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LEPIC,Vicomte Ludovic Napoléon (1839-1890) : LesArmes et les outils préhistoriques reconstitués: texte et gravures.- Paris : C. Reinwald et Cie,1872.- 58 p.– [24] f. de pl. ; 35 cm.

PLANCHEXXIII.
Planche 23
Avantde terminer cettedescription des armes préhistoriques, je dois dire une chose:beaucoup de haches ont pu se monter perpendiculairement au manche, aulieu de l'être parallèlement ; presque tous lesoutilsgravés sur les monuments de l'Égypte sont ainsireprésentés. J'ai donc voulu en refaire un poursavoirqu'elle pratique on pourrait obtenir avec nos armes et outils ainsimontés.

J'ai pris une branche de chêne dont la forme me semblaitconvenable, et dans la boule faite par les racines j'aiemmanchéune cheville que j'ai fendue jusqu'aux deux tiers et creuséeensuite de façon que mon silex pût y entrerexactement ;j'ai ensuite rapporté une troisièmepiècerecouvrant ma hache jusqu'au point où elle devait sortir desagaîne, et j'ai serré le tout avec une corde, enayant soind'en mettre jusqu'à trois épaisseurssuperposées.Cet outil est alors solide et peut travailler le bois, mais c'est laligature surtout qu'il faut soigner, parce que c'est sur elle que portetout l'effort. Ainsi, non-seulement la cheville aétéserrée, mais encore la masse laissée par lesracines etune partie du manche. Au musée de Saint-Germain parmi lessilexdu Danemark, il en est un certain nombre qui sont aiguisésenforme de ciseau ; ceux-là étaient biencertainement desherminettes, on les montait comme je l'indique et ils devaient faire untrès-bon service ; pour les haches proprement dites ainsimontées, elle ne valent pas un emmanchementparallèle, niune vraie herminette, et c'est à cause de cela que je n'enaifait qu'un modèle, ne trouvant pas l'outil assez pratique etsurtout ne donnant pas d'assez bons résultats comme travail.

La figure B est une hache complètement plate ; c'est,croit-on,le plus ancien modèle de la hache de bronze, d'une monturedifficile à cause de sa forme ; je l'ai emmanchéedansune gaîne en deux morceaux, comme laprécédente, eten attachant solidement les deux pièces ; j'ai ainsi obtenuunciseau, si l'on veut s'en servir à la main, ou une hache,dansle cas où on entrerait dans un manche l'outil ainsimonté.

Maintenant, en reprenant l'ensemble des armes décrites danscetouvrage on doit se demander : Sont-ce des armes ou des outils ? bienque j'aie employé indistinctement ces deux mots.

A mon avis, c'étaient des outils sutout. Qu'à unmomentdonné on s'en soit servi contre un animal ou contre unhomme,c'est possible ; mais, je le répète, je croisavant toutque c'était comme outil qu'on les employait. Nous voyons, eneffet, dans l'Asie et surtout dans l'Océanie, les peuplessauvages avoir leurs armes faites avec le bois et l'os uniquement, etles outils avec la pierre ; pourquoi n'en serait-il pas demêmepour les habitants primitifs de l'Europe.

Du reste, à en juger par la grande quantité deflèches barbelées en os que l'on trouve dans lescavernes de la France, on peut conclure à une granderessemblanceentre ces peuples primitifs et les sauvages actuels. Pour ce qui est dela chasse au gros gibier, qu'on n'aurait pu porter bas avec les armestrop fragiles en bois, en os ou en silex, ils faisaient des trous danslesquels tombait la pièce, qu'ils assommaient ensuiteàloisir.

Je crois qu'après avoir consulté mes planches,chacun està même de pouvoir refaire mon travail. Lesmodificationsà apporter étant souvent toutes personnelles, jen'aicherché qu'à donner des exemplesgénérauxpouvant se rapporter à des types ; du reste, je seraisheureux,au cas échéant, de donner à ceux quiferaient desessais, tous les conseils de l'expérience que j'ai acquise.LaSociété d'anthropologie de Paris m'a faitl'honneur de serendre chez moi, et les honorables membres ont pu eux-mêmesfairetous les essais et toutes les expériences qu'ils ont voulu.J'avoue que jamais mes armes n'ont étéà une plusrude épreuve, et le tronc d'arbre contre lequel on afrappé est parti en morceaux sans qu'une emmanchure aitcédé. Après avoirlacéré un tronc depeuplier de 0 m,30, quelques membres ont voulu fendre unepiècede vieux chêne, remplie de noeuds et sèche depuisdix ans; là, encore, le bois a volé en éclatset lesarmes ont résisté. Je dois dire que, de ce jour,mesoutils ont été pour moi définitivementéprouvés, car les honorables membres, n'ayant pasl'habitude de manier la hache, frappaient à coupsredoublés, aux risque de briser le silex et les manches.J'avouequ'après avoir souvent tremblé, dans le cours del'expérience, j'ai ététrès-heureux de lanouvelle preuve de réussite que me donnaient ces essais, etj'enremercie ceux qui ont bien voulu y concourir.