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CHAPITRE VII
LES CHEVAUX DE LA CAVALERIE METROPOLITAINE DE LA IIIè REPUBLIQUE : LES ANGLO-ARABES
Ce sont les chevaux qui auraient dû remonter les régiments métropolitains si la politique d'élevageavait fonctionné dans le bon sens. Le sens voulu par Napoléon Ier, créant les haras impériaux en 1806, etles peuplant d'étalons arabes ou au moins orientaux. Nous l'avons vu il n'en a pas été ainsi, et les "Haras"n'ont pas rempli cette mission qui était la leur. Mais il serait injuste de ne pas faire mention de l'effortlouable fait au sein de cette administration de l'Etat par quelques uns de ses cadres.
Tout commence avec l'Arabe, premier cheval de sang (1). Cette race découverte par les Européensoccidentaux lors des croisades, le fut à nouveau au XVIIIè siècle. En effet, l'Académie royale du Danemarkenvoya une mission scientifique à sa recherche, dans les années soixante de ce siècle. Un seul membrede l'équipe en revint : Nieburg, le topographe. Il fit un compte-rendu de mission, publié à Copenhague en1772 (2)
La Ière république française et son "Directoire" corrompu, envoya en 1798, en Egypte, un corpsexpéditionnaire sans chevaux. C'était, on le sait, pour se débarrasser d'un jeune général encombrant :Napoléone Buonaparte. Il conquit le delta du Nil où pour la première fois de sa carrière il vit une véritablecavalerie, celle des Mamelukes. Il remonta ses Dragons à pied par des chevaux levés dans les territoiresoccupés. Ce n'étaient que des bâtards de la race pure. Mais il comprit vite qu'il avait trouvé dans ceschevaux orientaux, qu'il appela "Arabes", les meilleurs améliorateurs de la race chevaline.
L'idée était dans l'air depuis Jean Tacquet, on s'en souvient... Plus tard, il ramènera en France, le plusgrand nombre de sujets qu'il pourra, pour lui et ses généraux. Plus tard, encore, quand il eut créé lesHaras impériaux (1806), il y fit affecter ces orientaux comme étalons de croisement.
Tous ces étalons devaient tous être inscrits (après 1833) dans le premier tome du Stud book françaiscomme : Arabes.
Inscrits comme chevaux de pur sang (concept français né à cette époque), ils y prirent place à côtédes chevaux anglais de course. Cette race anglaise a été élaborée outre-Manche, par le croisement desjuments indigènes galopeuses avec des étalons : Arabes, Marocains, et Turcs, et cela depuis le roiCharles II, avec une sélection très sévère par les courses de vitesse au galop (3). Ce cheval anglais decourse est sans aucun doute la plus belle réussite de l'élevage occidental. Les gens du monde le définirentcomme cheval arabe grandi et acclimaté à l'Europe. Ce qui laissa incrédule les puristes. C'est en effet uneapproximation de marchands, mais qui permit d'inscrire à côté d'eux les orientaux de Napoléon.
Puis, c'est bien français, certains eurent l'idée de "faire une race" de qualité identique par le mêmesystème d'élevage et de courses... en France (4). Ainsi est né le concept de "pur sang anglo-arabefrançais". Cela aurait été conforme aux projets de l'empereur défunt, que ce cheval devienne réalité, et qu'ilfut mis en production par l'administration des haras, pour fournir notre cavalerie. On sait qu'il n'en fut pasainsi et que cette administration du cheval s'intéressa plus au trotteur anglo-normand qui fut un mauvaischeval de cavalerie (5).
La vérité oblige à dire qu'un homme tenta de mettre cette administration dans la bonne direction. Ilavait du mérite car il en était un des cadres de grande notoriété, sinon de grande influence. C'est EugèneGayot (6), directeur des Haras du Pin, puis de Pompadour. En fin de carrière, il fut même directeur généralde cette administration, jusqu'à sa retraite en 1852. (Il fut membre de la commission Bethmont-Fould en1848 avec d'Aure, Lancosme-Brèves, Delacour, de Beylen, et le général Randon, entre autres...)
En fait bien qu'on lui accorde le titre de "père de l'Anglo-arabe français", il ne dépassa pas le stade desexpériences et de la pédagogie ; mais son idée perdura. L'historien hippique Mennessier de la Lance écrit(op. cit.) (7) "Momentanément ralentie par une vive opposition... la création de l'Anglo-arabe de pur sang etde demi-sang a survécu à Gayot... finalement (La lance écrit à la veille de la guerre 14-18)... (il) a doté lacavalerie française d'un cheval merveilleux (sic)... qui n'existait pas il y a à peine trente ans."
On se souvient en effet (voir supra) qu'en 1887, on ne trouva pas les quelques quatre mille chevaux deselle de guerre, pour remonter six régiments de cavalerie légère et le projet dut être abandonné !
En recherchant dans les actes gouvernementaux et parlementaires, on trouve deux étapes majeures dansla reconnaissance et la promotion de cette race créée artificiellement (8).
D'abord en 1848, sous la IIème république, l'arrêté du 25 avril du Ministre de l'Agriculture et duCommerce Bethmont créa une commission d'experts pour étudier : "... la production et l'élevage du cheval..."Dans le rapport publié par Achille Fould (membre et rapporteur) on lit page 38 - alinéa 3 - le voeu suivant :"qu'une remonte d'étalons soit effectuée le plus promptement possible en Orient, dans le but de satisfaire aubesoin des départements du midi".
Ensuite en 1874, sous la IIIè république, dans la discussion au Parlement de la loi sur "les haras et lesremontes" (voir supra) proposée par les députés normands, les parlementaires du Sud obtinrent sonamendement. Sur proposition du député Desbons, il fut ajouté que l'élevage des chevaux arabes et anglo-arabes seraient encouragés. Grâce à cet amendement la loi du 29 avril 1874 sur l'élevage du cheval aura deuxarticles supplémentaires.
- Article 5 (dernier alinéa) "... une allocation de 50 000 francs (or) sera affectée (chaque année) auxépreuves des Arabes et Anglo-arabes".
- Article 6 "La jumenterie de Pompadour sera rétablie... (et) ... exclusivement consacrée à la productiondu cheval de sang : l'Arabe et l'Anglo-arabe".
Nous avons dans ce texte la reconnaissance officielle de la nouvelle race anglo-arabe inventée par Gayot.
On sait maintenant (1999) que la production de ce cheval (dans le massif central et le sud-ouest) mise enplace à la fin du XIXè siècle n'atteindra jamais un niveau suffisant pour renouveler la médiocre remonte de lacavalerie légère métropolitaine avant 1914.
On sait aussi qu'il n'a pas été possible de modifier le défaut de l'Anglo-arabe : sa nervosité, comme lesouhaitait en 1914 le général de la Lance (op. cit.)
Bien que le cadre de notre étude s'arrête en 1918, il serait injuste de ne pas donner le palmarès dequelques sujets d'élite de cette race purement française, aux jeux olympiques de 1928 à 1952. Ces championsétaient tous des chevaux militaires préparés, dressés et entraînés par des cavaliers militaires (9)
Voilà donc ce que l'on peut et doit dire sur l'Anglo-arabe inventé, non sans peine et non sans mérite auXIXè siècle. Cheval qui arriva trop tard dans la cavalerie métropolitaine... au temps où la guerre se faisaitencore avec des chevaux.
NOTES
(1) Nicole de Blomac et Denis Bogros L'Arabe, premier cheval de sang - Paris : Crépin-Leblond, 1978.
(2)Carsten Nieburg, Description de l'Arabie - Copenhague, 1772.
(3)Henry Lee, Historique des courses de chevaux - Paris, 1914.
(4)Le Comte d'Aure, Traité d'équitation - Paris, 1833/1845 (5è édition 1894).
(5)Claude-Victor-Eugène Grandin, Dix huit ans de généralat dans la cavalerie - 1878-1896,Besançon, 1901, (à compte d'auteur).
Interdit de publication d'après Mennessier de la Lance (op. cité). Dugué Mac Carthy : Lacavalerie au temps des chevaux - Paris : EPA, 1989, cite Grandin : "les haras manquent totalementà leur mission, qui depuis 1806, consiste à assurer les besoins de l'Etat militaire du pays, tandisqu'ils oscillent au gré des courants électoraux et fabriquent des trotteurs mécaniques (sic), despur-sang de course, des pachydermes de gros traits, et quelques chevaux de luxe. Quant à lacavalerie (-) les haras laissent les accouplements se faire au petit bonheur, sans doctrine et sansméthode." Notons que le général Grandin en 1896 ne cite pas l'Anglo-arabe.
(6)Eugène Gayot (1808-1891), La France chevaline - Paris, au journal des haras, 1848-1854.
(7)Mennessier de la Lance, Bibliographie hippique T1, A à K - Paris : Librairie Dorbon, 1915, p. 534.
(8)Dans L'Arabe, premier cheval de sang (op. cit.) on trouvera de nombreux renseignements surla création du cheval dit "anglo-arabe" en France (Livre II).
(9)Palmarès des Anglo-arabes aux jeux olympiques :
1928 - Amsterdam - Dressage "Linon" 2ème
1932 - Los Angeles - Dressage "Linon" 2ème
1936 - Berlin - Dressage "Favorite" 5ème
1948 - Londres - Dressage "Harpagon" 2ème ; Concours complet "Aiglonne" 1ère
1952 - Helsinki - Dressage "Harpagon" 3ème ; Sauts d'obstacles "Ali baba" 1er
Ce dernier crack, cheval militaire du Centre National des Sports équestres de Fontainebleau quiétait dirigé par le Colonel Cavaillé - chef entraîneur de l'équipe de France - fut affecté à un jeunechampion civil Jonquère d'Oriola.
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