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DUBOIS, Louis (1773-1855) : Glossaire du patois normand,augmenté des deux tiers, et publié par M. Julien Travers.- Caen :Typographie A. Hardel, 1856.- XL-440 p. ; 22 cm.
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Glossaire du patois normand
par
Louis Du Bois

 ~*~

Préface de l’éditeur

Ladernière fois que je visitai dans sa retraite de Mesnil-Durand lesavant Louis Du Bois (en octobre 1854), ce laborieux vieillard, plusqu'octogénaire, me montra un Glossaire du Patois Normand qu'il avaitcommencé vers la fin du dernier siècle, et me pria de lui chercher unéditeur. Je parcourus ces pages, je les emportai, et bientôt un hommed'intelligence et de goût prit à ses risques et périls les frais del'impression.

L'auteur n'avait pu y mettre ladernière main, occupé qu'il fut toute sa vie d'autres compositions, etil avait vu avec peine sa publication devancée par le Dictionnaire duPatois Normand que firent paraître, en 1849, MM. Édélestand et AlfredDuméril. La douleur qu'il en ressentit le rendit injuste envers cesphilologues si distingués, et il s'attacha, dans une révision de sonGlossaire, à critiquer durement ce qu'il prenait pour des erreurs dansleur Dictionnaire. Comme il est mort pendant le tirage des premièresfeuilles de son livre, il m'a été loisible d'effacer à peu près toutesles traces de son dépit. Que font au mérite, qu'importent à la véritéles petites taquineries de l'érudition?

J'avaispensé d'abord qu'à cela seul se bornerait la révision du travail; maisà mesure que je lisais les feuillets pour les envoyer à l'impression,je m'apercevais des fautes communes à MM. Du Bois et Duméril, quiavaient rangé parmi les mots patois des mots admis dans le Dictionnaire de l'Académie française, et qui semblaient avoir ignoréune foule d'expressions usitées dans toute la Basse-Normandie.J'écrivais celles qui me revenaient à la mémoire ; je doublaiscertaines pages du manuscrit ; j'ajoutais des mots nouveaux sur les épreuves ; je regrettais, en voyant les feuilles tirées, desomissions fort graves ; je me résignais enfin à provoquer, par untravail dont je reconnaissais toute l'imperfection, des travauxanalogues qui grossiraient ces premières études, ces premièrescollections. Je sentais bien que, quoi qu'on fasse, on n'arriverajamais au complet dans ce genre de nomenclature. Quand la liste de motspatois la plus longue aura paru, le plus mince écolier signalera, en laparcourant, l'omission de mots qui lui sont familiers. Résignons-nous àcollectionner avec une telle perspective.

C'estqu'en effet rien n'est peut-être plus difficile à faire qu'unGlossaire, sans lacunes, d'un patois usité dans une contrée étenduecomme la Normandie. Le propre de cet idiome, sans règles fixes ou dumoins apparentes, est la mobilité. Pour le saisir dans ses formesmultiples, il faudrait passer des mois, peut-être des années danschaque canton de la province qui le parle. Plusieurs vies d'hommes n'ysuffiraient pas ! Il faudrait l'étudier dans les villages et dans leshameaux, car il change plus ou moins de commune en commune ; ilfaudrait comparer les mêmes vocables, dont toute la différence, sitranchée au premier abord, consiste assez fréquemment dans de simplesvariétés de prononciation ; il faudrait remarquer les acceptionsnouvelles dues aux lieux que l'on habite, aux impressions que l'onreçoit de la nature physique, aux formes politiques, aux croyancesreligieuses, aux préjugés, aux superstitions de toute sorte qu'imposentles circonstances et les climats ; il faudrait tout voir, tout saisir,tout noter, puisqu'il est vrai qu'il n'est aucune de ces causes quin'influe sur le langage, et que toute pensée, tout sentiment veut sonexpression et la trouve. Qui donc entreprendra cette tâche immense ? Etcependant, pour l'accomplir, des philosophes de bonne volonté nesuffiraient pas ; il est besoin, pour de telles recherches, d'hommes debeaucoup de sens et d'érudition. Que de connaissances en linguistiquesont nécessaires pour vérifier les éléments natifs de tant d'agrégats,roulés de rivages en rivages pendant des siècles, et modifiés partantd'influences, sous tant de latitudes ! Que de sagacité pour en saisirles traits primitifs, voilés sous des transformations successives quiont altéré leur physionomie et souvent changé leur constitution !

Ilne nous appartient pas d'entrer dans cette voie ardue et d'afficher desprétentions que rien ne justifierait ; mais nous sentons l'importancedes Glossaires patois pour un Dictionnaire historique de notre langue,et la justesse des réflexions de Génin sur ces « immortelles archivesde la langue française » comme il les appelle. Écoutez ce philologueincisif : « Il s'en va grand temps de les recueillir ? La civilisationdisséminée par le réseau des chemins de fer entame partout latradition, l'écrase sous les roues des locomotives, et aura bientôtfait d'absorber et de confondre toutes les originalités locales dansl'océan de l'uniformité. Dans un temps donné, il n'y aura plus depatois ; il n'y aura plus que le français littéraire, le français duthéâtre et des romans, compliqué (et non pour une petite dose !) dufrançais industriel. Dieu sait ce que c'est, et surtout ce que ce sera! » (Préface des Récréations philologiques).

Dieusait et nous ignorons ce que sera ce français du théâtre, des romans etde l'industrie, cette langue future de nos descendants, et peu nousimporte à nous qui serons morts quand on la parlera et qu'on l'écrira ;mais nous tenons à son origine et nous désirons en percer quelquesmystères, en surprendre quelques secrets. Les patois en recèlent,étudions les patois.

Et d'abord faisons d'amplesherbiers de cette flore de la linguistique, pour laquelle si nous nenous en occupons, tant d'espèces seront perdues. Hâtons-nous, car siles anneaux que nous tenons encore disparaissent, la chaîne entrel'avenir et le passé sera pour jamais rompue ; il n'y aura plus detradition.

Heureusement qu'il existe çà et là desesprits curieux, éclairés, patients, qui herborisent à leur façon dansdes excursions intelligentes à travers nos villages, au sein de nosfoires et de nos marchés où afflue la population de nos campagnes. Encontact d'affaires et d'intérêts, quelquefois même de plaisirs aveccette population au vieux langage, ils en notent tous les mots, toutesles acceptions, toutes les nuances de prosodie, et amassent, sans autrebut que le botaniste qui fait sa récolte, de précieuses nomenclatures,pour l'unique et solitaire bonheur de les posséder.

Pendantque s'imprimait notre Glossaire du Patois Normand, alors que nousarrivions à la lettre M, nous avons rencontré clans un de nos amis, M.Lepingard père, ancien chef de bureau à la préfecture de la Manche, unde ces intrépides et modestes collectionneurs, qui, frappé des essaisde feu Lamarche (1), était parti de ce premier travail pour se composerun Dictionnaire, sous le titre simple de : Notes sur quelques motsusités à St.-Lo ou dans les environs de cette ville. En voyant nosfeuilles imprimées, il fut surpris de n'y pas trouver une foule devocables qu'il avait consignés dans son recueil.

Surnos instances, il nous montra ses Notes ; sur nos instances, il nousautorisa à y puiser ce qui nous conviendrait, et dès-lors nousattachâmes plus d'importance à enrichir notre Glossaire, et de motsvieillis ou inconnus, et de mots altérés par la prononciation. Nousrésolûmes de faire un Supplément pour la première partie del'alphabet, et nous mîmes dès-lors à contribution, outre le manuscritde M. Lepingard , le Dictionnaire du patois du pays de Bray, par M.l'abbé Decorde , ainsi que le Glossaire que M. Alph. Chassant a rédigépour la Muse Normande de Louis Petit, de Rouen, en patois normand(1658), publié en 1853.

Nous avons regretté de nepouvoir faire un dépouillement de l'Inventaire général de la Musenormande, par David Ferrand (1655), et du poème intitulé : Lecoupd'oeil purin, par Gervais (1773). Il y a là force mots, forcelocutions, force articulations à recueillir pour le patois de laHaute-Normandie ; car nous en croyons M. Chassant : « Le patois de la Muse Normande est en partie celui du pays de Caux ; et, loin d'êtrerestreint, comme le pense M. Duméril, aux quartiers St.-Vivien etMartainviile de Rouen, il est parlé bien au-delà des murs de cetteville. Un grand nombre de mots et de locutions contenus dans lespoésies de Ferrand se retrouvent jusque dans les campagnes de Louviers.» Mais il faut être de la Haute-Normandie, ou y vivre, pour faire avecfruit ce dépouillement. - A d'autres ce travail.

Notretâche, à nous, a été de réviser le Glossaire de Louis Du Bois ; -d'enretrancher les mots qui, se trouvant dans le Dictionnaire del'Académie, ne peuvent être aujourd'hui réclamés par aucun patois ; -d'y ajouter ceux qui sont dans MM. Duméril, et que l'auteur n'avaitpoint admis, malgré l'autorité de ces philologues ; - de puiserlargement dans le Patois du Bessin, par Frédéric Pluquet ; dans les Extraits de feu Lamarche ; dans le Dictionnaire du Patois du pays deBray, par M. l'abbé Decorde ; dans le Glossaire de la Muse Normande,par M. Chassant ; dans les Notes manuscrites de M. Lepingard père ;enfin dans quelques autres sources moins abondantes ; - d'ajouter toutce que notre mémoire a pu nous fournir de mots patois employés autourde nous depuis plus d'un demi-siècle, lesquels appartiennent à desidiomes ou très-anciens, ou perdus, et qui attestent le passage , ou leséjour, ou l'établissement de divers peuples dans nos contrées ; designaler une foule d'altérations de prononciation, qui ne sont point lepatois proprement dit, qu'à la rigueur on en pourrait retrancher, maisqui semblent en faire partie, et qu'admettent en proportion plus oumoins grande la plupart des recueils de la nature de celui que nouspublions.

Il nous a semblé toutefois que, pour cettedernière classe, qui se serait démesurément étendue, si nous avionsvoulu tout prendre, il fallait se borner aux mots les plus usités. Poursuppléer à des nomenclatures qui embrasseraient le plus grand nombre deces altérations, nous avions fait des remarques sur les changements delettres et d'articulations qui se produisent le plus fréquemment enNormandie. Ces remarques se sont tellement multipliées que nous avonscru devoir y renoncer. D'ailleurs ce qui est vrai dans un canton nel'est pas dans le canton voisin, à plus forte raison dans undépartement séparé d'un autre par un ou deux départements.

Adéfaut de ces observations qui s'accroîtraient indéfiniment, si l'ontenait compte de tous les changements que multiplie, comme à plaisir etsans motif, le caprice de nos villageois, nous pourrions dire quelquechose des étymologies qu'on est tenté naturellement de chercher auxmots patois. Mais nous ne connaissons pas de terrain plus glissant, etnous y avons vu les hommes les plus instruits y faire à l'envi les pluslourdes chutes. Louis Du Bois s'y était aventuré ; nous avons respectéson texte. Pour nous, nous avons résisté à tout entraînement, noussouvenant d'avoir lu, dans la préface de M. Decorde, ces phrasesjudicieuses, copiées par lui dans une oeuvre inédite de M. Auguste LePrévost : « La science étymologique est une arme à deux tranchants, quine doit pas être abandonnée à des mains novices. On peut encore lacomparer à ces flambeaux qui jettent de la fumée et de l'obscurité surleur passage quand ils n'éclairent pas. Elle demande non-seulement laconnaissance approfondie et la comparaison continuelle d'un grandnombre de langues, de dialectes, d'idiotismes, une facultéd'observation et de rapprochement exquise ; mais encore beaucoup desobriété, de loyauté, de circonspection, dans l'exercice de cettefaculté ; sans quoi l'on arrive par une pente très-rapide à faire venir alfana d'equus ; on se décrédite soi-même, et l'on décrédite l'unedes recherches les plus piquantes et les plus utiles à la satisfactionde la raison humaine, qui puisse occuper les loisirs d'un érudit. Nousinsistons d'autant plus sur la nécessité d'une grande réserve à cetégard, que, débarrassé de cette grave responsabilité, le travail quenous désirons voir entreprendre dans chaque arrondissement n'offriraplus qu'une tâche facile à chacun de nos collaborateurs ».

Cettetâche facile est si longue, si minutieuse, elle demande dans unelocalité quelconque tant de patience et de sagacité, qu'étendue à touteune province comme la Normandie, elle devient pénible, ardue, immense,et c'est surtout à lui susciter des travailleurs que notre Glossaireest destiné. C'est un essai après d'autres essais, que d'autressuivront sans doute pour la plus grande gloire de ces vieux idiomesd'où est sortie à la longue, et par les efforts du génie de nos pères,cette noble et limpide langue française, la seule à laquelle soitpermis l'espoir de l'universalité. A nos yeux, l'étude des patois pourpremier et pour principal avantage d'éclairer nos origines, et nousdisons, avec Génin : « Ces Glossaires patois avanceraient tout d'uncoup la besogne du Dictionnaire historique ; l'Académie prendrait làses éléments sur le vif. Tant de mots dépareillés, barbouillés,méconnaissables, errant à travers le langage comme des mots sans aveu,le Glossaire patois fournirait sur-le-champ de quoi leur constituerune famille, rétablir leur vraie physionomie, et les remettre dans lemonde sur le pied d'honnêtes et légitimes citoyens du vocabulaire, surle pied de leur naissance, avec restitution de leur antique apanage.Les écrivains du moyen-âge seraient appelés à déposer comme témoins età confirmer la possession d'état par preuves écrites et irrécusables.La langue française se trouverait tout-à-coup restaurée : ce serait unmonument simple et grandiose dont chacun pourrait mesurer l'intérieuret examiner toutes les assises depuis les plus anciennes jusqu'aux plusrécentes, éclairé par le flambeau du  génie même qui a présidéà la fondation » (Préface des Récréations philologiques).

Telleest, en réalité, la principale utilité des patois, le véritable Intérêtqui doit exciter à leur étude. Quant à les considérer comme des languespar excellence, quant à nous associer à l'enthousiasme de leursadmirateurs plus ou moins érudits, comme un Schnakenburg, ou Pierquinde Gembloux, un Charles Nodier, le bon sens nous l'interdit et noustâcherons de n'avoir pas d'autre maître. Nous ne dirons pas du patoisavec ce dernier : « Presqu'inaltérable dans la prononciation, dans laprosodie, dans la mélopée, dans l'orthographe même quand on l'écrit, ilrappelle partout l'étymologie immédiate et souvent on n'y arrive quepar lui. Jamais la pierre-ponce de l'usage et le grattoir barbare dupuriste n'en ont effacé le signe élémentaire d'un radical. Il yconserve le mot de la manière dont le mot s'est fait, parce que lafantaisie d'un faquin de savant ou d'un écervelé de typographe ne s'estjamais évertuée à détruire son identité précieuse dans une variantestupide. Il n'est pas transitoire comme une mode. Il est immortel commeune  tradition. Le patois, c'est la langue native, la languevivante et nue. Le beau langage, c'est le simulacre, le mannequin. »

Voilàde ces paradoxes comme savait les tourner Charles Nodier, et comme ilaimait à les développer aux Parisiens, qui ne s'inquiètent pas assez dufond quand on les charme par la forme. Quinze à dix-huit pages de cestyle sur le patois font un chapitre assez piquant de ses élégantes Notions de linguistique. Mais quel homme réfléchi donnera sonassentiment à de si étranges assertions ? La conséquence naturelle dece bel article et du livre tranchant de M. Pierquin de Gembloux, et detout ce qu'écrivent ceux qui s'éprennent d'un trop vif amour pour lespatois, c'est que les Vaugelas, les Patru et tous les hommes de goûtqui se sont consumés en utiles et féconds efforts, dans la premièremoitié du XVIIe siècle, pour épurer notre langue et donner aux grandshommes un instrument que leurs chefs-d'oeuvre devaient porter à laperfection, ont le tort grave d'avoir dénaturé les patois qu'ils ontcru polir. « Les patois en effet, dit Charles Nodier, ont une grammaireaussi régulière, une terminologie aussi homogène, une syntaxe aussiarrêtée que le pur grec d'Isocrate et le pur latin de Cicéron. »

Etplus loin :

« Pour trouver une langue bien faite, etj'entends par là, comme tout le monde, une langue bien grammaticale etbien syntaxée, qui n'est inconséquente avec elle même, ni dans ladéclinaison ni dans la conjugaison, qui est toujours fidèle àelle-même, à la prononciation dans le mot, à une forme donnée dans lalocution, on ne court donc aucun risque de remonter à un patois. J'iraiplus loin, car je ne recule pas devant les conséquences expérimentales: ce serait le parti le plus sûr. »

Ainsi la langueharmonieuse et pure de Racine et de Boileau est inférieure à celle desrustres du moyen-âge. Pour la réformer, nous ne courons aucun risque enremontant au patois ; là seulement nous trouverons une grammaire bienfixée, sans inconséquence avec elle-même ni dans la déclinaison ni dansla conjugaison ; les siècles de barbarie sont ceux de la politesse dulangage, et les siècles de la politesse des moeurs et de lacivilisation en progrès sont ceux où le langage est tombé dans labarbarie !

Les exagérations de Grégoire à la tribunede la Convention nationale, dans son fameux Rapport sur l'extinctiondes patois et les moyens d'universaliser l'usage du français, noussemblent beaucoup plus raisonnables ; car si c'est une croisade stérileque celle que l'on entreprendrait contre la tenacité de certainespopulations, attachées à leur jargon comme à l'air de leurs vallées oude leurs montagnes, il est désirable que l'intelligence de notre languese propage sur tous les points de notre territoire ; l'unité de cettelangue importe à l'unité politique, religieuse, administrative. Lafusion d'une foule de peuplades voisines dans une grande nation n'estcomplète qu'autant qu'elles entendent le même idiome, et l'Assembléeconstituante qui ordonna, le 14 janvier 1790, de traduire ses décretsen dialectes vulgaires, prit une mesure moins logique que la Conventiondécrétant, le 8 pluviose au II (27 janvier 1794), qu'il serait établides instituteurs primaires pour enseigner la langue française dans lesdépartements où elle était le moins répandue, notamment dans ceux de laBretagne et de l'Alsace.

Ces vues patriotiques ontété secondées par les guerres de la République et de l'Empire, et,quand la paix est venue, les mesures législatives et les intérêtsnouveaux des populations ont continué la propagation du français dansles provinces. Chaque jour les patois perdent du terrain, et noussommes loin de nous en plaindre. Si nous nous montrons curieux de lesrecueillir, ce n'est point pour substituer leur indigence à nosrichesses. Nous imitons les antiquaires qui remplissent leurs musées devieilleries de toute espèce pour l'art, non pour l'usage ; et ceux-làseuls nous blâmeraient, qui proscriraient toute recherche sur lepremier des arts, celui de la parole.

Nous tenions ànous expliquer sur l'objet d'un livre que nous avons grossi des deuxtiers, et sur l'intérêt qu'il peut avoir aux yeux des linguistes,intérêt relatif, que nous croyons apprécier à sa valeur. Maintenantnous allons laisser l'auteur du Glossaire parler du patois et despatois dans une Préface qui est son dernier ouvrage. Il l'écrivit en1854, quelques mois avant sa mort.

Nous feronssuivre cette Préface de la Biographie de Louis Du Bois.

JULIENTRAVERS.

Caen, le 25 juillet 1856.


~*~


Préface de l’auteur,

§ I.

Lesol de la Normandie, son histoire, ses usages, ses préjugés, seslocutions particulières, ses divers patois devinrent de bonne heure lesujet de mes recherches et de mes méditations.

A peine sorti ducollège, dans les divers emplois que j'occupai, dans tous les lieux quej'eus occasion d'habiter, je ne perdis jamais de vue mon objet.Toutefois ce fut principalement en 1795, que je commençai à recueilliret à classer par ordre alphabétique les mots du patois normand.

C'estsurtout quand j'eus à Alençon des fonctions publiques, que je fis uneample moisson de mots patois normands dans l'Orne, le Calvados et laManche. J'y ajoutai un peu plus tard un très-grand nombre de mots desautres départements de la province, pendant mes voyages plus ou moinsrépétés et mes séjours plus ou moins prolongés sur tous les points deleur territoire. Là, je m'attachai avec un soin scrupuleux à constaterla véritable acception de chaque vocable, l'orthographe propre à enfixer la prononciation exacte, et j'établis la ressemblance de cesexpressions avec celles de la langue romane et des principaux patois dela France,

Ce travail que, depuis 1830, mes divers emploisadministratifs m'empêchèrent de publier, fut au moment de voir le jouren 1843. Le libraire Dumoulin, de Paris, annonça qu'il le publieraitaprès mes Recherches sur la Normandie, qu'il venait de mettre sous presse.

Quelques fragments de l'ouvrage avaient déjà paru, en 1807, dans les Mémoires de l'Académie celtique, t. V, et, en 1823, dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de France, t. IV. En 1829, M. Quérard en fit mention dans le tome 11, p. 601 et 602 de La France littéraire.

§ II.

Lapublication de mes patois, suspendue en 1830, le fut de nouveau en1844, par l'effet de la mise su jour et les soins d'impression demon Histoire de Lisieux (2 vol. in-8°., 1845) et de ma Traduction de l'Agriculture de Columelle (3 vol. in-8°., 1846).

Depuisce temps, les événements politiques et beaucoup d'embarras domestiqueset de chagrins ont dû nécessairement absorber les jours que j'auraisconsacrés à mes travaux littéraires. J'ai même renoncé à mon Histoire de Normandie, et c'est pour moi une véritable douleur aujourd'hui que j'ai dépassé 80 ans.

§ III.

Nospatois, dont l'étude peut fournir tant de secours à la linguistique, àla philologie, nos patois, tels qu'ils sont conservés dans la classeignorante, dédaignés par les classes instruites, rebutés par lesdictionnaires de la langue officiellement admise dans le discours soitoral, soit écrit, sont des débris des idiomes jadis parlés par leshabitants de la Gaule et les peuples qui l'ont conquise, ou qui y ontpassé et plus ou moins séjourné. Ces peuples sont les Celtes ouWelches, les Romains, les Cimbres ou Kimris, les Burgondes, les Francs,les Saxons, les hommes du Nord ou Normands, et les Arabes ou Sarrasins.

LesItaliens, qui firent la conquête des Gaules et les tinrent plus dequatre siècles sous leur gouvernement civilisateur, sont de tous cesétrangers ceux dont on a dû naturaliser chez nous la plus grandequantité de vocables et de locutions. Les Phocéens avaient déjà, deMarseille qu'ils fondèrent en 599 avant l'ère vulgaire, importé dans lemidi des Gaules beaucoup de mots grecs faciles à reconnaître.

Lesconquêtes des Francs, des Saxons (2), des Normands, et plus tard nosrelations avec les Orientaux, avec les Italiens, les Espagnols et nosautres voisins, introduisirent quelques expressions qui se mêlèrent àla langue vulgaire, et contribuèrent à altérer de plus en plus le latinqui, après les modifications qu'il subit, devint le roman et plus tardle français.

On pourrait étendre considérablement les recherchesà cet égard ; mais ce travail a été tant de fois et généralement sibien exécuté, qu'il est à peu près inutile de s'y livrer de nouveau, àpeine de compiler sans ajouter ici rien d'important à ce qu'on a déjàdit d'incontestable. Au surplus, c'est l'ouvrage des écrivains quis'occupent de dictionnaires étymologiques de la langue française. C'estune oeuvre spéciale et nécessaire. Ici ce serait une oeuvre de luxe,comme le serait, à propos des annales d'une ville ou d'une province,l'histoire des peuples primitifs de divers pays.

§ IV.

Quelquessavants distingués, tels qu'Étienne Guichard, Court de Gebelin, Bullet,Bergier, sentaient tellement l'importance des patois et la nécessité deconserver nos vieilles expressions, qu'ils avaient témoigné le désir devoir composer un Glossaire Patois pour chacune de nos provinces. Ce désir judicieux a été entendu et a reçu un commencement d'exécution.

Lesidiomes, avant de descendre au rang de simples patois, résistentlong-temps à l'envahissement de la langue des conquérants. En effet,quoique depuis six siècles (l'an 201 avant l'ère vulgaire), les Romainseussent conquis la Numidie, saint Augustin fut obligé de se servird'interprètes pour se faire entendre, dans son évêché d'Hippone, parles paysans qui ne parlaient encore que la langue de leurs pères. EnÉgypte, malgré l'occupation des Grecs, des Romains, des Arabes et desTurcs, les Coptes ont gardé, de nos jours encore, l'usage de leurancien idiome. Grégoire de Tours assure que, même au milieu du VIe.siècle, peu de personnes comprenaient le latin, et que le plus grandnombre parlait la langue rustique. Aussi, dans le VIIe. et le VIIIe.,les conciles prescrivirent-ils de traduire en ce langage les homélieslatines que les peuples ne comprenaient pas ; et c'est pourquoi, versl'an 800, on était forcé d'expliquer dans les églises la vie des Saints.

Ainsis'avançaient vers leur plus complète décadence le latin et lesdialectes gaulois absorbés, dans un amalgame croissant, par la nouvellelangue, appelée le roman, triomphant même du franc-teusch des derniersconquérants. C'est effectivement en roman que, dans l'année 842 futécrit et prononcé le serment de l'empereur-roi Louis-le-Germanique (3).

§ V.

Quoiqu'il en soit, il existait dans les Gaules divers dialectes duceltique, ou diverses langues, dont les ruines, les débris se trouventdans nos patois.

A la fin du IIe. siècle de l'ère vulgaire,saint Irénée, évêque de Lyon, écrit qu'il fut obligé d'apprendre lalangue des Gaulois. On voit, par une ordonnance rendue en 230 parSeptime-Sévère, que l'on parlait une langue différente du grec et dulatin ; il l'appelle langue gallicane (4). Dans le Ve. siècle,l'historien Sulpice-Sévère (5) distingue la langue celtique de lalangue gauloise.

A propos de langues parlées dans les Gaules, M. Amédée Thierry (dans le tome Ier. de son Histoire des Gaulois)regarde le basque ou dialecte néo-latin et le bas-breton ou dialectenéo-celtique comme des langues originales, primitives et non importées.Quant au celtique, MM. Pictet, Eichoff et autres orientalistes ont crureconnaître évidemment l'intime affinité de ce dialecte avec lesanscrit. Au surplus, suivant M. Pierquin de Gembloux, qui dit quec'est une vérité acquise (ce qui n'est pas aussi certain qu'il sel'imagine) « le sanscrit, le gothique, l'allemand, l'irlandais, etc.,sont singulièrement facilités par les dialectes de la Bretagne , tandisque le zend l'est par celui de l'Alsace et de la Lorraine, le grec etle latin par ceux de la Provence et du Languedoc, le celte par lesdialectes de la France centrale et de l'Armorique , les troubadours parle languedocien, les trouvères par le picard. »

§ VI.

Le plus célèbre des Glossaires patois est celui que La Monnoye fit, en 1701, imprimer avec ses Noëls bourguignons (6). Plusieurs érudits en composèrent aussi pour d'anciens ouvrages qu'ils mirent au jour.

En 1629, la Bibliothèque bleue, que donnait à Troyes le fameux Oudot, vendait un petit dictionnaire d'argot, d'après lequel Grandval fit un lexique à la fin de son poème de Cartouche, en 1723,

En 1649, un petit poème en vers normands parut à Rouen. On eut, en 1655, le recueil de Ferrand.

En 1672, Moisant de Brieux fit imprimer à Caen ses Origines de quelques coutumes anciennes et façons de parler triviales.

En 1780, Harduin lut à l'Académie d'Arras des Recherches sur le langage artésien.

En 1786, le Dictionnaire du vieux langage, contenant aussi la langue romance ou provençale et la normande, fut mis au jour en deux volumes.

En1841, les patois et dialectes de la langue d'Oil (bourguignon, normand,picard et walon) fournirent la matière de plusieurs articles dansles Mémoires de l'Académie de Douai.

Quant à l'origine des patois, le savant Jérôme-Jacques Oberlin, qui composa, en 1775, un Essai fort abrégé sur le patois lorrain des environs du comté du Ban de La Roche,reconnut judicieusement que « le patois des provinces de la France,fort différent en lui-même, remonte, quant à son origine, partout auxchangements que la langue latine, introduite autrefois par les Romainset corrompue ensuite en rustique et romane, eut à essuyer depuis le XIeou le r XIIe. siècle environ ». L'altération du langage des Gaules etl'amalgame de la langue latine commença bien plus tôt, presque dès laconquête, sous l'administration de Rome, par la fréquentation et lemélange des vaincus avec les vainqueurs. Oberlin qui avait été précédépar Dom Jean-François en 1773, et par Gabriel en 1777, trouva encore àglaner après eux en 1794 , et remarqua que « les termes les plusobscurs du moyen-âge se retrouvent dans le langage usuel des habitantsde la campagne. »

C'est chez les paysans, encore aujourd'hui,qu'il faut surtout aller chercher, étudier et constater les patois ; etc'est ce que nous avons fait pendant un grand nombre d'années.

Contrairementau désir de la Convention nationale en 1794 (7), on avait depuislong-temps, ainsi que nous l'avons dit plus haut, senti la nécessité deconserver ce qui nous restait de nos anciens patois. Ronsard, auquelBoileau a précisément reproché son hellénomanie, Ronsard suppliait lespoètes de n'être plus tant latiniseurs et grécaniseurs, et de prendrepitié, comme bons enfants, de leur pauvre mère naturelle. Le savantHenri Estienne dit que nous devrions faire notre profit des mots et desfaçons de parler que nous trouvons dans notre pays : opinion très-sageque Malherbe émit aussi peu de temps après.

Les savantslexicographes anglais (8) n'ont pas, comme notre Académie française,dédaigné les patois de leur pays. Fléming et Tibbins les ont admis dansleur excellent dictionnaire de la langue anglaise ; et Burns,Walter-Scott, entre autres écrivains distingués, se sont servi avecsuccès de ces pittoresques vocables.

§ VII.

Enfinl'Académie celtique, qui devint l'Académie des antiquaires de France,s'adressa à notre ministre de l'intérieur ; il s'empressa d'écrire, le13 novembre 1807, une circulaire aux préfets pour leur recommander defaire recueillir et de lui adresser ce qu'il serait possible derassembler de mots patois conservés dans leur département. C'étaitréparer le mal fait par le rapport de Grégoire.

L'appel del'Académie celtique et du ministre fut entendu et fit naître plusieursrecueils de ces termes jusqu'alors dédaignés, tels que le Patois roman du pays de Vaud (9), le Vocabulaire vendéen, etc.

§ VIII.

Pendantle XVIIIe siècle et au commencement du XIXe, les ouvrages sur lespatois se multiplièrent. Nous n'allons citer que les principaux :

1753. Essai d'un Dictionnaire franc-comtois, publié par Mme. Brun. Réimprimé en 1755.
1756. Dictionnaire languedocien, par l'abbé De S. (De Sauvage) ; nouvelle édition, 1785. 2 vol. in-8°.
1777. Dictionnaire-roman, walon, celtique et tudesque, par Gabriel.
1787. Dictionnaire walon, par l'abbé Cambresier.
1807. Dictionnaire lorrain, par Michel.
1809. Nouvelles recherches sur le patois ou idiomes vulgaires de la France, et en particulier sur ceux du département de l'Isère, par J.-J. Champollion-Figeac.
1822. Dictionnaire du patois du Bas-Limousin, par Béronie ; augmenté et publié par Vialle.
1825. Patois de l'arrondissement de Bayeux, par F. Pluquet ; deuxième édition, 1834.
1826. Dissertation sur la langue basque, par Lécluse
1834. Dictionnaire rouchi, par Hécart ; troisième édition.
1840. Tableau synoptique et comparatif des idiomes populaires ou patois de la France, par J.-F. Schnakenburg. Berlin.
1841. Des patois et de l'utilité de leur étude, par M. Pierquin de Gembloux.
1842. Vocabulaire du Berry et des provinces voisines; seconde édition.
1849. Dictionnaire du patois normand, par MM. Duméril.
1851. Glossaire étymologique et comparatif du patois picard ancien et moderne, par M. l'abbé Jules Corblet.
1852. Dictionnaire du patois du pays de Bray, par l'abbé Decorde.

§ IX.

Nousne nous sommes pas borné aux simples vocables patois ; nous avonsrassemblé les différentes façons de parler, certains proverbesparticuliers à notre province, divers jurons, beaucoup d'articulationset de lettres euphoniques ou prétendues telles, que le peuple introduitparfois au gré de son caprice plutôt qu'en vertu de principes fondéssur l'usage ou la raison.

C'est après avoir étudié, dans lesdifférentes localités de la Normandie, le sens de chaque mot employé,que nous nous sommes attaché à en donner une définition précise autantqu'exacte, et à faire connaître sa véritable acception. Quant àl'orthographe, nous avons tâché de concilier la prononciation reçueactuellement avec l'étymologie évidente, en nous écartant le moinspossible de la manière d'écrire les mots français admis dans le Dictionnaire de l'Académie.

Mesnil-Durand, 1854.

Louis DU BOIS.


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Biographie de Louis Du Bois


Ilfaut avoir vécu dans l'intimité de Louis Du Bois, l'avoir, comme nous,visité dans sa retraite de Mesnil-Durand, avoir reçu ses confidences,parcouru ses manuscrits, feuilleté ses livres des genres les plusdivers, chargés de notes savantes, de rectifications innombrables,d'additions précieuses ; il faut avoir assisté, comme nous, à soninventaire, pour se faire une idée nette de la variété de sesconnaissances et de la multiplicité de ses travaux. Peu d'hommesétudièrent avec la même ardeur les diverses branches de l'arbreencyclopédique, et cueillirent plus de fruits sur un plus grand nombrede ses rameaux. Histoire et antiquités ; politique et religion;agriculture, horticulture et économie domestique ; biographie etbibliographie, romans et poésies dans presque tous les genres ;critique, commentaires, philologie, traductions exercèrent tour à toursa plume laborieuse et facile, et ses nombreux ouvrages imprimés nefont pas le tiers des ouvrages qu'il avait faits, commencés ouprojetés. En publiant l'une de ses oeuvres posthumes, nous croyonsdevoir esquisser sa vie que d'autres pourront écrire un jour avec plusde détails.

Du Bois ou Dubois (10) naquit à Lisieux le 16 nov.1773, et reçut les prénoms de Louis-François ; mais sa signature ne futjamais accompagnée que du premier. Fils d'un marchand de frocs quiéprouva des pertes dans son commerce, il avait pour grand-onclematernel M. de Plainville, dont la généalogie remontant au célèbreAlpin, compagnon de Fingal, se trouve dans le treizième volume du Dictionnaire de la Noblesse,par La Chesnaye-Desbois. Cet oncle l'avait pris en amitié ; il lerecevait souvent chez lui, et s'émerveillait de son goût prématuré pourla lecture et les conversations sérieuses.

M. de Plainvillemourut, et M. Du Bois père, s'étant retiré à Coupesarte, mit d'abordson fils en pension chez le curé d'une paroisse voisine, chez cet abbéDufresne, qui, peu d'années après, fut député du clergé auxÉtats-Généraux. L'enfant n'y demeura que quelques mois. Comme il étaitd'une complexion faible, on lui donna un précepteur ; puis il reçut desleçons de latin chez l'abbé Fougère, vicaire de St-Julien-le-Faucon.

Samère, passionnée pour l'horticulture, lui inspira le goût de cettescience, goût qui s'étendit à tous les travaux de la campagne, et quiexplique le succès de plusieurs ouvrages de Louis Du Bois, notamment deson Cours complet d'agriculture, dont la quatrième édition est en 9 volumes ; et de sa Pratique simplifiée du jardinage, qui eut six éditions.

Lesdispositions qu'annonçait le joli petit Louis, comme on l'appelaitalors, ses essais en vers français et en vers latins (11), sesconnaissances prématurées en histoire et en géographie, lui firentfaire des offres, et pour entrer dans le cloître, par le prieur deSte-Barbe-en-Auge, et pour entrer dans la diplomatie, par Rosey dePlainville, frère aîné de Mme Du Bois et ami de Gravier de Vergennes,ministre des affaires étrangères. En attendant, le petit Louis fit avecun succès d'éclat sa rhétorique au collège de Lisieux ; et laRévolution, en lui enlevant ses protecteurs laïques et en expulsant lesreligieux de leurs couvents, le força bientôt à chercher une autrecarrière.

Ses parents désirèrent qu'il étudiât la jurisprudence,et, en 1791, il devint l'élève de l'avocat Plancher qui joignait, àLisieux, le goût des vers à la pratique du barreau. Louis Du Bois, quiconnaissait déjà l'italien et dont les idées nouvelles et lesévénements politiques qui s'accomplissaient, exaltaient la viveimagination, négligea ses études en droit pour traduire le Traité de la tyrannie,par Alfiéri, et se livrer à la lecture des journaux et des brochuresqu'enfantait l'esprit révolutionnaire. Cet esprit réformateur s'emparade toutes ses facultés. Les principes généreux de 1789 n'eurent pointde plus zélé défenseur, et il glissa sur leur pente jusqu'aurépublicanisme des Girondins.

Lisieux avait son club. Unpot-pourri de Louis Du Bois sur Ancastroem qui assassina, le 13 mars1792, le roi de Suède, y fut chanté dans l'une des séances, et l'auteuradmis avant l'âge de 20 ans. Plus tard il en devint l'un dessecrétaires. Au mois d'octobre il était à Paris. Lié d'amitié avecRouget de Lisle, il lui avait fait corriger deux vers de la Marseillaise.Il eut à son tour un moment d'inspiration et composa le couplet desenfants, à l'imitation du chant des Spartiates cité par Plutarque. Cecouplet ne s'est plus séparé, depuis, de l'hymne patriotique de Rougetde Lisle.

Une curiosité bien naturelle à son âge lui fit faireun second voyage à Paris en avril et en mai 1793. Il vit une séance desJacobins de la capitale, avec lesquels le club de Lisieux avait rompu,et il revint indigné et plein de l'aversion la plus motivée pour leparti Montagnard. Il reçut les proscrits du 31 mai qui se retiraient àCaen, alla les rejoindre dans cette ville dévouée à leur cause ; vitCharlotte Corday chez sa tante, Mme de Bretteville, et ne soupçonna pasles projets de cette héroïne, fut persécuté pour sa modération, etéchappa aux vengeances des terroristes par sa jeunesse, son étatmaladif et le dévouement de ses amis.
 
Le 27 janvier 1794,la Convention décréta que l'on ferait un recensement des livres enlevésdes couvents et des châteaux pour en former une bibliothèque danschaque chef-lieu de district. Louis Du Bois, qui avait desconnaissances bibliographiques étendues et bien rares alors, fut l'undes cinq commissaires chargés du travail à Lisieux, et il y consacraplus de deux années. Enfin, il consentit à reprendre ses études deJurisprudence, par déférence pour son père plus que par inclination, etce fut à Alençon qu'il alla les continuer en octobre 1797, sous LeFourdrey, de Cherbourg, ancien avocat au Parlement de Normandie.
 
Peude mois s'étaient écoulés depuis son arrivée à Alençon, lorsque LouisDu Bois concourut pour la chaire de bibliothécaire de l'Ecole centrale,place qu'il obtint par un mémoire sur l'histoire littéraire en général,sur la bibliographie proprement dite, sur la formation d'unebibliothèque et sur son classement raisonné, mémoire qui réunit lessuffrages de Daunou, de Capperonnier, de Clément de Ris, de Garat et deGinguené. Nommé le 3 mars 1799, le jeune bibliothécaire remplit sesfonctions jusqu'à la suppression de l'établissement au mois de mars1805.
  
Sa santé s'était fortifiée par l'usage ducafé, son ardeur s'accrut avec elle. En attendant que la bibliothèquepût être ouverte au public, il professa un cours d'histoire littéraireet de bibliographie raisonnée (de 1799 à 1801) ; il occupa aussi lachaire d'histoire et de géographie, pendant que d'autres fonctionsretenaient loin d'Alençon M. Posté qui en était le titulaire.

Louis Du Bois fondait en même temps une Société littéraire sous le nom de Lycée des sciences, des lettres et des arts, qui devint la Société d'émulation,en 1802. Il composa pour cette Compagnie, dont il rédigea les statuts,et qu'il présida le premier, quoique le plus jeune de tous les membres,une foule d'opuscules en vers et en prose qui pour la plupart ont vu lejour, soit dans le Journal de l'Orne (politique, statistique et littéraire) qu'il créa le 24 janvier 1803), soit dans l'Annuaire de l'Orne qu'il publia de 1807 à 1812.

Dansle temps qu'il préparait l'ouverture de la bibliothèque publiqued'Alençon, où, grâce à ses soins, les livres devaient être reçus par lariche menuiserie que les Chartreux du Val-Dieu (arrondissement deMortagne ) avaient fait sculpter à grands frais avec le plus beau boisde chêne qu'on puisse trouver en France, Louis Du Bois, sauvait, àLaigle, de précieux manuscrits venus de St.-Évroult, notamment unautographe d'Orderic Vital contenant des parties inédites de cethistorien. A Séez, il achetait des parchemins venus de la Trappe, etcommençait l'histoire de ce monastère , qui ne parut qu'en 1824. Ilimprimait en même temps le prospectus d'une publication mensuelle (L'Esprit des journaux), auquel il fallut renoncer, parce que cette ancienne compilation se continuait à Bruxelles.
 
 Al'époque de la destruction des écoles centrales, Louis Du Bois refusaune chaire de latin à l'école secondaire d'Alençon, et peu après lesfonctions de sous-préfet d'Acqui dans le département du Tanaro. Saville d'adoption avait pour lui trop de charmes. Une liaison de coeurl'y retenait, et aux jouissances de l'amour il réunissait toutes cellesde l'amour-propre ; il avait des ennemis, des polémiques (une entreautres avec l'avocat Laigneau- Duronceray, qui publia ses Tablettesen 1804) ; et, reçu franc-maçon, parvenu rapidement au grade derose-croix, il était chargé comme orateur de sa loge, de prononcer tousles discours d'apparat. Il fut aussi le poète de cette loge, et composapour dix solennités dix cantiques imprimés à Alençon et réimprimés àParis dans divers recueils.

Quand le préfet de l'Orne, LaMagdelaine, mit sur pied les amis de Louis Du Bois pour lui faireaccepter les fonctions de son secrétaire intime, il n'éprouva point derefus. Le poste était lucratif, et ses goûts retenaient à Alençon notrejeune et actif écrivain. La Magdelaine était maladif et paresseux ; ilremit le fardeau de sa préfecture à son secrétaire, qui se livra àl'administration avec le zèle qu'il portait dans toutes ses études. Unfort volume in-f°. qu'il composa sur la statistique du département del'Orne pour répondre aux désirs du Gouvernement, valut au préfet qui nel'avait pas lu en entier, des titres et des dotations. Quant àl'auteur, il en tira de bons articles pour ses annuaires de 1808-1812.

Ces annuaires, le Journal de l'Orneet l'administration n'occupèrent encore qu'une partie de son temps. Uneautre était consacrée aux plaisirs de la société, une autre à descompositions sérieuses ou frivoles. Ainsi dans l'année 1810, nous levoyons publier un Traité des melons, 1 vol., et le roman de Geneviève et Siffrid,2 vol. in-12. A l'occasion de ce dernier ouvrage, Mme de Staël luiécrivait : « Je vous remercie de m'avoir envoyé votre spirituel roman.Il est un peu moderne pour le VIIIe siècle , et sert mieux à faireconnaître le temps présent que le passé ; mais c'est la manièrefrançaise de tout transporter dans le point de vue du siècle actuel. Jesuis fâchée que vous demeuriez si loin de moi : nous parlerionsensemble, et de votre ouvrage, et de ceux que vous ferez. » Deux moisaprès, Boufflers lui écrivait, à son tour : « Je trouve, après un assezlong voyage, le joli roman (si on peut appeler joli ce qui faitpleurer) que vous avez bien voulu m'envoyer, avec des vers dont je nesuis assurément pas digne, mais dont je voudrais au moins être capable.Autant je dois me défier de tout ce que vous me dites de flatteur,autant vous devez croire au témoignage que j'aime à rendre à un talentexercé et distingué dont j'ai sous les yeux une double preuve. » A nosyeux, ce roman philosophique et moral est un des ouvrages les mieuxécrits de Louis Du Bois. On y trouve un résumé de ses réflexionspersonnelles, des systèmes les plus chers à son esprit, qui sentait lebesoin de créer quelque chose après les ruines entassées par laRévolution. Aussi quand, l'année suivante, le fameux comte deSaint-Simon, qu'il avait connu précédemment, vint passer un assez longtemps à Alençon (en apparence pour se livrer dans la solitude de laprovince à des études sur l'ordre social, en réalité pour inquiéterl'allemand Redern, son ancien associé, qui avait acheté le château deFlers), le futur fondateur d'une école devenue trop célèbre eut-il desentretiens fréquents et prolongés avec l'auteur de Geneviève.
 
Toutefoisl'esprit plus pratique de celui-ci reconnut le vide et le ridicule desutopies qu'enfantait le comte ; il lui prêta de l'argent qui ne lui ajamais été rendu, et ne tarda pas à suivre en Italie, en qualité desecrétaire intime, le jeune fils du sénateur Roederer, nommé préfet duTrasimène.

Ce départ ne permit pas à Louis Du Bois de donnersuite au projet qu'il avait conçu dès-lors de rappeler sescontemporains à l'amour de notre vieille Normandie. Plus d'une fois ilrevendiqua la priorité de ce retour aux études historiques sur notreillustre province, et l'on ne saurait sans injustice lui en refuserl'honneur. Nous avons, en effet, sous les yeux un prospectus de 1810 ou1811 intitulé : ArchivesNormandes, ou Répertoire complet d'ouvrages et d'extraits, imprimés etinédits, soit en prose, soit en vers, sur les antiquités, l'histoirepolitique, civile et ecclésiastique, la topographie, la statistique,l'agriculture, le commerce, la navigation, l'histoire naturelle etmédicale, l'histoire littéraire, les sciences, les lettres, et les artsde la ci-devant province de Normandie ; par une société de gens delettres; publiées par M. Louis Du Bois, ex-bibliothécaire , etc. L'ouvrage devait se publier par volumes trimestriels tirés in-12 et in-8°. Les deux volumes d'Archives publiés, le premier en 1824, le second en 1826 , en sont une sorte de spécimen.

Quoi qu'il en soit, le départ de l'auteur interrompit ses travaux sur la Normandie ; il y revint avec bonheur de 1820 à 1830.

Lesol romain ne fut point sans inspiration pour Louis Du Bois, quimalheureusement eut peu le temps de s'y livrer à la littérature.L'agonie de l'empire et la marche des alliés le forcèrent de rentrerdans sa patrie ; le préfet du Trasimène, nommé préfet de l'Aube, emmenadans sa nouvelle préfecture son secrétaire intime, à quil'envahissement des troupes étrangères ne permit pas plus qu'à son chefd'arriver à Troyes. La Restauration le rendit à la vie privée. Mariédepuis trois ans, père d'une charmante petite fille, il vintphilosopher et planter à Mesnil-Durand, et se préparer cette humbleretraite où nous l'avons vu dans les dernières années de sa vie.

Le20 mars 1815 le surprit au milieu des champs. Roederer, rappelé à lapréfecture de l'Aube, rappela son secrétaire intime, qui, après laseconde chute de l'empire, se retira deux ans, d'abord à Troyes,ensuite à Châtillon-sur-Seine. C'est dans cette dernière ville qu'ilédita les Noëls Bourguignons de La Monnoye,à très-peu d'exemplaires, uniquement pour établir le texte d'une 14e.édition de ces poésies dont il s'occupait, et dont l'introduction, lesnotes et le glossaire furent malheureusement perdus chez l'imprimeurJules Didot. Charles Nodier parle ainsi de ce travail qu'il avait euentre les mains : « M, Louis Du Bois en a préparé une édition exécutéeavec le soin extraordinaire que cet excellent philologue porte dans sesmoindres études. » (Mélanges tirés d'une petite bibliothèque.)

Aumilieu de l'année 1817, Louis Du Bois revint à Lisieux, et désira yfonder un établissement de librairie. Il voulut même y joindre uneimprimerie pour le service de la cause libérale dont il était l'un desplus intrépides défenseurs. Il tenait surtout à publier une édition deVoltaire, son auteur favori, plus complète qu'aucune des précédentes etenrichie de notes et de commentaires. Il a donné plus tard leprospectus d'un Supplément aux diverses éditions des ouvres complètes de Voltaire, qui devait être en 4 ou 5 volumes, tirés in-4°., in8°. et in-12.

Onse demande où notre lexovien-alençonnais avait pu trouver tantd'oeuvres inédites du philosophe de Ferney, de même qu'on s'est demandécomment il pouvait avoir tant de manuscrits et de livres venus descouvents. Nous, qui n'avons pas craint de l'interroger, en 1854, sur laprovenance de tant de richesses qu'il avait vendues (il n'était pasriche !) et qui furent l'occasion des bruits les plus fâcheux sur saprobité, nous l'avons entendu donner les explications les plus claireset les plus convaincantes, et répondre à chacune de nos questions demanière à ne nous laisser aucun doute sur la légitimité de lapossession.

La génération contemporaine ne sait pas assez cequ'elle doit aux rares amateurs qui ont arraché aux acquéreurs ou auxpillards de 1793 à 1800 des milliers de manuscrits qui, sans eux,seraient perdus. D'immenses dépôts ont été pendant des années àl'abandon. Des ignorants y puisaient pour leurs besoins les plusvulgaires. Le plus beau vélin, conservateur d'oeuvres, rares etprécieuses, était vendu au poids pour habiller des grammaires et despsautiers destinés aux écoles. Louis Du Bois, au fort de la Révolution,était un jeune littérateur en qui l'amour de la science ne fut jamaisétouffé par les opinions politiques. Il attacha du prix à ce que tousdédaignaient, administrateurs comme administrés; il sauva de ladestruction une foule d'ouvrages, imprimés ou manuscrits, qu'il trouvapresque pour rien chez les libraires de nos villes de l'Orne, de l'Eureet du Calvados.

Mais les oeuvres inédites de Voltaire, commentavait-il pu se les procurer ? Nous le tenons de sa bouche : il fit,jeune, la connaissance d'un vieil acteur du Théâtre-Français, qui avaitjoué les pièces de Voltaire du vivant de l'auteur, dont il étaitidolâtre. Cet homme de goût avait recueilli une foule de piècesinédites, de lettres, de variantes du génie qu'il révérait et pourlequel Louis Du Bois partageait son enthousiasme. Le vieil acteurvendit à son jeune ami ce qu'il avait recueilli du grand homme, et descorrections et additions ont été faites, au moyen de ces manuscrits,aux éditions de Voltaire que prépara en partie Louis Du Bois, savoircelle de Mme Perronneau en 56 vol. in-12 et celle de Delangle en 96vol. in-8°.

Une fois établi dans sa ville natale, qu'il nedevait pas tarder à quitter pour sa petite maison de campagne deMesnil-Durand, l'ancien secrétaire de deux préfets de l'empire devintle champion de l'opposition libérale. Ami de Dupont (de l'Eure) et deBignon, il imagina la souscription de cent mille francs, au moyen delaquelle le premier put rester sur la liste des éligibles ; il fut lepromoteur de la fête donnée à ces deux députés lorsqu'ils vinrent àLisieux, eu septembre 1820, époque où Bignon s'y maria.

Une polémique avec l'avocat Lemoinne, qui avait attaqué, dans l'Observateur Neustrien,journal de Caen, une pétition rédigée par Louis Du Bois et signée par400 à 500 électeurs lexoviens ; deux brochures qui ne réussirent pas àsauver Monique Sacquet de l'échafaud, mais qui firent réformer par uneloi un article trop sévère du Code criminel ; quelques articles debiographie, de littérature et de politique dans des journaux de Paris,n'empêchèrent pas notre ardent libéral de revenir à ses études deprédilection sur la Normandie. De 1820 à 1830, il donne une édition d'Olivier Basselin, enrichie d'un choix d'anciennes chansons normandes inédites, l'Histoire civile, religieuse et littéraire de l'abbaye de la Trappe ; les Archives de la Normandie ; un Résumé philosophique de l'histoire de cette province ; l'Itinéraire descriptif, historique et monumental, etc.; la traduction d'Orderic Vital en 4 vol., pour la collection des Mémoires sur l'histoire de France, publiée par M. Guizot.

L'illustrehistorien qui, lui aussi, abrite une partie de sa verte vieillesse dansune campagne de l'arrondissement de Lisieux, parlait ainsi de l'oeuvrede son collaborateur, dans une notice préliminaire: « L'histoired'Orderic n'avait jamais ôte traduite. La version que nous publions estl'ouvrage de M. Louis Du Bois, de Lisieux, savant aussi laborieux quemodeste, qui s'est voué à l'étude de tout ce qui peut intéresser laNormandie, sa patrie, et déjà connu par d'utiles travaux sur lesantiquités et la statistique de cette belle province. L'une desprincipales difficultés que présente la lecture d'Orderic Vital résidedans le grand nombre de petits faits, d'allusions et de nomsgéographiques qui appartiennent à la Normandie : il importait donc quela traduction fût faite sur les lieux mêmes, au milieu des souvenirs,et par un homme capable d'expliquer, dans des notes courtes, maismultipliées, les obscurités pour ainsi dire locales du texte. M. DuBois a bien voulu se charger de ce minutieux travail, etc. »

Maispeut-être de semblables éloges paraissent-ils un peu suspects de lapart d'un éditeur. Voici en quels termes un juge non moins compétent,le judicieux Daunou, s'exprime dans le Journal des savantsdu mois de mars 1828 : « Dans la série des 29 volumes des Mémoiresrelatifs à l'histoire de France, publiés par M. Guizot de 1823 à 1828,les 4 volumes d'Orderic nous paraissent les plus importants, soit parl'étendue de l'ouvrage, soit surtout par les recherches et l'exactitudeque le traducteur, M. Louis Du Bois, s'est prescrites : on peut mêmedire, à beaucoup d'égards, que c'est une publication nouvelle.

«Pour presque tous les lecteurs, cette excellente traduction peut tenirlieu du texte : elle en représente avec une fidélité scrupuleuse toutesles idées, tous les détails, quoique en les revêtant d'une diction pluspure et beaucoup plus élégante. Elle suppose toutes les correctionsfaites et à faire à l'édition latine de 1619 ; les variantes qui ontquelque intérêt sont indiquées dans les notes ; les lignes et lesparoles latines dont il peut importer d'avoir quelque connaissanceimmédiate sont à la fois transcrites et traduites, particulièrementlorsque le sens n'en est pas très-certain, ou bien encore lorsqu'il seprésente des jeux de mots qui ne passent que trop imparfaitement dansnotre langue. Ces remarques sont très-concises, ainsi que celles quiconcernent l'histoire, la chronologie et plus souvent la géographie. Letraducteur, qui a visité la plupart des lieux dont l'auteur parle,éclaircit par des dénominations actuelles celles qui ne sont plus enusage ; et, quand il ne trouve aucun moyen d'opérer ce rapprochement,il ne manque pas d'en faire l'aveu. Nous devons ajouter que lesmanuscrits de St.-Évroult et de Rouen l'ont mis en état de remplir deslacunes, quelquefois assez longues, qui existaient dans l'édition de1619 et qui restaient même dans les 200 pages d'extraits, imprimés parles éditeurs du grand recueil des historiens de France. Ainsinon-seulement l'ouvrage d'Orderic Vital est pour la première foistraduit en français, mais on peut dire encore qu'il n'avait jamais étéaussi exactement et complètement publié.

« ... C'est donc unvéritable service que M. Louis Du Bois vient de rendre aux étudeshistoriques, en publiant une traduction de cet ouvrage, plus complèteet plus exacte que les éditions du texte. »

L'auteur préparait encore l'Histoire de Lisieux, celle de Charlotte de Corday, son Glossaire du patois normand,interrompu si fréquemment par ses travaux, ses plaisirs et ses voyages.Il mettait sous presse la première édition de son Cours complet et simplifié d'agriculture (1825), d'abord en 6 volumes ; il collaborait à la Biographie des frères Michaud, à l'Encyclopédiede Courtin, à des recueils de tout genre qui réclamaient des plumesfaciles et érudites. Au commencement de 1830, il avait traité avec unlibraire pour 20 volumes de pièces imprimées ou manuscrites sur larévolution de 1789. Celle de juillet vint mettre obstacle àl'entreprise. Les amis de Louis Du Bois prirent la plus grande part aumouvement ; chacun eut sa récompense : plusieurs furent ministres,ambassadeurs, préfets ; on l'oubliait. Je ne sais qui s'en souvint, etle fit appeler, malgré ses répugnances, à la sous-préfecture de Bernay.

Tantque Dupont (de l'Eure) fut aux affaires, la conduite politique de LouisDu Bois se trouva naturellement conforme aux principes qu'il avaitprofessés sous la Restauration. Il n'en dévia point après la retraitede son stoïque ami ; mais il dut se résigner à n'avoir aucunavancement. Son indépendance déplut même assez pour qu'on l'envoyât àVitré, au mois de février 1833.

Là, pendant sept ans environqu'il fut sous-préfet, il déploya un vrai talent d'administrateur. Aumilieu de partis ardents, il se montra tolérant, conciliant, juste,prudent et ferme. Il eut à soutenir des luttes de plus d'une espèce,surtout des luttes de presse, et sa plume exercée fit toujourstriompher l'administrateur des attaques d'une opposition plus quelibre. Le Vitréen,feuille hebdomadaire qu'il fonda et rédigea du 1er. septembre 1837 au 3novembre 1839 renferme dans ses 114 n°. une foule d'articles destatistique, d'histoire et de littérature sur Vitré et sonarrondissement. Nous signalons ces articles enfouis dans une feuilleinconnue, comme nous croyons devoir en signaler beaucoup d'autres quisont perdus dans le Journal de l'Orne de 1803 à 1812. Assurément les meilleurs sont dignes d'en être exhumés, et tous méritent qu'on les consulte (12).

Le7 juillet 1835, Louis Du Bois perdit l'une de ses filles, mariée à M.Abraham, conservateur des hypothèques. Cette mort prématurée lui renditodieux, ainsi qu'à son épouse, le séjour de Vitré. La décoration de laLégion-d'Honneur, qu'il reçut le 2 avril 1837, sans l'avoir sollicitée,n'adoucit point sa douleur. Il demanda une sous-préfecture normande,et, à la fin de 1839, on lui donna celle de Châteaulin. La haine d'undéputé ministériel lui valut cette disgrâce qu'il ne voulut pointaccepter.

Il eut en échange, au commencement de 1840, une placede secrétaire aux Archives du royaume, retraite honorable et d'accordavec ses goûts studieux ; mais il fut atteint d'une infirmité incurable(une paralysie de la vessie) ; mais sa femme ne pouvait vivre de l'airde Paris ; mais sa seconde fille était mariée à M. Nouvel, de Florensac; mais il avait plus de 70 ans : il quitta la capitale, avec uneretraite de 500 francs, le 27 mars 1844, et arriva le 28 àMesnil-Durand.

Là, entre autres ouvrages, il compila ses Recherches archéologiques, historiques, biographiques et littéraires sur la Normandie ; il acheva l'Histoire de Lisieux, commencée depuis longtemps; il traduisit Columelle pour la 2e. série de la collection des classiques latins, éditée par Panckoucke ; il ajouta à son Glossaire du Patois normand; il revit plusieurs de ses ouvrages imprimés ou manuscrits, et tint laplume jusqu'aux derniers mois de sa longue carrière. Peut-être eût-ilvécu quelques années encore ; mais l'infirmité qu'il avait apportéedans sa retraite lui devint fatale. La sonde dont il se servait sebrisa, et tout espoir de le sauver fut perdu. Il vit son état, et s'yrésigna sans murmure ; il expira, vers huit heures du matin, le 9juillet 1855.

Nous n'avons pu, dans les pages qui précédent,énumérer toutes les oeuvres de Louis Du Bois. Dans la liste qu'il nousen remit lui-même en 1854, il en oublia quelques-unes. Nous ne nousflattons pas d'avoir tout recueilli ; mais enfin nous aurons fortavancé la bibliographie de ses productions. Nous possédons les moindresopuscules que nous mentionnons ici ; collection rare, peut-être unique: on laisse si facilement perdre les bluettes de circonstance !

Ancastroem, poème lyrique. Lisieux, 1792, in-8°.
L'existence de l’Etre Suprême, en vers. 1794, in-8°.
Discours publics et programmes à l'École centrale de l’Orne. Alençon, 1799 et années suivantes, in-8°.    .
Voyage à Mortain, opuscule en prose et en vers. Alençon, 1800, in-12.
La Concorde, ode. Alençon, 1800, in-8°.
La délivrance de l’Italie, ode imitée de l'italien de Monti. 1804, in-8°.
La Paix, ode. 1801, in-8°.
Couplets chantés au banquet des membres du lycée d'Alençon, réunis pour célébrer la paix générale, 20 germinal an X (29 mars 1802 ). Alençon, 1802, in-8°.
Notice historique et littéraire sur Du Frische de Valazé, député à la Convention nationale. Paris, 1802 ; 2°. éd., 1811, in-8°.
Du pommier, du poirier, du cormier et des cidres, etc. Paris, 1804, in-12, 2 vol., fg.
Cantique maçonnique, improvisé pour le banquet du 18 frimaire, an XIII, et chanté dans la Loge de la Fidélité, à l'Orient d'Alençon. Alençon, in-8°.
Les Frères, vaudeville maçonnique, chanté au banquet de la St.-Jean d'été, dans la Loge de la Fidélité, à l’Orient d'Alençon, le 2 messidor an XIII. Alençon, in-8°.
Contes en vers. Paris, 1805, in-8°.
Les triomphes de nos frères d'armes, cantique maçonnique, chanté le 8 nivôse an XIV (29 décembre 1805). Alençon, 1805, in-8°.
Dissertation sur les échecs. 1803, in-8°. Réimprimé, avec des additions, dans le Magasin encyclopédique de Millin ; 1806.
Mabile d'Alençon, romance. 1805, in-32. Réimprimée dans le Journal de l'Orne et dans les Archives normandes.
Réponsede Lucius Dubitator à Laigneau-Duronceray, auteur des Tabletteslittéraires, à l'occasion d'un article inséré dans le Journal de Paris,du 21 frimaire an XIII. 1805, in-8°.
Hommages à Duronceray (poésies critiques). Caen, 1805, in-8°.
Les Visiteurs, vaudeville maçonnique. Alençon, 1807, in-8°.
Cupidon corrigé ou l'Amour devenu franc-maçon ; - pot-pourri. 1806 , in-8°.
Les Loges, vaudeville maçonnique. Alençon, 1808.
Des melons, de leurs variétés et de leur culture. In-12 , Paris, 1810.
Célébration solennelle de la fête de la Fenderie. Chantier de la forêt d'Écouves , 26 juin 1808. Alençon, 1808 , in-8°.
La Fidélité, hommage maçonnique de la loge de la Fidélité (Orient d'Alençon). Alençon, 1808, in-8°.
Notice biographique et littéraire sur Odolant-Desnos. Alençon, 1810 , in-8°.
Les Mystères, vaudeville maçonnique. Alençon, 1810, in-8°.
Geneviève et Siffrid, roman. Paris, 1810, in-12 , 2 vol.
Notice sur M. le baron de Maupetit. Alençon, 1811, in-8°.
Le barde neustrien, hommage poétique à Napoléon visitant la Normandie. 1811, in-8°.
L'avenue des Châtelets, élégie. Alençon, 1812, in-8°.
Dissertation sur les bains de Bagnoles (Orne). 1813, in-8°.
Dissertation sur le camp du Châtelier, près de Sées, considéré comme n'étant pas un monument romain. 1818, in-8°.
Des moyens de diminuer la consommation des subsistances par l'emploi économique des substances alimentaires. Châtillon-sur-Seine,1817, in-12.
Réponse M. Lemoinne, avocat à Lisieux. Caen, 1820, in-8°.
Dissertation sur les chansons, le vaudeville et Olivier Basselin, auteur des Vaux-de-Vire. Caen, 1820, in-8°.
Notice sur M. Losier, ancien curé de Moyaux (Calvados), décédé le 15 avril 1820. Paris, in-8°.
Arrivée et séjour à Lisieux de MM. Dupont (de l'Eure) et Bignon, membres de la Chambre des députés, depuis le 17 septembre 1820 jusqu'au 24 du même mois. Paris, 1820, in-8°.
Notice sur Monique Sacquet, veuve de P.-L. Othon, condamnée à mort pour empoisonnement, à Caen, le 2 décembre 1820. Paris, 24 décembre 1820, in-8°.
Recours en grâce pour Monique Sacquet, veuve de P.-L. Othon, condamnée à mort, à Caen, le 2 décembre 1820, et dont le pourvoi en cassation a été rejeté le 28 du même mois. Paris, 29 déc. 1820, in-8°.
Mémoiresur la nécessité de donner à la route de Rouen et Bernay à Falaise ladirection par la ville de Vimoutiers de préférence aux bourgs voisins. Alençon, 1820, in-8°.
Mémoire sur la nécessité de l'établissement d'un tribunal de commerce à Vimoutiers, département de l’Orne. Alençon, 1820, in-8°.
Addition au mémoire publié, le 12 mai 1820, sur la nécessité de l'établissement d'un tribunal de commerce dans la ville de Vimoutiers. Paris, 1821, in-8°.
Adhésiondes marchands et négociants des villes de Lisieux et Bernay auxmémoires de la ville de Vimoutiers pour l'obtention d'un tribunal decommerce. Lisieux, 1821, in-8°.
Pratique simplifiée du jardinage.Paris, 1821, in-12 ; 2e. éd. 1822; 3e. éd. 1824 ; 4e. éd. 1825 ; 5e.éd. 1828 ; 6e. éd. 1846, in-18, révisée et augmentée considérablement,fig.
Étrennes d'économie rurale et domestique. Paris, 1822, in-16.
Étrennes libérales. Paris, 1822, in-18, avec le portrait de Dupont (de l'Eure).
Histoire civile, religieuse et littéraire de l'abbaye de la Trappe. Paris, 1826, in-8°., fig. et portrait de Rancé.
Archives de la Normandie, historiques, littéraires et statistiques. Caen, in-8°., 2 vol. : 1re année, 1824 ; 2e. année, 1826.
Résumé philosophique de l'histoire de Normandie. Paris, 1825 , in-18.
Cours complet et simplifié d'agriculture et d'économie rurale et domestique. Paris , 1825 , in-12, 6 vol., fig. ; 4e. éd., 1830-32, in-12 , 8 vol., fig. - Supplément ou tome IX, 1843.
Histoire de Normandie par Orderic Vital, traduite en français avec des notes et des corrections inédites (dans la collection des Mémoires sur l'histoire de France de M. Guizot). Tirée 4 part. Paris et Caen, 1826 et 1827, in-8°., 4 vol.
Itinérairedescriptif, historique et monumental des cinq départements quicomposent la Normandie ; précédé du Précis historique et de laGéographie tant ancienne que moderne de cette province; et suivi 1°. DuDictionnaire de toutes les communes normandes ; 2°. de la Biographiealphabétique de tous les auteurs et artistes normands. Caen, 1828 , in-8°., 2 vol. , cartes et fig.
L'amateur des fruits, ou l'art de les choisir, de les conserver et de les employer. Paris, 1829, in-12.
Aux mânes de Mme. Caroline Focet, née Le Bertre ; improvisation élégiaque. Bernay, 1831, in-8°.
La roche aux Fées, galerie druidique. Vitré, 4837, in-8°.
Madamede Sévigné et sa correspondance relative à Vitré et aux Rochers.Recherches nouvelles sur les lieux, les faits et les personnages dontelle a parlé ; suivies de sept lettres qui ne se trouvent pas dans lesrecueils de ses oeuvres. Paris, 1838, in-8°.
Charlotte de Corday ; essai historique offrant enfin des détails authentiques sur la personne et l'attentat de cette héroïne. Paris, 1838, in-8°.
Essai sur la ville de Vitré et ses seigneurs jusqu'à l'époque de la révolution de 1789. Vitré, 1839, in-8°. - Supplément, 1845.
Notice sur la ville de La Guerche. Vitré, 1839, in-8°.
L'enfance et la mort de ma fille, élégies. Rambouillet, 1842, in-18.
Recherches historiques et physiologiques sur la guillotine, et détails sur Samson. Paris, 1848, in-8°. fig.
Réponseaux articles de M. Buchon intitulés : Détails inconnus sur l'affaire duduc d'Enghien, extraits d'une conversation du roi Joseph-Napoléon,lesquels ont été insérés dans les feuilletons du journal La Presse des 9 et 10 septembre et 1er octobre 1843. Paris, 1863, in-8°.
Recherches archéologiques, historiques, biographiques et littéraires sur la Normandie. Paris, 1843, in-8°.
De Mlle Le Normand et de ses deux biographies récemment publiée. Paris, 1843, in-18. Histoire de Lisieux et de son territoire. Lisieux, 1845 et 46, in-8°. 2 vol., fig.
Économie rurale de Columelle, traduite du latin (dans la collection de Panckoucke, 2e. série). Paris, 1846, in-8°., 3 vol.
De la conduite de l'évêque Jean Le Hennuyer, évêque de Lisieux, en 1572. Lisieux, 1846, in-8°., 7e. éd.
Notice sur la Marseillaise de Rouget de Lisle. Lisieux, 1848, in-8°.
Ballades normandes. 1853, in-12.
Notice sur le chevalier de Clieu et bibliographie du café. Caen, 1855, in-8°.
Guidedu voyageur sur le chemin de fer de Paris à Caen, par Mantes, Évreux,Bernay et Lisieux ; avec une notice sur chaque station. Lisieux, 1855, in-8°.

Outreces ouvrages, Louis Du Bois a donné au public, dans les recueilspériodiques et dans diverses collections, une foule d'opuscules soit enprose, soit en vers ; il a fourni, comme collaborateur, beaucoupd'articles à diverses grandes publications, telles que :

Le Cours complet d'agriculture, en 1809.
La Biographie universelle de Michaud, et son Supplément.
Le Dictionnaire des anonymes et des pseudonymes de Barbier. 2e. éd.
L'Encyclopédie moderne de Courtin.
Le Dictionnaire de la conversation.

Membrecorrespondant de beaucoup d'Académies et de Sociétés savantes de laFrance et de l'Etranger, il a revu, avec soin, et publié, avec desobservations et des notes :

Les Fables de La Fontaine, nouvelle édition plus complète que les précédentes. Paris, 1801, 2 vol. in-12, fig. de Godard.
Les Noëls bourguignons de La Monnoye,seule édition complète et correcte, tirée à très-peu d'exemplaires,pour servir de spécimen d'une 14e. édition de ces poésies, dont ils'occupait. 1817, Chatillon-sur-Seine, in-12.
Les Vaux-de-Vired'Olivier Basselin, suivis d'Anciennes chansons normandes soitinédites, soit très-rares, avec des dissertations et des notes. Caen,1821, in-8°.
Le duc d'Alençon ou les Frères ennemis, tragédie inédite de Voltaire, avec un discours préliminaire. Paris, 1821, in-8°.
L'École du jardin potager, par De Combles, mise en ordre, et enrichie d'une notice et d'annotations. Paris, 1822, 6e. éd., in-12, 3 vol.
Culture du pêcher, par De Combles ; avec notice et annotations. Paris, 1822, in-12.
Lettres sur l’ltalie, par Du Paty ; avec notice, notes, corrections et appendice. Paris, 1821; in-18, 2 vol., 32 cartes et fig.
L'art de la guerre,poème de Frédéric-le-Grand ; avec préface, arguments, notes etvariantes ; suivi de poèmes sur le même sujet. Paris, 1830, in-24, 1vol.
Projet, rédigé parRobespierre, du rapport fait à la Convention nationale par Saint-Jean,contre Fabre d'Églantine, Danton, etc. ; manuscrit inédit, publié surles autographes : avec des notes, des rapprochements et un fac-simile ;suivi d'une lettre de Mlle de Robespierre. Paris, 1841, in-8°.

LouisDu Bois avait recueilli beaucoup de pièces inédites des meilleursauteurs français. Aussi en a-t-il fourni à Verdière pour ses OEuvres de Thomas ; à Brissot-Thivars pour Mirabeau ; à Guillaume pour son Chénier ; à Renouard, à Mme. Perronneau et surtout à Delangle pour leurs éditions de Voltaire ; à Jules Taschereau pour sa Revue rétrospective ; au Mercure de France, etc.

D'aprèsune note qu'il nous avait communiquée, il avait en portefeuilleplusieurs ouvrages, soit terminés, soit fort avancés dans leurcomposition, soit enfin à l'état de simple ébauche, savoir :

Origines et histoire des religions chrétiennes.- Encyclopédie des amateurs du café. - Traité du châtaignier, de son bois et de sel fruits. - Traité du sarrasin et de sa culture. - Considérations sur la révolution de 1789, ses causes et ses effets. - Voyage en Italie (en vers et en prose), dont il a paru des fragments dans le Mercure et dans le Moniteur. - Lydié, poème en six chants (en vers de dix syllabes). - Plusieurs petits Poèmes historiques. - Quatre livres d'Élégies. - Les quatre âges de la femme, poème en quatre chants. - Le bonheur, poème. - Inés et Pédre, tragédie en trois actes. - Traduction en vers de petits poèmes attribués à Virgile et à Sévérus. - Manuel du bibliothécaire et de l'amateur de livres. - Un grand nombre de Fugitives.

Noussera-t-il permis, à présent, de porter un jugement général sur tantd'oeuvres qu'il nous est impossible d'apprécier en particulier, sansdépasser les bornes que nous nous sommes imposées ? Louis Du Bois atrop écrit et sur trop de matières pour n'être pas sur quelques-unesléger et superficiel. Ses préjugés ont aussi parfois offusqué sonintelligence, et ses ouvrages historiques sont parfois gâtés parl'expression de ses principes, qui se ressentent du milieurévolutionnaire dans lequel il a passé ses premières années. Lesreligions qu'il avait étudiées avec les préventions de Voltaire, sonmaître, son poète et son philosophe de prédilection, en avaient fait undéiste consciencieux et tolérant dans ses relations privées, mais tropdésireux de faire partager ses convictions et prêt à combattre cellesd'autrui, la plume à la main. Son style se ressent aussi de la rapiditéde ses compositions. En vers, il manque souvent de verve et de coloris,et sa prose n'a pas toujours la correction et l'élégance des écrivainssupérieurs. Toujours est-il qu'il se fait lire avec intérêt et profit,car il a souvent du trait ; il est instruit, clair et méthodique, et ilporte la lumière sur tous les sujets qui l'occupent. Nous ne croyonspas trop dire en avançant qu'il a fait honneur, non-seulemnt à Lisieux,sa ville natale, mais à la Normandie, sur laquelle il a tant écrit, età la France qui a demandé aux libraires jusqu'à six éditions deplusieurs de ses traités.

JULIEN TRAVERS.

Langrune, août 1856.


Notes :
(1)Jérôme-Frédéric Perrette-Lamarche, capitaine de vaisseau, ancien majorde la marine à Cherbourg, né à la Meauffe le 20 juillet 1779, mort àSt.-Lo le 26 décembre 1847, s'était occupé, dans les dernières annéesde sa vie, d'un Dictionnaire du vieux langage ou patois des habitantsdes campagnes des arrondissements de Cherbourg, Valognes et St.-Lo.Deux Extraits, chacun de 185 à 190 articles, en ont paru : l'un dansles Mémoires de la Société académique de Cherbourg (1843) ; l'autredans les Notices, mémoires et documents publiés par la Sociétéd'agriculture, d'archéologie et d'histoire naturelle du département dela Manche, 1re. Partie du Ier Vol. (1851). Il est probable qu'il yaurait beaucoup à glaner dans le grand Dictionnaire manuscrit de feuLamarche. Ce manuscrit appartient à son neveu, M. Lemennicier, hommed'un mérite égal à sa modestie, très-capable de l'enrichir et del'éditer, et dont nous attendons ce service dans l'intérêt du PatoisNormand.
(2) Les Danois vinrent plusieurs fois en Normandie au secours de nosducs Richard Ier, et Richard II, pendant les Xe et XIe siècles.
(3) Charles-le-Chauve prononça le sien en langue thioise ou ancien allemand (tudesque).
(4) Lingua gallicana. Digest, 1. XXXII, t. 1.
(5) Dialogue I.
(6) Noei Borguignon de Gui Barosai.
(7) 16 prairial, an 11 (4 juin 1794).
(8)La langue romane, importée par la conquête de notre duc Guillaume en1066, fut bannie des tribunaux anglais, où elle s'était maintenuependant près de trois siècles, par un arrêt du Parlement de 1361.
(9) Emmanuel Déveley fit imprimer, en 1826, la seconde édition de ses Observations sur le langage du pays de Vaud.
(10)Il ne fit long-temps qu'un seul mot de son nom ; mais comme ill'écrivit en deux mots pendant la seconde moitié de sa vie,conformément aux anciens titres de sa famille, nous suivronsl'orthographe qu'il avait adoptée.
(11) Dès 1786, il avait composé une Louisiadeen vers français, dont Louis XIV était le héros, et en vers latinsplusieurs livres d'un poème sur la croisade de saint Louis. Il avaitaussi compilé, à cet âge de 13 ans, une Géographie de la Normandie, qu'il détruisît, avec ses premiers vers, en 1790.
(12) Le Journal de l'Orne, rédigé par Louis Du Bois, se compose de 6 vol. in-8°. publiés, le premier, en 1803, les cinq autres de 1800 à 1812.

TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACES
(del'éditeur, de l'auteur, biographie de Louis Du Bois)

A- B - C - D - E - F - G - H - I - J - K - L - M - N - O - P - Q - R - S- T - U - V - W - X - Y - Z

SUPPLÉMENT.