COUÉ, Émile(1857-1926) : LaMaîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente: Autrefois de la suggestion et de ses applications.-Nouvelle édition.- Nancy : Chez l'auteur et àParis : Librairie Oliven 1926.- 118 p. ; in-16.
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LA MAÎTRISE DE SOI-MÊME
PAR
L'AUTOSUGGESTION CONSCIENTE
par
Émile COUÉ

LA MAÎTRISE DE SOI-MÊME
PAR
L'AUTOSUGGESTION CONSCIENTE
par
Émile COUÉ

*
* *
MESDAMES, MESSIEURS,
La suggestion ou plutôt l'autosuggestionest un sujet tout à fait nouveau, en même tempsqu'il est aussi vieux que le monde.
Il est nouveau en ce sens que, jusqu'àprésent, il a été malétudié et, par conséquent, mal connu;il est ancien parce qu'il date de l'apparition de l'homme sur la terre.En effet, l'autosuggestion est un instrument quenous possédons en naissant et cet instrument, ou mieux cetteforce, est doué d'une puissance inouïe,incalculable, qui, suivant les circonstances, produit les meilleurs oules plus mauvais effets. La connaissance de cette force est utileà chacun de nous, mais elle est plusparticulièrement indispensable aux médecins, auxmagistrats, aux avocats, aux éducateurs de la jeunesse.
Lorsqu'on sait la mettre en pratique d'unefaçon consciente, on évited'abord de provoquer chez les autres des autosuggestions mauvaises dont les conséquences peuvent êtredésastreuses, et ensuite l'on en provoque consciemmentde bonnes qui ramènent la santé physique chez lesmalades, la santé morale chez lesnévrosés, les [[2]]dévoyés, victimes inconscientes d'autosuggestionsantérieures, et aiguillent dans la bonne voie des espritsqui avaient tendance à s'engager dans la mauvaise.
L'ÊTRE CONSCIENT ET L'ÊTRE INCONSCIENT
Pour bien comprendre lesphénomènes de la suggestion, ou pour parler plusjustement, de l'autosuggestion, il est nécessaire de savoirqu'il existe en nous deux individus absolument distincts l'un del'autre. Tous deux sont intelligents; mais, tandis que l'un estconscient, l'autre est inconscient. C'est la raison pour laquelle sonexistence passe généralement inaperçue.
Et cependant cette existence est facileà constater, pour peu qu'on se donne la peine d'examinercertains phénomènes et qu'on veuille bien yréfléchir quelques instants. En voici desexemples :
Tout le monde connaît le somnambulisme,tout le monde sait qu'un somnambule se lève la nuit, sans être éveillé, qu'ilsort de sa chambre après s'être habilléou non, qu'il descend des escaliers, traverse des corridors et que,après avoir exécuté certains actes ouaccompli certain travail, il revient à sa chambre, serecouche, et montre le lendemain le plus grand étonnement entrouvant terminé un travail qu'il avait laisséinachevé la veille.
Cependant c'est lui qui l'a fait, bien qu'il n'ensache rien. À quelle force son corps a-t-il obéi,si ce n'est à une force inconsciente, à sonêtre inconscient ?
Considérons maintenant, si vous levoulez bien, le cas trop fréquent, hélas ! d'unalcoolique atteint de delirium tremens. Comme prisd'un accès de démence, il s'empare d'une armequelconque, couteau, marteau, hachette, et frappe, frappe furieusementceux qui ont le malheur d'être dans son voisinage. Quand,l'accès terminé, l'homme [[3]] recouvre ses sens,il contemple avec horreur la scène de carnage qui s'offreà sa vue, ignorant que c'est lui-même qui en estl'auteur. Ici encore, n'est-ce pas l'inconscient qui a conduit cemalheureux ? [1]
Si nous comparons l'être conscientà l'être inconscient, nous constatons que, tandisque le conscient est doué souvent d'une mémoiretrès infidèle, l'inconscient, au contraire, estpourvu d'une mémoire merveilleuse, impeccable, quienregistre, à notre insu, les moindresévénements, les moindres faits de notreexistence. De plus, il est crédule et accepte, sansraisonner, ce qu'on lui dit. Et, comme c'est lui qui présideau fonctionnement de tous nos organes par l'intermédiaire ducerveau, il se produit ce fait, qui vous semble plutôtparadoxal, que s'il croit que tel ou tel organe fonctionne bien ou mal,que nous ressentons telle ou telle impression, cet organe, en effet,fonctionne bien ou mal, ou bien nous ressentons telle ou telleimpression.
Non seulement l'inconscient préside auxfonctions de notre organisme, mais il préside aussià l'accomplissement de toutes nos actions, quellesqu'elles soient.
C'est lui que nous appelons imagination et qui,contrairement à ce qui est admis, nous fait toujoursagir, même et surtout contre notrevolonté, lorsqu'il y a antagonisme entre ces deuxforces.
VOLONTÉ ET IMAGINATION
Si nous ouvrons un dictionnaire et que nouscherchions [[4]] le sens du mot volonté, nous trouveronscette définition : « Faculté de sedéterminer librement à certains actes». Nous accepterons cette définition comme vraie,inattaquable. Or, rien n'est plus faux, et cette volonté,que nous revendiquons si fièrement, cèdetoujours le pas à l'imagination. C'est une règleabsolue, qui ne souffre aucune exception.
Blasphème! paradoxe! vousécrierez-vous. Nullement. Vérité, purevérité, vous répondrai-je.
Et pour vous en convaincre, ouvrez les yeux,regardez autour de vous, et sachez comprendre ce que vous voyez. Vousvous rendrez compte alors que ce que je vous dis n'est pas unethéorie en l'air, enfantée par un cerveau malade,mais la simple expression de ce qui est.
Supposons que nous placions sur le sol une planchede 10 mètres de long sur 0 m. 25 de large, il estévident que tout le monde sera capable d'aller d'un boutà l'autre de cette planche sans mettre le pied àcôté. Changeons les conditions del'expérience et supposons cette planche placéeà la hauteur des tours d'une cathédrale, quelleest donc la personne qui sera capable de s'avancer, seulement d'unmètre, sur cet étroit chemin ? Est-ce vous quim'écoutez ? Non, sans doute. Vous n'auriez pas fait deux pasque vous vous mettriez à trembler et que, malgrétous vos efforts de volonté, vous tomberiezinfailliblement sur le sol.
Pourquoi donc ne tomberez-vous pas si la plancheest à terre et pourquoi tomberez-vous si elle estélevée ? Tout simplement parce que, dans lepremier cas, vous vous imaginez qu'il vous estfacile d'aller jusqu'au bout de cette planche, tandis que, dans lesecond, vous vous imaginez que vous ne le pouvez pas.
Remarquez que vous avez beau vouloiravancer : si [[5]] vous vous imaginez que vous nele pouvez pas, vous êtes dansl'impossibilité absolue de le faire.
Si des couvreurs, des charpentiers, sont capablesd'accomplir cette action, c'est qu'ils s'imaginent qu'ils le peuvent.
Le vertige n'a pas d'autre cause que l'image quenous nous faisons que nous allons tomber; cette image se transformeimmédiatement en acte, malgré tous nosefforts de volonté, d'autant plus vitemême que ces efforts sont plus violents.
Considérons une personne atteinted'insomnie. Si elle ne fait pas d'efforts pour dormir, elle resteratranquille dans son lit. Si, au contraire, elle veutdormir, plus elle fait d'efforts, plus elle est agitée.
N'avez-vous pas remarqué que plus vousvoulez trouver le nom d'une personne que vous croyez avoiroublié, plus il vous fuit, jusqu'au moment oùsubstituant dans votre esprit l'idée «ça va revenir » à l'idée« j'ai oublié » le nom vous revient toutseul, sans le moindre effort ?
Que ceux qui font de la bicyclette se rappellentleurs débuts. Ils étaient sur la route, secramponnant à leur guidon, dans la crainte de tomber. Toutà coup, apercevant au milieu du chemin un simple petitcaillou ou un cheval, ils cherchaient à éviterl'obstacle, plus droit ils se dirigeaient sur lui.
À qui n'est-il pas arrivéd'avoir le fou rire, c'est-à-dire un rire quiéclatait d'autant plus violemment que l'on faisait plusd'efforts pour le retenir ?
Que était l'état d'esprit de chacundans ces différentes circonstances ? Je veux nepas tomber, mais je ne peux pas m'enempêcher; je veux dormir, mais je nepeux pas; je veux trouver le nom deMadame Chose, mais je ne [[6]] peux pas; je veuxéviter l'obstacle, mais je ne peux pas; je veux contenir mon rire, maisje ne peux pas.
Comme on le voit, dans chacun de ces conflits,c'est toujours l'imagination qui l'emporte sur la volonté, sans aucune exception.
Dans le même ordre d'idées,ne voyons-nous pas qu'un chef qui se précipite en avant,à la tête de ses troupes, les entraînetoujours après lui, tandis que le cri : « Sauvequi peut ! » détermine presque fatalement unedéroute ? Pourquoi ? C'est que, dans le premier cas, leshommes s'imaginent qu'ils doivent marcher en avantet que, dans le second, ils s'imaginent qu'ils sontvaincus et qu'il leur faut fuir pour échapper àla mort.
Panurge n'ignorait pas la contagion de l'exemple,c'est-à-dire l'action de l'imagination, quand, pour sevenger d'un marchand avec lequel il naviguait, il lui achetait son plusgros mouton et le jetait à la mer, certain d'avance que letroupeau suivrait tout entier, ce qui eut lieu, du reste.
Nous autres, hommes, nous ressemblons plus oumoins à la gent moutonnière et, contre notregré, nous suivons irrésistiblement l'exempled'autrui, nous imaginant que nous ne pouvons faireautrement.
Je pourrais citer encore mille autres exemples,mais je craindrais que cette énumération nedevînt fastidieuse. Je ne puis cependant passer sous silencece fait qui montre la puissance énorme de l'imagination,autrement dit, de l'inconscient dans sa luttecontre la volonté.
Il y a des ivrognes qui voudraient bien ne plusboire, mais qui ne peuvent s'empêcher de le faire.Interrogez- les, ils vous répondront, en toutesincérité, qu'ils voudraient êtresobres, que la boisson les dégoûte, mais qu'ilssont irrésistiblement poussés à boire,malgré leur [[7]] volonté, malgréle mal qu'ils savent que cela leur fera...
De même, certains criminels commettentdes crimes malgré eux, et quand on leurdemande pourquoi ils ont agi ainsi, ils répondent :« Je n'ai pas pu m'en empêcher, cela me poussait,c'était plus fort que moi. »
Et l'ivrogne et le criminel disent vrai; ils sontforcés de faire ce qu'ils font, par la seule raison qu'ilss'imaginent ne pas pouvoir s'en empêcher.
Ainsi donc, nous qui sommes si fiers de notrevolonté, nous qui croyons faire librement ce que nousfaisons, nous ne sommes en réalité que pauvresfantoches dont notre imagination tient tous les fils. Nous se cessonsd'être ces fantoches que lorsque nous avons apprisà la conduire.
SUGGESTION ET AUTOSUGGESTION
D'après ce quiprécède, nous pouvons assimiler l'imaginationà un torrent qui entraîne fatalement le malheureuxqui s'y est laissé tomber, malgré savolonté de gagner la rive. Ce torrent semble indomptable;cependant si vous savez vous y prendre, le vous ledétournerez de son cours, vous le conduirez àl'usine, et là vous transformerez sa force en mouvement, enchaleur, en électricité.
Si cette comparaison ne vous semble passuffisante, nous assimilerons l'imagination (la folle du logis, commeon s'est plu à l'appeler) à un cheval sauvage quin'a ni guides, ni rênes. Que peut faire le cavalier qui lemonte, sinon se laisser aller où il plaît aucheval de le conduire ? Et, souvent alors, si ce dernier s'emporte,c'est dans le fossé que s'arrête sa course. Que lecavalier vienne à mettre des rênes à cecheval, et les rôles sont changés. [[8]] Ce n'estplus lui qui va où il veut, c'est le cavalier qui faitsuivre au cheval la route qu'il désire.
Maintenant que nous nous sommes rendu compte de laforce énorme de l'être inconscient ou imaginatif,je vais montrer que cet être, considérécomme indomptable, peut être aussi facilementdompté qu'un torrent ou un cheval sauvage.
Mais avant d'aller plus loin, il estnécessaire de définir soigneusement deux mots quel'on emploie souvent, sans qu'ils soient toujours bien compris. Ce sontles mots suggestion et autosuggestion.
Qu'est-ce donc que la suggestion ? On peut ladéfinir « l'action d'imposer une idéeau cerveau d'une personne ». Cette action existe-t-elleréellement ? À proprement parler, non. Lasuggestion n'existe pas en effet par elle-même; elle n'existeet ne peut exister qu'à la condition sine qua nonde se transformer chez le sujet en autosuggestion.Et ce mot, nous définirons « l'implantation d'uneidée en soi-même par soi-même». Vous pouvez suggérer quelque chose àquelqu'un; si l'inconscient de ce dernier n'a pas acceptécette suggestion, s'il ne l'a pas digérée, pourainsi dire, afin de la transformer en autosuggestion,elle ne produit aucun effet.
Il m'est arrivé quelquefois desuggérer une chose plus ou moins banale à dessujets très obéissants d'ordinaire, et de voir masuggestion échouer. La raison en est que l'inconscient deces sujets s'était refusé à l'accepteret ne l'avait pas transformée en autosuggestion.
[[9]]
EMPLOI DE L'AUTOSUGGESTION
Je reviens à l'endroit où jedisais que nous pouvons dompter et conduire notre imagination, comme ondompte un torrent ou un cheval sauvage. Il suffit pour cela, d'abord desavoir que cela est possible (ce que presque tout le monde ignore), etensuite d'en connaître le moyen. Eh bien! ce moyen est fortsimple; c'est celui que, sans le vouloir, sans le savoir, d'unefaçon absolument inconsciente de notre part, nous employonschaque jour depuis que nous sommes au monde, mais que, malheureusementpour nous, nous employons souvent mal et pour notre plus grand dam. Cemoyen c'est l'autosuggestion.
Tandis que, habituellement, ons'autosuggère (sic) inconsciemment, ilsuffit de s'autosuggérer consciemment et leprocédé consiste en ceci : d'abord, bien peseravec sa raison les choses qui doivent faire l'objet de l'autosuggestionet, selon que celle-ci répond oui ou non, serépéter plusieurs fois, sans penser àautre chose : « Ceci vient ou ceci se passe; ceci sera ou nesera pas, etc. etc., » et si l'inconscient accepte cettesuggestion, s'il s'autosuggère, on voit la ou les choses seréaliser de point en point.
Ainsi entendue, l'autosuggestion n'estautre chose que l'hypnotisme tel que je le comprends et que jedéfinis par ces simples mots : Influence del'imagination sur l'être moral et l'être physiquede l'homme.
Or, cette action est indéniable et,sans revenir aux exemples précédents, j'enciterai quelques autres.
Si vous vous persuadez àvous-même que vous pouvez faire une chose quelconque, pourvuqu'elle soit possible, vous la ferez, si difficilequ'elle puisse être. Si, au contraire, vous vous imaginez ne pas pouvoir faire la chose [[10]] la plus simple dumonde, il vous est impossible de la faire et les taupinièresdeviennent pour vous des montagnes infranchissables.
Tel est le cas des neurasthéniques qui,se croyant incapable du moindre effort, se trouvent souvent dansl'impossibilité de faire seulement quelques pas sansressentir une extrême fatigue. Et ces mêmesneurasthéniques, quand ils font des efforts pour sortir deleur tristesse, s'y enfoncent de plus en plus, semblables au malheureuxqui s'enlise et qui s'enfonce d'autant plus vite qu'il fait plusd'efforts pour se sauver.
De même il suffit de penser qu'unedouleur s'en va pour sentir en effet cette douleurdisparaître peu à peu, et, inversement, il suffitde penser que l'on souffre pour que l'on sente immédiatementvenir la souffrance.
Je connais certaines personnes quiprédisent à l'avance qu'elles auront la migrainetel jour, dans telles circonstances, et, en effet, au jour dit, dansles circonstances données elles la ressentent. Elles se sontelles-mêmes donné leur mal, de même qued'autres se guérissent leur par autosuggestionconsciente.
Je sais que, généralement,on passe pour fou aux yeux du monde, quand on ose émettredes idées qu'il n'est pas habitué àentendre. Eh bien ! au risque de passer pour fou, je dirai que, sinombre de personnes sont malades moralement et physiquement, c'estqu'elles s'imaginent être malades, soitau moral, soit au physique; si certaines personnes sont paralytiques,sans qu'il y ait aucune lésion chez elles, c'est qu'elless'imaginent être paralysées, et c'est parmi cespersonnes que se produisent les guérisons les plusextraordinaires.
Si certains sont heureux ou malheureux, c'estqu'ils s'imaginent être heureux oumalheureux, car deux per- [[11]] sonnes, placées exactementdans les mêmes conditions, peuvent se trouver, l'une parfaitementheureuse, l'autre absolument malheureuse.
La neurasthénie, lebégaiement, les phobies, la kleptomanie, certainesparalysies, etc., ne sont autre chose que le résultat del'action de l'inconscient sur l'êtrephysique ou moral.
Mais si notre inconscient estla source de beaucoup de nos maux, il peut aussi amener laguérison de nos affections morales et physiques. Il peut,non seulement réparer le mal qu'il a fait, mais encoreguérir des maladies réelles, si grande est sonaction sur notre organisme.
Isolez-vous dans une chambre, asseyez-vous dans unfauteuil, fermez les yeux pour éviter toute distraction, etpensez uniquement pendant quelques instants: « Telle choseest en train de disparaître », « tellechose est en train de venir. »
Si vous vous êtes faitréellement de l'autosuggestion, c'est-à-dire sivotre inconscient a fait sienne l'idée que vous lui avezofferte, vous êtes tout étonné de voirse produire la chose que vous avez pensée. (Il està noter que le propre des idéesautosuggérées est d'exister en nous ànotre insu et que nous ne pouvons savoir qu'elles y existent que parles effets qu'elles produisent.) Mais surtout, et cette recommandationest essentielle, que la volonté n'intervienne pasdans la pratique de l'autosuggestion; car, si elle n'est pasd'accord avec l'imagination, si l'on pense : « Je veux quetelle ou telle chose se produise, » et que l'imagination dise: « Tu le veux, mais cela ne sera pas, » nonseulement on n'obtient pas ce que l'on veut, mais encore on obtientexactement le contraire.
Cette observation est capitale, et elle expliquepourquoi les résultats sont si peu satisfaisants quand, dans[[12]] le traitement des affections morales, on s'efforce de faire la rééducationde la volonté. C'est à l'éducationde l'imagination qu'il faut s'attacher, et c'estgrâce à cette nuance que ma méthode asouvent réussi là où d'autres, et nondes moindres, avaient échoué.
Des nombreuses expériences que je faisjournellement depuis vingt ans et que j'ai observées avec unsoin minutieux, j'ai pu tirer les conclusions qui suivent et que j'airésumées sous forme de lois :
1° Quand la volonté etl'imagination sont en lutte, c'est toujours l'imagination quil'emporte, sans aucune exception;
2° Dans le conflit entre lavolonté et l'imagination, la force de l'imagination est enraison directe du carré de la volonté;
3° Quand la volonté etl'imagination sont d'accord, l'une ne s'ajoute pas àl'autre, mais l'une se multiplie par l'autre;
4° L'imagination peut êtreconduite.
(Les expressions « en raison directe ducarré de la volonté » et « semultiplie » ne sont pas rigoureusement exactes. C'estsimplement une image destinée à faire comprendrema pensée.)
D'après ce qui vient d'êtredit, il semblerait que personne ne dût jamais êtremalade. Cela est vrai. Toute maladie, presque sans exception, peut céder à l'autosuggestion,si hardie et si invraisemblable que puisse paraître monaffirmation; je ne dis pas cède toujours,mais peut céder, ce qui estdifférent.
Mais pour amener les gens à pratiquer l'autosuggestionconsciente, il faut leur enseigner comment faire, demême qu'on leur apprend à lire ou àécrire, qu'on leur enseigne la musique, etc.
L'autosuggestion est, comme jel'ai dit plus haut, un [[13]] instrument que nous portons en nous ennaissant, et avec lequel nous jouons inconsciemment toute notre vie,comme un bébé joue avec son hochet. Mais c'est uninstrument dangereux; il peut vous blesser, vous tuer même,si vous le maniez imprudemment et inconsciemment. Il vous sauve, aucontraire, quand vous savez l'employer d'une façon consciente.On peut dire de lui ce qu'Ésope disait de la langue :« C'est meilleure, et en même temps la plusmauvaise chose du monde. »
Je vais vous expliquer maintenant comment on peutfaire que tout le monde ressente l'action bienfaisante de l'autosuggestionappliquée d'une façon consciente.
En disant « tout le monde »,j'exagère un peu, car il y a deux classes de personnes chezlesquelles il est difficile de provoquer l'autosuggestion consciente :
1° Les arriérés, quine sont pas capables de comprendre ce que vous leur dites;
2° Les gens qui ne consententpas à comprendre.
COMMENT IL FAUT PROCÉDER POUR APPRENDRE AU SUJETÀ S'AUTOSUGGESTIONNER
Le principe de la méthode se résume ences quelques mots :On ne peut penser qu'à une choseà la fois, c'est-à-dire que deux idéespeuvent se juxtaposer, mais non se superposer dans notre esprit.
Toute pensée occupantuniquement notre esprit devient vraie pour nous et a tendanceà se transformer en acte.
Donc, si vous arrivez à faire penserà un malade que sa souffrance disparaît, elledisparaîtra; si vous arrivez [[14]] à faire penserà un kleptomane qu'il ne volera plus, il ne volera plus,etc., etc.
Cette éducation qui vous semblepeut-être une impossibilité, est cependant lachose la plus simple du monde. Il suffit, par une séried'expériences appropriées et graduées,d'apprendre, pour ainsi dire, au sujet, l'ABC de la penséeconsciente, et cette série, la voici. Si on la suità la lettre, on est sûr, absolument sûrd'obtenir un bon résultat, sauf avec les deuxcatégories de personnes désignées plushaut.
Première expérience(préparatoire). - Prier le sujet de se tenir debout, lecorps raide comme une barre de fer, les pieds joints d'uneextrémité à l'autre, en conservant leschevilles molles, comme si elles étaient descharnières; lui dire de s'assimiler à une plancheayant des gonds à sa base, et qu'on arriverait àmettre en équilibre sur le sol; lui faire observer que, sil'on pousse légèrement la planche en avant ou enarrière, celle-ci tombe comme une masse, sans aucunerésistance, du côté vers lequel on lapousse; le prévenir que vous allez le tirer enarrière par les épaules et lui dire de se laissertomber dans vos bras, sans opposer la moindre résistance, entournant autour de ses chevilles comme charnières,c'est-à-dire ses pieds restant cloués sur le sol.Le tirer alors en arrière par les épaules et, sil'expérience ne réussit pas, la recommencerjusqu'à ce qu'elle soit réussie ou àpeu près.
Deuxième expérience.- Expliquer d'abord au sujet que, pour lui montrer l'action del'imagination sur nous-mêmes, vous allez le prier, dans uninstant, de penser « je tombe en arrière, je tombeen arrière, etc. », qu'il ne doit avoir que cettepensée dans l'esprit, qu'il ne doit faire aucuneréflexion, qu'il ne doit pas se demander s'il [[15]] vatomber ou non, que s'il tombe il peut se faire du mal, etc., etc.,qu'il ne doit pas, pour vous faire plaisir tomber exprès enarrière, mais que, par contre, s'il ressent un je ne saisquoi qui l'attire, il ne doit résister, mais, au contraire,obéir à l'attraction qu'il éprouve.
Prier alors le sujet de lever fortement letête et de fermer les yeux, placer le poing sous sa nuque, lamain gauche sur son front, et lui dire : Pensez « je tombe enarrière, je tombe en arrière, etc., etc.,» et, en effet, vous tombez en arrière voustom-bez-en-ar-rière, etc. En même temps, faireglisser la main gauche légèrement enarrière sur la tempe gauche, au-dessus de l'oreille etretirer lentement, très lentement, maisd'une façon continue, le poing droit.
On sent aussitôt le sujet esquisser unmouvement en arrière et s'arrêter dans sa chute oubien tomber. Dans le premier cas, lui dire qu'il arésisté, qu'il n'a pas pensé qu'iltombait, mais qu'il allait se blesser s'il tombait. Cela est vrai, cars'il n'avait pas eu cette pensée, il serait tombéd'un bloc. Recommencer l'expérience, en employant un ton decommandement, comme si l'on voulait forcer le sujet à vousobéir. Continuer ainsi jusqu'àréussite complète ou presque complète.Une recommandation à faire àl'opérateur est de se tenir un peu en arrière dusujet, la jambe gauche en avant, la jambe droite portéefortement en arrière, afin de ne pas êtrerenversé par le sujet quand il tombe. Si l'onnégligeait cette précaution, il pourrait enrésulter une double chute lorsque la personne est lourde.
Troisièmeexpérience. - Faire placer le sujet en face desoi, le corps toujours raide, les chevilles molles et les pieds jointset parallèles. Lui placer les deux mains sur les tempes,sans appuyer, le regarder fixement, sans remuer lespaupières, à la racine du nez, lui dire de [[16]]penser « je tombe en avant, je tombe en avant » etlui répéter, en scandant les syllabes :« Vous tom-bez-en-a-vant, vous tom-bez-en-avant, etc.,» sans cesser de le regarder fixement.
Quatrièmeexpérience. - Prier le sujet de croiser les mainset de serrer les doigts au maximum, c'est-à-direjusqu'à ce qu'il se produise un légertremblement, le regarder comme dans l'expérienceprécédente et tenir ses mains sur les siennes, enpressant légèrement celles-ci, comme pour lesserrer plus fortement. Lui dire de penser qu'il ne peut plus desserrerles doigts, que vous allez compter jusqu'à trois et que,quand vous direz : « Trois », il devra essayer deséparer ses mains, en pensant toujours « je nepeux pas, je ne peux pas, etc., » il constatera que cela luiest impossible. Compter alors « un, deux, trois »,très lentement, et ajouter immédiatement, endétachant les syllabes : « Vous-ne-pou-vez pas,vous-ne-pou-vez pas, etc. » Si le sujet pense bien :« je ne peux pas » non seulement il ne peut pasdesserrer les doigts, mais encore ces derniers se serrent avec d'autantplus de force qu'il fait plus d'efforts pour les séparer. Ilobtient en somme le résultat contraire à celuiqu'il voudrait obtenir. Au bout de quelques secondes, lui dire :« Maintenant, pensez je peux », et ses doigts sedesserrent.
Avoir toujours soin de tenir le regardfixé sur la racine du nez du sujet et ne pas permettreà ce dernier de détourner un seul instant sesyeux des vôtres.
Si l'on voit que celui-ci peut détacherses mains, ne pas croire que c'est sa propre faute; c'est celle dusujet. Il n'a pas bien pensé « je ne peux pas». Affirmez-le-lui avec certitude et recommencezl'expérience.
Employez toujours un ton de commandement qui ne[[17]] souffre pas de désobéissance. Je ne veuxpas dire qu'il soit nécessaire d'élever la voix;au contraire, il est préférable d'employer lediapason ordinaire, mais de scander chaque mot d'un ton sec etimpératif.
Quand cette expérience aréussi, toutes les autres réussissentégalement bien et on les obtient facilement, en seconformant à la lettre aux instructions donnéesplus haut.
Certains sujets sont très sensibles, etil est facile de les reconnaître à ce que lacontraction de leurs doigts et de leurs membres se produit facilement.Après deux ou trois expériences bienréussies, il n'est plus nécessaire de leur dire :« Pensez ceci, pensez cela »; on leur dit, parexemple, simplement, mais avec le ton impératif que doitemployer tout bon suggestionneur : « Fermez le poing :maintenant vous ne pouvez plus l'ouvrir. Fermez les yeux; maintenantvous ne pouvez plus les ouvrir », etc., et l'on voit le sujetdans impossibilité absolue d'ouvrir le poing ou les yeux,malgré tous ses efforts. Lui dire au bout de quelquesinstants : « Vous pouvez »;instantanément la décontacture (sic)se produit.
Les expériences peuvent êtrevariées à l'infini. En voici quelques-unes :faire joindre les mains et suggérer qu'elles sontsoudées; faire appliquer la main sur la table etsuggérer qu'elle y est adhérente; dire au sujetqu'il est collé à sa chaise et qu'il lui estimpossible de se lever; le faire se lever et lui dire qu'il est dansl'impossibilité de marcher; placer un porte-plume sur unetable et lui dire qu'il pèse 100 kilos et qu'il lui estimpossible de le soulever, etc., etc.
Dans toutes ces expériences, je nesaurais trop le répéter, ce n'est pas la suggestionproprement dite qui détermine lesphénomènes, mais l'autosuggestionconsécutive chez le sujet à la suggestion dupraticien.
[[18]]
NOTA. - Les instructions donnéesci-dessus ne sont destinées qu'au professeur.
Il faut bien se garder d'essayer de faire soi-même cesexpériences parce que, généralement,on ne se met pas dans les conditions voulues et l'on neréussit pas.
MANIÈRE DE PROCÉDER POUR FAIRE DE LA SUGGESTIONCURATIVE
Quand le sujet a passé par lesexpériences précédentes qui ne doiventcependant pas être considérées commeindispensables et qu'il les a comprises, il est mûr pour lasuggestion curative.Quelle que puisse être l'affection dusujet, qu'elle soit physique ou morale, il importe deprocéder toujours de la même façon etde prononcer les mêmes paroles avec quelques variantes,suivant les cas.
Vous dites au sujet : « Asseyez-vous etfermez les yeux. Je ne veux pas essayer de vous endormir, c'estinutile. Je vous prie de fermer les yeux simplement pour que votreattention ne soit pas distraite par les objets qui frappent votreregard. Dites-vous bien maintenant que toutes les paroles que je vaisprononcer vont se fixer dans votre cerveau, s'y imprimer, s'y graver,s'y incruster, qu'il faut qu'elles y restent toujoursfixées, imprimées, incrustées, et quesans que vous le vouliez, sans que vous le sachiez, d'unefaçon tout à fait inconsciente de votre part,votre organisme et vous-même devrez y obéir. Jevous dis d'abord que, tous les jours, trois fois par jour, le matin,à midi, le soir, à l'heure des repas, vous aurezfaim, c'est-à-dire que vous éprouverez cettesensation agréable qui fait penser et dire : Oh! que jemangerais donc avec plaisir ! » Vous mangerez en effet avecplaisir et grand plaisir, sans toutefois trop manger. Mais vous aurezsoin de mastiquer longuement vos aliments de façonà les transformer en une espèce de pâte[[19]] molle que vous avalerez. Dans ces conditions vousdigérerez bien et vous ne ressentirez, ni dans l'estomac, nidans l'intestin, aucune gêne, aucun malaise, aucune douleur,de quelque nature que ce soit. L'assimilation se fera bien et votreorganisme profitera de tous vos aliments pour en faire du sang, dumuscle, de la force, de l'énergie, de la vie, en un mot.
« Puisque vous aurez biendigéré, la fonction d'excrétions'accomplira normalement et, tous les matins, en vous levant, vouséprouverez le besoin d'évacuer et, sans avoirjamais besoin d'employer aucun médicament, de recourirà un artifice quel qu'il soit, vous obtiendrez unrésultat normal et satisfaisant.
« De plus, toutes les nuits,à partir du moment où vous désirerezvous endormir jusqu'au moment où vous désirerezvous éveiller le lendemain matin, vous dormirez d'un sommeilprofond, calme, tranquille, pendant lequel vous n'aurez pas decauchemars, et au sortir duquel vous serez tout à fait bienportant, tout à fait gai, tout à fait dispos.
« D'un autre côté,s'il vous arrive quelquefois d'être triste, d'êtresombre, de vous faire de l'ennui, de broyer du noir, àpartir de maintenant il n'en sera plus ainsi et au lieud'être triste, sombre, au lieu de vous faire du chagrin, del'ennui, de broyer du noir vous serez gai, bien gai, gai sans raison,c'est possible, mais gai tout de même comme il pouvait vousarriver d'être triste sans raison; je dirai plus :même si vous aviez des raisons vraies, des raisonsréelles de vous faire de l'ennui et du chagrin, vous ne vousen ferez pas.
« S'il vous arrive aussi parfois d'avoirdes mouvements d'impatience ou de colère, ces mouvements,vous ne les aurez plus; vous serez, au contraire, toujours patient,toujours maître de vous-même, et les choses quivous ennuyaient, vous agaçaient, vous irritaient, vous[[20]] laisseront dorénavant absolumentindifférent et calme, très calme.
« Si quelquefois vous êtesassailli, poursuivi, hanté par des idéesmauvaises et malsaines pour vous, par des craintes, des frayeurs, desphobies, des tentations, des rancunes, j'entends que tout celas'éloigne peu à peu des yeux de votre imaginationet semble se fondre, se perdre comme dans un nuage lointainoù tout doit finir par disparaîtrecomplètement. Comme un songe s'évanouit auréveil, ainsi disparaîtront toutes ces vainesimages.
« J'ajoute que tous vos organesfonctionnent bien; le cœur bat normalement et la circulationdu sang s'effectue comme elle doit s'effectuer; les poumonsfonctionnent bien; l'estomac, l'intestin, le foie, lavésicule biliaire, les reins, la vessie, remplissentnormalement leurs fonctions. Si l'un d'entre eux fonctionneactuellement d'une façon anormale, cette anomaliedisparaît un peu chaque jour, de telle sorte que, dans untemps peu éloigné, elle aura disparucomplètement, et cet organe aura repris sa fonction normale.
« De plus, s'il existe quelqueslésions dans l'un d'eux, ces lésions secicatrisent de jour en jour, et elles seront rapidementguéries. « (À ce propos, je dois direqu'il n'est pas nécessaire de savoir quel organe est maladepour le guérir. Sous l'influence de l'autosuggestion« tous les jours, à tous points de vue, je vais demieux en mieux, « l'inconscient exerce son action sur cetorgane qu'il sait discerner lui-même.)
« J'ajoute encore ceci, et c'est unechose extrêmement importante; si jusqu'àprésent, vous avez éprouvévis-à-vis de vous-même une certainedéfiance, je vous dis que cette défiancedisparaît peu à peu pour faire place, aucontraire, à de la confiance en vous-même,basée sur cette force d'une puissance incalculable qui esten cha- [[21]] cun de nous. Et cette confiance est une chose absolumentindispensable à tout être humain. Sans confianceen soi, on n'arrive jamais à rien, avec de la confiance ensoi, on peut arriver à tout (dans le domaine des chosesraisonnables, bien entendu). Vous prenez donc confiance envous et la confiance vous donne la certitude que vous êtescapable de faire non seulement bien, mais mêmetrès bien, toutes les choses que vous désirerezfaire, à la condition qu'elles soient raisonnables,toutes les choses aussi qu'il est de votre devoir de faire.
« Donc, lorsque vousdésirerez faire quelque chose de raisonnable, lorsque vousaurez à faire une chose qu'il est de votre devoir de faire,pensez toujours que cette chose est facile. Que les mots : difficile,impossible, je ne peux pas, c'est plus fort que moi, je ne peux pasm'empêcher de… disparaissent de votrevocabulaire : ils ne sont pas français. Ce qui estfrançais, c'est : c'est facile et je peux.Considérant cette chose comme facile, elle le devient pourvous, alors qu'elle semblerait difficile aux autres, et cette chose,vous la faites vite, vous la faites bien, vous la faites aussi sansfatigue, parce que vous l'aurez faite sans effort. Tandis que, sil'aviez considérée comme difficile ou impossible,elle le serait devenue pour vous, tout simplement parce que vousl'auriez considérée comme telle. »
À ces suggestionsgénérales, qui sembleront peut-être unpeu longues et même enfantines à quelques-uns,mais qui sont nécessaires, il fautajouter celles qui s'appliquent au cas particulier du sujet que vousavez entre les mains.
Toutes ces suggestions doivent êtrefaites d'un ton monotone et berceur (en accentuant toutefois les motsessentiels) qui invite le sujet, sinon à dormir, du moinsà s'engourdir, à ne plus penser à rien.
[[22]]
Quand la série des suggestions estterminée, on s'adresse au sujet en ces termes : «En somme, j'entends que, à tous points de vue, tant au pointde vue physique qu'au point de vue moral, vous jouissiez d'uneexcellente santé, d'une santé meilleure que celledont vous avez pu jouir jusqu'à présent.Maintenant je vais compter jusqu'à « trois» et quand je dirai « trois », vousouvrirez les yeux et sortirez de l'état où vousêtes, et vous en sortirez bien tranquillement; en en sortant,vous ne serez pas engourdi, pas fatigué le moins du monde,tout au contraire, vous vous sentirez fort, vigoureux, alerte, dispos,plein de vie; de plus vous serez gai, bien gai et bien portant soustous rapports: « Un, deux, trois. »
Au mot « trois » le sujetouvre les yeux et sourit toujours avec, sur son visage, une expressionde contentement et de bien-être.
Une fois ce petit discours terminé,vous ajoutez ce qui suit :
COMMENT IL FAUT PRATIQUER L'AUTOSUGGESTION CONSCIENTETous les matins au réveil, et tous lessoirs, aussitôt au lit, fermer les yeux et, sanschercher à fixer son attention, sur ce que l'ondit, prononcer avec les lèvres, assez haut pour entendre ses propres paroles et en comptant sur une ficelle munie devingt nœuds, la phrase suivante : « Tousles jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux.» Les mots « à touspoints de vue » s'adressant à tout, ilest inutile de se faire des autosuggestions particulières.
Faire cette autosuggestion d'une façon simple,aussi enfantine, aussi machinaleque possible, par conséquent sans le moindreeffort. En un mot, la formule doit êtrerépétée sur le ton employépour réciter des litanies.
De cette façon, l'on arriveà la faire pénétrer mécani-[[23]] quement dans l'inconscient par l'oreille et,quand elle y a pénétré, elle agit. Suivretoute sa vie cette méthode qui est aussi bienpréventive que curative.
De plus chaque fois que, dans le courant de lajournée ou de la nuit, l'on ressent une souffrance physiqueou morale, s'affirmer immédiatementà soi-même qu'on n'y contribuera pas consciemmentet qu'on va la faire disparaître, puis s'isoler autant quepossible, fermer les yeux et, se passant la main sur le front, s'ils'agit de quelque chose de moral ou sur la partie douloureuse, s'ils'agit de quelque chose physique, répéter extrêmementvite avec les lèvres, les mots : «Ça passe, ça passe, etc., etc. »,aussi longtemps que cela est nécessaire. Avec un peud'habitude on arrive à faire disparaître ladouleur morale ou physique au bout de 20 à 25 secondes.Recommencer chaque fois qu'il en est besoin.
(La pratique de l'autosuggestion neremplace pas un traitement médical, mais c'est une aideprécieuse pour le malade comme pour le médecin.)
Après vous avoir donné desconseils, je dois vous indiquer le moyen de les mettre en pratique.
Il est donc facile de se rendre compte durôle du suggestionneur. Ce n'est pas un maître quiordonne, c'est un ami, un guide, qui conduit pas à pas lemalade dans la voie de la guérison. Comme toutes cessuggestions sont données dans l'intérêtdu malade, l'inconscient de ce dernier demande qu'à se lesassimiler et à les transformer en autosuggestion. Quandcelle-ci s'est faite, la guérison s'obtient plus ou moinsrapidement.
SUPÉRIORITÉ DE LA MÉTHODE
Cette méthode donne desrésultats absolument merveilleux, et il est facile decomprendre pourquoi. En effet, en agissant comme je le conseille, onn'éprouve jamais [[24]] d'échecs, si ce n'estavec les deux catégories de gens dont j'ai parléplus haut et qui, heureusement, représentent 3% àpeine de la masse.
Si, au contraire, on essaye d'endormir le sujet dupremier coup, sans explications, sans les expériencespréliminaires, nécessaires pour l'amenerà accepter la suggestion et la transformer enautosuggestion, on ne peut avoir et on n'a d'action que sur les sujetsextrêmement sensibles et ils sont en petit nombre.
Tous peuvent le devenir parl'entraînement, mais très peu le sont suffisammentsans l'éducation préalable que je conseille deleur donner et qui se fait du reste dans l'espace de quelques minutes.
Autrefois, me figurant que la suggestion nepouvait bien agir que pendant le sommeil, j'essayais toujoursd'endormir mon sujet; mais, ayant constaté que cen'était pas indispensable, j'ai cessé de le fairepour lui éviter la crainte, l'angoisse qu'iléprouve presque toujours lorsqu'on lui dit qu'on val'endormir, crainte qui fait souvent qu'il offre malgré luiune résistance involontaire au sommeil. Si vous lui dites,au contraire, que vous ne voulez pas l'endormir, que cela estabsolument inutile, vous gagnez sa confiance, il vous écoutesans aucune frayeur, sans aucune arrière-pensée,et il arrive souvent, sinon la première fois, du moinstrès rapidement, que, se laissant bercer par le son monotonede votre voix, il s'endort d'un sommeil profond dont il seréveille tout étonné d'avoir dormi.
S'il y a parmi vous des incrédules, etil y en a, je leur dirai tout simplement : « Venez chez moi,voyez et vous serez convaincus par les faits. »
Il ne faut pas croire cependant qu'il soitabsolument nécessaire de procéder comme je viensde le dire pour employer la suggestion et déterminerl'autosuggestion. [[25]] La suggestion peut être faite auxgens à leur insu et sans aucune préparation. Que,par exemple, un docteur qui, par son titre seul, exercedéjà sur son malade un effet suggestif, vienneà lui dire qu'il ne peut rien pour lui, que sa maladie estincurable, il provoque dans l'esprit de ce dernier une autosuggestionqui peut avoir les conséquences les plusdésastreuses; qu'il lui dise au contraire que sa maladie estgrave, il est vrai, mais que, avec des soins, du temps et de lapatience, la guérison viendra, il pourra obtenir quelquefoiset souvent même des résultats qui le surprendront.
Autre exemple : Qu'un médecin,après avoir examiné son malade, rédigeune ordonnance et la lui donne sans aucun commentaire, lesmédicaments prescrits auront peu de chance deréussir; mais qu'il explique à son client quetels et tels médicaments devront être pris danstelles et telles conditions et produiront tels et tels effets, presqueinfailliblement les résultats annoncés serontobtenus.
S'il y a dans la salle des médecins oudes confrères pharmaciens, qu'ils ne me croient pas leurennemi; je suis au contraire leur meilleur ami. D'uncôté, je voudrais voir inscrire dans le programmedes Écoles de Médecine l'étudethéorique et pratique de la suggestion, pour le plus grandbien des malades et des médecins eux-mêmes, etd'un autre côté, j'estime que, chaque fois qu'unmalade va trouver un médecin, celui-ci doit toujours luiordonner un ou plusieurs médicaments, quand mêmeceux-ci ne seraient pas nécessaires. Le malade, en effet,quand il va trouver son docteur, y va pour qu'on lui indique lemédicament qui guérira. Il ne sait pas que, leplus souvent, c'est l'hygiène, le régime quiagit; il y attache peu d'importance. C'est un médicamentqu'il lui faut;
Si, à mon avis, le médecinprescrit seulement à son malade un régime sansaucune médication, celui-ci sera [[26]]mécontent, il se dira que c'était bien inutile dese déranger pour qu'on ne lui donne rien àprendre, et souvent il ira trouver un autre docteur. Il me semble doncque le médecin doit toujours prescrire desmédicaments à son malade et, autant que possible,pas de ces médicaments spécialisésautour desquels on fait tant de réclame et qui ne valent, leplus souvent, que par la réclame qu'on leur fait, mais biendes médicaments formulés par eux-mêmes,qui inspirent au malade infiniment plus de confiance que les pilules Xou les poudres Y qu'il peut se procurer facilement dans toutepharmacie, sans qu'il soit besoin d'aucune ordonnance.
COMMENT AGIT LA SUGGESTION
Pour bien comprendre le rôle de la suggestion, ouplutôt de l'autosuggestion, il suffit de savoir que l'inconscientest le grand directeur de toutes nos fonctions. Faisons-luicroire, comme je l'ai déjà ditprécédemment, que tel organe qui ne fonctionnepas bien, doit bien fonctionner; instantanément, il lui entransmet l'ordre, et celui-ci, obéissant docilement, safonction redevient normale, soit immédiatement, soit peuà peu.Ceci permet d'expliquer d'une façonaussi simple que claire comment, par la suggestion, on peutarrêter des hémorragies, vaincre la constipation,faire disparaître des fibromes, guérir desparalysies, des lésions tuberculeuses, des plaiesvariqueuses, etc.
Je prendrai, comme exemple, le cas d'unehémorragie dentaire, cas que j'ai pu observer dans lecabinet de M. Gauthé, dentiste, à Troyes. Unejeune fille, que j'avais aidée à seguérir d'un asthme qui durait depuis huit ans, me dit unjour qu'elle voulait se faire arracher une dent. [[27]] Comme je lasavais très sensible, je lui offris de la lui faire arrachersans douleur. Naturellement elle accepta avec plaisir et nousprîmes rendez-vous avec le dentiste. Au jour dit, nous nousrendîmes chez lui, et, me plaçant devant la jeunefille, je lui dis: « Vous ne sentez rien, vous ne sentezrien, vous ne sentez rien, etc. » et, tout en continuant masuggestion, je fis signe au dentiste. Un instant après, ladent était enlevée, sans que Mlle D…eût sourcillé. Comme il arrive assez souvent, unehémorragie se déclara. Au lieu d'employer unhémostatique quelconque, je dis au dentiste que j'allaisessayer de la suggestion, sans savoir à l'avance ce qui seproduirait. Donc, je priai Mlle D… de me regarder, et je luisuggérai que, dans deux minutes l'hémorragies'arrêterait d'elle-même, et nousattendîmes. La jeune fille rejeta encore quelque crachatssanguinolents, et ensuite plus rien. Je lui dis d'ouvrir la bouche,regardâmes et nous constatâmes qu'ils'était formé un caillot de sang dans lacavité dentaire.
Comment s'expliquer cephénomène? De la façon la plus simple.Sous l'influence de l'idée : «l'hémorragie doit s'arrêter »,l'inconscient avait envoyé aux artérioles et auxveines l'ordre de ne plus laisser s'échapper du sang et,docilement, elles s'étaient contractées naturellement comme elles l'auraient fait artificiellement, au contactd'un hémostatique, comme l'adrénaline, parexemple.
Le même raisonnement nous permet decomprendre comment un fibrome peut disparaître. L'inconscientayant accepté l'idée « le fibrome doitdisparaître », le cerveau ordonne auxartères qui le nourrissent de se contracter, celles-ci secontractent, refusent leurs services, ne nourrissent plus le fibrome etcelui-ci privé de nourriture, meurt, se dessèche,se résorbe et disparaît.
[[28]]
EMPLOI DE LA SUGGESTION POUR LA GUÉRISON DES AFFECTIONSMORALES ET DES TARES ORIGINELLES OU ACQUISES
La neurasthénie, si fréquente de nosjours, cède généralement àla suggestion pratiquée fréquemment de lafaçon que j'indique. J'ai eu bonheur de contribuerà la guérison d'un grand nombre deneurasthéniques chez les- quels tous les traitements avaientéchoué. L'un d'eux même avaitpassé un mois dans un établissementspécial du Luxembourg sans obtenird'amélioration. En six semaines, il aété complètement guéri, etc'est maintenant l'homme le plus heureux du monde, aprèss'en être cru le plus malheureux. Et jamais plus il neretombera dans sa maladie, car je lui ai appris à se fairede l'autosuggestion consciente, et il sait la pratiquer d'unefaçon merveilleuse.Mais si la suggestion est utile dans le traitementdes affections morales et physiques, quels services bien plus grandsencore ne peut-elle pas rendre à lasociété, en transformant en honnêtesgens les malheureux enfants qui peuplent les maisons de correction etqui ne sortent de là que pour entrer dans l'arméedu crime ?
Que l'on ne vienne pas me dire que cela estimpossible. Cela est et je puis vous en fournir lapreuve.
Je citerai les deux cas suivants qui sont biencaractéristiques. Mais ici je dois ouvrir uneparenthèse. Pour vous bien faire comprendre lafaçon dont la suggestion agit dans le traitement des taresmorales , j'emploierai la comparaison suivante : supposons que notrecerveau soit une planche dans laquelle sont enfoncées despointes représentant nos idées, nos habitudes,nos instincts, qui déterminent nos actions. Si nousconstatons qu'il existe chez un individu une mauvaise idée,une mauvaise habitude, un mauvais instinct, en somme, une mauvaisepointe, nous en prenons une autre qui est l'idée bonne,l'habi- [[29]] tude bonne, l'instinct bon, nous la plaçonsdirectement sur la tête de la mauvaise pointe et nous donnonsdessus un coup de marteau, autrement dit, nous faisons de lasuggestion. La nouvelle pointe s'enfoncera d'un millimètre,par exemple, tandis que l'ancienne sortira d'autant. Àchaque nouveau coup de marteau, c'est-à-dire àchaque nouvelle suggestion, elle s'enfoncera encore d'unmillimètre et l'autre sortira d'un millimètre, desorte que, au bout d'un certain nombre de coups, l'ancienne pointe seracomplètement sortie et remplacée par la nouvelle.Cette substitution opérée, l'individu luiobéit.
J'en reviens à mes exemples. Le jeuneM…, âgé 11 ans, demeurant àTroyes, était sujet nuit et jour à certainspetits accidents qui sont inhérents à lapremière enfance; de plus il était kleptomane et,naturellement, il mentait aussi. Sur la demande de sa mère,je lui fis de la suggestion. Dès la premièreséance, les accidents cessèrent pendant le jour,mais continuèrent pendant la nuit. Petit à petit,ils devinrent moins fréquents, et finalement, quelques moisaprès, l'enfant fut complètementguéri. En même temps, la passion du vols'atténuait, et au bout de six mois, il ne volait plus.
Le frère de cet enfant,âgé 18 ans, avait conçu contre un autrede ses frères une haine violente. Chaque fois qu'il avait buun peu plus que de raison il éprouvait l'envie de tirer soncouteau et d'en frapper son frère. Il sentait que cela seproduirait un jour et il sentait en même temps que,après avoir accompli son crime, il se mettrait àsangloter sur le corps de sa victime.
Je lui fis également de la suggestion.Chez lui, le résultat fut merveilleux. Dès lapremière séance, il fut guéri. Sahaine pour son frère avait disparu et, depuis lors, ilsfurent tous deux bons amis, cherchant à s'êtreagréables l'un à l'autre.
[[30]]
Je l'ai suivi pendant longtemps; laguérison persistait toujours.
Quand, par la suggestion, on obtient de semblablesrésultats, ne semblerait-il pas utile, je dirai plus, indispensable,d'adopter cette méthode et de l'introduire dans les maisonsde correction ? Je suis absolument certain que, par une suggestionjournellement appliquée à des enfants vicieux, onen ramènerait plus de 50% dans le droit chemin. Ne serait-cepas rendre à la société un serviceimmense que de lui redonner sains et bien portants des membresauparavant rongés par la pourriture morale ?
On m'opposera peut-être qu'il y a dangerà employer la suggestion, qu'on peut s'en servir pour fairele mal. Cette objection n'a aucune valeur, d'abord parce que lapratique de la suggestion serait confiée à desgens sérieux et honnêtes, aux médecinsdes maisons de correction, par exemple, et que, d'autre part, ceux quicherchent à s'en servir pour le mal n'en demandent lapermission à personne.
Mais en admettant même qu'elle offrequelque danger (ce qui n'est pas), je demanderais à celuiqui me ferait cette objection quelle est la chose que nous employonsqui est sans danger. Est-ce la vapeur ? Est-ce la poudre? Sont-ce leschemins de fer, les navires, l'électricité, lesautomobiles, les aéroplanes ? Sont-ce les poisons que nous,médecins et pharmaciens, employons chaque jour àdose infinitésimale et qui peuvent foudroyer le malade si,dans un moment d'inattention, nous avons le malheur de tromper dans unepesée ?
QUELQUES CAS DE GUÉRISON
Ce petit travail serait incomplet s'il ne contenait quelquesexemples de guérisons. Je ne citerai pas toutes cel- [[31]les dans lesquelles je suis intervenu; ce serait trop long etpeut-être aussi quelque peu fatigant. Je me contenteraiseulement d'en citer quelques-unes des plus remarquables.
Mlle M… D…, de Troyes,souffre depuis huit ans d'un asthme qui l'oblige à resterassise sur son lit pendant la plus grande partie de la nuit, cherchantà remplir ses poumons qui lui refusent leurs services.Expériences préliminaires qui la montrenttrès sensible, sommeil immédiat, suggestion.Dès le premier jour, améliorationénorme, Mlle D… passe une bonne nuit, interrompueseulement par un accès d'asthme qui dure un quart d'heure.Au bout de très peu temps, l'asthme disparaîtcomplètement, sans rechutes ultérieures.
M. M…, ouvrier bonnetier, demeurantà Sainte-Savine, près de Troyes,paralysé depuis deux ans à la suite delésions à la jonction de la colonnevertébrale au bassin. La paralysie n'existe que dans lesmembres inférieurs, la circulation du sang est presque nulledans ces membres qui sont gonflés etcongestionnés au point d'être violacés.Divers traitements, même le traitement antisyphilitique, ontété appliqués sansrésultat. Expériences préliminaires,bien réussies, suggestion de ma part, autosuggestion de lapart du sujet pendant huit jours. Au bout de ce temps, mouvementspresque imperceptibles de la jambe gauche, mais cependantappréciables. Nouvelle suggestion. Huit joursaprès, amélioration notable. De semaine ensemaine, amélioration de plus en plus grande avecdisparition progressive de l'enflure, et ainsi de suite. Au bout deonze mois, le 1er novembre 1906, le malade descend seul ses escaliers,fait 800 mètres à pied et, au mois de juillet1907, il rentre à l'atelier, où il continueà travailler depuis ce moment, ne conservant plus trace deparalysie.
M. A… G…, demeurantà Troyes, souffre depuis long- [[32]] temps d'uneentérite que différents traitements n'ont puguérir. Le moral est très mauvais. M.G… est triste, sombre, insociable, il est poursuivi par desidées de suicide.
Expériences préliminairesfaciles, puis suggestion qui produit un résultatappréciable dès le jour même. Pendanttrois mois, suggestions journalières d'abord, puis, de plusen plus espacées. Au bout de ce temps, laguérison est complète, l'entérite atout à fait disparu, le moral est devenu excellent. Commecette guérison date de douze ans, sans l'ombre d'unerechute, on peut la considérer comme complète. M.G… est un exemple frappant des effets que peut produire lasuggestion, ou plutôt l'autosuggestion. Tout en lui faisantde la suggestion au point de vue physique, je lui en faisaiségalement au point de vue moral et il acceptait aussi bienl'une que l'autre. Aussi prenait-il en lui une confiance chaque jourgrandissante. Comme il était excellent ouvrier, il chercha,pour gagner davantage, à se procurer un métier debonnetier afin de travailler chez lui pour le compte d'un patron.Quelque temps après un fabricant, l'ayant vu travailler sousses yeux, lui confia le métier qu'il désirait. M.G…, grâce à son habileté,fit rendre à son métier un produit beaucoup plusgrand que les ouvriers ordinaires. Enchanté de cerésultat, l'industriel lui en confia un autre, puis encoreun autre, etc., de telle sorte que M. G.., qui serait restésimple ouvrier s'il n'avait eu recours à la suggestion, setrouve maintenant à la tête de sixmétiers qui lui procurent un très gros gain.
Mme M…, à Troyes, 30 ansenviron, atteinte de tuberculose. Amaigrissement chaque jourgrandissant malgré la suralimentation. Toux, oppression,crachats; elle semble n'avoir plus que quelques mois àvivre. Expériences préliminairesdénotant une grande sensibilité, suggestion,amélioration immédiate. Dès lelendemain les symptômes morbides commencent às'atténuer. L'a- [[33]] mélioration devientchaque jour plus sensible, le poids de le malade augmente rapidementbien qu'elle ne se suralimente plus. Au bout de quelques mois laguérison semble complète. Cette personnem'écrit au 1er janvier 1911, c'est-à-dire huitmois après mon départ de Troyes, pour meremercier. Elle me fait savoir que, bien qu'elle soit enceinte, elle seporte à merveille.
À ces cas que j'ai choisis anciens avecintention, pour montrer que la guérison est durable, je veuxen ajouter quelques autres un peu plus récents.
M. X…, employé des postesà Lunéville, perd un enfant en janvier 1910.D'où commotion cérébrale qui semanifeste chez lui par un tremblement nerveux incoercible. Son oncle mel'amène au mois de juin. Expériencespréliminaires, puis suggestion. Quatre joursaprès, le malade revient, il me dit que son tremblement adisparu. Nouvelle suggestion et invitation à revenir huitjours après. Huit jours se passent, puis quinze jours, puistrois semaines, puis un mois. Point de nouvelles.
Peu après, son oncle revient et me ditqu'il a reçu une lettre de son neveu. Celui-ci va toutà fait bien. Il a réintégréson poste de télégraphiste qu'il avaitdû abandonner et, la veille, il a passé unedépêche de cent soixante-dix mots sans la moindredifficulté. Il aurait pu, ajoutait-il dans sa lettre, enpasser une plus longue.
Depuis lors pas de rechute.
M.Y…, de Nancy,neurasthénique depuis plusieurs années, a desphobies, des terreurs, les fonctions de l'estomac et des intestinss'accomplissent mal, le sommeil est mauvais, son humeur est sombre etdes idées de suicide l'assiègent; il titube enmarchant comme un homme ivre, il pense continuellement à sonmal. Tous les traitements ont été impuissants etson état va toujours en empirant; un séjour d'unmois dans une maison spéciale ne produit [[34]] aucun effet.M. Y… vient me trouver au commencement d'octobre 1910.Expériences préliminaires relativement faciles.J'explique au malade le mécanisme de l'autosuggestion etl'existence en nous de l'être conscient et del'être inconscient. Suggestion. Pendant deux ou trois joursM. Y… est un peu troublé par les explications queje lui ai données. Au bout de quelque temps lalumière se fait dans son esprit : il a compris. Je lui faisde la suggestion et il s'en fait lui-même chaque jour.L'amélioration, d'abord lente, devient de plus en plusrapide, et au bout d'un mois et demi la guérison estcomplète. L'ex-malade qui, naguère, seconsidérait comme le plus malheureux des hommes, s'en trouvemaintenant le plus heureux. Non seulement il n'y a pas eu de rechute,mais encore il est impossible qu'il s'en produise, parce que M.Y… est convaincu qu'il ne peut plus retomber dans le tristeétat où il se trouvait autrefois.
M. E…, de Troyes. Attaque de goutte; lacheville du pied droit est enflée et douloureuse, la marcheest impossible. Les expériences préliminaires lemontrent très sensible. Après lapremière suggestion, il peut regagner, sans l'aide de sacanne, la voiture qui l'a amené. Il ne souffre plus. Lelendemain, il ne revient pas comme je lui avais dit de le faire. Safemme vient seule et m'apprend que le matin son mari s'étaitlevé, qu'il avait chaussé ses souliers etétait parti visiter ses chantiers à bicyclette(ce monsieur est peintre). Inutile de vous dire mastupéfaction. Je n'ai pas suivi ce malade qui n'a pasdaigné revenir chez moi. J'ai su qu'il étaitresté longtemps sans rechute, mais j'ignore ce qui s'estproduit depuis lors.
Mme T…, de Nancy.Neurasthénie, dyspepsie, gastralgie, entérite,douleurs dans différentes parties du corps. Elle se soignedepuis plusieurs années avec un résultat [[35]]négatif. Suggestion de ma part, autosuggestionjournalière de la sienne. Amélioration sensibledès le premier jour; cette amélioration secontinue sans interruption. Actuellement cette personne estguérie depuis de longtemps au moral et au physique. Elle nesuit plus aucune régime. Il lui semble qu'il lui reste unpeu d'entérite, mais elle n'en est pas sûre.
Mme X…, sœur de MmeT…. Neurasthénie profonde; elle reste au litquinze jours par mois, dans l'impossibilité de se mouvoir etde travailler; inappétence, tristesse, mauvaisfonctionnement de l'appareil digestif. Guérison en une seuleséance. Cette guérison semble devoirêtre durable puisque, jusqu'ici, il n'y a pas eu la moindrerechute.
Mme H…, àMaxéville. Eczémagénéralisé. Il estparticulièrement intense à la jambe gauche. Lesdeux jambes sont enflées, surtout aux chevilles, la marcheest difficile, douloureuse. Suggestion. Le soir même, MmeH… peut faire plusieurs centaines de mètres sansfatigue. Le lendemain les pieds et les chevilles sontdésenflés et ne renflent plus depuis.L'eczéma disparaît rapidement.
Mme P…, à Laneuveville.Douleurs dans les reins et les genoux. La maladie dure depuis dix anset va en empirant chaque jour. Suggestion de ma part et autosuggestionde la sienne. L'amélioration est immédiate etaugmente progressivement. La guérison s'obtient rapidementet dure toujours.
Mme Z…, de Nancy, acontracté en janvier 1910 une congestion pulmonaire dontelle n'est pas remise deux mois après. Faiblessegénérale, inappétence, digestionsmauvaises. selles rares et difficiles, insomnie, sueurs nocturnesabondantes. Dès la première suggestion la maladese sent beaucoup mieux; au bout de deux jours, elle revient et me ditqu'elle se trouve tout à fait bien. Toute [[36]] trace demaladie a disparu, toutes les fonctions s'accomplissent normalement.Trois ou quatre fois elle a été sur le point detranspirer, mais chaque fois, elle s'en estempêchée par l'emploi de l'autosuggestionconsciente. Depuis ce moment Mme Z… se porte àmerveille.
M. X…, professeur à Belfort,ne peut parler pendant plus de dix minutes à un quartd'heure sans devenir complètement aphone.Différents médecins consultés ne luitrouvent aucune lésion dans les organes de la voix; l'und'eux lui dit qu'il a de la sénilité du larynx etcette affirmation le confirme dans l'idée qu'il ne pourrajamais se guérir. Il vient à Nancy passer sesvacances. Une dame que je connais lui conseille de venir me trouver; ilrefuse d'abord, enfin il y consent malgré sonincrédulité absolue dans les effets de lasuggestion. Je lui en fais néanmoins et le prie de revenirle surlendemain. Il revient le jour dit, et me raconte que, la veille,il a causé tout l'après-midi, sans deveniraphone. Deux jours après il revient encore, l'aphonie n'apoint reparu, bien que M. X… ait non seulement beaucoupcausé, mais qu'il ait encore chanté la veille. Laguérison a persisté.
Avant de terminer, je tiens à vous direencore quelques mots sur un procédé excellentà employer par les parents pour faire l'éducationde leurs enfants et les débarrasser de leursdéfauts.
Ils doivent pour cela attendre que l'enfant soitendormi. L'un d'eux pénètre avecprécaution dans sa chambre, s'arrête àun mètre de son lit et lui répètequinze ou vingt fois en murmurant toutes les chosesqu'il désire obtenir de lui, tant au point de vue de lasanté, du sommeil, que du travail, de l'application, de laconduite, etc., puis il se retire, comme il est venu, en prenant biengarde d'éveiller l'enfant.
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Ce procédéextrêmement simple donne les meilleurs résultatset il est facile d'en comprendre le pourquoi. Quand l'enfant dort, soncorps et son être conscient se reposent, ils sont pour ainsidire annihilés, mais son être inconscient veille;c'est donc à ce dernier seul que l'on s'adresse et, comme ilest très crédule, il accepte ce qu'on lui dit,sans discussion et petit à petit l'enfant arriveà faire de lui-même ce que les parentsdésirent.
CONCLUSION
Quelle conclusion tirer de tout cela ?
Cette conclusion est bien simple et peuts'exprimer en peu de mots : nous possédons en nous une forced'une puissance incalculable qui, lorsque nous la manions d'unefaçon inconsciente, nous est souventpréjudiciable. Si, au contraire, nous la dirigeons d'unefaçon consciente et sage, elle nous donne lamaîtrise de nous-mêmes et nous permet non seulementd'aider à nous soustraire nous-mêmes età soustraire les autres à la maladie physique età la maladie morale, mais encore de vivre relativementheureux, quelles que soient les conditions dans lesquelles nouspuissions nous trouver.
Enfin et surtout, elle peut, elle doitêtre appliquée à larégénération morale de ceux qui sontsortis de la voie du bien.
E. COUÉ
NOTES
Et que de phobies dans la masse, à desdegrésdivers, parfois presque imperceptibles; quels maux nous nouscréons! tous !! et dans tous les domaines, en ne prenant pas «immédiatement » le contre-pied de nos «mauvaisesautosuggestions inconscientes » par de « bonnesautosuggestionsconscientes » réalisant la disparition de toutesouffranceinjustifiée.
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