdun en 1350 et s'empara du château. En 1467, le maréchalde Fénétrange le prit de nouveau et enleva la ville au maréchal deBourgogne.

J'emprunte le récit de cet épisode à l'historien Dom Calmet.

« Le maréchal de Bourgogne, ayant ramassé environ douze cents hommesd'aventuriers, revint par le Luxembourg et jeta du monde dans Liverdun,qu'Antoine de Neufchâtel, son fils, nommé évêque de Toul en 1461, luiavait livré. La garnison de Liverdun, conduite par le sire du Fays,gendre du maréchal de Bourgogne, commença à faire des courses auxenvirons ; elle attaqua et brûla Condé. Jean de Fénétrange, maréchal deLorraine, amassa environ douze mille hommes, prépara de l'artillerie,fit fortifier la ville et le château de Frouard, pour tenir en bride lagarnison de Liverdun, et alla même assiéger cette forteresse.

« Le maréchal pressa si vivement le siège de Liverdun, que la garnisonfut obligée de capituler et de se rendre
au bout de quinze à seize jours. On lui accorda la vie et les biens,mais elle n'eut pas plutôt rendu le château que Fénétrange le fitdémolir. Quant aux habitants, on leur laissa leurs maisons, mais on lestaxa à une grosse rançon qu'ils furent obligés de payer. »

La Royauté française traita favorablement Liverdun, quand l'évêché deToul fut devenu domaine de la Couronne. Louis XIII ordonna qu'onreconstruisît le château, mais cet ordre ne fut pas exécuté. Il signa àLiverdun, en 1632, avec Charles IV de Lorraine, un traité que ce ducs'empressa de rompre. Nous avons une lettre patente de Louis XIII, qui,voulant donner des marques de sa satisfaction .aux habitants de laville, leur octroyait les mêmes privilèges qu'aux bourgeois de Toul, deMetz et de Verdun, pour le logement des gens de guerre.

Sous le règne de Louis XIV, cette partie de la Lorraine jouit d'uneprospérité qui fut rarement troublée. Lorsque Stanislas étaitsouverain, Liverdun, ville française, ne pouvait que gagner à vivredans de bons rapports avec le territoire voisin.

Je recueille encore, dans l'inventaire des archives, quelquesparticularités significatives. Voici des accords, des traités entre lechapitre et le séminaire, et plusieurs individus qui voulaients'établir ermites dans l'ermitage de Saint-Eucaire, qui faisait alorspartie du ban de Pompey.

La culture de la vigne enrichissait le pays ; les récoltes étaientsouvent abondantes, et les vignobles occupaient une plus vaste surfaceque de nos jours. On suppose que leur étendue a diminué à la suite d'unrefroidissement graduel de la température.

Si nous arrivons à notre époque, nous avons à marquer la date desgrands travaux qui ont renouvelé la face du pays, et qui lui ont donnéun aspect si surprenant pour le voyageur.

Le tunnel creusé pour le passage du canal fut commencé en 1840 ; lemanque de crédit amena une interruption des plus fâcheuses ; mais aubout de quelque temps, les ouvriers purent se remettre à l'oeuvre, ettout fut terminé, sans qu'il y eût des accidents graves à signaler. Onse doute des difficultés de cette percée : les tranchées furentexécutées à l'aide de la mine, à travers les bancs de calcaire quis'étendent au-dessus des couches de minerai de fer. Ces bancs trèsdurs, désagrégés par des soulèvements intérieurs, présentaient denombreuses fissures. Il fallut employer pour les maintenir un systèmede blindage dont on se servit très utilement, tout en menant à bien lerevêtement en maçonnerie de la voûte, tracée en demi-cercle et ayantune largeur de huit mètres.

Le pont-canal fut construit dans la même période : sa première pierrefut posée en septembre 1844. Les principaux travaux exigèrent une duréede quatre années ; l'inauguration se fit en 1851, et donna lieu à unevéritable fête, à une solennité mémorable.

L'établissement des forges qui se fondèrent en 1863, amena à Liverdunun nouvel élément d'activité. Cette entreprise devait rencontrer deschances diverses. Formées d'abord en société, elles fonctionnèrent aveclaminoir et hauts-fourneaux ; l'exploitation étant devenue difficile,elles éteignirent leurs feux en 1879 et furent rachetées par la sociétéde Châtillon et Commentry.

Pendant la guerre de 1870, Liverdun fut occupé par les Prussiens et eutsa part des maux de la guerre. Oh ! les douloureux épisodes! A mesureque les mauvaises nouvelles se répandaient, la population vivait dansl'angoisse. Un jour, le pont de Fontenoy fut détruit par lesfrancs-tireurs ; les habitants de Liverdun purent voir, de leurssommets, les troupes ennemies se rassembler pour aller incendier levillage.

On raconte encore d'effroyables incidents ; une femme-brûlée vive, desfamilles menacées et pourchassées. La partie de Fontenoy qui avaitsouffert a été rebâtie grâce à une souscription publique et àl'intervention de, l'État. Un monument s'élève aux abords du village etrappelle encore ces terriblesjournées.

On sent partout dans cette région l'âme de la vieille-Lorraine ; on setrouve dans un pays de fermeté, de résistance inébranlable, de sagesseréfléchie, où l'on a conservé toutes les traditions martiales ethéroïques.

Je dois néanmoins oublier les événements de notre époque, les jours desurprise et de deuil, pour revenir vers un passé lointain, pourressaisir la vieille histoire-locale.

ANTONY VALABRÈGUE.