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LEDIEU, Alcius(1850-1912) : Exécutions dePourceaux en Normandie (1394-1408) (1901). Saisie du texte : S. Pestel pour la collectionélectronique de la MédiathèqueAndréMalraux de Lisieux (08.XI.2011) Relecture : A. Guézou Adresse : Médiathèque André Malraux,B.P. 27216,14107 Lisieux cedex -Tél. : 02.31.48.41.00.- Fax : 02.31.48.41.01 Courriel : mediatheque@cclisieuxpaysdauge.fr, [Olivier Bogros]obogros@cclisieuxpaysdauge.fr http://www.bmlisieux.com/ Diffusionlibre et gratuite (freeware) Orthographe etgraphieconservées. Les illustrations ne sont pas reproduites. Texte établi sur l'exemplairede laMédiathèque (Bm Lx : Norm 148) du Paysnormand, revue mensuelle illustréed'ethnographie et d'artpopulaire, 2ème année,1901. Exécutionsde Pourceaux en Normandie (1394-1408) par Alcius Ledieu ~*~DANS la livraison du PaysNormand du mois de juillet 1900, M. Ch. Bréard a consacré unfort intéressant article à l’exécutiond’une truie à Falaise en 1386. A notre tour, nous avons cru devoir signaler deux sentences rendues enNormandie contre des pourceaux qui s’étaient rendus coupablesd’homicides. Le 24 septembre 1394, le vicomte de Mortain (Manche) appelait danscette ville le pendart(maître des hautes œuvres) de la vicomté d’Avranches pour procéder àl’exécution d’une sentence prononcée contre un pourceau de Romagny, «lequel avoit tué et meurdris un enfant ». Le porc fut traîné jusqu’aulieu de l’exécution et y fut pendu. Le bourreau reçu cinquante souspour son salaire. Quelques années plus tard, le 21 juin 1408, un porc était amené deNotre-Dame-du-Vaudreuil en la prison du Pont-de-l’Arche (Eure), où ildemeura jusqu’au 21 juillet suivant ; « icellui porc avoit muldry ettué un pettit enffant ». Il fut condamné aux assises du Pont-de-l’Archetenues le 13 juillet par le bailli de Rouen et ses assesseurs à êtrependu à la justice de Notre-Dame-du-Vaudreuil, ce qui eut lieu quatrejours plus tard. Le geôlier fut payé à raison de deux deniers tournoispar jour pour la nourriture du porc pendant la durée de sa détention,qui dura vingt-quatre jours, et une somme de dix deniers fut payée pourla corde qui avait servi à le tenir attaché dans sa prison par craintequ’il ne s’échappât. On ne voit pas si ces deux pourceaux furent exécutés en habits d’hommecomme cela s’est pratiqué pour la truie de Falaise. Le livre rouge de l’échevinage d’Abbeville (Somme) contient mention dedeux procès-verbaux de condamnations de pourceaux au XIVe siècle et dedeux autres au siècle suivant pour faits semblables à ceux que nousvenons de rapporter. Dans le cours du moyen âge, les immondices encombraient les rues àAbbeville comme ailleurs ; les pourceaux, qui circulaient librement àtravers la ville, se chargeaient, à la grande satisfaction deshabitants, du soin de faire disparaître une partie de l’amoncellementdes détritus. A plusieurs reprises, les pourceaux s’attaquèrent aux enfants ; lamunicipalité s’en émut ; à la fin du XIVe siècle, elle rendit plusieursordonnances concernant la voirie, la salubrité et la sûreté publique ;il était fait défense d’élever des pourceaux dans les maisons et de leslaisser errer dans les rues de la ville, « se n’est en alant et venantà le porquerie ». Le 15 décembre 1414, un pourceau étrangla un enfant de trois mois ;l’exécution du coupable se fit neuf jours plus tard, la veille de Noël; il fut traîné au lieu du supplice par l’appariteur de la hautejustice, qui le pendit par « les gambes de derrière » ; pour cetteexécution et pour le prêt des cordes qui servirent à pendre l’animal,le maître des hautes œuvres reçut douze sous parisis. Les frais d’exécution dans la même ville d’un autre pourceau qui avaitdévoré la tête d’un enfant d’un an s’élevèrent à quatre livres cinqsous, dont soixante sous pour le bourreau, cinq sous pour le prêt d’unecharrette qui servit au transport de l’animal, et vingt sous pour lessergents à masse et les sergents de la vingtaine qui formèrentl’escorte jusqu’à la potence. Il n’y eut point que les pourceaux contre lesquels furent prononcéesdes sentences de mort au moyen âge. On a de nombreux exemples de procèsintentés aux taureaux, aux vaches, aux chevaux, aux mulets, auxchèvres, aux coqs, aux rats, aux mulots, aux limaces, aux fourmis, auxchenilles, aux sauterelles, etc. ; pour les insectes, c’était devantl’official que s’instruisait leur procès : la justice religieuseprononçait des exorcismes contre les insectes dévastateurs. L’Intermédiaire des Chercheurset Curieuxdu 15 mars 1901 (col. 462) dit que, « de nos jours encore, danscertaines régions, comme dans l’arrondissement de Domfront (Orne), parexemple, le clergé fait des exorcismes publics en cas de multiplicationanormale d’insectes nuisibles, hannetons ou chenilles. Les Rogations neseraient pas autre chose, du reste, qu’un diminutif desexcommunications d’autrefois ; seulement, on se borne à demanderl’intervention divine sans formules d’arrêts. » Alcius LEDIEU. |